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Iamemzy

Chapitre 5

Malkia campa sur sa position, trop effrayée pour oser braquer ses yeux sur lui, encore moins soutenir son regard perçant qu'elle imaginait déformé par la colère.

Pourquoi réagissait-il ainsi ? Qu'avait-elle bien pu faire de mal pour être trimballée de la sorte comme une poupée de chiffon ?

Poupée de chiffon...

Son cœur se serra à cette idée. Elle avait été réduite à ça, et aujourd'hui elle se considérait comme un jouet destiné à amuser non seulement son geôlier mais aussi ses invités qui n'hésitaient pas à déchaîner leur colère noire sur elle, comme à cet instant.

Elle leur appartenait, il pouvait faire ce qu'il voulait d'elle ; il avait sûrement carte blanche du propriétaire, son propriétaire.

Une boule se forma dans sa gorge. À quel moment était-elle résignée à ce point ? Comment avait-il réussi à insinuer dans son esprit une telle conception nauséabonde de sa personne ?

Son bras frêle commençait déjà à devenir douloureux sous la pression de l'homme ; ses yeux remplis de larmes se mirent à la piquer, et sans pouvoir la retenir, une larme coula sur sa joue froide et douce, ouvrant le bal aux autres qui fondirent sur son petit visage innocent, terrorisé.

Blessée dans sa chair et dans son âme, sans issue de secours, la mort s'amusait de son chagrin.

Perdue dans ses introspections, elle sursauta quand la main froide de la bête vint se poser sur sa joue, sans toutefois relâcher la pression qu'il exerçait sur son bras endolori.

Il se saisit de ses joues et l'obligea à faire face à sa colère.

Matteo avait laissé la bête en lui prendre le dessus sur ses gestes. Il avait agi sans réfléchir, se convaincant que c'était le seul moyen d'obtenir quelque chose d'elle, mais avait très vite compris son erreur quand il l'avait entendue renifler, pleurant en silence.

Maintenant que son visage mouillé lui était exposé, il s'en voulait d'avoir agi comme un monstre. Valait-il mieux que celui qui se croyait être son propriétaire ?

Il ne pouvait le dire, mais il était sûr d'une chose : il ne supportait pas la peur qu'il voyait dans ses yeux.

Il avait le cœur en miettes en voyant ses larmes et aurait préféré que son corps tremble de plaisir et non de panique.

Matteo ne voulait qu'une seule chose maintenant : la consoler, effacer ses larmes sur son beau visage, la protéger de ce monde dangereux qui n'avait aucun scrupule à broyer les plus faibles comme elle, et il était le mieux placé pour cela, vu qu'il faisait partie de ces monstres destructeurs.

Elle était si frêle, une si petite chose qui n'avait rien demandé.

Cependant, maintenant qu'il s'était montré sous son vrai jour à elle, accepterait-elle son aide ? Se confierait-elle à lui, lui qui s'était comporté comme un barbare avec elle ?

Il baissa les yeux sur son petit bras qui avait disparu sous sa patte. Il l'avait empoigné plus violemment qu'il ne l'aurait voulu et imaginait la trace que cette prise laisserait sur sa peau satinée.

Il se détesta à cet instant pour ce qu'il était ; il devait combattre son côté sombre si il ne voulait pas envenimer la situation déjà désagréable.

Matteo serra les dents à se les briser pour reprendre son calme. Ce combat qu'il menait contre lui-même sous les yeux horrifiés de la jeune femme fut plus difficile qu'il ne l'aurait pensé.

Habituellement, il savait garder son calme et excellait dans l'art de quitter l'homme pour devenir le démon, et vice-versa. Mais aujourd'hui, c'était plus compliqué. La cause ? Deux sentiments s'opposaient dans son esprit.

D'un côté, il avait pitié d'elle, il voulait la sauver, la protéger. Et d'un autre, il était irrité, enragé par le manque d'humanité de l'homme qui partageait sa vie.

Il était en colère contre lui-même pour cette faiblesse qui n'était pas la bienvenue. La bataille avait semblé durer des heures, mais l'homme avait réussi à prendre le dessus. Il avait récupéré son self-control légendaire.

Ses traits tordus par la rage se radoucirent et s'enfermèrent derrière une barrière invisible, laissant place à un regard de glace, sans émotions.

Il relâcha sa prise et laissa tomber ses bras le long de ses hanches. Il devait rattraper ce qu'il avait lui-même gâché sans le vouloir.

- Je suis désolé, je ne voulais pas vous faire mal, s'excusa-t-il d'une voix un peu plus douce que sa voix naturelle.

Il avait dû mener une nouvelle bataille pour prononcer ces mots, pourtant simples, mais qui le lacéraient de l'intérieur tel un couteau en action sur l'ennemi.

Malkia, tremblante de la tête aux pieds, se massait le bras que l'homme venait de libérer.

Cet homme était étrange, une seconde il était doux et une autre il était le diable en personne, tout droit sorti de son royaume et prêt à tout détruire sur son passage.

Mais ce qui l'avait le plus heurtée, c'était la bataille qu'elle l'avait vu livrer contre lui-même, ouïr se ressaisir en regardant ses mâchoires.

Elle en était restée bouche-bée, incapable de respirer jusqu'à ce que la bataille prenne fin.

Apparemment, l'homme avait réussi à prendre le pas. Il avait remis son masque de fer et l'avait libérée.

Plus encore, même si elle avait senti que ces mots lui avaient été arrachés de la gorge, un véritable supplice qu'il s'était imposé pour lui montrer sa bonne foi.

La respiration saccadée, elle se risqua à ouvrir ses yeux qu'elle avait fermés quand il lui avait rendu son bras.

Une brume floue voila d'abord sa vision avant qu'elle ne devienne plus claire, plus nette.

Il souffrait... 

C'est la première chose qu'elle sentit lorsqu'elle put le voir sans embûches.

L'homme qui un instant plus tôt se déchaînait comme une mer en plein orage avait le visage baissé, comme s'il avait peur maintenant de l'affronter, peur de ce qu'il pourrait voir dans ses iris.

Il avait serré les poings et lâchait des jurons en italien dont elle ne comprenait aucun mot.

- Mon self-control me fait défaut depuis que je vous ai vu.

Malkia, toujours perdue dans ses pensées, plissa le nez, troublée par cette déclaration et commença à chercher ce qu'il entendait par là.

Essayait-il de lui dire que tout était de sa faute ?

Elle se mordit la lèvre à sang. Nerveuse, elle jeta des œillades en direction de la porte coulissante, en priant intérieurement que Damon ne le surprenne pas avec l'inconnu.

- Personne ne viendra, la rassura-t-il.

Elle reporta son attention sur lui et se hasarda à décoder ce regard opaque et stoïque qui la regardait avec un intérêt intense.

- Je dois y aller, s'il vous plaît, laissez-moi partir, l'implora-t-elle les mains jointes en prière devant lui.

- Répondez d'abord à mes questions, ensuite vous serez libre d'aller où vous voulez... même si on sait, de vous à moi, que vous n'êtes pas libre de vos mouvements.

- Mais c'est faux ! s'écria-t-elle. Je suis libre de faire ce que je veux !

Malkia se défendit sur la défensive, les doigts fermés en poings sur ses hanches.

Matteo imita le bruit d'un buzzer après une mauvaise réponse du candidat. Il glissa son index courbé sous son petit menton pour qu'elle rejette la tête en arrière.

Ses yeux gris plongés dans les siens bleus, il put lire ce qu'elle gardait secret, et sa bouche prit un pli sensuel, ce qui eut pour effet de creuser ses joues, dévoilant ses belles fossettes.

- Vous mentez, souffla-t-il.

Malkia détourna les yeux pour ne plus être sous son contrôle et qu'il ne puisse plus lire en elle comme il le faisait depuis le début, la rendant vulnérable.

- C'est la stricte vérité, rétorqua-t-elle.

L'homme mystérieux esquissa un fugace sourire, ramena son visage vers le sien et se pencha pour être plus près.

Des frissons se mirent à lui brûler la peau.

- Vous semblez prendre plaisir à ce petit jeu dont vous seul êtes maître, nota-t-elle avec un sourire nerveux.

Son visage, qui était fermé jusque-là, s'illumina d'un coup.

Il se redressa, pencha la tête sur le côté et la considéra un instant avant de revenir à elle.

- Pourrait-on connaître les règles de votre jeu ? demanda-t-elle, une pointe agacée.

Il se pencha à son oreille, provoquant en elle une chaleur qui se logea entre ses cuisses.

Sa poitrine se soulevait à chacune de ses respirations, donnant plus d'intimité au moment.

- Seule et unique règle : la confiance, lui murmura-t-il doucement de sa voix virile.

- Et comment pourrais-je savoir que ce n'est pas une ruse ? La confiance se mérite, monsieur.

- Vos désirs sont des ordres, dit-il enjoué.

Malkia ferma les yeux pour se rassasier avant de fondre dans ses bras comme de la glace sous le soleil.

Elle prit une longue inspiration pour masquer son trouble.

- Je désire partir, tenta-t-elle.

Elle était malicieuse, et ça augmentait son envie de la faire sienne, mais il était temps de passer aux choses sérieuses.

D'un geste souple, il ouvrit le collier qui lui encerclait le cou et l'enleva.

- Vous pouvez partir, mais avant, j'aimerais vous remettre ceci...

Lui prenant la main, il déposa la laisse dans sa paume.

Morte de honte, Malkia regardait la laisse qui venait de lui être remise.

Une partie d'elle se sentait libre à cet instant, grâce à cet homme.

Elle essuya du revers de son index une larme qui était sur le point de tomber et pencha la tête en arrière pour prendre de l'air et calmer ce torrent d'émotions qui était sur le point de se déverser.

Ce geste était un bien pour un mal, pensa-t-elle, les yeux rouges de tristesse.

Cette liberté était éphémère ; il lui suffisait de regarder autour d'elle pour se rappeler qu'elle était encore prisonnière et que son geôlier était là, dans une des pièces à l'intérieur de la maison, et qu'il ne tarderait pas à lui faire regretter cette offense quand il le découvrirait.

La bouche tordue, elle fixait son torse dur qui se soulevait à chaque inhalation.

Son souffle était court, elle suffoquait devant le choix qui s'imposait à elle maintenant, un choix déséquilibré qui ne lui apporterait aucune satisfaction, rien, juste renforcer ce sentiment d'appartenance à un monstre qui la brimait.

Le cœur en miettes, elle fixait le collier pour chien et une nausée lui monta à la gorge qu'elle dut refouler avant de le porter à son cou dans le but de le remettre.

Oui, c'était ça, son choix : remettre ses chaînes.

À quoi bon jouir d'une liberté qui ne durerait même pas le temps d'une nuit ? Une liberté qui lui vaudrait cher ?

Elle avait déjà goûté à la colère de Damon, une colère qui avait laissé des traces sur ses fesses.

Elle se souvenait de ce fameux jour où elle avait toqué à la mauvaise porte, pensant être entre de bonnes mains, mais hélas, le prix avait été à la hauteur de l'affront, une belle punition pour la dissuader de recommencer une telle bêtise.

Elle pouvait encore sentir ses mains emprisonnées dans les chaînes en fer au-dessus de sa tête, encore entendre le fouet prendre de l'élan pour venir s'écraser sur sa peau, ressentir chacune de ses pénétrations douloureuses dans sa chair fragile.

Malkia avait la gorge contractée par la douleur, une douleur nouvelle qu'elle ressentait comme une tension, une lourdeur, un enserrement comme un étau jusqu'à l'asphyxie.

Qu'est-ce qui rendait cette douleur unique ? Était-ce la présence de cet homme, celui-là qui lui avait donné un peu de dignité ? Oui, mais insuffisante.

Quoi donc ? Depuis qu'elle avait rencontré Damon, c'était lui qui l'abaissait, mais aujourd'hui, il n'était pas là ; on lui avait retiré ce qui faisait d'elle un sous-homme.

Mais elle, elle avait refusé cette liberté et c'était elle-même, avec ses mains, qui avait entouré cette laisse autour de son cou.

Elle réagissait comme son bourreau le voulait ; il avait réussi à lui enlever toute dignité, tout amour-propre.

- Ne faites pas ça, ordonna l'homme qui était resté silencieux depuis tout ce temps, en posant une main sur la sienne pour l'empêcher de continuer.

Matteo lui retira une nouvelle fois la laisse, et cette fois-ci, il la fusilla d'un regard plein de dégoût.

Sa résilience lui mettait le cœur dans la gorge ; sa lèvre supérieure était retroussée par dégoût.

Entre ses poings, il serrait la laisse si fort qu'elle se plia, arrachant à la jeune femme un cri d'horreur.

Elle halait comme si elle venait de courir un marathon, ses yeux écarquillés lui livrant sa peur.

Il sentait ses doigts le brûler et jeta l'objet pour se débarrasser de l'aura maléfique qu'elle dégageait, même s'il était habitué.

La pièce tomba sur le sol dans un bruit sourd, compréhensible seulement par eux deux.

Malkia tremblait de plus en plus, et il avait peur qu'elle ne se liquéfie là devant ses yeux sous l'emprise de la panique.

Il savait qu'il venait de faire un grand pas ; il fallait juste qu'elle se calme, et après, il mettrait en exécution son plan.

Un plan qui venait juste de germer dans son esprit et qui changerait radicalement la vie de sa belle sirène tourmentée.

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