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63 - Épilogue
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Carmina-Xu

07

Alan se réveilla en sursaut en sentant sa montre vibrer. Il resta hébété par un léger retour de force. Un rêve inconscient ? Depuis combien d’années n’en avait-il pas fait ? Et pourquoi ce souvenir en particulier ? Pourtant rien n’avait pu permettre à celui-ci de remonter à la surface. Mateus lui demanda avec ironie en même temps qu’il lui jeta un regard dans son rétroviseur intérieur :

+

— Alan, tu me fais pas une crise cardiaque j’espère ?

+

Il claqua sa langue d’agacement en guise de réponse. Il se frotta les yeux, non pour se réveiller, mais par réflexe nerveux. C’était tombé au mauvais moment… Il devait se ressaisir. Il répondit à Mateus d’un ton presque froid :

+

— J’ai juste été surpris par les vibrations. Je voyageais entre le sommeil léger et paradoxal, mentit-il pour avoir la paix.

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— Tu as une trentaine de minutes pour te remettre les idées en place, signala-t-il de la même manière.

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Il reprit sa tablette pour se redonner de la contenance et focaliser son attention sur autre chose que ses interrogations. Il devait à tout prix retrouver sa concentration pour mener à bien son immersion. Il grimaça en remarquant qu’il n’avait toujours pas reçu le dossier « n006x ». Ça aussi ça l’agaçait. Ce n’était pas si long d’habitude.

+

 Après un peu moins de temps que Mateus l’avait estimé, ils arrivèrent en lisière d’un domaine particulièrement imposant et isolé en campagne. Son chauffeur ralentit et tourna vers un grand portail qui possédait un petit poste de sécurité. Il s’arrêta et ouvrit sa fenêtre en montrant ses papiers. Probablement les autorisations fournies par la famille pour accéder à la propriété et la preuve qu’ils venaient de la HDC, supposa-t-il en se redressant sur son siège.

+

Mateus s’engagea sur un chemin de terre aussi bien entretenu que le terrain qui abritait un manoir au loin. Alan l’observa d’un air perplexe. Définitivement, il ne comprenait pas la démesure des grosses fortunes. Il faisait peut-être partie des « riches » maintenant, mais il ne voyait pas l’intérêt de posséder autant de biens. Du moins, pour y vivre. Cependant, il ne pouvait pas estimer constituer un bon point de référence, il achetait juste que ce dont il avait réellement besoin. Il ne comprenait pas Ayana qui s’offrait des garde-robes complètes sur une simple envie.

+

L’homme se gara devant l’entrée du manoir et Alan remarqua que plusieurs personnes les attendaient sur le seuil. Il pensa reconnaitre celui qui avait commandé l’intervention, Hiro Wang. Il ressemblait fortement à son père. Il se redressa sur son siège pour réajuster sa veste et un peu ses cheveux. À l’avant, à son plus grand étonnement, il observa Mateus enfiler des gants. Il ne l’avait jamais vu en porter et la saison n’était pas encore assez froide. Il n’eut pas le temps de lui poser la question qu’il avait déjà quittée le volant pour venir lui ouvrir la portière. Alan le remercia d’un signe de tête en sortant. L’heure n’était plus aux commentaires entre eux, il passait en mode « Passeur ». Ils représentaient la HDC, la réputation de monsieur Polen était donc jugée à travers leurs moindres fait et geste. La neutralité était de mise, en particulier pour ces dossiers-là.

+

Il oublia complètement Mateus et se lança d’un pas assuré vers le groupe qui patientait. Le premier qui vint à sa rencontre fut celui qu’il pensait avoir deviné l’identité. Il serra la main que l’homme lui tendait et se présenta :

+

— Bonjour Monsieur Ribes, j’espère que vous avez fait bonne route. Je suis Hiro Wang, le commanditaire de votre intervention.

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— Bonjour Monsieur Wang. Monsieur Polen m’a confié l’immersion dès qu’il a obtenu les autorisations, informa-t-il en faisant fi des banalités. Vous pouvez me remettre le songe de votre père sans la moindre crainte.

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— Je ne doute nullement de vos capacités. C’est un honneur que votre dirigeant m’accorde votre présence.

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— Ce n’est rien, répondit-il évasivement pour cacher sa gêne.

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Simon l’avait encore visiblement vendu comme son meilleur élément… Sans prétention, c’était vrai. Il l’avait prouvé, mais tout de même, il n’aimait pas spécialement les éloges. Surtout qu’il savait très bien que c’était aussi un motif pour monsieur Polen de faire gonfler le prix de l’intervention pour ces cas particuliers. Il en avait conscience et il s’en souciait peu. Les primes qu’il recevait pour ses résultats représentaient une sorte de compensation. Cependant, monsieur Wang continua sur sa lancée :

+

— Je ne pensais pas qu’il vous positionnerait pour ce dossier. Vous appartenez au trio des meilleurs Passeurs de la branche européenne…

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Alan eut du mal à se retenir de sourire à la remarque. Ayana se trouvait dans ce fameux trio et en toute sincérité, il plaçait ses capacités au-dessus des siennes. Monsieur Wang, qui ne semblait pas plus âgé que lui, ne termina pas sa phrase quand son regard se détourna un instant derrière lui. Il fit de même et découvrit Mateus qui se tenait en retrait. Là, il devait admettre que son attitude avait de quoi jeter un froid. Il assurait simplement son rôle. Son interlocuteur lui demanda après quelques secondes avec méfiance :

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— Qui est-ce ? Nous n’avions pas la connaissance que vous seriez accompagné par un autre membre de la société.

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— Ne vous préoccupez pas de Monsieur Müller, c’est de mon agent de sécurité. Une mesure récente de la HDC pour chaque Passeur en déplacement, mentit-il pour convaincre. C’est un homme discret et il possède également les autorisations nécessaires.

+

Il n’aimait pas broder des histoires comme ça. C’était d’autant plus détestable de constater qu’il le faisait avec simplicité. Les réflexes avaient la vie dure visiblement. Cependant, il avait toujours estimé qu’un bobard convaincant s’avérait plus efficace qu’une réponse évasive. En tout cas, cela sembla satisfaire monsieur Wang. Ce dernier lui présenta de la main successivement :

+

— Étant donné la nature de votre immersion, je me suis entouré de plusieurs personnes. Voici Monsieur Strauss, le notaire de notre famille. Hirsch, notre avocat. Hohenberg, un agent fiscal et Monsieur Neudolf, l’assureur principal de mon père. Veuillez me suivre s’il vous plait.

+

Alan serra la main de chacun d’entre eux, mais resta assez froid. Son client, c’était Hiro Wang, pas eux. Ce n’était pas la première fois qu’il se trouvait dans une situation semblable. C’était souvent ces individus-là qui tentaient d’en savoir le plus. Pour le moment, le fils Wang lui paraissait sur la réserve, mais ferme. Il supposa qu’il accomplissait simplement les démarches vis-à-vis de son père.

+

En suivant l’homme, sa pensée concernant l’étalage de fortune se confirma. Le hall puait d’une richesse excessive, jugea-t-il en observant les différentes décorations et tableaux. Que monsieur Wang souhaite obtenir l’héritage lui semblait que peu surprenant. C’était toujours ainsi. Pour le moment, il lui donnait un sentiment d’honnêteté, mais leur discussion formelle ne lui permettait pas de le certifier. Peu importe, ce n’était pas son esprit qu’il allait pénétrer, mais celui de son père. En sortant sa tablette pour appuyer ses paroles, il demanda :

+

— Est-ce que vous m’autorisez à vous poser quelques questions personnelles au sujet de Monsieur Wang ? Je possède des informations générales, mais cela m’aiderait à mieux appréhender mon immersion. Les rêves sont tout aussi complexe qu’un homme peut l’être. Toute sorte de paramètres peuvent influencer sa forme et sa force. Pourriez-vous m’indiquer quelle est la personnalité de votre père ou bien, si vous en avez connaissance, des faits qui ont marqué sa vie ? demanda-t-il après avoir obtenu son approbation. Les données que je possède ne me permettent pas de définir de telles variables.

+

— En vérité, j’ignore qui il est vraiment… Lorsqu’on vivait en Chine durant mon enfance, c’était une personne qui travaillait énormément… Au point de faire passer son métier avant sa famille. Puis tout a changé quand ma mère a disparu. Cet homme si solide et imperturbable s’est effondré. Il se noyait dans l’alcool et une dépression sévère l’a rongé pendant des années. Il m’a envoyé en Allemagne pour ma scolarité et m’a rejoint quelques années plus tard.

+

— Mes condoléances pour votre mère, souffla Alan aussi bien par respect que par automatisme.

+

— Faudrait-il encore que je sache si elle est vraiment décédée ou non. Je dépense une fortune pour la retrouver depuis des années, mais aucune piste n’a été découverte jusqu’à maintenant. C’est comme si elle s’était évaporée. Je veux juste connaitre la vérité…

+

Alan était convaincu qu’il allait trouver une réponse à cela durant son immersion, mais ce n’était pas l’objectif de sa mission. La perte d’un proche influençait très souvent la nature d’un rêve. Sur l’instant, il ne put s’empêcher de se comparer à lui. Hiro avait une mère qui avait disparu et qu’il espérait retrouver, et lui, il avait fui la sienne en souhaitant justement ne jamais la revoir. Il pinça des lèvres d’irritation. Bon sang, ce n’était vraiment pas le moment pour se faire ce genre de réflexions. Néanmoins, il avait entendu de la peine derrière ces mots. À ses yeux, c’était une réaction logique. Il indiqua :

+

— C’est assez courant que les parents ne partagent pas, ou que très peu, leur déboire avec les enfants. Le cas inverse n’est pas mieux… Aviez-vous connaissance de son état émotionnel avant son accident ? Ou bien une autre situation qui vous semble marquante ? En toute honnêteté, je n’aime pas être pris au dépourvu. Plus vous pouvez me donner d’informations, plus je pourrais améliorer mes résultats.

+

— Je ne sais pas quel était le travail de mon père à l’époque, mais les rares fois où je le côtoyais, il se montrait aussi sévère qu’intraitable. Cependant, quand ma mère a disparu et qu’il m’a rejoint en Allemagne, il est devenu étrangement surprotecteur. Même après ma majorité, je ne faisais pas ce que je voulais comme je le souhaitais.

+

Alan resta pensif, il entendait là une sorte de besoin de contrôle devenu exacerbé. Cette histoire avait quelque chose de singulier, des détails qui lui échappaient. Qu’est-ce qui avait bien pu ébranler un membre des services secrets d’un des pays les plus répressifs qui existait au point de protéger son fils ainsi ? La mère semblait constituer un pilier dans ce récit familial brisé. Néanmoins, il possédait assez d’informations pour dresser un grossier portrait de son patient.

+

Monsieur Wang ouvrit une pièce et l’invita à rentrer, une chambre médicalisée, découvrit-il sans surprise. Tao Wang était allongé sur son lit, relié de toute part par des machines qui permettaient aussi bien de maintenir son état que de le surveiller. Il trouva son visage étonnement paisible, bien plus que sur la photo qu’il disposait dans son dossier. Ce détail l’interpela. Cet état de sérénité ressemblait beaucoup à ceux plongés dans les Méandres. Cependant, si c’était vraiment le cas, il ne posséderait pas d’autorisation pour l’immersion. Pour cause, c’était un aller sans retour pour les Passeurs. Cela restait une vision triste, mais cela ne le touchait plus. L’habitude, imagina-t-il en rangeant sa tablette. Il se trouvait là uniquement pour accomplir son devoir. Il espérait sincèrement ne pas découvrir des horreurs. Son mental était solide, mais il avait tout de même des limites.

+

Il prit quelques minutes pour observer et vérifier les constantes des machines pour s’assurer qu’il ne s’exposait à aucun risque durant son immersion. Lorsqu’il estima que tout était correct, il tira le fauteuil à côté du lit. Il plaça doucement le bras de monsieur Wang vers lui, dans une position qui allait faciliter sa démarche : lui tenir la main. Il avait beau être Passeur, il ne comprenait toujours pas comment c’était possible de créer une connexion entre rêveur et Passeur de cette manière. Il prit une bonne inspiration avant d’annoncer :

+

— Avant de commencer, je me dois d’indiquer plusieurs points. Je me demande un silence absolu tant que je n’ai pas pénétré la phase paradoxale. Plusieurs moniteurs vont saturer un instant lorsque cela se produira. À partir de ce moment, aucun bruit extérieur ne pourra me déranger. Il est aussi formellement interdit de me toucher pendant l’immersion, cela pourrait déclencher un réveil forcé. Monsieur Müller est en mesure de gérer sans la compromettre si je m’agite, précisa-t-il en cherchant son accord du regard. Je possède une autorisation de profondeur de niveau quatre, l’intervention peut durer jusqu’à six heures. Je peux néanmoins mettre moins de temps si je parviens à trouver les informations souhaitées facilement.

+

Alan avait conscience qu’il venait de jeter un froid avec ses règles en plus de la présence intimidante de Mateus, mais il préférait être clair. Il n’était pas là pour s’amuser. On l’avait déjà pris pour un rigolo à cause de la méconnaissance de sa fonction et de ses capacités. Depuis, il se montrait intransigeant. Il tira davantage son fauteuil vers le lit et s’empara doucement de la main de l’homme en s’installant confortablement. Il jeta un bref regard à sa montre pour connaitre son heure de départ et mieux reprendre conscience de la réalité à son réveil.

+

Il indiqua qu’il débutait son intervention en même temps qu’il ferma les yeux. Il prit de longues inspirations pour ralentir le rythme de son corps et atteindre un état de méditation. Son esprit glissa dans la phase paradoxale, guider par les vibrations qu’émanait le rêve de son hôte. Doucement, il se laissa aspirer.

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