Nova n’arrivait pas à détacher ses yeux du pendentif. Ce petit bateau en métal, usé par le temps, second héritage de la famille Creed, portait encore la chaleur de la peau de son frère. Cela était un signe que cela ne faisait pas longtemps qu’il avait été arraché du cou d’Ash.
Elle le serra plus fort dans sa paume, comme si elle pouvait ainsi retenir un morceau de son frère, une preuve tangible qu’il était encore en vie… quelque part.
— Il est vivant, souffla-t-elle, la voix rauque, étranglée par une émotion entre la tristesse de ne pas être arrivée à temps et celle de l’espoir de le retrouver.
—Je le sens…
Elian ne dit rien. Il savait qu’il ne servait à rien de la détromper, de lui parler de prudence ou de probabilités. Ce n’était pas le moment pour la raison. Alors il hocha simplement la tête.
— Et s’il a laissé ça derrière lui, c’est qu’il voulait qu’on le trouve.
Il l’aida à se relever, et Nova glissa le collier dans la poche intérieure de sa veste, là où elle gardait les choses qui comptaient. Puis elle s’essuya les joues du revers de la main, reprenant contenance.
— On ne peut pas s’arrêter là. Il y a forcément une suite. Une direction à suivre.
Ils reprirent leur marche à travers les tunnels, guidés par la seule lumière de leurs lampes et l’espoir tenace de trouver une sortie. Une issue. N’importe quoi qui les mènerait ailleurs qu’à la surface de Velmoria.
Remonter maintenant serait une folie.
Être repérés par les forces de sécurité signifierait la fin. À Velmoria, les actes de rébellion ou d’entrave à la justice étaient considérés comme des crimes majeurs. Pour les femmes, la prison à vie. Pour les hommes… la peine de mort. Et ce, depuis plus d’un siècle.
Rien n’avait changé. Et rien ne changerait tant que personne n’oserait briser le cycle.
Mais Nova n’avait pas le temps de faire la révolution. Elle devait retrouver Ash. Vivant.
Le silence pesait dans les souterrains, oppressant. Même les gouttes d’eau semblaient s’être tues. Puis, soudain, une lueur au loin. Vacillante. Orange.
Et des voix. Graveleuses. Une toux grasse, presque animale.
Elian se plaça immédiatement devant elle, un bras en travers de son corps pour la retenir, ses yeux plissés en direction de la lumière. Il tourna la tête vers elle et fit un simple geste : suis-moi… mais doucement.
Ils avancèrent lentement, en silence, leurs pas étouffés par la crasse et la boue. Bientôt, un campement improvisé leur apparut. Trois hommes, crasseux, aux barbes en bataille, assis autour d’un feu maigre qui jetait des ombres tremblantes contre les murs. Leurs vêtements étaient en lambeaux, leurs visages burinés, comme sculptés par la misère.
Des exilés.
Nova allait reculer — prudente — quand son regard se figea. Là, posée à même le sol, juste à côté de l’un des hommes… la veste d’Ash. Froissée. Délavée. Mais reconnaissable entre mille.
Son cœur s’emballa.
Elle n’attendit pas.
Ignorant Elian, elle s’avança d’un pas ferme, oubliant toute prudence, toute peur. Sa voix fusa, assurée, tranchante.
— Où avez-vous eu cette veste ? Qui vous l’a donnée ?
Les trois hommes levèrent lentement les yeux vers elle, surpris de voir surgir cette silhouette fière et décidée, plantée là comme un coup de tonnerre dans leur antre souterrain.
Le plus vieux, le regard éteint mais encore vif sous les rides, toussa dans son coude avant de prendre la veste à côté de lui. Il la souleva du bout des doigts, la tenant comme une loque, avant de répondre d’un ton rauque :
— Tu parles de ça ?... On me l’a donnée.
Il la fixa, un léger sourire en coin, comme s’il savourait déjà les questions qu’elle allait poser. Et les réponses qu’il pourrait — ou non — lui offrir.
Nova sentit la colère lui monter au visage. Son sang ne fit qu’un tour. Elle allait bondir, lui arracher la veste des mains, quand Elian posa calmement sa main sur son épaule. Un geste simple, mais assez ferme pour la ramener à la réalité. Elle se figea, inspira profondément.
Il avait raison. Elle devait garder son sang-froid.
Elle se pencha doucement vers l’homme assis, s’accroupissant à sa hauteur. Il semblait avoir une quarantaine d’années, les cheveux bruns en bataille, les yeux bleu pâle, éteints comme une flamme oubliée. Des rides creusaient ses joues comme les sillons d’une vie rongée par la faim et l’oubli.
Touchée malgré elle, Nova fouilla dans son sac et tendit une barre de céréales.
— Je suis désolée de m’être emportée, murmura-t-elle. Cette veste appartenait à mon frère. Il a disparu il y a cinq jours… et je le cherche. S’il vous plaît, vous savez où il est allé ensuite ?
L’homme prit lentement la barre, qu’il posa à côté de lui, à l’endroit où la veste avait reposé, comme s’il avait pour habitude de troquer, et non de recevoir. Il soupira, les deux autres silhouettes derrière lui restant figées, silencieuses, presque effacées. Il était clair que c’était lui le chef.
— Si tu veux que je parle, va falloir me donner quelque chose, dit-il d’une voix rauque, mais plus assurée.
Nova leva les yeux au ciel, puis s’assit à même le sol, sans attendre l’avis d’Elian. Elle tira le bas de son pantalon pour l’inviter à en faire autant.
— Très bien, qu’est-ce que vous voulez ?
Le regard de l’homme se fixa alors sur la poche de Nova, d’où dépassait un coin froissé de papier. Ses yeux s’illuminèrent d’un éclat presque fiévreux. Il pencha la tête, intrigué.
— Ce que je veux ?… Dis-moi comment sortir d’ici. Vous venez d’en haut, pas vrai ? Alors, montre-moi le chemin. Et je te dirai où est allé ton frère.
Un silence pesant s’installa. Nova tourna lentement la tête vers Elian. Leurs regards se croisèrent, lourds d’hésitation. Cette demande n’était pas banale. Si ces hommes remontaient… qui savait ce qu’ils feraient là-haut ?
Mais c’était leur seule piste.
La rousse soupira longuement. Le blond sortit une feuille froissée de sa poche et un crayon. En quelques traits rapides, il dessina un plan sommaire : les tunnels principaux, la sortie nord, les vieilles échelles rouillées à éviter.
— Voilà, dit-il en tendant le papier.
L’homme le prit sans un mot, puis se mit à tousser violemment, brisant le silence. Une toux rauque, grave, qui résonna dans le tunnel comme un écho de misère.
Nova, crispée, n’attendait plus qu’une chose : ses mots. La suite. La vérité.
Le vieil homme fixa Nova, longtemps. Trop longtemps. Ses yeux semblaient sonder quelque chose en elle, comme s’il cherchait à confirmer une intuition.
— J’ai vu ses yeux… dit-il enfin d’une voix rauque. Les mêmes que les tiens. Il ne voulait pas fuir. Il voulait comprendre.
Le cœur de Nova se serra. Elle déglutit difficilement, le regard vacillant.
— Où est-il allé ?
Un silence. Puis, avec lenteur, l’homme se redressa légèrement, posant les coudes sur ses genoux.
— Une femme l’a pris en charge. Une ancienne militaire. Elle vit près de la porte Est, là où c’est le plus dangereux. Il y a un accès direct sur les Terres Mortes.
Nova serra les poings sur ses genoux, les ongles enfoncés dans sa paume. Quelque chose vibrait dans ses veines — un mélange d’espoir, de peur, et de rage.
— Alors on va la trouver.
L’homme hocha lentement la tête, comme s’il approuvait leur décision. Comme s’il comprenait.
— Mais soyez prudents, reprit-il. Elle ne fait confiance à personne. Et si le gamin est encore avec elle, c’est qu’il lui a prouvé sa valeur. Vous devrez en faire autant.
Elian se redressa, passant son sac sur l’épaule.
— C’est loin, la porte est ?
— Un jour de marche, peut-être deux si vous évitez les tunnels d’égouts. Ils sont surveillés. Quand vous verrez les fissures au mur et quand vous sentirez l’air devenir plus lourd, c’est que vous approcherez.
Nova se leva à son tour. Elle jeta un dernier regard à la veste de son frère, toujours posée au sol. Puis elle revint sur l’homme, lui tendit une autre barre de céréales — cette fois avec sincérité, sans attente.
— Merci.
Le vieil homme ne répondit pas. Il se contenta de refermer lentement ses doigts autour de la nourriture, les yeux fixés sur le vide.
Nova et Elian s’éloignèrent en silence, les pas lourds mais le but clair.
La rousse sentit une flamme se raviver au fond d’elle. Ash était vivant. Il n’avait pas été brisé par la ville, ni englouti par les ombres. Il s’était élevé. Il cherchait la vérité. Et elle ferait tout pour le rejoindre.
Même s’il fallait affronter les légendes.
Il y a quelques répétitions, notamment le "Lentement" qui revient à chaque fois que l homme bouge, on a vite compris qu'il mesurait ses gestes il n'y a peut-être pas besoin de le rappeler tout le temps 🙂
Pour le reste je ne suis pas fan des participes présents (Brisant, s'accroupissant...), je trouve qu'ils cassent beaucoup le rythme et peuvent être facilement changé par quelque chose de pmus fluide, surtout que tu as beaucoup de phrases longues à virgule qui ralentissent déjà. Je te parle en connaissance de cause, c'est mon plus gros défaut de mon côté, j'essaye de les chasser 😅