Malkia, statique, admirait avec crainte l'invité qui l'avait aimantée par son regard. Il régnait en maître comme un roi devant ses sujets, s'imposant par sa simple présence au milieu de tous, incontournable.
Elle ne pouvait détacher ses yeux de ce mâle dominant qui se détachait avec une telle facilité du décor qu'elle en restait captivée. Grand, les cheveux noirs de jais coupés courts, dont une mèche retombait sur son sourcil gauche. Son regard ténébreux était structuré par des sourcils broussailleux et bien tracés, aussi noirs que de l'encre ; des grands yeux aux iris gris profonds et envoûtants comme la mer lançaient des éclairs qui foudroyaient sans avoir à toucher leurs victimes.
Un nez droit et fin rehaussait sa beauté, donnant sur des lèvres dures et sensuelles, pleines sur le bas, dont elle imaginait parfaitement les baisers passionnés qui rendaient folles ses conquêtes. Sa mâchoire ciselée, ombrée par une barbe de trois jours, accentuait son côté ténébreux.
Sa beauté électrisante était relevée par une peau hâlée naturellement, qui indiquait qu'il ne craignait pas le soleil. Sous sa veste noire qui habillait parfaitement son corps athlétique, elle pouvait distinctement admirer ses muscles fermes et galbés, sculptés dans du marbre pour mieux retenir ses maîtresses et combattre ses ennemis. Son corps était porté par de longues et interminables jambes musclées.
Un dieu vivant, un Viking des temps modernes entouré d'une aura sombre, aspirant à la crainte. Il dégageait de lui une telle virilité et une force naturelle qu'elle sentit ses sens lui faire défaut. Tout son corps répondait à la tentation que représentait cet homme imposant.
La respiration erratique, le cœur battant à la chamade, Malkia bavait littéralement sans pouvoir s'en empêcher devant la réincarnation d'Apollon. Cet homme provoquait en elle un déferlement de sensations qu'elle n'avait jamais ressenties auparavant. Un froid glacial parcourait toute son enveloppe charnelle, contrastant avec la chaleur qu'il faisait naître entre ses seins et ses hanches.
Mais que lui arrivait-il ? Elle secoua lentement la tête de gauche à droite pour s'enlever toutes ses idées salaces qui commençaient à germer dans son esprit bouleversé par l'homme. Après avoir repris ses esprits, elle descendit les escaliers en s'efforçant d'ignorer l'homme, avec toutes les difficultés du monde.
Elle devait se ressaisir au plus vite ; cet homme n'était pas différent de Damon, lui aussi n'était qu'un sale pervers sexuel qui considérait les femmes comme des jouets, faits pour combler leurs plaisirs. D'ailleurs, ne l'avait-il pas regardée avec possession, comme si elle n'était qu'un vulgaire objet qu'il souhaitait acquérir comme on acquiert un tableau de grande valeur ?
Elle traversa la salle sous les yeux luxurieux des hommes. La concupiscence se lisait sur leurs visages à chacun de ses pas. Ils la convoitaient avec délice et se grisaient de visions sadiques. Elle se sentait comme une proie face à des bêtes assoiffées de sexe, qui avaient jeté leur dévolu sur sa pauvre et petite personne.
Habillés en hommes d'affaires, on ne pouvait pas se tromper sur leur statut dans la société : des aristocrates qui, le jour, se présentaient en gentlemen irréprochables, et la nuit, affichaient fièrement leur appétit sexuel démesuré et pervers pour de pauvres innocentes comme elle, qui n'avaient rien demandé et se livraient à des activités inavouables et scandaleuses.
Ils la répugnaient, leur avidité immonde, leur arrogance rébutante. Ils se croyaient les maîtres du monde, alors qu'ils faisaient partie de la classe la plus infecte de tous les êtres vivants.
Malkia, contrite, regardait avec étonnement et dégoût mêlés la villa qui s'était métamorphosée en un endroit de luxure pour la soirée. En passant devant certaines pièces qui longeaient le couloir, elle pouvait entendre des gémissements qui faisaient saigner ses oreilles déjà endolories par les voix répulsives des invités.
Une musique d'ambiance résonnait dans la maison, appelant à la sensualité et au libertinage. Les lustres qui éclairaient le couloir avaient été remplacés par des led bars posés sur les murs sombres jusqu'au plafond, formant une arche qui rejetait des lumières bleues sur le papier peint.
Il ne s'agissait plus d'un dîner, mais d'une soirée hot dans laquelle elle n'avait clairement pas sa place.
Malkia, d'un pas hésitant, continuait à s'enfoncer dans ce décor de nightclub provisoire. Elle était seule, sans Damon qui semblait s'être volatilisé. Elle se retourna et ne vit plus l'homme qui avait capté son attention en début de soirée.
Plus elle s'enfonçait, plus elle avait l'impression d'être dans un cauchemar. Les murs semblaient se refermer sur elle, la musique était assourdissante, les voix des invités lui paraissaient plus élevées, tourmentant son esprit ; les images dansaient devant elle.
Il fallait absolument qu'elle sorte de ce lieu au plus vite avant de devenir définitivement folle.
Malkia se traîna jusqu'au bout du couloir et, une fois la porte coulissante traversée, elle se sentit libre. L'air frais et humide emplit ses poumons et la débarrassa de l'air vicié qui l'étouffait à l'intérieur.
Les chants des lucioles apaisèrent son esprit torturé ; la terre était fraîche, protégée de la neige par un socle en verre.
Elle avait l'impression d'être tombée dans un autre univers ; ici, tout respirait la paix et la tranquillité, contrairement à l'intérieur qui était diablement animé.
Elle descendit les cinq marches de la terrasse extérieure et prit place sur l'un des canapés en bois ; un feu avait été allumé dans le foyer pour l'ambiance, tout était paisible ici.
Elle prit la carafe contenant du jus de fruits posée sur la table et s'en remplit un verre pour mieux profiter du moment.
Seule, en communion avec la nature, son verre de jus de fruits en main, elle en oubliait presque où elle était.
Elle voulait profiter de ce petit instant de paix, de confort, de plénitude.
Elle ne se sentait plus prisonnière, otage, mais libre et, peut-être, si elle y croyait fortement, heureuse.
Ce calme profond, cette berceuse que jouait la nature, apaisait son âme et la réconfortait.
Elle sentait ses forces lui revenir petit à petit ; elle se sentait renaître, renaître de ses cendres tel un phénix.
Les yeux fermés, elle se régalait de ce petit moment de sérénité, au risque de réveiller la colère endormie de Damon, qui n'apprécierait pas sa petite escapade.
"Au diable Damon, au diable ses invités", elle avait bien droit à ça après tout l'enfer qu'il lui avait fait vivre ces derniers jours.
La tête penchée en arrière, l'esprit en voyage dans un monde imaginaire, elle se délectait de ce précieux cadeau avant que ses sens s'alertent quand un parfum musqué vint chatouiller ses narines.
La peur la gagna sur-le-champ, entraînant son cœur qui s'emballa ; automatiquement, elle se leva d'un bond, manquant de renverser son verre qui glissait déjà de ses mains devenues moites.
Pâle, elle sentit son estomac se nouer dans son ventre plat alors que des sueurs froides perlaient sur son petit front mate ; elle ne sentait plus son sang circuler dans ses veines pour oxygéner son cerveau mort de terreur.
L'inconnu, dont les pas étaient à peine audibles, s'arrêta tout à coup, et un rire moqueur déchira le silence paisible.
— Et moi qui voulais vous prendre par surprise, déclara l'homme qui s'amusait de la situation.
Malkia avait cru avoir été surprise par Damon, mais cette voix dure, teintée d'un accent italien, n'appartenait pas à son bourreau, mais à quelqu'un d'autre.
Lentement et sûrement, elle leva les yeux sur l'homme dont les jambes semblaient être infinies ; et quand ses yeux rencontrèrent enfin les siens, elle crut défaillir. Sa petite voix s'étrangla dans sa gorge.
Devant elle, tel un conquérant, se dressait le mystérieux inconnu dont les yeux s'étaient accrochés aux siens une heure plus tôt.
Elle resta un moment sous le choc avant que la panique l'envahisse de nouveau ; sa bouche devint sèche, tout son être tremblait comme une feuille en pleine tempête, rendant ses jambes cotonneuses. Malheureusement, elle ne pouvait compter sur sa respiration, qui semblait bloquée, pour regagner un semblant de calme.
Immédiatement, elle rebaissa les yeux et les planta sur le sol boisé pour fuir ceux, sombres, du nouveau venu.
Impassible, le regard fermé ne laissant trahir aucune émotion, les bras croisés sur son large torse dur et noirci par une fine toison brune, Matteo examinait attentivement la jeune femme qui avait envahi son esprit plus tôt dans la soirée.
Dès l'instant où elle était apparue en haut des escaliers, son cœur avait fait un bond ; tous ses sens s'étaient réveillés. Elle se détachait de ce contexte perfide, fait à son honneur, qui l'ennuyait à mort.
Jamais de sa vie, il n'avait été autant captivé par une femme ; en fait, il n'avait jamais vu une femme aussi belle que celle qui se tenait devant lui, verte de peur.
Il ne l'avait pas quittée des yeux un seul instant avant d'être obligé de rejoindre ce traître de Damon pour mettre les points sur les "i".
Toutefois, dès qu'il en avait eu l'occasion, il s'était éclipsé pour chercher sa Cendrillon à la peau miel doré et l'avait trouvée là, seule, perdue dans ses pensées, parfumant l'atmosphère de son parfum rosé.
Elle était vraiment unique, spéciale, un véritable mystère qu'il se réjouirait de résoudre. Mais pour l'heure, il essayait de comprendre son attitude. Bien qu'il se sût intimidant, sa réaction était pour lui trop excessive.
Elle ne l'avait même pas vu ni entendu qu'elle avait sauté au plafond. Maintenant, elle était debout devant lui, les yeux baissés, pétrifiée et silencieuse comme une enfant qui, après avoir commis une bêtise, attendait sa punition.
Il se serait bien amusé de la situation, mais sans savoir pourquoi, il avait un pincement au cœur en la voyant ainsi. Il pouvait entendre ses dents s'entrechoquer de peur ; elle lui faisait pitié.
Il décroisa ses bras musclés et les laissa tomber le long de ses hanches. Le regard toujours indéchiffrable, il combla l'espace qui les séparait pour toucher enfin cette peau dont il n'avait cessé de fantasmer sur sa douceur.
Décidément, cette femme réveillait en lui une facette qu'il ne se connaissait pas. D'abord, il découvrait que son cœur était encore à mesure de ressentir des émotions ; mais aussi que lui, le grand et puissant Matteo Rossi, celui qui pouvait avoir n'importe quelle femme en un claquement de doigts, l'homme qui berçait les nuits de plusieurs femmes, fantasmait. Et il voulait savoir quoi d'autre elle pouvait provoquer en lui.
Il tendit la main pour toucher cette chair à la couleur matte ; et sans surprise, elle se recula comme si elle avait en face d'elle le diable. D'ailleurs, n'était-ce pas ainsi qu'il se décrivait ? Combien de fois avait-il répété à ses ennemis, avant de leur prendre leur souffle de vie, qu'il était le diable ?
Son geste l'obligeait à changer d'approche, si il ne voulait pas la voir prendre ses jambes à son cou enfin, à condition qu'elles arrêtent de trembler.
Il baissa sa main et se laissa choir sur une des chaises, sans lâcher des yeux sa belle inconnue. Dieu qu'elle était splendide ! Elle était dotée d'une grâce naturelle, d'une beauté enchanteresse digne de Vénus.
La puissance de sa vénusté était si grande qu'il se croyait dans un rêve, un doux rêve dont il ne voulait jamais se réveiller.
Il prit un temps pour adoucir sa voix, naturellement dure, pour ne pas plus l'effrayer, avant de se reprendre.
— Je suis désolé, je ne voulais pas vous faire peur, s'excusa-t-il d'une voix qui essayait d'être douce et confiante, dans l'espoir que cela puisse calmer les craintes de sa muse.
Elle resta toujours muette et ne daigna pas lui lancer un regard. L'atmosphère était palpable, et il devinait sans grand mal qu'elle n'avait qu'une chose en tête : fuir. Fuir pour être loin de lui...
— Je ne vous ferai aucun mal, continua-t-il en radoucissant un peu plus sa voix.
Ne voyant toujours aucune réaction, il s'entêta à chercher un autre moyen pour nouer le contact, afin de détendre cette atmosphère qui devenait étouffante. Ses nerfs allaient céder d'un instant à l'autre, si elle ne réagissait toujours pas. Et dire qu'avant, ils exigeaient des femmes qu'il côtoyait le silence.
Pour calmer ses esprits, il sortit de la poche intérieure de sa veste son paquet de cigarettes avec son briquet et en sortit une.
La jeune femme continuait toujours à mettre ses nerfs à rude épreuve, et si elle était muette ? Pensa-t-il. Cela expliquerait son silence.
Il craqua son grand cou engourdi et alluma sa cigarette, qui tenait entre son index et son majeur tatoués de chiffres romains.
Malkia, qui avait fait vœu de silence depuis l'arrivée du bel et sombre inconnu, commençait à étouffer avec toute la fumée nocive qu'il envoyait dans sa direction et qui intoxiquait ses poumons.
Enfumée, elle porta sa main sur son nez pour s'empêcher d'en respirer encore plus, mais en vain. Celle-ci parvenait à trouver un chemin pour se loger dans son corps.
Étouffée, elle toussota avant de briser le silence qu'elle avait elle-même introduit pour se protéger.
— Je vous prierai de rejeter votre fumée ailleurs, monsieur, craqua-t-elle d'une voix blanche, en espérant qu'il ne lui fasse pas regretter son audace.