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Prologue
Chapitre 1 - Et ainsi l'histoire commença
Chapitre 2 - La messe rouge
Chapitre 3 - Les stigmates d'une terre à sang
Chapitre 4 - Le discours qui souleva les cœurs meurtris
Chapitre 5 - L'enfant qui fit trembler la volonté
Chapitre 6 - La bénédiction donnée aux marins
Chapitre 7 - La mer de sang
Chapitre 8 - La Damnée
Chapitre 9 - Les Sanglants
Chapitre 10 - Les larmes versées par les défunts
Chapitre 11 - Cette douceur qui fut jadis celle de son père
Chapitre 12 - Les désirs qui l'importèrent sur la raison
Chapitre 13 - Les monarques
Chapitre 14 - La volonté d'un puresang
Chapitre 15 - Les larmes de celui qui souffrait
Chapitre 16 - La lame qui dansait sous le sang
Chapitre 17 - D'Od naquit la discorde ; du désespoir naquit Anela
Chapitre 18 - De l'amour naquit le regret
Chapitre 19 - Il y aura mille vies qui précéderont sa renaissance
Chapitre 20 - Le festin macabre offert par un fils
Chapitre 21 - L'enfant sauvage dont l'âme fut sauvé par la paix
Chapitre 22 - Le démêlé des Ducs, du Vicaire et du Monarque
Chapitre 23 - Le Duc de Beausang qui offrit son pardon
Chapitre 24 - Le chant qui fut porté à l'oreille du siffleur rouge
Chapitre 25 - L'aperçu d'un demain meilleur qu'aujourdhui
Chapitre 26 - La plume de la hardiesse et le Duchesse de Blansang
Chapitre 27 - La lettre de l'enfant
Chapitre 28 - Le cœur qui avait besoin de son semblable
Chapitre 29 - L'union d'un peuple : les Sanguinaires
Chapitre 30 - La malédiction des dieux
Chapitre 31 - À l'aube de la dernière bataille sanglante
Chapitre 32 - Les corps entrelacés
Chapitre 33 - Les derniers échanges des mangesangs
Chapitre 34 - Et ainsi, l'histoire se termina
Épilogue
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Chapitre 5 - L'enfant qui fit trembler la volonté


Anela

— Mes fesses me font un mal de chien ! Ces maudits canassons vont causer ma perte ! vociféra Beret.

Je posai instinctivement ma main sur ma monture et la caressai, espérant ainsi chasser les propos insultants de Beret.

— Une fois à Morsang, nous libérerons les chevaux et ils retrouveront eux-mêmes Vilsang. Ces « canassons » sont les meilleurs de tout Sang, dressé par les puresangs de Vilsang. Vos fesses sont juste trop fragiles, espérons que vos jambes ne le soient pas autant, glissa Selene avec un sourire moqueur. Le chemin à parcourir est long !

J'étais agréablement surpris qu'il connût le grand soin que nous prenions de nos montures. Les chevaux que nous dressions à Vilsang étaient faits pour la parade, pour les grandes courses. Ils étaient les plus rapides de tous et les plus endurants, bien loin de ceux qui tiraient les outils pour la culture. Ils étaient nobles et robustes. Nos montures ne se perdaient jamais et ils connaissaient chacune des routes qui les mèneraient chez eux à nouveau. Beret était un idiot.

— Et bien, j'espère que parcourir les forges de Noirsang aura suffisamment sculpté mes jambes pour tenir votre rythme ! Vous êtes une montagne Selene ! Un de vos pas vaudra deux des miens et trois du pauvre Anela, s'esclaffa Beret.

— Je ne serais pas aussi sûr que vous, pouffa Fratera. S'il y a bien quelqu'un qui saura tenir le rythme, c'est bien notre cher Anela. Vilsang n'a pas juste ses chevaux comme créature honorable. Les puresangs de Vilsang sont robustes, rapides, agiles, et ce, bien plus que nous ne le serons jamais.

— Et si nous nous montrions mutuellement notre force au détour de petits combats ?! proposa Beret. Une fois que nous serons arrivés, en attendant que Vyl ne nous rejoigne, pourquoi ne pas s'amuser ?!

J'avais la désagréable impression qu'il ne pensait qu'à s'amuser et j'allais le remettre sur le droit chemin, lui rappeler la gravité de la situation, mais je me repris. La mort de Mara et des autres semblait avoir eu plus de répercussions que mes autres Triades. Non pas que j'aimais l'une moins que l'autre, mais plus j'essuyais des morts dans mon entourage et moins mon cœur était apte à supporter le deuil. Aussi, la situation m'inquiétait, mais je me rendais compte que j'avais été trop dur.

Je pouvais apprendre à apprécier Beret, comme semblait le faire Fratera. Nous allions avoir du chemin à faire et réaliser ce dernier dans une ambiance rendue pesante par moi était pour le moins... désagréable. Alors, je soupirai discrètement, détendis mes muscles et glissai un regard vers Selene. Lui aussi semblait détendu malgré la situation ; j'étais la seule tâche noire à ce tableau. Peut-être que se battre un peu, s'amuser ensemble, allait me permettre d'être plus détendu et agréable, de retrouver ce que la mort de Mara m'avait arraché.

— Pourquoi pas, soufflai-je. Je suppose que ça ne fera de mal à personne.

— Hein !? Vous êtes d'accord ?!

Beret s'étouffa presque. Plus détendu après ma réflexion, je rigolai doucement et rejetai la tête en arrière pour le regarder.

— Je tiens à vous faire ravaler vos propos désobligeants sur « mon joli minois ».

Un sourire immense et ravi mangea son visage et accentua sa mâchoire forte. Je regardai à nouveau devant moi, mais sous le regard perçant de Selene, je me tournai vers lui. Pour être honnête, j'avais envie de me battre avec lui. Je voulais voir à quel point ce qu'on disait de lui était vrai. Je voulais voir comment une telle masse pouvait bouger comme un fantôme. J'avais hâte, mais avant ça, quelque chose de bien plus désagréable nous attendait.

Nous continuâmes notre chemin durant plus d'une heure avant de voir les formes de Morsang se dessiner.

— Enfilez vos bandeaux. Nous approchons. Les chevaux nous guideront, exigeai-je.

Je pris mon bandeau rouge, cousu dans une dentelle des plus belles, que j'enfilais. Nos destriers nous guidèrent alors et lorsque leurs sabots tapèrent sur le sol de Morsang, le bruit changea. Ce ne fut plus le son caractéristique des feuilles qui se froissaient, mais celui d'un bois brûlé qui craquelaient. Fratera et moi étions déjà venus ici, mais pas Beret. Cette terre était porteuse d'un triste passé et nous nous devions d'honorer les morts qu'il y avait eu.

— Rodel, dieu aimant et notre père, puisses-tu te souvenir de tes enfants morts ici. Que ton chant et le glas qui t'accompagne résonnent dans les esprits tourmentés ; que l'avenir de Sang rattrape son passé ; que le sang versé ne soit pas en vain, priai-je.

— Que les cendres qui reposent ici ne soient pas le berceau de tes enfants ; que ta voix guérisse les plaies et les chagrins laissés par ce massacre, poursuivit Fratera.

— Puisses-tu encore croire en la force de tes enfants, en leur bonne volonté et leur conviction de rendre le monde d'aujourd'hui comme il fut hier dans ton esprit, ajouta Beret.

J'attendis patiemment que la voix de Selene ne s'élève, mais il n'en fut rien durant plusieurs minutes où seul le bruit des sabots interrompait le silence solennel que nous avions instauré. Et puis, lorsque je ne m'y attendais plus, il parla. Sa voix fut comme un murmure accompagné par le vent et un frisson remonta ma colonne vertébrale.

— Rodel, dieu aimant et père de bien des êtres, guide les pas de ceux qui sont perdus.

Et le silence revint. Je secouai la tête dans un geste instinctif en me demandant ce qu'il m'avait pris de réagir ainsi. Finalement, le silence me fit le plus grand bien. Je me retrouvai avec moi-même et mes prières pour mon Dieu, et ce, jusqu'à ce que les chevaux s'arrêtent. Je retirai alors mon bandeau que je pliai et rangeai soigneusement. Les autres Ducs firent de même et le paysage qui s'offrit à nous fut des plus désolants.

Morsang fut, il y a quelques années encore, la ville jumelle de Vilsang. Nous nous étions battus côte à côte avant qu'elle ne s'éteigne sans que nous n'y puissions rien. Je me demandais si nos combats étaient bienvenus dans ce lieu où un drame terrible avait eu lieu.

— Nos rires et nos joies ne feront pas de mal à ce lieu, assura Fratera comme s'il avait lu dans mes pensées. Il y a eu suffisamment de pleures et de chagrins ici.

— Et nous nous sommes bandé les yeux, comme le veut la coutume, afin de ne pas laisser notre vue tromper notre cœur. Nous avons parlé à cœur ouvert, affirma Selene.

Je hochai brièvement la tête et descendis de mon cheval. Je m'attelai déjà à lui retirer tout ce dont j'avais besoin pour le voyage : nourriture, peau de bête, armes. Et lorsque ce fut bon, je laissai ma main glisser sur ses flancs, jusqu'à sa tête où je vins poser la mienne.

— Merci pour le voyage. Retourne à la maison désormais.

Je m'éloignai de quelques pas et il rebroussa chemin en hennissant, suivis de ses compères. Je pris alors place sur le sol et Fratera fit de même. Nous n'avions rien d'autre à faire qu'attendre que le jour se lève et Vyl. Les cendres tachèrent nos vêtements, nous rappelant tristement qu'ici, plus rien ne vivait. Beret et Selene, eux, s'excusèrent et partir un peu plus loin, certainement pour se vider la vessie. Je sentis alors le regard bienveillant de Fratera sur moi.

— Je suis heureux de faire ce voyage sous tes ordres, confia-t-il. Je t'ai vu grandir et devenir le Duc que tu es aujourd'hui. J'ai beaucoup d'admiration pour toi.

— Tu n'es pas sous mes ordres, contrai-je. Et tu ne devrais pas être heureux de cela. Je causerais votre perte.

— Allons Anela, peut-être que Beret et Selene ne le diront jamais, mais nous savons tous qu'il s'y un Duc que les autres Ducs écouteront, ce sera toi. Tu n'as plus rien à prouver. Si Beret et Vyl étaient si détendus de ce voyage malgré son importance et sa dangerosité, c'est bien parce qu'ils savaient que tu serais là.

Perdu, je cherchai la vérité sur ses traits. Il ne semblait pas mentir, mais alors... Beret et Vyl étaient si confiant à cause de moi ? C'était imprudent, terriblement imprudent !

— Et puis, si je peux me le permettre, Selene n'est pas en reste. Il te dévore des yeux comme je le ferais avec un bon repas. Tu ne le laisses pas indifférent.

— Je l'admire aussi.

— Anela, gloussa Fratera, je ne parlais pas d'admiration, mais d'autres choses de plus... intimes.

Je haussai un sourcil. Quoi donc ? Amusé, il allait sans doute éclaircir la chose, mais Selene revint au même moment. Il se laissa tomber à côté de nous et pour une raison qui m'échappa, l'air profondément filou de Fratera me mit mal à l'aise face à la situation. Je me raclai distraitement la gorge et accorda un sourire gêné à Selene qui semblait se questionner sur le soudain silence dérangeant. Je priai pour qu'on me sorte de cette situation et lorsque du bruit se fit entendre, juste après le retour de Beret, je tendis l'oreille.

Beret brandit son épée, prêt à attaquer, mais je lui fis signe que c'était inutile. C'était le bruit de sabot et puis nous étions à Morsang. L'ennemi ne parvenait plus ici grâce à Vilsang, plus depuis le massacre.

— Cela doit être le Duc de Blansang. Je veux dire... Vyl.

Beret rangea joyeusement son épée et s'avança à la rencontre de Vyl, mais la surprise fendit nos traits lorsque nous découvrîmes une enfant chevauchant un des chevaux de chez moi, accompagnés de l'un des miens. Je me relevai alors rapidement et courus à la rencontre de celui que je reconnus comme Rake, un archer et un messager. Je posai un regard dubitatif sur la jeune fille. Que faisait quelqu'un de si jeune ici ?! Rake n'avait pourtant pas d'enfant !

— Duc Anela, salua Rake le poignet contre le cœur, je viens vous informer, vous et les autres Ducs, de quelque chose d'important. Voici une lettre du Duc Vyl.

Je la saisis et à la vue du sceau de ce dernier, je l'ouvris prestement. Je sentis Selene derrière moi, regardant par-dessus mon épaule tandis que les deux autres attendaient. Mes yeux défilèrent sur l'écriture de Vyl et plus je lisais, moins j'aimais ce que je comprenais. Je serrai la mâchoire lorsque les derniers mots firent leur chemin dans mon esprit. Je relevai le regard sur la jeune fille, vêtu comme mes compères et moi-même. Cette dernière osait à peine tenir mon regard.

— Anela, que se passe-t-il ? s'informa Fratera.

— Où est Vyl ?! s'exclama Beret d'une voix bourru.

Les choses commençaient, vraiment, vraiment très mal. Je n'aimais pas la tournure que cela prenait. Je cherchai la vérité dans le regard de Rake, espérant qu'il s'agisse d'une mauvaise blague très malvenue, mais je n'y trouvais que le regret. Je tendis alors la lettre à Selene pour qu'il la donne aux deux autres et Fratera l'a lu à haute voix.

— « Chers Ducs, si vous lisez ceci, la maladie m'a emporté. À mon retour à Blansang, un mal terrible avait frappé ma terre. Je n'avais vu une telle malédiction qu'une fois dans ma vie. Les monarques l'ont fait s'abattre sur Blansang. Il a alors suffi de quelques heures pour que beaucoup nous quittent. Notre sang, le temps d'une journée, ne nous appartenait plus. Avant que je ne rejoigne notre père Rodel, je vous écris afin d'attester que le nouveau Duc de Blansang est, et sera jusqu'à sa mort, désormais une Duchesse : Pero. Je vous prie de prendre grand soin de cette enfant. Elle est jeune, mais ce ne serait pas la première fois qu'un enfant nous éblouit. »

— Qu-... Comment serait-ce possible !? Il était encore là hier ! s'insurgea Beret. Non ! Hé, gamine ! Comment ?!

— Les malédictions des monarques sont ainsi. Ce ne serait pas la première fois qu'un monarque réussirait à affaiblir les puresangs. Regardez autour de vous et souvenez-vous, déclara sobrement Selene.

— À l'image des Ducs, les monarques sont aussi sept et comme nous répondons aux ordres de l'Asmérion, eux répondent aux ordres d'Od, l'enfant blasphémateur de notre dieu Rodel. Avez-vous vous oublié, Beret, que leur rôle est d'apposer sur nous leurs mains maudites, de nous tuer, de nous faire perdre l'espoir et la force ? Que ce soit par la maladie, comme feu Vyl ou par le chaos, comme ici à Morsang, rappela Fratera d'une voix peiné.

Pour ma part, je ne quittai pas l'enfant des yeux. Je me revis, des années en arrière, portant le poids d'être un Duc alors que mon autonomie prenait à peine son envole. J'avais été poussé dans les bras de ses monstres, contre mon gré.

— Ce n'est qu'une enfant ! hurla Beret, fou de rage. Je... je connais très bien les règles, mais l'Asmérion n'aurait-il pas pu faire une exception pour cette quête qui nous attend ?! Pourquoi ne pas avoir envoyé le Duc de Chersang, Sol, pour remplacer cette gamine ?!

Au moins, je pouvais ainsi avoir la confirmation que Beret était réellement conscient du danger.

— Comme l'a dit Vyl dans sa lettre, ça n'est pas la première fois qu'un Duc, une Duchesse ici, aussi jeune est nommée. Pero, quel âge as-tu ? questionna Fratera.

La petite déglutit et posa brièvement son regard sur moi.

— J'ai 15 printemps Duc Fratera. Et... c'est un honneur de tous vous rencontrer.

Elle était un an plus jeune que moi à l'époque où j'avais été élu Duc.

— 15 ?! Pitié ! Duc Selene, vous n'êtes tout de même pas d'accord avec ça ?! Je refuse que cette enfant nous accompagne !

— L'Asmérion l'a demandé ? s'intéressa Selene.

Rake, l'archer de chez moi, avait certainement dû accompagner « Pero » jusqu'ici afin de lui apprendre les bases essentielles. Ce dernier répondit alors à Selene.

— Oui. L'Asmérion a expressément dit que sa demande ne changeait guère. Pero, Duchesse de Blansang, devra vous accompagner.

Il y avait décidément quelque chose que je ne comprenais pas. L'Asmérion ne cherchait définitivement ni la force ni l'efficacité durant notre expédition. Qu'attendait-il ? Qu'espérait-il de cette enfant ? Elle ne serait qu'un frein dans notre voyage. Je ne comprenais pas l'Asmérion. Et vu la façon dont Beret insultait la situation, lui non plus. Fratera et Selene se montraient bien plus discrets s'ils n'étaient réellement pas d'accord.

J'étais incapable de bouger ou de dire quoi que ce soit et je percevais le regard inquiet de Rake à mon égard. J'aurais mille fois préféré le prendre à mes côtés plutôt que cette petite fille. La pauvre n'avait pas eu de chance. Elle avait été là, au mauvais moment. 15 printemps... cela voulait dire qu'il ne restait que des enfants à Blansang, les générations de demain. Et ainsi, alors que mon corps refusait de m'obéir, Selene me dépassa et arriva devant la jeune Pero.

Il glissa ses mains sous ses bras et la souleva de sa monture comme si elle ne pesait rien. Selene posa ensuite un genou à terre et mit la fille face à lui. Cette dernière semblait tétanisée par la peur.

— Bonjour. Je suis Selene, Duc de Dursang. Cela risque d'être compliqué pour toi, mais je veillerais tes arrières et mes compères veilleront les autres côtés. Bienvenue à toi nouvelle Duchesse de Blansang, Pero.

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