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Prologue
Chapitre 1 - Et ainsi l'histoire commença
Chapitre 2 - La messe rouge
Chapitre 3 - Les stigmates d'une terre à sang
Chapitre 4 - Le discours qui souleva les cœurs meurtris
Chapitre 5 - L'enfant qui fit trembler la volonté
Chapitre 6 - La bénédiction donnée aux marins
Chapitre 7 - La mer de sang
Chapitre 8 - La Damnée
Chapitre 9 - Les Sanglants
Chapitre 10 - Les larmes versées par les défunts
Chapitre 11 - Cette douceur qui fut jadis celle de son père
Chapitre 12 - Les désirs qui l'importèrent sur la raison
Chapitre 13 - Les monarques
Chapitre 14 - La volonté d'un puresang
Chapitre 15 - Les larmes de celui qui souffrait
Chapitre 16 - La lame qui dansait sous le sang
Chapitre 17 - D'Od naquit la discorde ; du désespoir naquit Anela
Chapitre 18 - De l'amour naquit le regret
Chapitre 19 - Il y aura mille vies qui précéderont sa renaissance
Chapitre 20 - Le festin macabre offert par un fils
Chapitre 21 - L'enfant sauvage dont l'âme fut sauvé par la paix
Chapitre 22 - Le démêlé des Ducs, du Vicaire et du Monarque
Chapitre 23 - Le Duc de Beausang qui offrit son pardon
Chapitre 24 - Le chant qui fut porté à l'oreille du siffleur rouge
Chapitre 25 - L'aperçu d'un demain meilleur qu'aujourdhui
Chapitre 26 - La plume de la hardiesse et le Duchesse de Blansang
Chapitre 27 - La lettre de l'enfant
Chapitre 28 - Le cœur qui avait besoin de son semblable
Chapitre 29 - L'union d'un peuple : les Sanguinaires
Chapitre 30 - La malédiction des dieux
Chapitre 31 - À l'aube de la dernière bataille sanglante
Chapitre 32 - Les corps entrelacés
Chapitre 33 - Les derniers échanges des mangesangs
Chapitre 34 - Et ainsi, l'histoire se termina
Épilogue
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LeenFeuerwisp
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Chapitre 17 - D'Od naquit la discorde ; du désespoir naquit Anela

Anela

L'odeur de la putréfaction avait côtoyé ma vie depuis mon plus jeune âge. Elle était la première odeur que j'avais sentie, la première qui m'avait écœuré. Je me souvenais des jours à Vilsang où mon père revenait de ses excursions, le visage épuisé, mais souriant sans relâche à son jeune fils stupidement admiratif, à moi. Je me souvenais de cette odeur nauséabonde qui ne semblait pas lui soulever le cœur tandis que le mien rêvait de relâcher jusqu'à mes boyaux.

J'avais grandi à Vilsang, là où les boyaux recouvraient les remparts ; où les cadavres étaient si nombreux que nous ne pouvions plus nous débarrasser d'eux. J'avais appris à survivre sans recracher ce que j'avais réussi à ingurgiter. Je m'étais habitué à cette pestilence jusqu'à ne plus la sentir, mais je savais ne jamais pouvoir oublier ce relent si puissant qui avait brûlé ma gorge aujourd'hui. J'avais su résister à une légion, mais je savais que toutes celles qui viendraient finiraient par m'arracher ce qui était cher.

En lacérant les mangesangs, à travers leur sang putride et leurs tripes éviscérées, je vis mes confrères se battre vainement. Aucun d'eux n'allait tenir. Perdu dans les bois de Sang, voyageant vers un but dément et une destination incertaine, tout était différent. Mes camarades étaient différents de mes autres Triades. Pero était juste une enfant ; Beret était un homme si franc qu'il me retournait le cœur ; Fratera avait pris soin de moi lorsque j'étais devenu Duc ; Selene était ma première passion.

Je savais avant de commencer ce voyage qu'ils ne pourraient pas revenir en vie, mais face à l'évidence, mon corps tremblait et mes coups devenaient moins forts. Je compris alors dans ce chaos sanglant que je ne désirais pas cela. Je ne voulais pas m'y résoudre alors, avec mon cœur à l'agonie de les voir ainsi lutter ; alors même que je savais que notre Dieu ne se mêlait pas de nos affaires terrestres, je le priais.

— Dieu Rodel, venez-nous en aide.

Bien que l'on me nommait son Vicaire, je savais que toutes les prières du monde ne le feraient pas agir. Dans un désespoir profond, je suppliai son fils, créateur de la discorde qui ravageait Sang :

— Pitié Od, si vous espérez tant ma venue, ne laissez pas les Ducs périr ici. Moi, Anela, Vicaire Sanglant, promet de vous écouter.

Quiconque m'aurait entendu dans les duchés aurait crié à l'injure en pensant que je priai ce dieu impie. Cependant, je ne le priais pas et je ne renonçais pas à ma foi et mon amour pour Rodel, ni même de trancher la tête à Od, mais je pensais d'abord à la survie de tous. Relevant la tête vers les arbres lorsque l'image de Luna, la monarque, me revint en tête, je me mis à la chercher vainement. Peut-être avait-elle été là, mais... je me souvins des paroles des monarques. J'étais protégé. Frappé par cet éclair de lucidité, je quémandai de l'aide :

— Rune, si tu es ici... si tu veilles sur moi, aide-nous.

Il me sembla qu'une accalmie s'imposa et puis aussi soudainement que les mangesangs avaient jailli des arbres pour nous assaillir, il en fut de même pour ce visage familier. Raj bondit de l'arbre et je m'accroupis vivement pour éviter ses griffes. Cette jeune monarque bestiale éclata dans un rire et trancha les mangesangs qui furent sur son chemin. Elle se réceptionna sur les épaules de l'un d'eux, éclatant les poches de pus de ce dernier, et se réceptionna au sol.

— Tu es incroyable ! s'exclama-t-elle.

Elle... était vraiment là. La situation me frappant de plein fouet, je tournai vivement le visage pour regarder Selene et les autres. Dans la même seconde, il me semblait voir que leurs corps étaient transportés comme de vulgaires sacs, mais les mouvements furent si vifs que je ne pouvais pas l'affirmer avec certitude.

— On rentre à la maison avec toi ! Et... eux, sur ta demande.

Je reportai mon attention sur Raj. Le sol trembla légèrement sous mes pieds et les mangesangs qui m'entouraient encore reculèrent dans des cris d'agonies. Je fronçai les sourcils. Ma demande avait... véritablement été écoutée. Je me fis moins méfiant à l'égard de Raj. Je rangeai mon épée, le cœur plus léger et profondément ému de l'aide qui nous avait été donné. Raj sourit de ses dents aiguisées et releva la tête, comme si quelque chose de plus grand se trouvait derrière moi.

Un frisson glissa le long de mon échine, mais je ne bougeais pas. Je ne ressentais pas de peur, ni même de sentiments néfastes. Un corps se plaqua contre le mien et une main fut posée sur mes yeux. Je sentis une pression à l'arrière de mon crâne, comme un baiser, et je sombrai. Dans l'obscurité dans laquelle mon corps s'enfonça, je trouvai une quiétude, un repos qui m'avait été trop longtemps refusé. Ce fut à cause de cela que lorsque le moment d'ouvrir les yeux arrive, je n'en eus pas l'envie.

Je me sentis tiré de force de cet état agréable.

Au réveil, je remarquais plusieurs choses. Mes yeux ne durent se faire à aucune lumière aveuglante. Une lumière tamisée ô combien douce m'entourait. Je mis quelques instants à sortir de ma torpeur, à comprendre ce qui avait bien pu se passer et dès l'hors, je sentis l'odeur si entêtante des consanguines. Il n'y en avait pourtant aucune autour de moi, mais l'odeur était si puissante que nous devions en être fortement entourés, d'une façon ou d'une autre. Puis, mes doigts glissèrent sur le tissu rembourré sur lequel j'avais dormi. Il était doux, loin d'être crasseux.

Pourtant, je n'étais pas idiot. Je savais être dans une geôle. Les barreaux parlaient d'eux-mêmes. Je me redressai et regardai les autres cellules, vides, en face de moi. Personne n'était là. Du moins, c'est ce que je crus.

— Vous êtes enfin réveillé. Ils ont eu le temps d'emmener les autres Ducs. Il ne reste que vous et moi.

Je tournai ma tête vers cette voix qui allégea mon cœur. Selene était là, à ma droite, dans une autre cellule. Son visage semblait épuisé et aminci. Il était sale, comme s'il avait passé des mois dans cette cellule. Il semblait bien plus rude et sombre aussi. Je fronçai légèrement les sourcils. Il était en colère. M'en voulait-il d'avoir appelé les monarques et Od à l'aide ?

— Selene, quelque chose ne va pas ? Qu'est-il arrivé ? Depuis combien de temps nous sommes ici ?

Son air dur s'éclaircit sous la surprise quelques instants avant que la colère ne revienne le ronger. Sa mâchoire se contracta durement et je n'osai pas tenter de réduire la distance malgré les fers qui nous séparaient. Il était différent, trop différent.

— Vous êtes là depuis quelques heures. On m'a raconté que ces malades ont accouru quand vous avez appelé. Ils ont sauvé tous les Ducs parce que vous leur aviez demandé.

Il y avait tant de haine dans sa voix.

— Pourquoi est-ce que tu sembles en colère contre moi ? me rembrunis-je.

Il releva férocement la tête vers moi et je restai stoïque. Quelque chose m'échappait.

— Parce que vous avez demandé à l'ennemi de vous sauver, vous et les autres Ducs. Vous êtes le Vicaire Sanglant. Vous êtes l'espoir du peuple et de l'Asmérion.

— Je devais sauver les Ducs.

— Et qui sauvera le peuple ? siffla-t-il. Les monarques vous considèrent comme l'un des vôtres, plus que n'importe qui d'autre, mais il n'en est rien pour le peuple. Si vous ne vous battez pas contre eux, qui d'autres le pourra ?!

Je baissai la tête, honteux. Je n'avais pas renoncé aux combats et j'avais espéré, vainement, que Selene comprenne cela comme il semblait m'avoir toujours compris. J'étais face à un mur. Il était froid, distant et je ne le reconnaissais pas. Rien n'avait de sens. Lorsque je le regardais, je ne ressentais rien de tout ce que j'avais pu ressentir jusque là ; de tout ce qu'il m'avait déjà fait ressentir. L'impression d'être face à un inconnu me tordait les tripes.

— J'avais espéré que tu comprendrais, toi entre tous.

— Que voulez-vous dire par là ? On ne se...

Il s'interrompit dans sa phrase lorsqu'une lumière vive s'insinua dans les geôles. Je reconnus Luna, la monarque, mais pas celui qui l'accompagnait. Il avait de longs cheveux gris et des cils si grands que l'ombre sur ses joues en devenait inimaginable. C'était beau. Ce monarque, avec les veines de sang qui semblait ressortir de sa chair, était aussi envoûtant que Luna. Quelque chose de précieux et divin s'émanait d'eux.

— Vicaire, nous sommes heureux de voir que vous vous portez bien. Od et les autres vous attendent avec impatience.

Sur ses mots, Luna ouvrit ma cellule. Je ne vis aucune méfiance dans son regard. Je me demandais si cela allait avec le fait que j'avais baissé mon épée face à Raj dans les bois. Je regardai à ma taille. Ma lame y était toujours. Aucun d'eux n'avait pris la peine de me désarmer. Je secouai la tête, repoussant à plus tard les réflexions et sorties de la cellule. Le monarque aux cheveux gris me bloqua le passage et ses doigts capturèrent quelques mèches de mes cheveux.

— C'était donc vrai. Vos cheveux sont le reflet du sang. Non. Vous êtes bien plus que cela : la personnification du sang versé, sculptée par la main de Rodel lui-même.

De toute mon existence, je n'avais jamais vu une voix si apaisée. Elle semblait receler l'équilibre du monde. C'était d'une harmonie parfaite avec son visage à l'apparence douce.

— Arrête tes mièvreries Ruka. Quand est-ce que j'aurais droit de côtoyer moi aussi les Ducs, hein ?! J'en suis un, grogna Selene.

Selene... connaissait ce monarque ? Comment ?

« Ruka » eut un sourire qui transforma son visage. Il devint immédiatement plus confiant, plus arrogant et il se tourna vers Selene.

— Ça tombe bien. Nous avons une surprise pour toi, gloussa Ruka. Tu vas adorer.

Ce dernier ouvrit la cellule de Selene et les choses se firent moins délicatement qu'avec moi. Selene fut durement plaqué au mur, Ruka dans son dos qui le maintenait avec son propre buste et ses mains furent attachées par des ficelles rouges. Ces dernières scintillaient comme des étoiles. Elles n'étaient assurément pas normales. Selene grogna lorsque Ruka lui murmura quelque chose à l'oreille, mais le monarque ne fit qu'en rire avant de pousser Selene à le suivre.

En passant devant moi, Selene ne m'accorda aucun regard. Mon cœur s'étreignit douloureusement. Qu'avais-je fait de si répréhensible ? Je n'étais pas corrompu. Je ne comprenais pas son comportement, ni comment il avait pu être mis dans cet état de faiblesse en quelques heures. Cependant, mon attention fut vite happée par autre chose.

L'immense demeure dans laquelle nous étions aurait été inimaginable pour tout Sang. On aurait dit que le sang avait cristallisé sur ses murs ; on aurait dit l'intérieur d'une ruche fait de sang. Je n'en revenais pas. Je ne savais pas à quoi m'attendre, mais mes pas ne pouvait pas faiblir, pas maintenant, pas avec le poids qui pesait plus fort que jamais sur mes épaules. Je pris une profonde inspiration et poursuivis mes pas avec toute la confiance qui me fut donnée.

Nos pas nous menèrent là où le bruit était le plus fort. Un brouhaha, comme si une fête avait lieu, résonnait. Nous débouchâmes dans cette salle où la lumière rouge, présente partout avec les « cristaux de sang », était plus vive encore. Pourtant, je me désintéressai immédiatement du monde qu'il pouvait avoir et qui semblait festoyer. Mon regard s'ancra sur le trône de cette salle et son possesseur. Sans même que l'on me dise son nom, je sus que je faisais face à Od.

Je sus que je faisais face à un dieu.

Od était vêtu d'une robe rouge dont la traîne n'avait pas de fin. Cette dernière tombait de son trône, parcourait la pièce et reposait sur la table de festin en guise de nappe. À chacune de ses inspirations et expirations, des myriades de pétales de consanguines s'envolaient, comme si elles naissaient de lui ; comme s'il était l'origine de ses fleurs. Mon souffle fut happé lorsqu'il retira le voile rougeoyant qui reposait sur son visage. Il me dévoila ainsi une chevelure et des yeux aussi rouges que le sang.

Et la vérité me frappa. Elle le fit si fort que j'eus l'envie de reculer d'un pas pour accuser le coup.

— De son sang naquirent Od et El ; d'Od naquit la discorde et d'El l'union ; des paroles de leur père naquirent les leurs, des leurs naquirent les péchés, conta Od de sa voix profonde. Ses premiers enfants furent baptisés en son nom « Od » et « El ». Nés chacun d'une seule goutte du sang de Rodel, ils furent envoyés pour veiller sur ses autres créations, mais le temps passa et ce sang si bienveillant qu'il avait offert se mua en une chose terrible et sombre.

Il me contait la légende notre monde. Pourquoi cela ? Il n'y avait pas un être qui ne la connaissait pas !

— Le sang de Rodel qui coulait dans les veines d'Od devint impie et maudit lorsqu'il assassina El, versant jusqu'à la dernière petite goutte de son sang. Rodel, dieux miséreux et aimant, puni son premier enfant et abandonna ses créations, répugnées par ce qu'il avait finalement engendré.

Le sourire dans sa voix me fit froncer les sourcils.

— Il fut une terre brune et la terre brune se mua en terre de sang et de tripes. Des tripes naquirent le chaos et les cauchemars, et de ces deux derniers la peur et le chagrin. Du chagrin naquit les combats, des combats naquirent les erreurs ; de la peur naquit l'angoisse, de l'angoisse naquit les erreurs.

Il se redressa sur son trône, faisant virevolter les pétales qui s'étaient posés contre lui.

— Du désespoir, ajouta-t-il, naquit Anela, enfant sculpté par la main de Rodel ; façonné, non pas par le sang de ce dernier, mais par le sang versé. Du sang versé naquit Anela ; d'Anela naquit l'espoir.

— Vous réécrivez la légende ?

Sous ma question, un léger sourire orna ses lèvres. Il se réinstalla à son trône, comme s'il souhaitait si fusionner.

— La réécrire ? Je ne fais que la conter. Que pensiez-vous être Vicaire ? Regardez-vous et regardez-moi. Vous êtes face à un miroir.

Cela me tuait d'être d'accord avec lui, mais c'était l'évidence même. Il n'était pas comme les monarques, recouvert de veines rouges, mais comme moi. Il avait une apparence humaine, mais ses cheveux et ses yeux trompaient cela.

— Vous m'avez appelé et me voici. Si nous discutions un peu, mon frère ? proposa-t-il dans un amusement évident. Avant toute chose, laissez-moi vous présenter votre sauveur.

Les pétales des consanguines s'assemblèrent à un seul endroit. Leurs mouvements pour se rassembler furent hypnotiques. J'en restais captivé. Certaines d'entre elles me caressèrent même la joue en se réunissant. Lorsqu'elles furent toutes là, elles formèrent un corps. Ce dernier devint peu à peu plus clair et j'écarquillai les yeux en comprenant ce qu'il se tramait. Mon cœur s'emballa et ma poitrine se souleva férocement, affolée.

— Se... Selene ? appelai-je du bout des lèvres.

Je jetai un regard derrière moi. Impossible. Selene était toujours au côté de Ruka. Alors... qui était-ce... ? Non. Cette apparence... l'apparence du Selene que j'avais côtoyé était bien là, perdu au milieu des pétales. Et à la façon dont ses yeux n'osaient pas rencontrer les miens, je compris qu'il n'était pas Selene ; qu'il ne l'avait jamais été.

— C'est pour ça que vous aviez l'air de me connaître, vous et les autres Ducs ?! s'enquit le véritable Selene.

Mais je ne m'intéressais pas à ses paroles. Mon regard restait ancré sur... lui. Notre ignorance sur les monarques ne nous avait jamais fait douter de l'un et l'autre. Nous ignorions que changer d'apparence, que copier une apparence serait possible pour eux. Mes yeux s'humidifièrent à cette réflexion. On nous avait trahis. J'avais été trahi. Il m'avait trahi. Je m'étais offert à lui, corps et cœur, et il avait piétiné ce que je lui avais offert.

— Rune, dis-je plus clairement. Tu es Rune. Et... je suis idiot.

Od, du haut de son trône, dissimula le sourire sur ses lèvres derrière sa main. Selene... Rune. Rune tenta de prendre la parole, mais je le devançai. Je décrochai mon regard de son visage volé. Je n'allais pas m'énerver. Je n'allais pas pleurer. Je n'allais pas montrer que j'étais profondément blessé. Je devais jouer l'indifférent. Je devais être courageux.

— Je vous remercie d'avoir écouté ma supplique, Od.

— Anela ! me héla « Rune ».

— N'allez-vous donc pas vous indigner d'avoir été trompé ? s'intéressa Od.

Je regardai autour de moi. Il y avait les monarques, des humains que je ne connaissais pas et... Fratera et Pero. Ils attendaient tous une réaction de ma part. Les monarques, Od, « Rune », ils voulaient me voir détruit, hurler ou que sais-je, mais ils attendaient une réaction intéressante. Je posai le regard sur Rune. Il s'était avancé vers moi. Il me regardait comme un animal blessé, comme si de nous deux, il devait être celui qui souffrait.

C'était égoïste. Il était monstrueux. J'étais celui qui souffrait, qui avait envie de hurler et de trancher tout ce qui venait sous ma main. C'était si malvenu de sa part de faire un tel visage !

J'avais été idiot. Dès le départ, rien de tout cela n'aurait dû se passer entre nous. J'étais idiot.

Si idiot.

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