La chambre est baignée dans la Lumière chaleureuse et enchanteresse de l’aube. Le temps semble en suspens. Tout est encore endormi au palais d’Ignis. Rien ne pourrait venir perturber la paix et la tranquillité de cet instant. Ni couronne, ni trône, ni obligations ne sont là pour faire de l’Ombre à ce moment.
La respiration paisible de Jonas berce doucement Aliona telle une brise d’été. Elle ne peut détourner ses yeux de l’homme qui partage sa couche. Elle croit rêver. Enfin, ils sont tous les deux réunis après tant d’épreuves.
Un rayon de lumière éclaire faiblement le corps du jeune homme. Le drap a glissé dans la nuit, dévoilant son torse sculpté par les années de travail dans les jardins. La tête posée sur son épaule, Aliona écoute les battements réguliers du cœur de Jonas. Ils l’apaisent alors qu’elle songe à la journée qui l’attend. Si elle pouvait prendre des vacances de son rôle de Reine pour rester là, elle le ferait volontiers. Ses doigts caressent distraitement la peau de Jonas, dessinant les contours de ses muscles, dansant au rythme des battements de leurs cœurs.
Le bras de Jonas remonte lentement, caressant celui d’Aliona avant d’emprisonner ses doigts pour les porter à ses lèvres.
— Déjà réveillée ? demande-t-il d’un souffle, les yeux encore fermés et la voix endormie.
— Vraiment ? Je pensais être plongée en plein cœur de la nuit, à l’heure où les rêves semblent si réels qu’on peut les frôler du doigt, dit-elle en reprenant possession de sa main pour doucement la faire descendre sous les draps.
Les yeux de Jonas s’ouvrent pour plonger dans le regard pétillant de malice de la jeune femme qui trahit ses intentions malgré son ton faussement innocent.
Jonas est cette fois-ci parfaitement réveillé. En un geste souple, il se tourne de manière à faire rouler son corps sur celui de sa fiancée. Les flammes s’illuminent dans les yeux d’Aliona et une douce chaleur les entoure. Sa fiancée. Cela lui parait si irréel pourtant, dans quelques heures, leurs fiançailles seront officiellement annoncées à la Cour d’Arietis.
Un rire cristallin échappe à Aliona alors qu’il embrasse son cou.
— Chut, murmure-t-il, je ne suis pas censé être là, lui rappelle-t-il.
— Je connais un bon moyen de me faire taire, répond-elle, un sourire suggestif aux lèvres avant de l’embrasser.
Même s’il tente d’être discret, le jeune couple ne parvient pas à rester silencieux. Leurs baisers étouffent leurs gémissements alors que leurs caresses s’intensifient.
Cela fait plus d’une semaine que toutes les nuits, Jonas se glisse en douce dans les appartements d’Aliona et les quitte avant que les femmes de chambre ne viennent la réveiller. Ils ne sont pas dupes. Ils savent très bien qu’ils sont loin d’être discrets et que s’ils arrivent à voler du temps pour passer quelques heures de la nuit ensemble ce n’est que parce que le Roi Léonard ne s’y oppose pas. Si l’envie lui prenait de renforcer la garde à la porte de sa fille, Jonas ne pourrait plus venir profiter d’Aliona comme il le fait en cet instant. Tant qu’ils donnent l’illusion de respecter les convenances en public, ils pourront continuer à se voir en douce. Quoi qu’il arrive, dans quelques semaines ils seront mariés et ils n’auront plus besoin de se cacher pour s’aimer…
Les oiseaux chantent, la lumière aveuglante du matin éclaire désormais la pièce entière, alors qu’Aliona est blottie dans les bras de Jonas. Il lui caresse doucement le dos alors que ses cheveux sont éparpillés sur son torse. L’odeur de jasmin flotte dans la pièce. Il adore ce parfum.
— Il va falloir que j’y aille avant que ton armada de femmes de chambre n’arrive, déclare Jonas à contrecœur.
En dépit de ses mots, il n’esquisse aucun mouvement pour quitter la chaleur du lit de la jeune femme. Chaque jour qui passe rend la séparation de plus en plus difficile. Au départ, il partait avant même les premières lueurs de l’aube, mais plus le temps passe, plus il lui est difficile d’abandonner la douce chaleur de leur cocon d’intimité.
— Reste, il est encore tôt, insiste Aliona, une main posée sur son cœur.
— Tu sais très bien que la dernière fois elles ont failli me surprendre, lui rappelle-t-il. Il faut vraiment que j’y aille.
— Très bien, fait mine de céder Aliona qui vient se mettre à califourchon sur lui.
Les mains de Jonas se baladent sur ses cuisses et les yeux d’Aliona s’éclairent à ce contact qui trahit son désir. Il pourrait donner sa vie pour ce regard illuminé par la vie. Il prend une grande inspiration en fermant les yeux dans une vaine tentative pour se maitriser.
— Ali…, gronde-t-il sur le point d’abandonner sa résolution de retourner dans ses appartements et céder encore une fois à ses avances.
Il le sait, si elle continue ainsi il ne quittera jamais son lit, et c’est bien ce qu’Aliona semble vouloir.
— Oui ? demande-t-elle innocemment.
Quand il réouvre les yeux, Jonas est ébloui par la vision du corps de la jeune femme, ses cheveux retombant sur sa poitrine. Elle est entièrement nue et ses lèvres sont gonflées par les baisers qu’ils ont déjà échangés. Cette image vient à bout de la raison de Jonas qui ne peut se résoudre à quitter ce lit maintenant.
Alors qu’il cède et se redresse pour l’embrasser, la porte de la chambre s’ouvre brutalement. Le couple sursaute et Aliona roule pour se couvrir pudiquement avec le drap.
— Vous êtes encore là ? s’étonne la femme de chambre.
Madame Noura est une petite femme rousse qui tient la maison royale d’une main de maitre. Elle est au service d’Aliona depuis toujours. C’est elle qui l’a vue grandir et qui a été à ses côtés. En somme, Madame Noura est un peu comme une seconde mère. Elle en a vu des choses, mais fait preuve d’une fidélité sans faille à sa maitresse.
— D’habitude à cette heure-ci, vous avez quitté la chambre depuis longtemps, poursuit-elle.
— Quoi ? s’exclament-ils en cœur.
— Vous pensiez vraiment que nous n’attendions pas son départ pour venir ? Mais ce matin, nous n’avons pas le temps. Allez ! On se dépêche, l’heure tourne ! s’exclame Madame Noura en tapant dans ses mains.
— Quelle heure est-il ? demande Aliona.
— Huit heures, Majesté.
— Huit heures ! Bon sang, mon père m’attend pour le petit déjeuner à neuf heures, je vais être en retard !
Oubliant toute pudeur, Aliona sort du lit complètement nue pour se rendre dans la salle de bain et se préparer pour voir avec son père. Ils doivent encore régler quelques détails avant d’annoncer les fiançailles ce soir. Jonas se laisse lourdement retomber sur les oreillers alors que les ordres pour préparer la Reine fusent de toute part. La mention du Roi Léonard le ramène aussi efficacement à la réalité de la vie de Cour qu’une douche froide.
— Allez, ouste jeune homme ! le chasse la femme de chambre. Il est temps pour vous de regagner vos appartements avant que vos gens ne viennent pour vous réveiller.
Jonas s’empare de sa chemise et enfile son pantalon.
— Je…
— Ne vous en faites pas, le coupe-t-elle, nous ne dirons rien. Maintenant, déguerpissez ! La Reine vous retrouvera au petit déjeuner.
Jonas a à peine franchi la porte pour rejoindre le couloir qu’elle claque dans son dos. Pour la discrétion, on repassera. Le temps s’est bien mis en route et la journée ne fait que commencer.