Au début, Ashlay s'était dit qu'il trouverait forcément un moyen de s'éclipser avant la fin de cet évènement "barbant" à ses yeux. Cependant, il est resté assis sur son siège jusqu'à la dernière note de musique.
À la fin de son passage, Gwenval se leva, fit une révérence au public qui l'applaudissait, puis partit vers les coulisses. Son visage n'exprimait rien en particulier, il souriait à peine pour paraître aimable.
Le maître de cérémonie remonta alors sur scène. Il fit appeler tous les musiciens qui vinrent s'aligner derrière lui :
— Merci encore, mesdames et messieurs, d'être venus à notre concert de charité et merci à tous les musiciens qui se sont produits ce soir ainsi qu'à l'équipe technique. commença-t-il. Un buffet a été préparé dans une salle à côté. Vous pourrez y retrouver nos musiciens et discuter avec eux. Nous y annoncerons également le montant de la collecte de ce soir. Veuillez suivre nos employés pour vous rendre au buffet. informa-t-il en désignant la sortie.
À la fin de son monologue, le maître de cérémonie fit une révérence au public. Les musiciens en firent de même. Le public, debout, les applaudissait de plus belle.
Peu après, les artistes retournèrent en coulisses avec le maître de cérémonie tandis que les spectateurs se dirigeaient vers la sortie pour se rendre la salle du buffet.
Ashlay, lui, avait gardé les yeux rivés sur Gwenval et n'avait presque pas entendu le discours de clôture.
Il sortit de sa rêverie lorsque le secrétaire Shin lui tapota l'épaule :
— Quoi ? sursauta Ashlay.
— Je vous ai appelé plusieurs fois. Tout le monde s'est dirigé vers le buffet, nous devrions en faire de même.
— Oui. acquiesça-t-il en se levant et en arrangeant son costume.
À la sortie de l'auditorium, Ashlay réfléchissait à un moyen de rentrer en contact avec Gwenval.
Si j'attends qu'il vienne à la salle de réception, il ne me sera peut-être pas possible de lui parler. Il semble très populaire. Rien ne dit non plus qu'il viendra. Il rentrera peut-être directement chez lui se reposer... Il ne reste donc qu'une solution...
— Secrétaire Shin, allez dans la salle de réception avant moi. Je vais... Aux toilettes. Je vous rejoins après. mentit Ashlay.
— Entendu. acquiesça le secrétaire Shin.
Sans rien ajouter, Ashlay se sépara de son secrétaire et se dirigea vers les toilettes. À mi-chemin, il s'arrêta et se retourna pour s'assurer que son secrétaire était bel et bien entré dans la salle du buffet. Une fois cela fait, il attrapa un bouquet de fleurs parmi d'autres qui était posé sur une table à côté de lui et se rendit vers les loges.
— J'espère que personne n'a eu la même idée...
De son côté, Gwenval venait de finir de parler avec quelques musiciens et se rendait calmement vers sa loge. Il se sentait un peu fatigué, mais il avait encore la force de rester un peu pour assister à la réception pendant une heure ou deux.
Arrivé devant la porte de sa loge, il eut un sentiment étrange et repensa subitement à la présence qu'il avait perçue avant de monter sur scène.
Il jeta instinctivement un regard autour de lui, puis tourna prudemment la poignée de la porte. Il vit quelque chose à l'intérieur qui le fit entrer rapidement dans la pièce et verrouiller la porte derrière lui.
— Il ne manquait plus que ça. exprima-t-il, embêté par la situation.
Alors qu'il était en train de sortir son téléphone de sa poche, Gwenval entendit des bruits de pas se rapprocher dans le couloir. Il déverrouilla la porte et regarda discrètement à l'extérieur. Il vit une employée qui discutait avec quelqu'un. Il ne distinguait pas vraiment son visage, mais il comprit qu'il s'agissait d'un homme plutôt jeune, qui tenait un bouquet de fleurs à la main. Il affirmait être un ami du musicien. Gwenval, referma la porte sans la verrouiller, puis éteignit les lumières.
De son côté, Ashlay avait réussi avec brio à se faufiler dans les couloirs menant aux loges. Bien évidemment, plusieurs membres du personnel lui avaient demandé ce qu'il faisait là, mais grâce à son charisme et son sourire le plus charmeur, il avait obtenu l'information qu'il voulait : l'emplacement de la loge de Gwenval et la confirmation que personne n'était avec lui.
Allez Ash ! Ton objectif : l'inviter à dîner !
Quelques minutes plus tard, il arriva à destination. Il arrangea un peu sa coiffure et sa veste avant de toquer à la porte. Une seconde.... Deux secondes... Trois, quatre... Dix secondes. Aucunes réponses. On lui avait pourtant affirmé que le musicien était bien là. Ashlay toqua à nouveau et appela le pianiste. Mais il n'y eut toujours pas de réponse. Ashlay eut alors un mauvais pressentiment. Et s'il lui était arrivé quelque chose ? Ashlay entra donc dans la loge et chercha à allumer la lumière. Une fois la lumière allumée, le jeune homme se retrouva face à une scène d'horreur.
Sur les miroirs en face de lui, on pouvait lire plusieurs fois la phrase : « Va mourir » écrite avec de la peinture rouge. Des fleurs écrasées et des couteaux étaient étalés sur le sol. Le mobilier était abîmé. La pièce était assez grande pour accueillir trois artistes en même temps. Cependant, Gwenval était le seul à l'occuper ce soir-là. Il ne faisait donc aucun doute que ces mots lui étaient destinés. Les coussins des chaises et d'un petit canapé avaient été éventrés. La table devant les miroirs était jonchée de photos mutilées du musicien tandis que de la peinture dégoulinait dessus.
—
Ashlay avait tout de suite remarqué que ce n'était pas un simple "prank". Il regarda immédiatement autour de lui pour trouver le musicien, mais il fut subitement plaqué contre l'armoire à sa gauche. Le bouquet dans sa main s'envola à l'autre bout de la pièce.
— Qui es-tu ? Seul le personnel et les artistes ont le droit de venir ici. demanda froidement le musicien. De plus, si nous étions amis, je pense que je serais au courant.
— Je n'imaginais pas notre première rencontre comme ça. plaisanta Ashlay.
Ashlay ne savait pas quoi dire. Il ne comprenait pas pourquoi il avait droit à un tel accueil.
— Je t'ai posé une question. répéta Gwenval en serrant un peu sa prise.
Malgré la situation, le regard du musicien n'exprimait aucune once de peur.
— Aïe ! Okay okay ! Pas besoin de réagir comme ça. répondit Ashlay, à moitié sérieux. Dans ma veste, il y a ma carte de visite. Si vous me lâchez, je pourrai vous la montrer. Et si vous le désirez, je peux aussi vous montrer ma carte d'identité.
Gwenval se dit alors qu'il avait peut-être fait une erreur. Il lâcha alors Ashlay et recula de quelques pas, l'air un peu embêté et gêné.
Ashlay se retourna donc prudemment, les deux mains en l'air, pour faire face au musicien, et resta figé sur place quelques secondes. Vu qu'il était assez loin de la scène, il n'avait pas pu bien voir le musicien. Maintenant que celui-ci était devant lui, son cerveau arrêta complètement de fonctionner. Il l'observa en détail. Outre sa carrure svelte et élégante, et ses lunettes qui lui donnaient un air cultivé, ses yeux étaient d'un magnifique vert émeraude et ses traits faciaux étaient fins. Il portait également une boucle en améthyste à l'oreille gauche. Le cœur d'Ashlay manqua un battement. Gwenval était totalement son type.
Il est plus fort qu'il n'en a l'air aussi. pensa avec excitation Ashlay.
Gwenval, avait, lui aussi, analysé Ashlay. Tout le monde, pouvait tout de suite voir que c'était un fils de famille riche. Peut-être même le genre à dépenser sans compter, à faire la fête dans des bars et des boîtes de nuit huppées, à boire de l'alcool hors de prix.
Ashlay remarqua que les fleurs du bouquet qu'il avait apporté étaient les mêmes que celles qui gisaient par terre. Il réalisa alors qu'il y avait sûrement un malentendu. Il sortit sa carte de visite de la poche droite de sa veste et la tendit ensuite à Gwenval.
— Ne vous faites pas de fausses idées. commença nerveusement Ashlay. C'est un bouquet que j'ai trouvé dans le hall. Je ne suis pas responsable de ce carnage, si c'est ce que vous pensez.
— Comment puis-je croire quelqu'un qui affirme me connaître alors que ce n'est pas le cas.demanda-t-il en récupérant la carte de visite.
— Je... il éclaircit sa gorge. Je m'appelle Nienrao Ashlay. J'ai beaucoup aimé votre représentation et je suis venu vous féliciter.
Le pianiste regarda suspicieusement la personne en face de lui avant de porter son attention sur la carte.
Nienrao Ashlay, directeur exécutif à Orchid Prestige Hôtellerie. Gwenval releva ensuite les yeux vers Ashlay. Je me suis trompé ? Si c'est exact alors, il n'a aucune raison de faire ça.
— On m'avait pourtant assuré que, mis à part les membres de la direction, le personnel et des personnes spécialement désignés par les artistes, les invités n'avaient pas droit de venir dans les loges.
— Je sais me montrer convaincant. assura fièrement Ashlay.
— ... La sécurité a plutôt besoin d'une mise à niveau. rétorqua Gwenval en détournant son regard d'Ashlay et reprenant son téléphone pour prendre photos de la scène.
— Même si j'ai menti pour arriver ici. J'espère vraiment pouvoir faire plus ample connaissance avec vous. Mais en attendant, je pense qu'il faudrait mieux appeler la police. annonça-t-il en regardant de nouveau l'état de la pièce.
— Non !
Gwenval bloqua immédiatement la main d'Ashlay qui était déjà en train de composer le numéro de la police sur son téléphone.
Vu de plus près, le musicien était encore plus attirant. Ashlay se faisait violence pour rester concentré. Il avait toutefois remarqué la réaction étrange de Gwenval. C'était un artiste en vogue et il était donc évident que cet incident allait faire la une de tous les journaux, mais de là à refuser d'appeler la police par peur des projecteurs. Sérieusement ?!
— Je m'excuse pour mon comportement. il s'éloigna à nouveau d'Ashlay. J'ai été trop brusque... J'ai aussi une faveur à vous demander : Pourriez-vous oublier ce qui vient de se passer et ne pas contacter les autorités ? Je peux même vous payer pour les blessures psychologiques occasionnées si vous le souhaitez. Ne vous en faites pas pour la loge, je m'en occuperai.
Gwenval était bizarrement calme. Additionné à son comportement d'il y a quelques instants. C'était comme si...
— Ce n'est pas la première fois que ça arrive, n'est-ce pas ? interrogea soudainement Ashlay.
Le musicien s'arrêta quelques secondes puis continua à prendre des photos.
— Ce ne sont pas vos affaires. Je peux m'en charger seul. répondit-il nonchalamment.
— Il se trouve que je me sens concerné d'un coup.
Gwenval se retourna vers Ashlay, confus par ce que celui-ci venait de dire.
— Voyez-vous, je n'aime pas l'injustice et encore moins être accusé pour quelque chose que je n'ai pas fait. Laissez-moi vous aider. demanda-t-il avec un sourire. Dites-vous que je le fais aussi pour moi. Je ne pourrais pas dormir sereinement pendant le restant de la semaine sachant que vous êtes dans cette situation.
— Eh bien, vous n'avez qu'à endurer ce sentiment jusqu'à la semaine prochaine alors. rétorqua sarcastiquement Gwenval.
Ashlay ne savait pas comment répondre à ça. Il sentait que le musicien était déterminé à ne pas demander ni accepter d'aide. Il y avait comme un mur invisible autour de lui. Tandis qu'il allait faire une nouvelle tentative, son portable se mit à sonner. C'était le secrétaire Shin. Il l'avait complètement oublié. Il était censé être allé aux toilettes.
— Allô ? Monsieur ? Où êtes-vous passé ? Ne me dites pas que vous êtes parti ? le secrétaire Shin priait intérieurement que ce ne soit pas le cas.
— Non, ne vous inquiétez pas. Je ne suis pas parti. En fait... Je suis avec le pianiste Altaha Gwenval en ce moment. Nous étions en train de discuter. Je viendrai avec lui dans pas longtemps. Nous devons d'abord passer dans la salle de vidéosurveillance.
— Quoi ?! le secrétaire Shin sentit qu'il s'était exclamé un peu trop fort en voyant que certaines personnes s'étaient retournés vers lui. Il baissa un peu le ton et poursuivit. Que s'est-il passé pour que vous vous soyez ensemble ? Et pourquoi la salle de vidéosurveillance ?! Vous allez bien ? Vous avez besoin que je vous rejoigne ?
— Ah ah ah ! Calme-toi. Ce n'est pas la peine de nous rejoindre. Ça ne prendra pas beaucoup de temps.
Peu après, Ashlay raccrocha et fit face à l'expression sombre de Gwenval qui ne comprenait pas du tout pourquoi ce jeune homme tenait autant à se mêler de ce qui ne le regardait pas.
Je viens de le plaquer violemment sur une armoire, la loge est une scène de crime et il n'est toujours pas parti en courant ? Sur quel genre d'individu, je suis tombé ?
— Vous ne comptez pas lâcher l'affaire....
— Une semaine. annonça Ashlay d'un air déterminé.
— Quoi ?
— Je vous promets de trouver qui a fait ça en une semaine. Si je n'y parviens pas, je disparaîtrai de votre champ de vision. Si je réussis, vous acceptez de dîner avec moi. Tant qu'on ne fait pas appel à la police, vous n'avez pas d'autres objections, n'est-ce-pas ?
— Pardon ?!
Gwenval était sans voix. Il ne put pas s'empêcher de laisser s'échapper un léger rire nerveux en entendant la proposition absurde d'Ashlay. D'un autre côté, il savait intérieurement qu'un peu d'aide ne serait pas de refus. Alors qu'il regardait de nouveau l'état de la loge, il réfléchissait à quoi répondre.
Je ne peux pas lui faire confiance et il ne sait rien, mais en même temps, il ne semble pas enclin à me laisser tranquille. il soupira intérieurement en regardant la personne devant lui.
— C'est d'accord. accepta Gwenval. Une semaine et pas un jour jour de plus.
— Géniale !
Ashlay, sous l'effet de la joie, s'était oublié et s'était rapproché rapidement de Gwenval pour lui tenir, chaleureusement, les mains. Le jeune homme d'affaires, au regard pétillant, voyait là une opportunité de se rapprocher du musicien malgré la situation.
Gwenval fut très surpris par ce geste et ne sut pas comment réagir. Il ne fit que regarder l'homme en face de lui dans les yeux.
Après quelques instants, Ashlay reprit ses esprits et se rendit compte de ce qu'il était en train de faire. Il lâcha vite les mains de Gwenval et fit quelques pas en arrière tout en s'excusant.
Ça le rend si heureux de m'aider ? Tout ça pour un dîner avec moi ? Gwenval trouvait ce comportement, à la fois drôle et légèrement déconcertant.
Une fois sur la même longueur d'ondes, Gwenval finit de prendre des photos de la pièce puis, les deux hommes rangèrent un peu avant de se diriger vers la salle de vidéosurveillance du bâtiment.
— Alors, depuis combien de temps ? questionna Ashlay.
— Ça fait presque un mois.