Clémence
- Dépêche-toi, Clémence, on va être en retard !
Manon s’impatiente, les mains sur les hanches, alors que je traîne devant mon armoire, hésitant sur quoi mettre. Elle a été mystérieuse toute la journée, refusant de me dire où elle comptait m’emmener. Tout ce que je sais, c’est qu’elle m’a promis une « surprise détente », et qu’elle ne me laisse aucune échappatoire.
- Tu veux bien me dire au moins où on va ? insisté-je en fouillant nerveusement parmi mes vêtements.
- Nope. C’est une surprise. Mais fais-moi confiance, tu vas adorer.
Je lâche un soupir. Manon et ses plans secrets… Je devrais être méfiante, mais au fond, j’ai envie de lui faire plaisir. Depuis un mois, elle a été un vrai soutien, toujours là pour moi. Si elle a organisé quelque chose, c’est forcément bien intentionné.
- Alors, qu’est-ce que je mets ? demandé-je en levant un tee-shirt basique.
Elle lève les yeux au ciel.
- Non mais sérieux ? Clémence, on ne va pas faire les courses.
- Mais je sais même pas où on va !
Elle secoue la tête avant de s’approcher de mon armoire, bien décidée à prendre les choses en main. Ses doigts parcourent mes vêtements avec expertise, jusqu’à ce qu’elle en tire une petite robe d’un blanc cassé, simple mais élégante, avec des fines bretelles et une jupe légèrement évasée.
- Tiens, mets ça.
Je hausse un sourcil.
- Une robe ? T’es sérieuse ?
Elle me jette un regard exaspéré.
- Évidemment que je suis sérieuse. Ça te va trop bien, et c’est parfait pour ce que j’ai prévu. Fais-moi confiance.
J’attrape la robe du bout des doigts, pas complètement convaincue. Je ne suis pas particulièrement du genre à porter ce genre de tenue sans occasion spéciale. Pourtant, en l’observant, je dois admettre qu’elle est jolie.
- Allez, arrête de réfléchir, mets-la ! insiste Manon en me poussant doucement vers la salle de bain.
- D’accord, d’accord ! râlé-je en riant.
Je referme la porte derrière moi et enfile la robe. Le tissu est léger et agréable sur ma peau. Quand je me regarde dans le miroir, je suis surprise. Manon avait raison. La coupe met en valeur ma silhouette, et la couleur claire fait ressortir mon teint.
Je passe une main sur la jupe, légèrement gênée d’avoir l’air… jolie ? Ça faisait longtemps que je n’avais pas pris le temps de vraiment me préparer, de choisir une tenue pour autre chose que d’aller en cours ou traîner dans ma chambre.
- Alors, verdict ? s’impatiente Manon derrière la porte.
J’inspire profondément avant d’ouvrir.
Elle m’observe un instant, avant de sourire, fière d’elle.
- Je le savais !
- C’est pas un peu trop… ? demandé-je en tirant légèrement sur l’ourlet.
- Pas du tout ! C’est parfait. Et maintenant, coiffure et maquillage !
- Attends, quoi ?
Trop tard. Manon m’attrape par le bras et me fait asseoir devant le miroir. Je ris doucement en la voyant sortir son maquillage et sa brosse à cheveux.
- Tu comptes me transformer en princesse ou quoi ?
- T’inquiète, juste une touche de magie.
Elle commence à me coiffer avec une concentration absolue, lissant quelques mèches et en laissant d’autres retomber naturellement autour de mon visage. Ensuite, elle applique un peu de mascara et une touche de blush léger.
Quand elle recule pour admirer son travail, je la vois sourire.
- Clémence, t’es canon.
Je baisse les yeux, légèrement gênée, mais un petit sourire naît sur mes lèvres malgré moi.
- Merci, Manon.
- Bon, maintenant, plus qu’une chose à faire.
Elle sort un foulard noir et le tend vers moi.
Je fronce les sourcils.
- Euh… c’est quoi ça ?
- Tu vas devoir me faire confiance à cent pour cent, ma belle. Elle agite le tissu devant moi. Les yeux bandés. C’est le deal.
Manon agite le foulard noir devant moi avec un sourire malicieux, mais je recule aussitôt en fronçant les sourcils.
- Attends, quoi ? Non, hors de question !
- Clémence… soupire-t-elle en levant les yeux au ciel.
- Je te rappelle que j’aime voir où je mets les pieds. Et surtout, j’aime pas les mauvaises surprises !
Elle croise les bras, l’air exaspéré.
- T’as confiance en moi, oui ou non ?
Je pince les lèvres.
- C’est pas la question…
- Si, c’est exactement la question.
Elle s’approche et me met le foulard sous le nez.
- Allez, c’est pas comme si je t’amenais au bout du monde. C’est une surprise sympa, je te promets.
Je fixe le tissu noir un instant, toujours hésitante. Manon est ma meilleure amie, elle ne me ferait jamais un coup foireux… mais l’idée d’être complètement aveugle me met quand même mal à l’aise.
Elle pose une main sur mon épaule, plus douce cette fois.
- Fais-moi confiance. Juste cette fois.
Je soupire longuement, avant de capituler.
- Ok… mais si tu me fais tomber, je te tue.
Un sourire éclaire son visage.
- Je note, menace de mort en cas de chute. Bien reçu !
Avant que je ne puisse changer d’avis, elle noue doucement le foulard derrière ma tête.
Je ris nerveusement, sentant mon cœur s’accélérer légèrement. Je suis complètement à sa merci, et je déteste ça… mais en même temps, une petite excitation grandit en moi.
Je ne sais pas où elle m’emmène.
Mais une chose est sûre : je suis sur le point de le découvrir.
Avec mes yeux bandés le chemin me parait interminable.
- Fais gaffe, y’a une marche.
Je grogne en avançant à tâtons, mes doigts agrippant le bras de Manon comme si ma vie en dépendait. J’ai beau lui faire confiance, cette histoire de bandeau me met clairement sur les nerfs.
- Sérieusement, on est où, là ?
Manon reste mystérieusement silencieuse, ce qui m’agace encore plus. Puis, soudain, le sol change sous mes pieds. Plus de bitume, plus de carrelage. De l’herbe.
Je m’arrête net.
- Manon… dis-moi qu’on n’est pas dans un champ bizarre ou je sais pas où.
- Oh, ça va, détends-toi.
- Je suis en talons, me détendre c’est pas une option !
Elle rit doucement, avant de me tirer à nouveau en avant. Je serre les dents, avançant prudemment. L’odeur de la nature m’entoure, et une brise légère caresse ma peau. Où est-ce qu’elle m’a emmenée, bordel ?
Puis elle s’arrête brusquement.
- Attends deux secondes.
J’entends Manon s’éloigner légèrement, fouiller quelque part… puis un bruit reconnaissable entre mille.
Une poignée de porte qui s’ouvre.
Puis un grincement lent, familier.
Je fronce les sourcils.
Je connais ce bruit.
Mais d’où ?
Manon revient, attrape ma main et me fait avancer encore cinq petits pas.
- Ok. Reste là. Et surtout, ne triche pas.
- J’essaie déjà de pas tomber, me demande pas l’impossible.
Elle rit encore, puis pose ses mains sur mes épaules.
- À trois, tu peux enlever le bandeau.
Mon cœur bat plus fort.
- Un…
Je déglutis.
- Deux…
L’attente est insoutenable.
- Trois.
Je retire le tissu en un geste rapide et cligne des yeux.
Quand j’ouvre les yeux, je ne vois d’abord que l’obscurité.
Mon cœur bat encore à cent à l’heure après cette attente insoutenable, et pendant une seconde, j’ai peur. Peur de ce qui m’attend. Peur de ce que je vais découvrir en enlevant ce bandeau.
Puis, doucement, la lumière apparaît.
Des petites lanternes s’allument une à une, suspendues dans les arbres autour de moi. Leur éclat doré danse dans l’air nocturne, créant une atmosphère douce et intime, presque irréelle.
Et alors que je commence à détailler cet endroit, la musique démarre.
Mon souffle se coupe immédiatement.
C’est notre musique.
Celle que Léo avait mise à fond dans la voiture au retour des vacances à la mer. Celle que je lui avais crié de baisser avant de finalement chanter le refrain avec eux à tue-tête.
Une boule se forme dans ma gorge.
Et puis… une voix résonne.
Sa voix.
- "Clémence, j’ai longtemps cherché comment te dire tout ça. J’ai longtemps hésité, longtemps repoussé l’évidence. Parce que la vérité, c’est que je suis un idiot."
Je me fige.
Gabriel.
Il est en train de lire quelque chose, un texte qu’il a écrit, et je sens immédiatement que chaque mot lui coûte, que chaque syllabe est pesée.
Je tourne la tête, cherchant où il est, mais mon regard se pose sur autre chose.
Un projecteur est allumé, diffusant des images sur un drap blanc tendu entre deux arbres.
Je fronce les sourcils.
Puis la première image apparaît.
C’est nous.
Gabriel et moi, sur la toute première photo que nous avions postée pour annoncer notre faux couple.
J’ai du mal à avaler ma salive.
Les images suivantes défilent lentement.
Nos soirées pizzas, affalés sur son canapé, un film tournant en fond sans que personne ne le regarde vraiment.
Les vidéos du centre commercial, où on essayait des fringues improbables, où Léo passait des robes et nous faisait hurler de rire.
Puis encore sa voix, profonde, vibrante.
- "Un idiot qui a passé des mois à jouer un rôle, à prétendre que tout ça n’était qu’un jeu. Un idiot qui a refusé de voir ce qui était juste sous ses yeux. J’ai cru qu’en gardant une distance, en me persuadant que ce n’était qu’un faux couple, je me protégeais. Mais en réalité, j’ai juste tout gâché."
Je cligne des yeux, retenant la larme qui menace de rouler sur ma joue.
Le diaporama continue.
Je vois cette photo où Gabriel me met une énorme paire de lunettes ridicules sur le nez en disant que j’étais « trop stylée ».
Je revois aussi ce moment où il avait enfilé cette immonde perruque rose, juste pour me faire rire.
Une larme silencieuse glisse sur ma joue.
Je m’en souviens comme si c’était hier.
- "Depuis que tu es entrée dans ma vie, tout est devenu différent. Avant toi, tout était plus simple. Mais simple ne veut pas dire mieux. Parce que sans même que je le réalise, tu as rempli chaque espace vide, chaque silence gênant, chaque moment fade. Tu étais là, partout. Dans mes journées, dans mes habitudes, dans mes souvenirs. Et pourtant, j’ai été incapable de l’admettre."
Je baisse doucement les yeux.
Sur le sol, juste devant moi, une couverture est installée.
Une nappe de pique-nique, avec plein de snacks, des bougies posées tout autour, et au centre…
Un pot de Nutella.
Et des fraises.
Je ris doucement à travers mes larmes, secouant la tête.
C’était ce que j’avais réclamé un soir, en plaisantant avec Manon. Une couverture, des fraises et du Nutella.
- "J’ai eu peur. Peur de m’attacher, peur de dépendre de quelqu’un. Parce qu’aimer, ça veut aussi dire donner à l’autre le pouvoir de nous détruire. Je pensais que c’était plus simple de fuir. Que si je jouais bien mon rôle, rien de tout ça ne me toucherait vraiment. Mais j’ai eu tort. Parce que chaque instant avec toi a été réel. Et ce que je n’avais pas compris, c’est que rester loin de toi me faisait encore plus de mal que tout le reste."
Un autre souvenir apparaît sur l’écran.
Moi, sur la plage, les cheveux au vent, fixant l’horizon.
Léo m’avait piqué mes fringues ce jour-là, me forçant à courir après lui dans les choses fluo qui me servait d’habille, hurlant des menaces.
Puis une autre photo.
Le jour où les garçons m’avaient trouvée dans le lit de Gabriel, où j’avais essayé de me cacher sous la couette, morte de honte.
J’essuie une larme du bout des doigts.
J’ai l’impression qu’on me projette ma propre vie sous les yeux.
Puis Gabriel apparaît enfin dans mon champ de vision.
Il est là, à quelques pas de moi, un peu nerveux, mais déterminé.
- "Je t’ai repoussée, je t’ai blessée, et aujourd’hui, je donnerais n’importe quoi pour revenir en arrière et faire les choses autrement. Mais comme on n’a pas de machine à remonter le temps – et crois-moi, j’ai cherché, tout ce que je peux faire, c’est te dire la vérité aujourd’hui."
Il inspire profondément, sa voix légèrement tremblante.
- “J’ai été lâche. J’ai eu peur de ce que je ressentais. Peur d’admettre que tu n’étais pas juste un jeu, que tu n’étais pas juste une distraction. J’ai nié, encore et encore. Mais ça ne change rien. Parce que même quand j’essayais de t’ignorer, tu étais là, partout.”
Il s'arrête un peu pour reprendre son souffle.
- "Tu es la seule qui me comprend vraiment. La seule avec qui je peux être totalement moi-même. La seule qui sait me calmer quand je pars en vrille,la seule qui arrive à me faire oublier le monde autour.Tu as toujours été là. Dans chaque souvenir, dans chaque éclat de rire, dans chaque connerie qu’on a pu faire ensemble. Avec toi, tout est plus intense. Plus vrai. Et pourtant, je t’ai laissée partir."
Il est sur le point de pleurer ou je rève.
- "Et tout ça me terrifie. Mais c’est aussi la plus belle chose qui me soit jamais arrivée. Alors oui, il m’aura fallu du temps. Trop de temps. Mais je ne veux pas passer une seconde de plus sans que tu saches ce que je ressens."
Il se rapproche un peu de moi tout en gardant une distance raisonnable et me dit:
- "Je t’aime, Clémence."
Mon cœur loupe un battement.
- "Je ne veux pas finir ma vie sans toi. Et si tu veux bien de moi, cette fois, je ne veux plus être ton faux copain. Je veux être le vrai. Celui qui sera là, qui ne fuira plus, qui assumera enfin ce qu’il ressent pour toi."
Il marque une pause, me fixant avec cette intensité qui me fait toujours chavirer.
Puis, d’un ton plus doux, plus vulnérable :
- "Alors… veux-tu être ma vraie petite copine cette fois ?"
Il se décale légèrement, et sur l’écran derrière lui, les mots "Marché conclu ?" apparaissent en grand.
Je porte une main à ma bouche, submergée par l’émotion.
Je laisse échapper un petit rire entre mes larmes
Tout est là.
Tout est parfait.
Gabriel attend ma réponse, un mélange d’espoir et de peur dans son regard
Et moi…
Je n’hésite pas une seule seconde.
- Oui… bien sûr que oui !
Un souffle de soulagement passe sur son visage avant qu’il ne me rejoigne en une fraction de seconde.
Ses bras m’enlacent, nos lèvres se trouvent enfin, et je sens tout en moi se calmer.
Puis des applaudissements éclatent derrière nous.
- Enfin ! s’exclame Julien. On va vous laisser vous retrouver.
Mais, évidemment, il faut que Léo brise ce moment parfait.
- Trop nul, on va pas voir la scène de cul comme dans les films.
Un bruit sec résonne.
- Aïe !
Je lève la tête juste à temps pour voir Manon baisser sa main, après avoir frappé Léo derrière la tête.
- Tais-toi, abruti.
Tout le monde éclate de rire.
Et moi, je me serre encore un peu plus contre Gabriel.
Parce que cette fois, c’est vrai.
Le silence tombe doucement autour de nous, comme un voile léger qui nous enveloppe.
Gabriel ne me lâche pas. Ses bras sont toujours autour de ma taille, son front posé contre le mien. Je peux sentir la chaleur de sa peau, la douceur de son souffle qui caresse ma joue. Nos respirations se mélangent encore, irrégulières, comme si aucun de nous n’osait briser ce moment suspendu.
Mon cœur bat bien trop fort dans ma poitrine.
Je lève lentement les yeux vers lui, cherchant une confirmation, une preuve que tout ça n’est pas juste une illusion, un rêve trop beau pour être vrai.
Ma voix est à peine un murmure.
- C’est vraiment réel ?
Un sourire tendre étire ses lèvres, et la lueur douce dans son regard suffit à faire trembler mon souffle.
- Oui, Clémence. C’est réel.
Son pouce effleure ma joue, traçant un frisson le long de ma colonne vertébrale. Puis, doucement, il réduit la distance entre nos lèvres et dépose un baiser sur ma bouche.
Un contact léger. Simple.
Mais il me fait chavirer.
Un frisson me traverse alors que la chaleur de ses lèvres s’imprime sur les miennes. C’est doux, presque timide, comme s’il voulait savourer cet instant, comme s’il avait peur que je disparaisse s’il osait aller plus loin.
Mais à peine le baiser rompu, il m’en vole un autre, plus rapide, plus joueur cette fois.
Je recule légèrement, riant malgré moi.
- Hey ! je proteste.
Gabriel hausse un sourcil, l’air faussement innocent.
- Quoi ? Maintenant que j’ai le droit, j’en profite.
Je roule des yeux, mais mon sourire refuse de quitter mon visage.
- T’es incorrigible.
- Je sais.
Son ton est fier, et ça me fait rire encore plus.
Sa main vient chercher la mienne, ses doigts s’enroulant autour des miens avec une aisance naturelle, comme si c’était la chose la plus évidente du monde. Il m’entraîne doucement vers la couverture posée au sol, jetant un regard satisfait à l’ensemble du pique-nique qu’il a préparé.
- Allez, viens t’asseoir avec moi. Si je me suis donné autant de mal, ce serait dommage que tu ne goûtes même pas.
Je m’installe à côté de lui, croisant les jambes sur la couverture, et prends enfin le temps d’observer tout ce qu’il a préparé.
Des fraises bien rouges, un pot de Nutella ouvert, quelques bougies placées tout autour, projetant une lueur vacillante sur nos visages. Il y a aussi une bouteille d’eau, quelques biscuits, et même un plaid au cas où la nuit deviendrait fraîche.
Mon cœur se serre face à tous ces détails.
- Comment tu savais pour ça ? je demande, curieuse, en montrant les fraises et le Nutella.
Gabriel grimace légèrement avant de détourner le regard.
- Manon a vendu la mèche.
Je laisse échapper un petit rire, secouant la tête.
- Évidemment.
- J’étais sûr qu’il n’y avait qu’elle pour faire ce genre de truc.
- Tu la sous-estimes. Léo aussi est capable de balancer des infos précieuses s’il juge que ça peut amener du chaos.
Gabriel rit doucement, et ce son me réchauffe encore plus que les bougies.
Je saisis une fraise entre mes doigts, la plonge dans le Nutella et croque dedans. Une explosion sucrée envahit ma bouche, et un soupir d’aise m’échappe.
- Bon, je dois admettre que c’est une excellente combinaison.
Gabriel hoche la tête avec un sourire satisfait.
- Je sais.
- Trop fier de toi ?
- Toujours.
Nos regards se croisent, et il y a cette étincelle entre nous, ce truc indescriptible qui fait que mon cœur bat toujours trop fort quand il me regarde comme ça.
Nous passons les prochaines heures à parler de tout et de rien.
Des souvenirs de vacances, de nos moments les plus drôles, des petits détails qui nous ont marqués. Gabriel me raconte comment il a préparé cette soirée, comment il a stressé à l’idée que quelque chose tourne mal. Moi, je me moque doucement de lui, mais au fond, je fonds à l’idée qu’il ait autant réfléchi à tout ça.
À un moment donné, il s’allonge sur le dos, les bras derrière la tête, fixant le ciel étoilé.
Je l’observe en silence.
Ses traits sont détendus, un léger sourire au coin des lèvres.
L’instant est parfait.
Je me surprends à me demander si c’est vraiment moi qui ai droit à ça, à lui, à tout ce bonheur simple et brut.
Le temps semble suspendu, et je pourrais rester là des heures encore.
Mais la réalité finit par nous rattraper.
Le vent devient plus frais, les bougies commencent à faiblir, et l’obscurité autour de nous s’épaissit.
Je laisse échapper un soupir et me redresse doucement.
- Il est tard… on devrait peut-être rentrer.
Gabriel tourne la tête vers moi, hésite un instant, puis hoche la tête.
- Oui, tu as raison.
Il se redresse à son tour et m’aide à me lever, sa main serrée autour de la mienne comme s’il ne voulait pas déjà briser ce moment.
Je l’aide à ranger ce qui reste du pique-nique, et une fois tout bien empaqueté, nous prenons le chemin de la maison, main dans la main.
Nous arrivons à la maison, main dans la main, et je me sens un peu comme si le monde entier avait disparu autour de nous. Chaque pas que nous faisons me rappelle que ce moment est réel. Gabriel est à côté de moi, un sourire presque imperceptible sur les lèvres, mais je sais qu’il ressent la même chose. C’est étrange, de se dire que tout a changé en une soirée, mais en même temps, tout semble parfaitement à sa place.
Lorsque nous franchissons le seuil de la porte, une voix joyeuse nous accueille.
- Alors ?
Manon est là, adossée au canapé, un immense sourire sur le visage. Elle attend de pied ferme, presque impatiente de savoir ce qui vient de se passer entre nous.
Je n’ai même pas le temps de répondre, qu’elle me saute dessus, m’enlaçant avec une force inattendue.
- Je suis trop contente pour vous !
Je suis prise par surprise, mais je ris doucement, la repoussant légèrement pour respirer.
- Manon… je commence, adoptant un ton faussement sévère. Tu as balancé pour les fraises et le Nutella.
Elle lève les mains, feignant l'innocence, mais je vois bien l’éclat espiègle dans ses yeux.
- Okay, okay, j’avoue, mais c’était pour une bonne cause !
- Mouais… je réponds, mais je n’arrive pas à garder mon faux air sévère. Elle a réussi à faire de moi une gamine, et ça m’agace autant que ça me fait sourire.
Avant que je ne puisse ajouter quoi que ce soit, une voix familière et légèrement moqueuse se fait entendre derrière nous.
- Attendez… Il en reste ?
Léo entre dans le salon, les bras croisés, l’air presque suspicieux.
Je fronce les sourcils, un peu perdue.
- De quoi ? je demande, mais je sens déjà où il veut en venir.
- Les fraises et le Nutella.
Je lève les yeux au ciel, mais Gabriel et moi échangons un regard complice. C’est vraiment Léo, celui qui ne peut jamais laisser passer une occasion de faire une blague ou, dans ce cas, de demander s’il peut manger ce qui reste.
- Pourquoi ? demande Gabriel, l’air presque amusé.
- J’aimerais bien tester, moi aussi.
Manon lui donne un coup de coude, exaspérée.
- T’es sérieux, là ?
- Bah quoi ? J’ai faim ! Léo réplique en haussant les épaules, comme si ça n’était même pas une question.
Julien, qui vient d’arriver à son tour, se frotte les yeux en soupirant.
- T’as toujours faim…
Léo ne se démonte pas, un grand sourire sur le visage.
- C’est pas ma faute si votre truc a duré une éternité. Nous, on a attendu comme des cons.
Julien secoue la tête, visiblement exaspéré, avant de se tourner vers nous tous.
- Bon, puisque tout le monde est réveillé et que Léo meurt de faim… qui est chaud pour une soirée pizza ?
Un immense sourire se dessine sur mon visage, et je me tourne vers Gabriel, mon regard pétillant de joie.
- Moi !
- Pareil, répond-il, son regard complice se posant sur moi. Il a compris que la pizza, c’est la réponse à tous nos problèmes.
Manon acquiesce, un sourire amusé sur les lèvres, tandis que Léo lève les bras en signe de victoire.
- Allez, c’est parti !
C’est comme ça que la soirée prend un tournant, avec un bruit de rires et d’excitation qui résonne dans la maison. Mais bien sûr, ce n’est jamais aussi simple avec ce groupe.
- On prend quoi comme pizza ? demande Julien, en fronçant les sourcils.
- Moi je veux une quatre fromages.
- T’es pas bien, toi, Léo rétorque, les yeux écarquillés. C’est quoi ce truc ? C’est juste du fromage fondu sur de la pâte.
Julien lève les yeux au ciel, visiblement déjà fatigué de la discussion qui s’annonce.
- Et toi, tu veux quoi, alors ?
- Un truc épicé. Léo répond, avec une détermination presque inquiétante. Avec du piment, des olives et tout ça.
- Mais t’es malade, Julien réplique, faussement indigné. Tu veux juste une pizza qui va te cramer la bouche.
Manon les regarde avec un air à la fois exaspéré et amusé, avant de soupirer.
- Est-ce que c’est toujours comme ça, les soirées pizza avec eux deux ?
Je lève les yeux au ciel, me repliant contre Gabriel, qui sourit doucement, amusé par la situation.
- Pratiquement, oui.
Nous nous installons autour de la table, avec des éclats de voix qui fusent. Le débat sur les pizzas prend des proportions démesurées. Entre Léo qui insiste pour ajouter des piments à tout, Julien qui veut absolument sa pizza nature, et Manon qui suggère des combinaisons plus « raisonnables », la conversation ne s’arrête jamais.
- Je veux une margherita, moi. Simple et efficace.
- Et pourquoi pas une pizza au Nutella ? Léo propose en rigolant.
Manon lui donne un coup de pied sous la table.
- Si tu oses, je t’enlève ton téléphone pendant une semaine.
- C’est cruel… Léo proteste, mais on sent bien qu’il se retient de rire.
Finalement, après encore quelques minutes de disputes, nous parvenons à un compromis. Il y aura trois pizzas à partager : une quatre fromages (pour julien), une calabresa un peu relever (que Léo finira probablement à lui tout seul), et une pizza margherita et du jambon pour ceux qui ne sont pas aussi aventureux.
Une fois les commandes passées, nous nous installons tous dans le salon, prêts à profiter de la soirée.
Gabriel serre doucement ma main sous la table, et je la referme autour de la sienne. Un simple geste, mais c’est tout ce dont j’ai besoin.
Et alors que la conversation dérive vers un autre sujet sans importance, je me laisse aller dans ce moment de détente.
C’est réel.
Et c’est tout ce qui compte.
Fin