Des pneus qui crissaient sur le bitume à toute vitesse et une foule surexcitée. En périphérie de la super métropole de Séoul, un circuit automobile très populaire auprès des jeunes générations attirait de plus en plus de curieux et de coureurs chaque année. Aujourd’hui, avait lieu la finale d’un tournoi national amateur organisé par le propriétaire des lieux. Beaucoup de personnes avaient suivi, avec grande attention, l’évènement cette année. Notamment le favori, un jeune , à bord d’une Ferrari rouge.

C’était le dernier tour, de la dernière course du tournoi. Tout allait très vite. Le coup de feu final avait retenti après que la première voiture eut franchi la ligne d’arrivée. Les cris de joie et d’admiration retentissaient de plus belle quand on vit que c’était le favori qui avait gagné.

La voiture de ce dernier s’arrêta au stand de ravitaillement qui lui avait été attribué et il en descendit sous les acclamations de l’équipe technique. Le jeune pilote retira son casque, dévoilant le visage souriant d’un homme au début de sa vingtaine, au teint hâlé et aux cheveux brun court. Il leva les yeux vers l’horloge à sa gauche et exprima sa surprise en prononçant ce qui semblait être une insulte en thaïlandais. Il s’excusa vivement auprès des personnes autour de lui avant de s’enfuir en courant vers les vestiaires.

Un autre pilote, celui arrivé second, vit le jeune favori s’éclipser :

—  Ashlay ! s’exclama-t-il soudainement.

 Malheureusement pour lui, le dénommé Ashlay était déjà loin et il ne pouvait pas le rejoindre à cause de la foule autour de lui. Il s’était, lui aussi, retrouvé entouré par des supporters et d’autres collègues qui voulaient le féliciter.

Une demi-heure plus tard, un très chic costume rouge sombre avait remplacé la tenue de pilote de courses d’Ashlay qui se dirigeait hâtivement vers sa voiture. Une fois installé, il regarda l’heure sur son téléphone et se rassura intérieurement avant de démarrer et de prendre la route vers le centre-ville. Sur le chemin, son téléphone sonna. Il jeta un rapide coup d'œil à l'écran pour voir qui l'appelait, puis ajusta une oreillette à son oreille droite avant de répondre:

— Alors, comme ça, on s’en va tel Cendrillon aux douze coups de minuit ? la voix au bout du fil était celle du pilote qui avait interpellé Ashlay plus tôt.

— Hao Ming, je vois que tu es de bonne humeur. releva Ashlay.

— Tu arriveras à l’heure ?

— Je pense pouvoir arriver à temps sans avoir à griller de feux rouges… Enfin, peut-être un ou deux. Ça dépendra du trafic. répondit-il un peu agacé.

— Ha ha ha ! le jeune homme trouvait la situation amusante. Okay, okay. Ta mère ne t’épargnera pas si elle apprend que tu t’es présenté en retard, après tout. Et aussi, ne t’inquiète pas pour le podium et le trophée, j’expliquerai la situation au président du circuit. expliqua Hao Ming.

Ashlay avait des frissons rien qu’à l'idée de devoir s’expliquer auprès de sa mère s’il avait le malheur d’arriver en retard au concert de charité organisé ce soir à l'Arts Center de Séoul.

Ce concert avait pour but de récolter des fonds pour un organisme venant en aide à des familles défavorisées dans le monde. Des musiciens de musique classiques et de jazz coréens, mais aussi étrangers, plus ou moins connus, avaient été invités à se produire à tour de rôle durant une représentation musicale de trois heures au total.

À l’origine, c’était sa mère qui devait s’y rendre, mais à cause d’autres obligations, c’est à Ashlay qu'incombait la tâche de représenter leur entreprise : le groupe Orchid Prestige. Ce conglomérat originaire de Thaïlande avait su s’imposer sur le marché de l’hôtellerie et de l’immobilier en Asie. En tant qu’héritier, Ashlay devait parfois se rendre à ce genre d’événements avec sa mère ou seul, comme aujourd’hui. Que ça lui plaise ou non.
Pour rien au monde, il n’allait rater la finale du tournoi automobile qu’il venait de gagner et le fait de devoir remplacer sa mère était arrivé au dernier moment. Il lui avait donc promis d’assister sans faute au concert, à l’heure, après la fin de la course. Sa mère n’appréciait pas vraiment le hobby de son fils et l’avait menacé de devoir arrêter s’il ne tenait pas parole.

— Et dire que j’aurais été en train de faire la fête avec vous en ce moment, au lieu d’aller à ce concert de charité ennuyeux.soupira Ashlay.

— Tu n’as qu’à venir chez moi plus tard, une fois que c’est terminé. Mon père est revenu de France avec quelques bonnes bouteilles de vin.

— Je vais y réfléchir. Je vais peut-être rentrer directement. Je te rappelle plus tard.

— D’accord… À plus tard, probablement. Et n’oublie pas de sourire. ajouta Hao Ming avant de raccrocher.

À dix-huit heures, Ashlay se gara et entra dans l’Arts Center. Dans le hall, un jeune homme en costume noir, aux cheveux courts, noirs, coiffés en arrière et portant des lunettes avec une monture club master attendait anxieusement sur le côté. Il semblait chercher quelqu’un. Lorsqu'il aperçut Ashlay, son expression faciale se détendit et il se dirigea vers lui:

— Monsieur Nienrao ! Enfin, vous voici ! s'écria-t-il, presque en pleurs. Le concert commence dans moins de trente minutes et vous ne répondiez pas à mes appels, j’avais peur que…

— Pas la peine d’être aussi dramatique, secrétaire Shin. coupa Ashlay. Et combien de fois t'ai-je dit que tu pouvais m'appeler “Ash”, Ha Ri ?

Shin Ha Ri, âgé de vingt-quatre ans, était le secrétaire d’Ashlay depuis deux ans et demi. En d'autres termes, depuis qu’Ashlay avait officiellement intégré Orchid Prestige. Il était très appliqué et organisé dans son travail. Il était parfois même trop sérieux. Il s’entendait également bien avec Ashlay, car ils avaient le même âge et étaient allés dans la même université.

— Vu la situation, je préfère rester professionnel, Monsieur Nienrao. affirma-t-il en réajustant ses lunettes.

— Comme vous voudrez, secrétaire Shin. Où dois-je me rendre ?

— Par ici.

Pendant que le secrétaire Shin guidait le jeune homme vers la salle de concert, celui-ci pouvait sentir divers regards poser sur lui : des jeunes femmes qui le trouvaient attirant, des hommes d’affaires plus âgés désirant faire affaire avec Orchid Prestige, des jaloux, ou encore des gens curieux par le fait que c’était un étranger.

Ashlay était habitué à tout ça. Il les ignora et resta concentré sur sa tâche. Cependant, des commérages attirèrent son attention alors qu’il était en train de confier une enveloppe à une hôtesse à l’entrée de la salle. Celle-ci contenait un chèque que sa mère lui avait remis pour l’occasion. Un groupe de personnes semblait excité à l’idée d’entendre un certain musicien. Ce dernier serait un prodige du piano qui se serait déjà produit à l’étranger, notamment en Europe et aux États-Unis. Ces personnes paraissaient être venues ce soir rien que pour l'écouter jouer, ce qui intrigua Ashlay.

Venir ici juste pour UN musicien ? À quel point est-il doué ?... Je n’ai pas entendu son nom. pensa Ashlay.

— Monsieur ?

— Oui ! répondit Ashlay, revenu à la réalité.

— Venez, on va nous conduire à nos places.

— J’arrive.

Le concert était en cours depuis deux heures et demie. Il approchait de sa fin. La musique n’était pas trop du goût d’Ashlay. Il faisait cependant en sorte d’apprécier un minimum malgré tout, rêvant du moment où il pourrait enfin rentrer chez lui, prendre une douche et se glisser sous la couverture de son lit. La musique qu’il entendait actuellement ne lui donnait qu'une envie : s'endormir. De son côté, le secrétaire Shin était dans son élément. On pouvait distinguer de l’émerveillement sur son visage à chaque fois qu’un musicien entrait en scène.

Dans une des loges de l'Arts Center, un jeune homme répétait, dans son esprit, les yeux fermés, une musique au piano. Avec ses doigts, il mimait les mouvements en accord avec une mélodie, humant légèrement un air.

Après quelques minutes, une personne toqua à la porte de la loge, mettant un terme à sa répétition mentale.

— Excusez-moi, Monsieur Altaha, c’est à votre tour dans dix minutes. informa un membre du personnel.

— Merci. répondit-il en inclinant doucement et gracieusement la tête vers l’employé.

Le pianiste se regarda dans le miroir en face de lui quelques instants puis inspira et expira plusieurs fois pour de se détendre et évacuer le stress. Il prit les lunettes posées en face de lui, les mit, puis sortit de sa loge pour se diriger vers la scène.

Sur le chemin, il sentit une présence désagréable derrière lui et se retourna subitement pour voir s’il y avait quelqu’un, mais rien. Avait-il rêvé ? Il voulut confirmer ses doutes en retournant sur ses pas, mais un autre membre du personnel l’interpella pour lui dire qu’il allait monter sur scène. Il mit alors ce doute de côté et continua son trajet.

Alors qu’il venait de partir, un inconnu, portant une casquette et un masque noir ainsi que l’uniforme du personnel de l’endroit, sortit de l’ombre et entra dans sa loge avec un large sac.

Des applaudissements retentirent suite à la prestation qui venait de se terminer. Un maître de cérémonie monta alors sur scène pour annoncer le prochain musicien :

— Mesdames et messieurs, nous arrivons à la fin de ce concert de charité. Afin de pouvoir clôturer cet événement, permettez-moi d’accueillir un jeune prodige, qui est également l'un de nos invités d’honneur ce soir. Il s'est fait un nom autant au piano qu’en tant que compositeur et s’est déjà produit sur différentes scènes du monde : Monsieur Altaha Gwenval !

Une vague d’applaudissements retentit dans la salle et certaines personnes commençaient à gaiement chuchoter entre elles.

C’est enfin le moment de voir ce “fameux prodige”. Je me demande à quel point il est doué pour provoquer autant de réaction. pensa sceptiquement Ashlay.

Même le secrétaire Shin avait le sourire aux lèvres et gardait les yeux rivés sur la scène, le regard empli d’étoiles.

— Toi aussi, tu le connais ? demanda Ashlay, amusé.

— Bien sûr ! répondit le secrétaire Shin plein d’entrain avant de se racler la gorge et de reprendre un air professionnel. Sa musique est magnifique. Il sait se diversifier et mélanger des styles. De plus, il est très beau. Il a gagné en popularité ces trois dernières années. Vous n’avez jamais entendu parler de lui ? Sérieusement ? demanda-t-il, surpris.

— Pas du tout. Depuis que j’ai commencé à travailler pour le groupe. Je n’ai pas eu le temps de découvrir de nouvelles productions musicales. De plus, la musique classique, ce n’est pas vraiment ma tasse de thé. assura Ashlay.

Beau et doué… Hum… Est-ce que c’est à cause de sa beauté que tout le monde l’écoute ?

Ashlay n’avait pas le temps de finir sa pensée que le fameux Altaha Gwenval s’avançait sur la scène. Et pour le coup, le secrétaire Shin ne lui avait pas menti.

— Qu’est-ce que….

Il semblait être métis. Une peau foncée, des cheveux noirs courts et ondulés, une taille fine et des lunettes à monture rectangulaire. Il était simplement vêtu d'une chemise blanche et d'un pantalon large noir. On pouvait remarquer une boucle d'oreille unique à son oreille gauche, de couleur violette.

De là où il se trouvait, Ashlay ne pouvait pas être certain de l’apparence du bijou. Néanmoins, une chose était avérée : il avait instantanément compris pourquoi tout le monde était exalté à l’idée de le voir. Le cœur d’Ashlay n’avait jamais battu aussi vite, en voyant quelqu’un. Il n’arrivait pas à détacher son regard du musicien. Quel sort lui avait-on lancé ?

Il ne peut pas être aussi doué qu’on le dit… Il…

Ashlay ne savait pas ce qu’il avait et voulait se persuader que le musicien n’avait que son look pour lui plaire, mais il n’avait jamais eu autant tort.
Gwenval avait fait une révérence à l’audience puis était allé s’asseoir en face du piano. La salle fut alors plongée dans le silence le plus total et la représentation débuta. Dès les premières notes de musique, tout le monde fut comme envoûté.

Ashlay se redressa sur son siège, son cœur battant toujours plus vite.

—.dit-il à voix basse en thaïlandais, sa main droite proche de son cœur.

: jeune et brillant pilote

Bonsoir, j’espère que vous avez aimé ce premier chapitre. Dites-moi ce que vous en pensez en commentaire ^^