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Alma

Il y a des jours où Alma ne reconnaît plus le reflet de son visage dans le miroir. Ses cheveux, autrefois noirs comme l'ébène, sont désormais argentés, et ses rides, comme empreintes du temps, marquent une vie vécue. Mais ce n'est pas ça qui la trouble le plus. Ce qui la perturbe, c'est cette sensation étrange de flottement, comme si ses souvenirs étaient des vagues lointaines qu'elle ne parvenait plus à toucher.

Elle se trouve dans un lieu familier, mais qui semble aussi étrange. C'est chez elle, et pourtant, chaque objet semble un peu déplacé, comme un souvenir qui s'est égaré. Une tasse de thé posée sur la table. La radio allumée, mais le silence qui l'entoure semble plus lourd que jamais.

Ses enfants viennent la voir de temps en temps. Lya, la cadette, lui parle doucement, avec ce regard mêlé de compassion et de tristesse. Elle lui raconte les événements récents, comme une vieille photographie qu'on aurait retournée pour en effacer les dates. Mais Alma ne comprend pas tout à fait. Pourquoi Lya pleure-t-elle parfois lorsqu'elle lui parle des anniversaires ou des souvenirs de vacances? Elle ne se souvient plus de ces moments. Elle essaie, mais c'est comme si une brume persistante envahissait son esprit.

Le médecin lui a dit que la maladie d'Alzheimer est une lente dérive, une disparition graduelle. Parfois, cela commence par un oubli des noms, puis des lieux, puis des visages. Et finalement, ce sont les sentiments les plus profonds qui se volatilisent.

Alma se souvient du jour où elle a su. C'était un matin, un mardi peut-être. Le ciel était gris, mais le soleil avait percé les nuages. Elle était à la pharmacie, cherchant son ordonnance, lorsqu'elle a vu son reflet dans une vitrine. Elle avait oublié ce qu'elle venait faire là. Son cœur a alors eu un choc, un vide qu'elle n'avait jamais ressenti auparavant. Le docteur, plus tard, lui avait confirmé ce qu'elle redoutait. C'était Alzheimer. Un mot qu'elle n'avait jamais vraiment pris au sérieux, un mot lointain et anonyme, comme si c'était quelqu'un d'autre qui allait le porter, pas elle.

Les jours passent et se ressemblent. Parfois, elle retrouve des brides de souvenirs, des éclats de son passé, comme des étoiles filantes, qu'elle tente de saisir avant qu'elles ne s'éteignent. Il y a des moments où elle se souvient de son mari, Henri. Les rires qu'ils partageaient, les promenades dans les champs de lavande. Mais parfois, elle l'oublie aussi, et son absence lui devient douloureuse.

Un soir, alors que l'obscurité envahit lentement la pièce, Alma entend un bruit de pas dans le couloir. Elle tourne la tête et voit une silhouette qui se profile dans l'embrasure de la porte. C'est Lya.

"Tu veux que je te raconte l'histoire de ton livre préféré? Celui avec les oiseaux?"

Alma sourie faiblement. Elle se souvient, oui, de ce livre, des oiseaux qui s'échappaient de leurs cages, de cette liberté qu'elle avait tant aimée. Elle hoche la tête, et Lya commence à parler doucement, comme pour la ramener vers un monde qu'elle perd peu à peu. Elle parle, encore et encore, et Alma se laisse emporter par les mots, comme un bateau qui navigue sur une mer calme, loin des tempêtes de l'oubli.

Peu importe combien de souvenirs s'effacent. Peu importe combien de visages deviennent flous. Tant que l'amour persiste dans les mots et dans les gestes, la mémoire, même fragile, ne disparaît jamais complètement.

Alma ferme les yeux, et dans le silence de la pièce, elle se sent, pour un instant, en paix.

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