Angel 

Le sang se glace dans mes veines. Un mot, une syllabe déchirante qui déchire le silence. Non.

Mes yeux sont rivés sur elle. L'arme. Sa tempe. Le tremblement de sa main. Une image terrible, une fin que je n'avais jamais envisagée, pas celle-là.

Toute la rage, toute la frustration, toute l'obsession qui m'animait il y a encore quelques secondes s'évaporent, remplacées par une panique froide et viscérale. La peur…

- Isha, non... baisse ça, ma voix est rauque, étranglée par l'horreur. Je fais un pas hésitant vers elle, les mains levées, paumes ouvertes, comme pour apaiser une bête sauvage. Ne fais pas ça.

Mes paroles sonnent creuses, dérisoires face à la détermination que je lis dans ses yeux embués de larmes. Cette fois, ce n'est pas de la rage contre moi que je vois. C'est du désespoir pur. Une lassitude infinie.

- Tu ne veux pas ça, petite ombre, je continue, ma voix se brise. Chaque mot est un effort, une prière silencieuse. Pense à... pense à... Mon esprit est vide, terrifié à l'idée de ce qu'elle s'apprête à faire.

Qu'est-ce qui pourrait la retenir ? La vengeance ? Elle semble au-delà de ça maintenant.

Je me souviens de son sourire, il y a si longtemps. De la façon dont ses yeux brillaient de défi. De la force qu'elle cachait derrière sa fragilité apparente. Où est passée cette Isha ?

- Lâche cette arme, je supplie, ma voix maintenant un murmure désespéré. 

Je m'approche lentement, mètre après mètre, ignorant le danger. Seule compte la menace qu'elle représente pour elle-même.

Mes yeux fixent les siens, essayant de percer le voile de douleur qui les obscurcit. 

- Isha... regarde-moi, s'il te plaît. Je suis là.

Je suis là. L'homme qui a traqué son père. L'homme qui a tué Elias. L'homme qu'elle devrait haïr plus que tout. 

Suis-je la raison de son désespoir ? Suis-je celui qui l'a poussée au bord de l'abîme ?

La culpabilité me frappe comme un coup de poing. Si elle appuie sur cette détente... ce sera ma faute. 

Je suis à quelques pas d'elle maintenant. Je peux sentir son souffle saccadé. Je vois le tremblement de ses lèvres.

- Lâche-la, Isha,  je répète, ma voix presque inaudible. S'il te plaît.

Un silence tendu s'installe, brisé seulement par ses sanglots étouffés. Ses doigts se crispent davantage sur la crosse. Mon cœur s'emballe. Chaque seconde est une éternité.

Je tends une main, lentement, prudemment, vers elle. 

Un geste de paix, une supplique silencieuse.

- Laisse-moi t'aider, Isha, je murmure, ma voix est à peine audible.

Mes doigts effleurent sa main qui tient l'arme. Elle sursaute, ses yeux s'écarquillent, une lueur de panique pure y brille. Elle recule légèrement, éloignant l'arme de ma portée.

- Ne m'approche pas, siffle-t-elle, sa voix tremblante mais ferme. Tu vas me faire du mal.

La douleur de ses paroles me transperce. C'est donc ça. C'est ce que je suis devenu à ses yeux. Une menace. Quelqu'un dont il faut se protéger.

- Je ne veux pas te faire de mal, Isha, dis-je, ma voix sincère. Je n'ai jamais voulu ça.

Mensonge. Une partie de moi, la partie obsédée, la partie sombre, veut la contrôler, la posséder. Mais la voir ainsi, au bord du précipice... fait basculer quelque chose en moi, une chose que je ne comprends pas.

- Tu as tué Elias, rétorque-t-elle, ses larmes coulant à flots. Tu as détruit ma vie.

- Je sais, je murmure, la culpabilité me rongeait. Et je suis désolé. Plus désolé que tu ne pourras jamais l'imaginer.

Ses yeux restent fixés sur moi, remplis de méfiance. Comment puis-je lui prouver la vérité de mes paroles ? Comment puis-je effacer le mal que j'ai fait ?

Un nouveau bruit parvient de l'extérieur, plus fort cette fois. Un choc sourd contre la porte d'entrée. Nous sursautons tous les deux.

- Ils sont là, je murmure, la menace extérieure me ramène à la réalité brutalement. J'aurais dû savoir que mon frère ne me faisait plus confiance. 

Les yeux d'Isha s'écarquillent de peur. Elle jette un coup d'œil rapide vers la porte, puis revient à moi, l'arme toujours pointée sur sa tempe.

- Ne bouge pas, me dit-elle, sa voix tremblante mais déterminée.

Je hoche lentement la tête. Elle a toujours le contrôle, même dans son désespoir.

La porte cède avec un fracas de bois brisé, révélant deux silhouettes sombres, armées.

- Angel ! Qu'est-ce que tu fabriques ? rugit l'un d'eux, reconnaissant ma présence.

- Ne bouge pas, Angel ! hurle l'autre homme, pointant son arme dans ma direction.

Le temps semble figer. Isha, l'arme toujours contre sa tempe, me regarde avec une confusion mêlée de désespoir. Nos rôles sont inversés. Elle, la proie, est celle qui a le pouvoir ultime.