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Chiara
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Chapitre 4

Descendre l’escalier dérobé de la bibliothèque est devenu un rituel ces derniers temps. Au moins une fois par jour, Aliona active le mécanisme qui dévoile les marches dissimulées par l’âtre de la cheminée. Maintenant qu’elle maitrise un peu mieux ses pouvoirs, elle n’a même plus besoin de flambeau pour s’éclairer. Une simple flamme au bout des doigts, elle dévale l’escalier en colimaçon qui l’amène à la salle d’entrainement où l’attend Cassandre. Ses pas résonnent sur la pierre sèche.

La jeune femme se presse. Elle a été retenue par les derniers essayages pour sa robe de couronnement. Lucie était tout excitée de pouvoir l’assister dans cette tâche.

Arrivée à la moitié de la descente, elle entend l’écho de voix familières. Ces dernières se font de plus en plus claires au fur et à mesure de son avancement. Jonas est déjà là et s’entraine avec la prophétesse.

—   Ah ! Te voilà enfin Majesté ! s’exclame Cassandre sans même prendre la peine de se retourner pour accueillir Aliona. Continue comme ça, Jonas, je reviens.

La femme aux cheveux rouge s’avance vers Aliona tandis que le Jonas poursuit son exercice. Le jeune homme crée de petites tornades avec une facilité déconcertante alors qu’après des mois d’entrainement Aliona est tout juste en mesure de faire une flamme qui lui permette de s’éclairer. La reine ne peut s’empêcher de serrer les dents, frustrée de la lenteur avec laquelle elle progresse alors que tout semble simple et naturel pour Jonas.

La dernière fois, la prophétesse leur a expliqué que chaque élément avait un pouvoir primaire et des pouvoirs secondaires. Le pouvoir primaire de l’Air est de maitriser ses flux, créer de petits courants d’air et avec un peu d’entrainement, canaliser assez d’énergie pour faire de l’électricité. Mais le pouvoir ne s’arrête pas là. Avec de la pratique, il peut permettre à son détenteur de déformer les sons, de faire léviter des objets et même de voler.

Avec son pouvoir du Feu, Aliona peut créer des flammes et c’est à peu près tout ce qu’elle sait faire pour l’instant. Elle devrait pourtant savoir réguler la température de son corps et celle de son environnement, réussir à faire fondre certains métaux… Mais non, Aliona arrive à peine à maitriser ses flammes malgré toutes ses heures d’entrainement.

—   On commence ? demande Cassandre tirant Aliona de ses pensées.

La jeune femme se met en place. L’exercice est simple, créer une flamme sans calciner la plume posée sur le présentoir devant elle. Le but est qu’Aliona maitrise la puissance de son Feu, ce qui pour l’instant n’est pas son point fort.

Première tentative. Premier échec. Elle ne produit que de faibles étincelles. Insuffisant pour réussir l’exercice. Elles n’ont même pas touché la plume.

—   Augmente l’intensité, insiste Cassandre alors qu’Aliona soupire de frustration.

À côté, Jonas qui a fini de s’échauffer fait léviter de petits objets comme s’il avait passé sa vie à faire cela.

Aliona fait rouler ses épaules et recommence. L’énergie n’est toujours pas suffisante. Une toute petite flamme se forme, mais elle ne se maintient pas assez longtemps. Trop fragile…

—   Plus fort, ordonne sèchement la prophétesse.

Aliona ferme les yeux et prend une grande inspiration. Elle essaye de se concentrer sur ses sensations comme Cassandre le lui a appris. Les battements de son cœur résonnent dans sa poitrine. Elle sent la chaleur agréable de sa magie se diffuser dans tout son corps, son sang qui s’échauffe légèrement, le picotement désormais familier au bout de ses doigts.

Elle ouvre les yeux et focalise son intention sur la plume. Créer un feu sans pour autant la calciner. L’entourer de cette chaleur réconfortante et protectrice sans la brûler.

Elle expire doucement et laisse son pouvoir se déverser. La flamme se crée et se stabilise. La plume ne brûle pas. Aliona esquisse un sourire. Heureuse, elle s’apprête à crier victoire, mais elle perd le contrôle. Le Feu s’intensifie, le brasier devient de plus en plus fort. La plume commence à brûler. La jeune femme panique. Ses yeux s’écarquillent d’horreur. Elle tente de se reconcentrer sur son pouvoir, en vain. Son cœur palpite et la maitrise des flammes lui échappe totalement. La chaleur dans la pièce augmente dangereusement. Le Feu commence à calciner le présentoir. Les flammes deviennent bleues, tant la chaleur est devenue intense.

—   Jonas ! s’écrit Cassandre.

La prophétesse ne panique pas. Elle ordonne au jeune homme d’user de ses talents pour remédier à la situation. Jonas abandonne son exercice sans réfléchir. Sans bouger, il lance un sort assez puissant pour étouffer le Feu hors de contrôle d’Aliona. La jeune femme en reste bouche bée.

Une légère volute de fumée s’échappe du présentoir là où se trouvait la plume, il n’y a pas dix secondes. Tout est allé si vite.

—   J’y étais presque, marmonne Aliona, les dents serrées tandis que les battements erratiques de son cœur résonnent dans ses oreilles.

—   Mais tu n’as pas été suffisamment précise, la sermonne Cassandre. On recommence. Hors de question de s’arrêter sur un échec si près du but.

La sage est une femme obstinée. Elle peut passer des heures à insister auprès d’Aliona, à la pousser dans ses retranchements, jusqu’à ce que la jeune femme arrive à progresser dans la maitrise de ses pouvoirs. Cela prend parfois des heures pour que la reine parvienne à réaliser le plus simple des exercices. Au fur et à mesure des entrainements, Aliona commence sacrément à perdre patience. Elle tremble de colère envers elle-même.

Pourquoi en suis-je incapable ?

—   Tu vas y arriver, chuchote Jonas, tandis que Cassandre s’est éloignée chercher une nouvelle plume.

Le jeune homme est à l’autre bout de la pièce. Il a utilisé son pouvoir pour contrôler la diffusion de sa voix dans la pièce. Aliona se tend davantage. Pensant bien faire, Jonas envoie une brise effleurer sa nuque en une caresse apaisante. Ce geste, pourtant attentionné, ne fait qu’accentuer l’énervement de la jeune reine.

—   On y retourne ! clame Cassandre en frappant des mains après avoir installé une nouvelle plume.

Agacée, Aliona ne réfléchit pas et envoie son pouvoir en direction de la plume sans en doser l’intensité. Elle brûle instantanément. Réduite en cendres.

—   J’en ai marre, déclare Aliona d’un ton qui se veut sans appel.

Ni Cassandre ni Jonas ne comprend ce qu’il se passe. Ils échangent des regards surpris. Une conversation muette se joue entre l’enseignante et le jeune homme. Aliona ne perd pas plus de temps. Elle se dirige vers les escaliers et gravit les marches quatre à quatre.

—   Ali ! Attends ! l’interpelle le jeune homme qui s’empresse à la suite.

Elle l’ignore ostensiblement et poursuit son ascension.

Nulle, nulle, nulle. Tu es trop nulle, se répète-t-elle mentalement. Incapable de réussir le plus simple des exercices alors que ça fait des mois que je devrais savoir doser ce maudit pouvoir. Je suis vraiment nulle…

Les larmes lui montent aux yeux. Focalisée sur ses reproches, elle n’entend même pas Jonas qui l’a rattrapée dans les escaliers.

—   Qu’est-ce qu’il se passe ? lui demande-t-il en arrivant à son niveau. Tu étais pourtant bien partie.

Aliona lui lance un regard noir.

—   Tu trouves ? Ça fait des semaines que je devrais savoir faire cet exercice, mais une fois de plus c’est un échec.

—   Tu te mets trop la pression Ali.

—   Facile à dire pour toi ! On dirait que tu as fait ça toute ta vie. Tout parait si simple quand c’est toi qui le fais.

Le visage de Jonas se ferme, blessé.

—   C’est faux ça, je travaille autant que toi Aliona.

—   Tu parles ! Ça fait à peine un mois que tu assistes aux cours et tu fais déjà voler des objets et tu manipules les sons dans la pièce ! s’emporte la jeune femme alors qu’ils arrivent dans la bibliothèque.

—   Moins fort, quelqu’un pourrait t’entendre.

Les yeux d’Aliona lancent des flammes. Son sang bouillonne. Que les gens l’entendent, elle s’en moque. Ce n’est pas comme si les pouvoirs de Jonas étaient un secret ! Il a littéralement électrocuté Kieran lors du bal des Lumières.

—   Tu n’as pas à me donner d’ordres ! s’énerve-t-elle.

—   Bon sang Aliona ! Tu vas te calmer ? Pourquoi tu te mets dans un état pareil ? s’emporte à son tour Jonas.

Comme à son habitude, la bibliothèque est vide. Il n’y a aucun signe de vie entre les rayons de livres poussiéreux. La dispute du couple royal est le seul élément perturbateur de la pièce.

—   J’en ai marre d’être bonne à rien !

—   Mais tu n’es pas bonne à rien ! Par Léonis, tu maitrises le Feu !

Aliona souffle et lève les yeux au ciel.

—   Je ne maitrise rien du tout…

—   Et tu sais pourquoi ? Parce que tu te laisses submerger par tes émotions alors que c’est à toi de les dominer.

La tension dans la pièce redescend légèrement. Jonas s’approche suffisamment pour pouvoir effleurer le bras d’Aliona.

—   Prends le temps de respirer, Ali.

La jeune reine ferme les yeux et se laisse porter par la voix de Jonas.

—   Tu es capable de grandes choses. Tu es une femme formidable et tu seras une reine mémorable. Il faut juste que tu apprennes à te maitriser avant de vouloir contrôler le reste.

Elle prend une grande inspiration tandis que Jonas se positionne dans son dos. Il chuchote ses mots au creux de son oreille.

—   Laisse monter la chaleur. Sens-la apaiser tes tensions. Elle n’est pas ton ennemie. Visualise les flammes. Elles s’élèvent lentement, inoffensives. Elles se plient à ta volonté.

Les paroles de Jonas sont hypnotiques. Aliona suit ses consignes à la lettre. Elle sent le picotement familier de son pouvoir. Elle accueille la chaleur sans la combattre. Elle l’accepte comme une part entière d’elle-même. Elle visualise les flammes comme des rubans qui dansent et se plient à sa guise.

—   Ouvre les yeux, souffle Jonas.

La jeune femme ouvre les yeux. La bibliothèque est comme éclairée par des guirlandes de Feu. Les yeux d’Aliona se promènent sur les rayons des livres et les flammes suivent leur trajectoire. Elles passent entre les ouvrages sans les brûler. Elles ne font que frôler le papier sans lui laisser le temps de s’embraser.

—   C’est magnifique, murmure la reine subjuguée par le spectacle qui s’offre à elle.

—   Car ça vient de toi, répond le jeune homme. Tu vois, tu es bien plus que capable d’effectuer les exercices que Cassandre te demande. Il faut que tu prennes confiance en toi.

Les Flammes retombent. Aliona se tourne vers Jonas les yeux embués d’émotion.

—   Merci.

—   Je n’ai rien fait.

Aliona vient se blottir dans les bras de son fiancé.

—   Tu m’as montré que j’en étais capable alors que je n’y croyais plus. Si tu n’étais pas là, qui croirait en moi quand je m’en montre incapable ?

Jonas saisit son menton entre son pouce et son index pour la forcée à le regarder dans les yeux.

—   N’oublie jamais qui tu es Aliona. Tu es la femme la plus forte et la plus déterminée que je connais. Tu peux faire plier qui tu veux à ta volonté, à condition que tu croies en toi.

Doucement, le jeune homme pose ses lèvres sur celle de la reine. Un baiser léger, un effleurement aussi doux qu’une aile de papillon.

—   On y retourne ? dit-il en indiquant le passage derrière la cheminée.

Aliona acquiesce et ensemble ils redescendent les marches afin de reprendre l’entrainement avec Cassandre.

Alors que le passage finit de se refermer, des pas résonnent dans la bibliothèque. Cyrus émerge derrière une étagère chargée d’ouvrages tous plus volumineux les uns que les autres. Son regard est sombre. Il ne dit pas un mot et quitte la salle avant que quelqu’un ne le surprenne…

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