Le blizzard était le plus grand et plus important jamais enregistré sur notre continent. Des tempêtes peuvent arriver mais on n'a jamais songé dans un premier temps à ce que ce soit l'œuvre de l'un des nôtres. Tout s'est passé si vite. J'ai personnellement perdu des amis chers dans la tempête avant de comprendre qu'il s'agissait d'une anomalie. Je remercie mon feu intérieur de m'avoir protégée. Cela n'a pas été facile mais j'ai pu sortir de là sans trop de blessures et je sais que je fais partie des plus chanceux. Quand je pense à toutes ces statues gelées qui ont été retrouvées au cœur même de la tempête, là où tout a commencé. Cela me fait...

– Espoir, je t'adore mais tu transformes la chambre en glacière, commenta Ambre.

L'hydro sursauta à l'appel et se retourna. Toute sa partie de la chambre était blanche et on pouvait voir des fleurs de glace se développer un peu partout. Si elle n'avait pas été aussi éprouvée par le témoignage d'une survivante du grand blizzard, elle aurait apprécié, peut-être, le décor digne de la Reine des Neiges.

Ambre était emmitouflée dans son lit et, pour la forme, elle enfilait des gants de laine. Sa bouche soufflait un nuage de buée et ses dents claquaient déjà. Espoir se frotta les bras elle aussi.

– Pardon, dit-elle en se levant. Je vais chercher Xie.

En quelques minutes à peine, la chaleur retrouva sa place dans la pièce sous le feu épanoui et la bonne humeur de leur amie. Amie qui venait de se coller à elle pour lui faire office de radiateur corporelle.

– Sur quoi tu travaillais pour mettre la chambre dans cet état ? demanda Ambre en venant les rejoindre, toute frigorifiée. C'est arrivé si vite !

– Je lisais un témoignage d'une des victimes du Grand Blizzard. Et ça m'a... fait peur, je crois.

Xie fronça les sourcils alors qu'elle tournait la tête vers le gros livre qu'Espoir avait emprunté à la bibliothèque. Elle soupira et secoua la tête en le refermant d'un geste un peu sec.

– Tu vas te prendre la tête sur ton élément en faisant ça. Arrête. Concentre toi plutôt sur le contrôle et les aspects positifs de la glace avant de te noyer dans son histoire destructrice. Tu es déjà assez flippée comme ça, ne t'en rajoute pas une couche !

Elle la poussa doucement vers l'extérieur.

– Viens, tu as besoin d'une bonne distraction et de chaleur.

– Le sauna ! Le sauna ! sautilla Ambre en fonçant vers son armoire pour sortir des serviettes.

Espoir soupira et ne put empêcher un sourire de fleurir sur son visage. Elle avait bien de la chance d'avoir des amies pareilles. Elle ne savait pas ce qu'elle ferait sans elles. Elle attrapa ses propres affaires et les suivit jusqu'au sauna commun le plus proche.

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N'aie pas peur... Le blizzard n'était rien qu'un rééquilibre. Trop de lumière noie l'obscurité et la fait disparaître. Nous avons besoin des Ténèbres, ma fille... Fais-moi confiance... Tout élémentaire doit suivre sa nature profonde, écouter son élément. Tu es glace tout comme ta mère et son arrière-grand-mère avant elle. Suis leurs traces... C'est ta destinée !

Ma destinée, pensa Espoir.

Accepte-toi. Accueille le froid. Accueille la glace. Ou tu te perdras.

J'ai peur...

*N'aie crainte. La glace fait partie de toi, c'est dans ta nature... dans la nature de toute glace... Retrouve-moi, ma chérie. Retrouve-moi et ensemble, nous allons tout... DETRUIRE !

Espoir se réveilla en hurlant de terreur. Un autre cri fit écho au sien. Ambre. Mais elle n'avait pas peur. Elle avait mal.

Toute tremblante, autant de peur que de froid, Espoir alla voir malgré tout comment allait sa meilleure amie.

Elle se figea, les yeux horrifiés.

Elle sortit en courant, les larmes se gelant déjà sur ses joues glaciales.

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Emma étudiait le contenu de sa garde-robe pour se choisir une tenue pour le lendemain. Elle avait le front plissé, la tête ailleurs. Le poids qu'elle avait sur ses épaules était lourd à porter et elle souhaitait lâcher prise. Elle attrapa sa veste en cuir noir, la coupe typique d'un club de bikers, et l'enfila. Le froid du métal qui se dispersait en pic sur les épaulettes la fit sourire. Qu'est-ce qu'elle aurait aimé pouvoir être elle-même et porter ce qu'elle voulait plutôt que de se montrer comme les gens s'attendaient qu'elle soit...

Elle ferma bien la veste et se laissa aller dans son lit, à s'imaginer sur une moto, le vent dans les oreilles, le feu la brûlant et la chauffant de l'intérieur. Une flamme vivace qui n'avait rien à prouver si ce n'est brûler de liberté. Pourquoi devait-elle assumer un avenir qu'elle ne souhaitait pas ? Ce n'était pas comme si elle n'avait pas deux frères pour la remplacer. Hélas, tel était le lot de l'aîné de famille. Elle devait assumer son rôle sans broncher ou subir le courroux et la déception de sa famille.

– Quand on est un Park, on doit l'être jusqu'au bout des ongles ! L'avenir de notre famille, de notre société en dépend !

Son père et son grand-père le lui rabâchaient sans cesse. Elle hochait toujours, silencieuse. Parlant que lorsque c'était exigé, évitant les fausses notes et montrant autant que possible patte blanche. La famille avant les rêves. Et peu importait si elle détestait ça, elle était fidèle à la famille.

Des hurlements la firent sursauter dans son lit. Emma se redressa, les sourcils froncés. Cela venait de la chambre d'à côté. Ambre et Espoir. Qu'est-ce qu'elles pouvaient bien faire ? Elle avisa l'heure et en notant qu'il était minuit passé, elle se décida à faire régner l'ordre. Le couvre-feu n'était pas pour les chiens !

Elle sortit d'un pas vif et s'apprêtait à ouvrir la porte d'â côté quand celle-ci s'ouvrit sur une Espoir apeurée. Pâle comme la mort et les cheveux blancs, elle s'écarta d'Emma en criant.

– Ne me touche pas !

La jeune fille s'enfuit en courant. Emma était sur le point de la poursuivre, peu désireuse de se faire sermonner pour avoir laissé une de ses filleules faire le mur, mais elle entendit les pleurs d'Ambre juste derrière elle. Elle entra dans la chambre.

Elle resta bouche bée face à la glace. Elle était partout ! Entre plaques de verglas et fleurs de cristal gelé, il était impossible de ne pas avoir froid en cet endroit. Emma souffla dans ses mains, crachant une petite flammèche au passage pour se préserver et s'approcha de la jeune fille emprisonnée dans son lit. Ambre était dans un cocon de glace formé par ses couvertures et elle n'arrivait pas à s'en défaire. Pleurant et hurlant de douleurs, elle suppliait Emma de la libérer de là.

La pyro se retourna.

– XIE ! VIENS M'AIDER ! s'exclama-t-elle avant d'allumer deux flammes puissantes dans ses mains. Ne bouge plus, Ambre. Je vais te libérer. Mais je pourrais te brûler si tu t'agites de trop là-dessous.

– Fais fondre la glace ! Je t'en supplie !

– Je vais la faire fondre mais calme-toi.

La chinoise arriva, les yeux encore embrumés de sommeil, mais en voyant Ambre en pleurs et le front d'Emma plissé par l'inquiétude, elle ne posa aucune question et vint elle aussi exposer sa flamme pour faire fondre la prison de glace.

– Qu'est-ce qui se passe ? demanda Helena sur le pas de la porte.

Elle aussi épuisée et emmitouflée dans son gilet de pyjama vert, elle restait sur le pas de la porte.

– Va composer le numéro d'urgence ! ordonna Emma sans se tourner vers elle. Il faut un gardien pour retrouver Espoir et aussi l'infirmière ! Dépêche-toi !

Helena attrapa la petite plaque de bois sur un meuble du salon et courut vers sa chambre chercher son téléphone. Elle composa vite le numéro et revint vers la chambre d'Ambre et Espoir. Au bout de trois tonalités, une voix d'homme décrocha.

– Allô ?

– On a besoin d'aide au dortoir des filles. Numéro 307.