Il y avait ce bruit incessant et strident à son oreille. Il était régulier mais désagréable. Un bip. Il ouvrit difficilement les yeux, ébloui par la lumière vive. Il grogna. Il entendit du mouvement à côté de lui mais se sentait encore lourd et affaibli, bien trop pour pouvoir bouger le moindre muscle. Il commença peu à peu à s'habituer à la lumière et se concentra sur son environnement.
Il ne voyait rien. Il n'avait ni ses lunettes ni ses lentilles. Pas même une potion pour améliorer sa vision. Toutefois, il devina bien vite où il se trouvait en identifiant le bruit. Un monitoring moldu. Il était dans un hôpital. L'ambiance aseptisée le lui confirma. Il leva lentement la main où il sentait qu'il avait quelque chose sur le doigt. C'était l'appareil qui mesurait ses battements de coeur. Il chercha à l'enlever.
Il se figea.
Une main pale mais forte venait de franchir son champ de vision déjà trouble pour se saisir de son poignet. Il n'éprouvait aucune douleur à cela. Il suivit tant bien que mal le bras et tomba sur des vêtements noirs. Il retint son souffle en comprenant peu à peu qui était auprès de lui, lui tenant ainsi la main. Il posa ses yeux verts sur un visage pâle, flou, encadré de cheveux noirs.
— Respire Harry, murmura-t-il doucement.
— Angel..., répliqua le malade en reprenant son souffle.
— Tu fais si peu cas du nom que tes parents t'ont donné ?
La voix de Severus était profonde et calme, sans la moindre once de méchanceté ou de colère. Juste de la curiosité et de l'inquiétude. Angel écarta très vite cette dernière pensée. Non, il ne pouvait pas être inquiet pour lui. Il n'était rien de plus qu'un gamin arrogant qui lui causait des problèmes, encore et toujours plus de problèmes. Pour tout le monde. Il détourna le regard alors que ses yeux s'embuaient de larmes.
La main sur son poignet le relâcha pour venir cueillir son menton avec douceur. Il fut obligé à regarder l'homme qui avait rapproché son visage.
— Je t'ai posé une question.
— Pourquoi cela t'intéresse ? Pourquoi est-ce que cela intéresserait qui que ce soit ? Personne ne s'intéresse à Harry. Harry Potter n'est rien autre que le héros du monde sorcier que tout le monde adule. Tout le monde veut être ami avec Harry Potter. Tout le monde veut être ami avec le Survivant, le Sauveur du monde sorcier. Tout le monde veut lui serrer la main. Mais personne ne connait vraiment Harry. Tout le monde s'en fiche. Pour les uns, il est un héros, pour les autres un enfoiré, un homme arrogant et prétentieux, pour d'autres encore il n'est que le monstre que l'on cache dans le placard ou qu'on envoie travailler, tel un esclave dans un bar. Harry Potter n'est qu'un minable.
— Et Angel ?
— Angel était un artiste. Mais maintenant c'est un minable aussi.
— Pourquoi serais-tu un minable, Angel ?
La voix restait neutre alors que la main avait lâché le menton pour se glisser sur sa joue, l'empêchant de détourner le regard.
— Je suis minable.
Il retint ses larmes le plus longtemps possible alors qu'il fusillait l'homme en face de lui avec colère.
—Minable d'avoir cru pouvoir un jour être heureux, minable d'avoir brisé des règles que je m'étais imposées pour me protéger, minable d'avoir ouvert mon coeur à un homme qui finalement me jette comme si je n'étais rien. Je suis insignifiant. Je suis qu'une merde ! Quand je mourrais, personne ne se préoccupera de moi. Je ne suis rien...
Il ferma les yeux, refusant de regarder plus longtemps cet homme qui lui avait brisé le coeur. Dans le mouvement, pour son plus grand malheur, une larme coula sur sa joue, révélant sa faiblesse.
Severus soupira. Il avait vu la colère dans ce regard émeraude mais surtout la douleur. Harry Potter était un orphelin, il le savait mais il l'avait toujours cru vivant dans une maison, aimé de sa famille. Il avait compris que ce n'était pas le cas en parlant avec Mushu. Il comprenait la douleur du jeune homme qui n'était pas apprécié pour ce qu'il était mais bien pour ce qu'il représentait. Sa vie dans le monde magique ne se résumait qu'à un rôle. A se demander s'il avait pu ne serait-ce qu'un instant être lui-même. Il avait senti comme un coup de poignard dans sa poitrine quand il se rendit compte qu'il avait été l'un des bourreaux qui l'écrasaient alors qu'il essayait simplement de vivre plus ou moins normalement entre deux dangers mortels.
Et là, il venait d'apprendre que le jeune homme n'éprouvait même plus de plaisir à être Angel, que cette vie ne se résumait plus qu'à être un rôle également. Il était anéanti. A cause de lui. Severus avait finalement détruit plus d'une fois ce jeune homme sans s'en rendre compte. Lui qui pensait que le jeune Harry Potter s'était moqué de lui, il ne pouvait nier l'évidence. Ses sentiments à son égard avaient toujours été sincères.
Il glissa son pouce pour effacer la larme qui avait coulé sur cette joue pale et creuse, bien trop creuse à son goût. Il se pencha en avant et embrassa les cheveux du jeune homme, le sentant se tendre sous son toucher.
— Tu n'es pas minable Angel, murmura-t-il à son oreille. Quand je t'ai découvert sur scène dans ce club, tu étais un ange pour moi. Je venais d'entrer dans le club pour la première fois. Lucius m'y avait tiré de force pour me changer les idées. J'étais... dépressif. Et puis, je t'ai vu. J'ai repris goût à la vie et ses plaisirs. Je ne t'ai pas approché tout de suite parce que je ne me sentais pas prêt à parler avec une créature aussi divine que toi.
Il s'écarta et vit les yeux verts émeraudes le fixer, attentifs.
— Je me suis même demandé à un moment si tu n'étais pas une vélane...
Il eut droit à un soulèvement de sourcil. Severus rit doucement, caressant toujours cette joue creuse de son pouce.
— J'ai flirté un peu avec quelques autres hommes mais rien ne me convenait dans la foule. Alors j'ai tenté ma chance avec toi. Tu étais un véritable mystère et j'ai toujours aimé les résoudre. Et tu m'as invité à jouer, à flirter avec toi. Et finalement, j'ai découvert que tu étais le genre de personne avec qui j'adorerai pouvoir construire ma vie.
— Et après tu as su qui j'étais et tu m'as blessé. Comme tout le monde.
— Parce que je pensais que tu te moquais de moi depuis le début, que tu jouais avec moi.
Severus soupira.
— J'ai tellement souffert à cause de ton père et Black que j'ai cru que tu étais comme eux. Je viens juste de réaliser à quel point je me trompais.
— Cela ne change rien, murmura piteusement le jeune homme.
Severus glissa sa deuxième main sur l'autre joue du garçon avec tendresse.
— Au contraire, cela change tout. Maintenant que j'ai la vérité sous les yeux, que je sais à quel point tu t'es détruit à cause de tes sentiments pour moi, à quel point j'ai été aveugle au point de croire que tu te moquais de mes propres sentiments et que tu ne faisais que jouer avec moi. Pour moi, que tu sois finalement Harry, ou Angel, je m'en fiche, ce qui importe à mes yeux, c'est toi.
Severus se rapprocha du visage du jeune homme et posa doucement ses lèvres sur les siennes. Il l'embrassa avec douceur et tendresse. Angel resta un instant immobile, avant de fermer les yeux et de rendre un baiser timide. Comme s'il ne croyait pas ce qu'il lui arrivait. Le Serpentard brisa le contact en premier mais resta là, front contre front, yeux dans les yeux.
— Et je commencerai déjà par t'aider à te remettre sur tes pieds et m'occuper de ta santé, My Angel.
Il vit une lueur d'espoir dans le regard émeraude. Elle était faible mais bien présente. Il lui fit un doux sourire alors qu'il l'embrassait encore, tout aussi tendrement, tout aussi doucement que le précédent.
Quand une infirmière vint quelques heures plus tard pour voir l'état du patient, elle sourit en voyant ce dernier avec un léger sourire, endormi dans les bras de l'homme qui l'avait veillé durant toute la nuit. Elle les laissa dormir et quitta la chambre en silence.