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Prologue
Chapitre 1 - Et ainsi l'histoire commença
Chapitre 2 - La messe rouge
Chapitre 3 - Les stigmates d'une terre à sang
Chapitre 4 - Le discours qui souleva les cœurs meurtris
Chapitre 5 - L'enfant qui fit trembler la volonté
Chapitre 6 - La bénédiction donnée aux marins
Chapitre 7 - La mer de sang
Chapitre 8 - La Damnée
Chapitre 9 - Les Sanglants
Chapitre 10 - Les larmes versées par les défunts
Chapitre 11 - Cette douceur qui fut jadis celle de son père
Chapitre 12 - Les désirs qui l'importèrent sur la raison
Chapitre 13 - Les monarques
Chapitre 14 - La volonté d'un puresang
Chapitre 15 - Les larmes de celui qui souffrait
Chapitre 16 - La lame qui dansait sous le sang
Chapitre 17 - D'Od naquit la discorde ; du désespoir naquit Anela
Chapitre 18 - De l'amour naquit le regret
Chapitre 19 - Il y aura mille vies qui précéderont sa renaissance
Chapitre 20 - Le festin macabre offert par un fils
Chapitre 21 - L'enfant sauvage dont l'âme fut sauvé par la paix
Chapitre 22 - Le démêlé des Ducs, du Vicaire et du Monarque
Chapitre 23 - Le Duc de Beausang qui offrit son pardon
Chapitre 24 - Le chant qui fut porté à l'oreille du siffleur rouge
Chapitre 25 - L'aperçu d'un demain meilleur qu'aujourdhui
Chapitre 26 - La plume de la hardiesse et le Duchesse de Blansang
Chapitre 27 - La lettre de l'enfant
Chapitre 28 - Le cœur qui avait besoin de son semblable
Chapitre 29 - L'union d'un peuple : les Sanguinaires
Chapitre 30 - La malédiction des dieux
Chapitre 31 - À l'aube de la dernière bataille sanglante
Chapitre 32 - Les corps entrelacés
Chapitre 33 - Les derniers échanges des mangesangs
Chapitre 34 - Et ainsi, l'histoire se termina
Épilogue
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LeenFeuerwisp
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Chapitre 26 - La plume de la hardiesse et le Duchesse de Blansang


Anela

Ma lame trancha quelques pétales de consanguines, sans que mon mouvement ne soulève du vent et les retire de ma trajectoire. Je n'aurais jamais pensé cela possible avant. La vitesse d'une épée qui s'apprêtait à trancher chassait toujours ce qui était plus léger qu'elle, mais avec l'entraînement assidu que me donnaient les jumeaux, je sentais les choses changer. Mon corps quittait les limites humaines des puresangs pour autre chose ; quelque chose qui réduisait drastiquement le gouffre de force qui m'avait séparé des monarques.

Je ne percevais aucune méfiance chez les jumeaux, alors même que ma lame menaçait de les trancher : ils s'amusaient. Je percevais cependant parfois le regard insistant de Luna sur ma personne. Elle semblait douter de moi, de ma sincérité ou que sais-je encore. Elle était le plus grand danger ici. Rune semblait avoir renoncé de m'approcher et je le voyais souvent rire avec Fratera et Luna ; ces trois-là faisant un trio incongru. Ruka ne portait pas grande importance à ma présence et j'avais découvert par Raj et Jek qu'il prenait soin de surveiller Selene ; sa place pour « l'avenir » étant continuellement en sursis à cause de son comportement. Od, lui, n'intervenait que très peu.

Quatre jours que nous étions ici et Od n'avaient pas bougé. Il s'était levé uniquement pour partager les repas avec nous. Ces derniers semblaient avoir une grande importance pour lui. Et bien, être à la même table était un signe d'union et d'entente. Les repas devenaient de moins en moins timides. Les éclats de voix qui résonnaient dans chaque petit groupe la journée s'éteignaient timidement lorsque nous étions tous réunis, mais peu à peu, cela changeait. Un véritable esprit de cohésion naissait.

— Mon oncle, concentre-toi ! me gronda Jek.

Il avait pris la mauvaise manie m'appeler ainsi. Puisque Od me qualifiait de « frère », Jek s'était mis dans la tête qu'il était bien plus convenable de m'appeler ainsi. J'avais bien essayé de lui dire d'arrêter, mais s'il y avait une chose que j'avais apprise... les jumeaux n'écoutaient que ce qu'ils désiraient. Aussi, pour montrer mon désaccord quant à cette appellation, je lui assénai un coup. Ma lame trancha sa joue, légèrement cela dit puisqu'il eut le temps de reculer.

Dans mon dos, Raj bondit vers moi, mais je ne tentai pas de me défendre. J'avais appris à reconnaître ses bonds de combat et les autres. Elle s'accrocha à mon dos, enroula ses bras et ses jambes autour de moi. Je sus que le combat était terminé pour aujourd'hui.

— Tu es incroyable, mon oncle ! s'affola joyeusement Raj. Tu nous as encore touchés ! Dit ! dit ! Je peux encore la voir ?!

Et lorsque Jek faisait une bêtise, Raj n'était jamais bien loin. Si Jek avait à cœur de m'appeler « mon oncle », Raj le faisait parce qu'elle savait que je n'appréciais pas. Quoi qu'il en soit, je plongeais ma main dans ma chemise et en ressortis la petite plume de siffleur rouge. Raj tendit brusquement ses bras, rendant mon équilibre tremblant, et elle se redressa. Elle tenta presque de m'escalader et de grimper par-dessus mes épaules pour pouvoir « mieux » admirer la jolie plume écarlate.

Jek, qui avait le rire facile, s'esclaffa aux larmes de la situation et tomba dans les consanguines à se tordre de rire. Je tentai de gronder Raj, mais cette dernière était si excitée à la vue d'une chose si rare qu'elle n'écoutait plus. Je fus profondément surpris lorsque son poids disparut de mon dos. Jek se redressa alors, essuyant ses larmes, et comme il savait si bien le faire, m'offrit un sourire immense. Jek et Raj avaient des bouilles enfantines, mais lorsque Jek faisait ce genre de sourire... ce dernier mangeait tout son visage, transformait ses grands yeux en yeux rieurs et il révélait ses dents aiguisées qui, finalement, n'était plus si terrifiantes.

Je me décrochai de son sourire pour voir qui était venu à mon secours. Rune, qui avait soulevé Raj aisément, la déposa au sol. Cette dernière, à quatre pattes, gonfla exagérément ses joues. Je rangeai la plume tandis que mon regard jonglait entre elle et Rune.

— Je n'arrive toujours pas à croire qu'avec Jek, vous soyez plus âgé que Rune, admis-je.

— C'est normal. Rodel est le dieu primordial, celui qui a droit de vie ou de mort. El et papa sont ses fils, des dieux secondaires. Papa ne peut pas réussir les exploits de Rodel, argumenta Jek comme si tout cela était naturel.

— Que veux-tu dire ?

— Rodel a créé des fils à partir de son sang. Père a tenté de faire la même chose, mais il est l'origine de la discorde, sans compter que dans l'ordre naturel des choses, il ne pourra jamais être une déité aussi puissante que l'originel, rajouta Rune.

— C'est un peu comme si à chaque lignée de dieux, ces derniers s'affaiblissaient et devenaient un peu plus mortels, poursuivit Raj. Bah, c'est pareil pour nous. Papa nous a donné la vie, mais n'étant pas Rodel, nous ne sommes pas parfaits. Il arrive que nous ayons... des troubles ?

Je levai un sourcil pour l'inciter à aller plus loin.

— Aziel par exemple, reprit Jek. Il était profondément instable et violent. Ce n'est pas comme si nous ne l'aimions pas, mais parfois, il se rapprochait bien plus des échecs de père que de nous. C'est pour cela que nous t'avons choisi à sa place. Tu es la perfection de Rodel, mon oncle ; lui était une ombre au tableau.

— Bien sûr. Et en quoi cela explique pour vous deux et Rune ?

— Aziel avait la violence, Jek et moi n'avons... c'est un peu comme si nous n'avions pas été façonnés assez longtemps, tu vois ? Notre... « évolution » n'est pas aboutie. On n'est pas comme les autres quoi.

Elle se débattait avec ses mots. Elle ne semblait pas savoir l'expliquer et après une courte réflexion, je compris pourquoi. Les monarques avaient grandi entre eux. Ils n'avaient jamais eu à expliquer les choses qui étaient si évidentes pour eux. Raj et Jek faisaient l'effort de trouver les mots pour que je comprenne. En regardant Rune, je me souvins que lui aussi avait essayé. Il n'avait pas menti, n'avait rien caché lorsque nous avions parlé avec les autres Ducs. Les monarques n'avaient jamais eu à mentir.

— Désirais-tu quelque chose ? m'enquis-je auprès de Rune.

Sa présence était pour le moins soupçonnable. Il semblait avoir pris ses distances, mais il demeurait visiblement toujours prêt à... « venir en aide ». Lorsqu'il secoua la tête, une pointe d'amertume remonta ma gorge. Peut-être étais-je déçu ou en colère, mais je m'étais attendu à une autre réponse. J'acquiesçai et amorçai un pas en arrière.

— Je vais voir Pero.

Raj et Jek agitèrent vigoureusement leurs mains et je me retournai. Pero m'avait raconté son « tête à tête » avec Rune. Ce dernier avait d'ailleurs encore la griffure de la petite Duchesse sur sa joue. J'imaginais que le refus de Pero de lui pardonner avait été la fois de trop. Cela coïncidait avec le moment où il avait également cessé de m'envoyer des regards abattus. Contre toute attente, c'était cela qui me dérangeait le plus. C'était pourtant cela que je faisais : dissimuler ce que je pensais véritablement.

Dissimuler ? Alors... Rune dissimulait lui aussi ? Oui. C'était pour cela que je me sentais davantage irrité face à son comportement. Avait-il ressenti cela face à mon indifférence ? Non, je ne pouvais pas penser à cela maintenant. Je secouai la tête, décidé à chasser Rune de mon esprit. Et d'un pas décidé, je rejoignis Pero qui ne quittait plus ma chambre. Je la retrouvais, là encore, prostrée dans mon lit, sous les couvertures à fixer un point invisible.

Je m'approchai et m'assis au bord du lit. Elle réagit à peine à ma présence et je dus glisser ma main dans ses boucles rousses pour avoir une réaction. Ses yeux se relevèrent vers moi, mais je n'y distinguais plus de joie de vivre.

— Elle est comme ça depuis ce matin.

Je sursautai et me retournai. Selene était là, adossé au mur.

— Pero, je...

Je ne savais pas quoi lui dire. Que dire à une enfant qui avait vu sa famille et ses amis mourir sous ses yeux et qui avait fini par s'attacher au responsable de ce massacre ? Il n'y avait rien qui pouvait réconforter cela !

— Comment... comment avez-vous fait lorsque vous aviez mon âge ? Comment êtes-vous parvenus à tenir en tant que Duc ? questionna-t-elle.

Sa voix guillerette n'était plus. Sa voix était faible, toute vie ayant été arrachée par ces derniers jours, par des fardeaux qui jamais n'aurait dû se reposer sur ses frêles petites épaules. Comment avais-je fait ?

— Je n'ai pas réussi, confiai-je.

Je lui souris lorsque la curiosité rongea un peu son visage tacheté. Selene s'approcha, lui aussi envieux d'entendre.

— J'ai eu la chance d'avoir eu un père Duc. J'ai suivi ses pas. J'ai levé une épée avant de tenir mon biberon. Il n'y a pas un jour où ça n'a pas été dur. J'ai vu tant de gens que j'aimais mourir, si tu savais, et j'ai pleuré pour chacune d'elles. J'ai chanté et prié pour eux.

Je caressai sa joue, l'émotion me prenant à la gorge.

— J'ai vu tant d'atrocité, de notre côté et de celui de l'ennemi ; j'ai entendu tant de cris d'agonies. Lorsque je ferme les yeux, je les entends encore. Mon sommeil est bercé de sang et de boyaux. Toi et moi avons été privés de notre innocence.

Selene s'approcha et sa main se posa sur mon épaule. Ce fut la première fois depuis notre rencontre qu'il n'y eut aucune véhémence.

— J'ai failli me noyer sous tout cela, mais je me suis accroché à ce que je pouvais. J'ai continué d'aimer aussi fort que je le pouvais ceux qui m'accompagnaient, même en sachant qu'ils partiraient. J'ai mêlé ce que j'aimais à ce que j'ai fini par détester afin de pouvoir tenir chaque pas ; la danse et l'épée.

— Je n'y arrive pas. Je ne veux plus..., renifla Pero.

Elle éclata en larmes et je retirai les couvertures pour la prendre dans mes bras. Je la blottis dans mes bras et Selene vint s'asseoir à côté de moi. Ses bras nous enveloppèrent tous les deux et je fermai les yeux sous sa chaleur. Ça n'était pas les bras de Rune, mais c'était pourtant les bras forts qui m'avaient enlacé. Je reconnaissais leur taille, leur épaisseur, cette sensation. Je ne reconnaissais pas l'odeur, mais la douceur dont fit preuve Selene à cet instant me prouva qu'il n'avait rien de l'être colérique qu'il nous avait montré. Lui aussi était épuisé et éprouvé.

— Tu peux ne pas y arriver, Pero. Tout ira bien si tu décides de renoncer, murmurai-je. Nous ne sommes pas tous faits pour ce monde et si tu choisis que ton voyage arrive à son terme, sache que cela signifiera que tu as déjà apporté au monde ce pour quoi tu es né.

Je raffermis mon étreinte sur elle, conscient de ce que mes paroles représentaient.

— Tu m'auras donné le courage de me battre durant ce voyage, pour te protéger. J'ai eu envie de survivre pour veiller sur toi et je suis certain que tu as illuminé plus d'une vie.

Ses petites mains s'accrochèrent fermement à moi tandis qu'elle tremblait sous ses sanglots.

— Ça ira, Pero, quoique tu décides.

Selene ne parlait pas, mais son étreinte valait bien tous les mots du monde. Je retirai la petite plume de ma chemise et la glissai dans la main de Pero.

— Cette plume est un miracle. Le symbole du changement, mais, tu sais, elle m'a donné du courage aussi. Elle me donne du courage, même si elle n'est pas à mes côtés. Je te la donne afin que tu puisses toi aussi trouver la hardiesse.

Elle ramena cette dernière contre son cœur, renifla et ferma les yeux. Sa tête se blottit contre mon torse et je posai la mienne sur l'épaule de Selene. Il fit de même et je fermai les yeux. Pero avait déjà été bien plus courageuse qu'auraient pu l'être d'autres enfants. Elle avait écouté attentivement malgré mon mauvais comportement. Elle avait le droit d'être en colère, de ne pas pardonner. Elle avait le droit d'abandonner dans cette vie.

Elle avait le droit de choisir.

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