Assis dans son fauteuil de velours bleu, Antoine fixait la fenêtre sans vraiment la voir. Dehors, le jardin baignait dans la lumière dorée de l'après-midi, et pourtant, quelque chose lui échappait.
— Papa ?
La voix douce le fit sursauter. Une jeune femme aux yeux noisette se tenait devant lui, un sourire fragile aux lèvres.
— Bonjour, mademoiselle, murmura-t-il poliment.
Les yeux de la jeune femme s'embrouillèrent de larmes.
— C'est moi, papa... Anna.
Antoine plissa les yeux. Le prénom résonnait en lui comme un écho lointain, un souvenir à la dérive dans l'océan brumeux de son esprit. Il voulait attraper ce fil, le tirer vers lui, mais plus il essayait, plus il lui glissait entre les doigts.
— Vous... êtes sûre ? demanda-t-il, hésitant.
Anna prit une grande inspiration et s'accroupit à sa hauteur.
— Oui, papa. Je suis ta fille.
Antoine observa son visage. Il y avait quelque chose de familier dans la courbe de son sourire, dans la façon dont ses cheveux retombaient sur ses épaules. Il aurait voulu se rappeler, mais son esprit était un livre aux pages blanches.
— Je suis désolé, souffla-t-il.
Anna lui prit la main et la serra doucement.
— Ce n'est pas grave, papa. Je suis là.
Ils restèrent ainsi un moment, sa main dans la sienne, le silence ponctué seulement par le chant des oiseaux au-dehors. Puis, soudain, un éclat de mémoire perça le brouillard.
— Anna... souffla-t-il.
Un sourire timide naquit sur ses lèvres.
Anna hocha la tête, les larmes coulant librement sur ses joues.
— Oui, papa.
Antoine posa sa main sur sa joue avec une tendresse infinie.
— Ma petite fille...
Le moment dura une éternité, puis la brume revint. Son regard se perdit à nouveau dans le vide.
Anna sentit son cœur se serrer. Mais elle resta là, à tenir sa main, parce que l'amour, même quand la mémoire s'efface, ne disparaît jamais vraiment.