Assis sur un coussin moelleux et brodé avec des fils d’or – cet endroit empestait la richesse, constamment –, Maximilien, sur les genoux, ne détachait pas son regard de Kahl Morgas, en face d’eux, une tasse sans anse entre les mains. Il buvait en silence alors que tous ceux présents étaient pendus à ses lèvres, dans l’attente de meilleures explications. « C’est votre liberté qui est en jeu. », que voulait-il dire par là ? Une sorte de transaction entre les prisonniers et la famille royale ? Quelque chose de doux vint frôler sa joue, lui arrachant un sursaut de surprise. Son regard fut attiré par l’énorme touffe à côté de lui, six queues avec des poils longs et d’un bleu roi qui devenait plus clair à la lumière. Maximilien frémit d’impatience et d’étonnement, un petit sourire bataillait sur ses lèvres alors qu’il tentait de retenir sa joie. Une kitsune. C’était la première fois qu’il en voyait en vrai : des mortels qui possédaient entre une et neuf queues selon leurs âges, avec des pouvoirs associés aux illusions, le contrôle des éléments et même le contrôle des âmes. Enfin, pas au même stade que lui, mais cela restait impressionnant. Apparemment, il était possible d’en trouver qu’à Takita, un pays où la neige ne cessait jamais de tomber et réputé pour sa beauté comme sa fermeté politique concernant les Lomes ou la hiérarchie sociale. Alors pourquoi avait-elle atterri ici, dans un endroit si différent de sa patrie ? Maximilien fut assailli d’un sentiment particulier, entre la joie de voir ce qu’il n’avait vu que dans ses livres d’histoire et la crainte d’être déçu de cette rencontre. Il n’eut pas le temps de s’attarder que Kahl finit par poser sa tasse sur la table entre eux.
– Je suppose que vous êtes encore totalement perdus sur ce qui vous attend, certains plus que d’autres.
Les yeux du Stir se posèrent quelques secondes sur lui, sévères, puis il reprit son discours.
– Mais les choses ne sont pas aussi mauvaises que vous le pensez, reprit-il. Comme vous le savez, vous avez avalé un sérum de vérité mis dans vos repas hier soir. Cela nous a permis de faire le tri entre les personnes dangereuses que nous devions renvoyer chez elles, ceux qui devaient finir dans nos prisons, celles à intégrer dans notre ville pour être protégées et celles, donc vous, qui ont retenu notre attention par rapport à votre potentiel apport pour Laven.
– Quel apport ? interrompit un homme, sans animosité.
Maximilien lui lança un coup d’œil, il ne distingua que son profil, une peau légèrement bleutée et de longues oreilles, comme la princesse Jamila. S’il se souvenait bien de ce que racontaient ses livres, cet homme ressemblait à un elfe des eaux.
– De puissance et de connaissances, reprit Kahl Morgas. Vous n’êtes pas nos prisonniers ni nos ennemis, nous vous avons simplement récupérés auprès des marchands d’esclaves, qui ont été arrêtés et exécutés. Si vous voulez partir, nous vous renverrons simplement chez vous…
La malice qui vogua dans les pupilles du Stir mit la puce à l’oreille de Maximilien et quand ses yeux balayèrent la salle, il devina aisément qu’il ne leur laissait pas vraiment le choix : ces personnes devaient avoir une très bonne raison de ne pas retourner dans leurs pays, Kahl le savait et il en jouait. Leurs visages s’étaient assombris, conscients de la menace sous-jacente de cet homme vil. Sauf pour lui-même, rien ne l’obligeait à rester.
– Tout ce que nous voulons, les Morgas, ce sont de nouvelles têtes dans nos rangs qui nous permettront de protéger Laven et de repousser la Nouvelle-Lome. Vous, autant que moi, savez la menace que représente ceux à la tête de ce pays. Depuis des siècles, ils ne cessent jamais de nous imposer leurs croyances stupides et leurs règles insensées et même si nous avons pu nous libérer de leur joug, en tant qu’esclaves, il y a bien longtemps, leurs attaques se perpétuent autant que leurs menaces. Nous n’avons gardé que vous, car vos pouvoirs sont assez intéressants et puissants pour retenir notre attention. Évidemment, les Morgas restent supérieurs à ce niveau, alors n’envisagez même pas de répliquer et de nous attaquer, sinon vous finirez comme le petit gars qui a essayé de s’en prendre à Almagar tout à l’heure.
Personne n’osa répondre, la tension augmentait au fur et à mesure des paroles prononcées par cet homme. La famille royale avait assez de pouvoirs pour faire taire les esprits, même les plus fiers ou véhéments. « Le mien aussi, par la même occasion… ». En même temps, par mesure de sécurité, il valait mieux garder le silence.
Une règle qu’il avait du mal à tenir, mais il essayait…
Kahl reprit une gorgée de sa collation, avec un fin sourire qui planait sur ses lèvres, et une de ses mèches retomba sur son visage, indomptable.
– Dès que nous aurons accompli nos objectifs, vous gagnerez une liberté totale. Et si vous nous demandez, coupa Kahl alors que la kitsune ouvrit la bouche pour savoir de quoi il parlait, nous souhaitons mettre hors d’état de nuire ceux qui multiplient les attaques sur Laven depuis plusieurs mois. Même si ce n’était que des espions au départ, quelque chose a changé il y a près d’un mois, peut-être même deux, leurs assauts sont devenus bien trop virulents et étranges. Nous soupçonnons la Nouvelle-Lome, qui a encore pour objectif d’asservir tous ceux qui ne se conforment pas à cette foutue Catalome. Alors nous recrutons le plus de personnes possible…
– Ce qui veut dire que je peux partir, interrompit Maximilien, légèrement trop impulsif.
Mais à raison : quel intérêt pour eux de garder un homme sans histoire et, d’apparence, sans pouvoirs ? Son Kin était devenu quasiment indétectable – comme s’il n’en possédait pas – s’il se fiait aux réactions des autres le concernant et rien n’indiquait qu’il pouvait leur servir, contrairement à un elfe ou une kitsune. Le Stir guigna sur Almagar, un sourcil haussé.
– Par sécurité, répondit-elle. Tu es le seul à avoir deviné notre stratagème d’hier soir et, malgré les réticences de certains à manger, tu es aussi le seul à… s’être défenestré. Nous ne savons pas qui tu es, d’où tu viens, ce dont tu es capable, alors nous préférons te garder proche de nous. Même si tu as un physique qui nous laisse penser que tu puisses venir des Lomes, tout est possible. Et vu que tu as la bouche bien scellée au même niveau que ton esprit… N’aie pas l’air aussi étonné, ricana-t-elle en voyant son air perplexe, je sais lire dans l’esprit des autres, comme une bonne partie des dragons.
– Donc vous êtes une dragonne ? souffla Maximilien, sentant ses mains trembler légèrement d’excitation. Vous êtes… je ne sais pas comment formuler ça… Vous faites partie de quelle race ? Pourquoi êtes-vous sous forme humaine ? Ce n’est pas mieux d’être sous votre forme originale ?
Almagar le dévisagea, ses yeux étroits s’ouvrirent légèrement pour laisser refléter son regard ambré, et elle lâcha un petit rire étouffé.
– Je me demande vraiment d’où tu viens, tu ressembles à un enfant qui rencontre pour la première fois un dragon.
Ces paroles eurent l’effet d’une douche froide, un retour à la réalité qui le força à reprendre une expression neutre : s’il continuait sur cette voie, il se mettrait dans une très mauvaise posture, lui qui ne connaissait ce monde qu’à travers les livres. Dans une tentative maladroite, Maximilien détourna le sujet :
– Non, c’est juste que j’admire beaucoup les dragons, c’est tout. Mais ce n’est pas le sujet. J’aimerais juste partir d’ici.
– Et comme je te l’ai dit, souffla Almagar, tu ne peux pas pour toutes les raisons que je t’ai citées.
– Et vu que l’autre idiot semble avoir un peu d’intérêt pour lui…, marmonna Kahl, les yeux levés au ciel.
« L’autre idiot ? », il lança un regard interrogateur à Almagar, mais elle ne lui fournit aucune réponse. À la place, le Stir continua son petit discours.
– Pendant tout le temps où vous deviendrez des soldats de Laven, nous vous logeons gratuitement. Repas, chambres, bains… Vous pourrez accéder à tout à condition de nous rester fidèles et de faire ce qu’on vous dit. Vous serez sous ma tutelle et celle des Qhuan, alors je vous conseille vivement de vite faire connaissance avec eux et, préférablement, d’en faire de très bons amis. Vos plannings vous seront fournis dans de plus brefs délais par l’un d’entre eux, concernant vos entraînements comme d’autres formations importantes pour s’assimiler entièrement au palais et à la cité. Des questions ?
Le silence plana pendant quelques secondes, où certains regards en cherchaient d’autres, puis une voix tonitruante lui cassa les tympans.
– Pourquoi toi et pas ton père ? Theol est encore celui à la tête de Laven !
Jamila revint vers eux, une petite boule de poils entre les bras – un chat, un sphinx –, les sourcils froncés et une moue réprobatrice. Kahl se pencha vers elle, amusé.
– Oui, mais c’est moi l’héritier, alors je m’acquitte aussi de certains de ses devoirs pour connaître mes futures fonctions. Et même s’il n’est pas là, tu ne devrais pas être aussi familière.
– Le pays va vraiment mal si le peuple est assez fou pour t’accepter comme futur souverain…, maugréa Jamila, caressant le chat.
Kahl lâcha juste un rire, sa main vint tapoter la tête de l’enfant, un peu brutalement, mais gardant un côté fraternel flagrant.
– T’as bien raison, ils auraient mieux fait de nommer Nora ou Osari !
La stupeur étrangla Maximilien, abasourdi par le comportement du premier Stir ; venait-il sincèrement de révéler devant une petite assemblée qu’il était incompétent ? Dame Almagar secoua la tête, dépitée par les propos tenus.
– Cesse donc de te rabaisser juste pour avoir l’air plus sympathique.
– Je ne me rabaisse pas, tout le monde dans ce palais est d’accord pour dire que mes deux frères sont bien meilleurs que moi pour diriger ! s’esclaffa Kahl sans une once de gêne.
– Tu confonds un bon stratège d’un bon souverain, Kahl Morgas, tu…
– J’ai compris, Almagar, à force de me le répéter. Finissons plutôt les questions, d’accord ? Alors, les autres, des choses à dire ? Non ? Alors parfait !
Ce stupide Stir ne laissait même pas le temps aux autres de parler qu’il concluait déjà la discussion ? Maximilien grommela dans sa barbe, mais n’osa pas s’imposer, craintif de subir la même douleur que plus tôt.
Kahl Morgas s’empara de la princesse Jamila et la porta sur ses épaules, elle protesta sans grande conviction, puis ils commencèrent à sortir, suivis de près par Dame Almagar.
– Ah ! se rappela Kahl. Je vous laisse à tous une journée pour vous rendre auprès de Daryl Qhuan. Autant le rencontrer assez rapidement si vous voulez un séjour tranquille. Sur ce…
Toujours accompagné de son rire franc, le Stir sortit de la pièce avec Jamila et Almagar. Maximilien se sentit un peu bête et décontenancé. D’ailleurs, pourquoi la dragonne l’avait convoqué ? Si personne n’était venu les interrompre, que lui aurait-elle dit ? Peut-être était-ce mieux ainsi : une femme comme elle possédait des capacités terrifiantes pour un mortel… Selon ses livres, les dragons convoquaient des pouvoirs assez puissants pour acculer certains divins de Sarcoce – sans compter les Conquérantes, les Piliers et Dual. S’il devait être honnête avec lui-même, il craignait un peu tout le monde dans ce palais, cet inconnu qui se déployait devant lui.
Dès que les pas des trois comparses furent assez loin, la kitsune non loin de lui poussa un gémissement contrit, les mains sur son visage.
– Ah ! rugit-elle. Quelle bande de tocards !
– Langage, souffla l’elfe à ses côtés, désabusé.
Elle lui lança un regard courroucé, ses poings se serrèrent au point de voir ses phalanges blanchir : sur le point d’exploser, une petite veine pulsa contre sa tempe et sa langue se délia d’un coup.
– Langage ? C’est tout ce que tu trouves à dire, stupide elfe ? Nous sommes littéralement prisonniers de ces fumiers et tu n’as que ça à me dire ? J’ai tous les droits de les insulter ! Absolument tous ! Et pourquoi personne ne râle ? Je suis la seule à me sentir offensée par ces crétins ? Hein ?
– Tu peux t’énerver sans injurier le monde entier, c’est désobligeant, invectiva l’homme, les sourcils froncés. Déjà que ta présence m’insupporte…
– Espèce de…
– Arrêtez un peu.
La voix retentit derrière eux, grave et profonde, comme une lame qui caressait leur peau lentement. Tous se retournèrent, pris de court par cette intervention et Maximilien laissa son regard courir sur l’individu, un homme très grand aux cheveux courts et bouclés, d’un noir où la nuit pourrait se loger avec ses reflets bleutés, et des yeux cyan. Une petite cicatrice barrait son œil droit. Des tatouages décoraient son corps, du moins ce qu’il voyait – l’homme portait une tunique ouverte sur son torse, avec une ceinture qui marquait sa taille et un pantalon droit, le tout teinté d’ébène –, des pentagrammes et même des symboles, des sceaux qui remontaient jusque dans son cou. Son Kin s’imposait à lui comme une évidence.
– Un archimage, souffla Maximilien, fasciné.
– Quelle perspicacité.
L’arrogance évidente du mage ne passa pas inaperçue et, alors que Maximilien fut sur le point de le remballer, un jeune garçon sauta sur son dos et entoura son cou de ses bras, un grand sourire aux lèvres.
– Esthia ! Ne parle pas comme ça aux inconnus ! Tu passes pour un méchant !
– Esthia ? gloussa la kitsune, retenant un fou rire.
Le fameux Esthia devint rouge pivoine, la rage déformait ses traits alors qu’il rejetait le bonhomme sur son dos – qui s’avérait posséder une queue et des oreilles de belette, un hybride résultant de la thérianthropie. Ses cheveux marron et ébouriffés lui donnaient une allure sauvage, son regard noisette respirait l’innocence et la gentillesse, mais il restait si jeune que cela choqua Maximilien. Pourquoi un enfant se trouvait-il parmi eux ? Il n’eut pas le temps de se poser plus de questions qu’Esthia s’avança dangereusement vers la kitsune, énervé.
– Tu es en train de te foutre de moi, là ? fulmina-t-il alors que des bribes scintillantes s’échappaient de ses doigts.
– Non, non… Esthia.
L’accentuation sur son prénom ne manqua pas à l’archimage, ses tatouages se mirent à scintiller, menaçants. La kitsune se prépara à répliquer, un bâton à la main, enroulé dans un tissu blanc avec une cage au bout où était enfermée une flamme blanche. Mais ce fut sans compter sur l’intervention de la dernière personne dans la pièce, qui s’interposa entre les deux.
– Calme-toi un peu et arrête de provoquer le premier venu juste parce que tu es agacée, soupira Ajaris. C’est inutile de se battre pour des broutilles.
Maximilien ne pouvait qu’être contemplatif de ce panel de races et de personnages, lui qui n’avait vécu qu’à Sarcoce en côtoyant tous les jours les mêmes personnes, similaires et devenant fades au fur et à mesure du temps. Ce qu’il voyait là, il ne l’avait connu que dans les livres et à travers les portails pour contempler leur monde.
Et maintenant, il les découvrait.
La kitsune ronchonna, mais elle écouta les conseils de la femme, de la même façon que l’elfe aquatique haussa un sourcil, sûrement blasé par toute cette situation. Les voir bouger et parler ainsi… Il avait l’impression que les images qu’il n’avait pu que contempler toute son existence prenaient vie devant ses yeux.
Le silence retomba dans la salle, Maximilien voulait poser tant de questions, mais il savait que cela le rendrait suspect : ils étaient tous de ce monde, alors montrer qu’il ne connaissait rien d’eux – mis à part à travers ses livres d’histoire – ne ferait qu’accentuer leur vigilance. Puis, selon les conseils de Kahl, ils devaient tous aller voir un certain Daryl Qhuan… Ce nom ne lui disait absolument rien, avait-il même déjà été mentionné une fois dans ses livres d’histoire ? Plus il évoluait dans ces lieux, plus il se rendait compte qu’il manquait beaucoup d’éléments dans l’Histoire racontée par les siens. Peut-être un peu trop pour ce que fussent de simples oublis.
Dans un soupir déçu, il se leva de son coussin et se dirigea vers la porte, l’épuisement le gagnait et il aurait bien aimé demander des médicaments pour atténuer la douleur de ses blessures. Mais avant de pouvoir franchir la porte, une main retint son bras. Cela lui arracha une grimace de douleur ; ce phénomène aussi demeurait bien trop bizarre. Quand il était tombé des Cieux pour atterrir sur terre, il avait bien ressenti la souffrance physique, mais quand il s’était réveillé à Sarcoce, tout avait disparu pour revenir petit à petit.
Ce n’était pas normal.
Mais qu’importait, pour l’instant, il ne pouvait que se tourner vers la personne qui l’avait retenu et il fut étonné de tomber sur l’elfe, celui-ci le détaillait du regard, curieux.
– Où comptes-tu aller, dans ton état ? interrogea-t-il, sa voix sonnait comme une douce mélodie, les notes graves tapissaient son ton délicatement.
– Eh bien… Me reposer ? Kahl Morgas vous a demandé d’aller voir ce fameux Daryl Qhuan, mais pas à moi. Je ne fais pas partie de l’équation, vous l’avez bien entendu : ils veulent me surveiller. Je suis obligé de rester ici. Je n’ai donc…
– Mais quel bel homme !
Sa phrase ne trouva jamais de fin, le visage de la kitsune barra son champ de vision, son regard pétillant de malice. Maximilien recula d’un pas, les yeux écarquillés et le nez retroussé.
– Pardon ? s’insurgea-t-il, perdu.
– J’étais tellement énervé à cause de tous ces idiots que je ne t’avais même pas remarqué ! Qu’est-ce que tu es, un mage ? Non, ne me dis rien… Tu ressembles à une petite divinité à croquer !
– Une quoi ?
– Etsumi, laisse-le tranquille, par pitié…, marmonna l’elfe, exaspéré.
– Mais pourquoi ? Regarde-moi cette beauté !
Elle tendit les mains vers ses joues pour les prendre entre ses doigts, mais il recula promptement, surpris par la soudaine action de cette Etsumi. Sa supposée amie la prit par le col et la tira vers elle.
– Tu vois bien qu’il est gêné.
– Oh, Ali… Si on ne peut plus rire !
– Il n’y a que toi qui rigoles, ici, soupira l’elfe aquatique, dédaigneux.
Celui-ci reporta son regard sur Maximilien, il le dépassait d’une tête au moins.
– Quel est ton nom ? Nous parlons beaucoup pour rien dire depuis plusieurs minutes, autant s’attarder sur les présentations.
Une pointe d’étonnement illumina ses traits, il était ravi de pouvoir partager une vraie discussion avec quelqu’un du monde des mortels.
– Mon nom est Max.
– Juste Max ?
La voix de l’elfe se fit suspicieuse, il valait mieux tenter un petit stratagème pour faire taire les soupçons.
– Oui… Je n’ai rien de noble ou d’incroyable, même un nom de famille semblait trop pour moi, plaisanta-t-il.
Cette tentative de boutade parut dérider les personnes autour de lui, mais quelque chose retint son regard : la mine étrange d’Esthia. Il le dévisageait depuis plusieurs minutes, les sourcils froncés, mais la langue liée et la bouche férocement fermée.
À bien y penser, son visage lui disait quelque chose…
Comme un vieux souvenir effacé.
Maximilien secoua légèrement la tête, peut-être un peu trop paranoïaque : des hommes comme lui, il aurait pu en croiser un bon nombre, vu le nombre d’années qu’il avait déjà vécu. Alors qu’il s’apprêtait à demander le nom de chacun d’entre eux, deux mains se posèrent sur ses épaules, fortes et grandes.
Les souffles se coupèrent, les yeux se levèrent, et Maximilien entendit cette voix douce et ferme à la fois, un chant hypnotique à chacune des syllabes qu’il roulait sur sa langue.
– Vous me voyez désolé de couper court aux présentations, mais je dois vous l’emprunter.
Nora Morgas.