Catherine se tenait à la fenêtre de son bureau et observait le parc. L'air commençait à se refroidir au fur et à mesure que l'automne venait s'installer dans les collines ardennaises. Les couleurs florales n'étaient plus présentes que dans les serres mais les feuilles avaient pris leur place avec plaisir. Tel était le cycle des saisons.
Elle attarda son regard bienveillant sur les élèves vêtus de plus en plus chaudement. Une petite tête bien plus emmitouflée que les autres passa en courant sur la place dallée en direction de la salle de sport. Catherine sourit. Elle s'attardait rarement sur toutes les activités de ses élèves, se concentrant plutôt sur les plus perturbateurs pour mieux les punir ou les contraindre à se contenir mais cette jeune fille, Espoir, était l'exception. Elle suivait son parcours scolaire avec beaucoup d'attention.
De nature attentive, même si elle n'était pas très brillante en géographie, particulièrement médiocre en méditation et ne participait pas encore vraiment au cours d'initiation élémentaire ou aux autres travaux pratiques où son gel venait entraver ses performances, Espoir démontrait un intérêt certain pour l'histoire, en particulier sur son élément, mais aussi, étrangement, en herbologie, surtout la théorie. Catherine avait aussi remarqué que la jeune fille passait énormément de temps à la bibliothèque.
Depuis deux semaines, elle avait remarqué qu'Espoir partait à la salle de sport. Elle s'était inscrite au club d'athlétisme. Elle courait presque tous les jours. Après une petite enquête auprès d'un élève plus âgé qui s'occupait de l'organisation, elle avait compris. Calme et chaleur. La jeune fille se créait sa propre chaleur et trouvait un certain calme qu'elle n'avait pas vraiment ailleurs.
Une alternative à la méditation qui n'était pas mauvaise. La jeune fille ne pouvait qu'en tirer des bénéfices sur le long terme. Mais elle devrait aussi trouver la sérénité dans l'immobilité, même si ce ne serait pas facile.
– Chaque chose en son temps, je suppose, murmura-t-elle avant de boire une gorgée de son thé.
– Plaît-il ? demanda Sylvain en se retournant.
Catherine lui sourit.
– Rien de particulier, dit-elle en le rejoignant à son bureau. Tu as ce que je t'ai demandé ?
– Oui. Cela n'a pas été évident de trouver. Elle a été dans tellement de services, tellement d'endroits...
Sylvain Leroy lui tendit une farde au carton jauni où quelques noms avaient été raturés. Le dernier toutefois était le plus important et écrit en lettres rouges.
– Son passé est si difficile à remonter ? demanda-t-elle en l'ouvrant.
– Oh que oui. Cela ne te dérange pas si je m'en grille une ?
Sylvain montra son paquet de cigarettes. Catherine secoua la tête et poussa un cendrier vers lui.
– Fais-toi plaisir.
Il alluma le tube blanc d'un doigt avant de reprendre.
– Et sans la prise de sang que vous lui avez faite, je n'aurais probablement pas pu faire retracer son lignage. Enfin, une branche est assurée. L'autre... J'attends le retour d'Antarca.
Les yeux de Catherine s'étrécirent alors qu'une pointe d'inquiétude grandissait dans son coeur.
– Tu crois qu'elle pourrait... ?
– C'est possible. On ne sait pas quand elle a commencé à être influencée par le SCN. Qui sait ce qu'elle aurait pu faire.
– Mais abandonner un enfant...
Catherine referma lentement le dossier. Quelque part, elle espérait à une simple coïncidence. Mais non, cela se complexifiait et pourrait empirer. Ou peut-être s'améliorer. Elle devait encore y réfléchir. Longuement.
– Qui est au courant ? demanda-t-elle ensuite.
– Personne. Je voulais être sûr. Et puis, ce ne sera pas très bon pour elle si cela venait à se savoir.
– Tiens-moi au courant dès que tu en sauras plus. Je verrai de mon côté pour en parler avec les autres.
– Et avec elle ? Je suis son référent.
– Attendons de voir ce qu'il en est réellement avant de lui dire. Parfois, il vaut mieux ne rien savoir.
– Tu penses à lui ?
Sylvain s'était fait plus hésitant sur sa dernière question.
– Je me fais du soucis pour lui, oui.
– Son état a empiré ?
– Je n'en sais rien. Tu le connais. Il garde les choses pour lui. Qui sait comment il pourrait réagir...
– Je pense que tu devrais quand même être honnête avec lui et lui laisser le choix. On le lui a déjà arraché une fois en le maintenant dans l'ignorance. Et si c'est bien elle...
– Justement, Sylvain, interrompit Catherine. Cela pourrait être plus dur car cela viendrait d'elle. Tu ne sais pas à quel point il l'aime encore.
– Mais le coeur noir n'est-il pas... ?
– Il y a encore bien des choses que nous ignorons sur cette pathologie. C'est pour ça que je dis prudence. Je verrais comment l'annoncer.
– C'est vrai que cela sera mieux accepter de ta part que de la mienne. Il n'aime pas trop les pyro.
Sylvain tira une dernière bouffée de sa cigarette avant de l'écraser dans le cendrier.
– Il faut que j'y aille. J'ai d'autres dossiers qui m'attendent.
– Rentre bien, sourit Catherine tout en hochant la tête.
L'homme sortit et elle put s'attarder un peu plus sur le dossier révélant un lourd passé pour une jeune fille. Elle caressa les capitales rouges de son doigt.
– Tu n'as définitivement pas une histoire facile.
Elle inspira profondément pour contenir ses émotions et surtout, empêcher des larmes de couler. Elle ne voulait pas être tentée. Lire l'avenir pouvait être une chose bénéfique parfois, mais dans certaines circonstances, il valait mieux rester dans l'ignorance.
Elle se leva et ouvrit un tiroir où elle gardait les dossiers des élèves de l'école. Elle glissa son doigt jusqu'à trouver celui d'Espoir Storm et y ajouter la farde que Sylvain avait laissée.