La semaine avait filé comme un souffle. Presque trop vite, presque trop calmement. Un calme anormal, trompeur, comme la surface d’un lac gelé qui dissimule des courants déchaînés.

Je voulais croire que tout allait mieux. Que l’épreuve du vieux gymnase n’était qu’un mauvais souvenir, un rite de passage cruel. Je voulais croire que Rachel m’avait oubliée, que Jayden m’avait protégée pour de bon, que Paul n’avait plus rien à cacher.

Mais le cauchemar n’était jamais parti.

Il s’était seulement recroquevillé dans l’ombre, attendant le bon moment pour frapper à nouveau.

Ce soir-là, je rentrai du lycée un peu plus tard. Le ciel était déjà teinté d’un orange malade, et l’air semblait plus épais, comme chargé d’électricité.

La maison paraissait vide. Trop vide.

- Paul ? appelai-je.

Pas de réponse.

Je posai mon sac dans l’entrée, les sens en alerte. Un léger courant d’air me frôla le visage. J’haussai un sourcil : la fenêtre du salon était entrouverte. Paul ne laissait jamais rien ouvert.

Mon instinct me criait de sortir. De faire demi-tour.

Mais j’avançai. Lentement.

Chaque pas semblait aspirer la lumière autour de moi.

Un bruit, à l’étage. Une porte qu’on referme doucement.

Je tendis l’oreille, le cœur battant dans mes tempes.

- Paul ? fis-je d’une voix plus faible.

Toujours rien.

Je montai les marches une à une, la main crispée sur la rambarde. Mon téléphone vibra dans ma poche. Je le sortis : Message inconnu.

“Tu ne devrais pas être là.”

Je m’arrêtai net. Une sueur froide me coula dans le dos.

Un second message apparut immédiatement.

“Trop tard.”

Soudain, un bruit violent, comme un objet qu’on jette contre un mur, retentit dans la chambre d’amis.

Je me précipitai vers la porte et l’ouvris d’un coup.

Vide.

Mais la fenêtre était grande ouverte. Et sur le sol, un objet attirait mon attention : un ruban. Rouge. Identique à celui que portait Kylie dans une de ses photos.

Je m’agenouillai, l’estomac noué, et le ramassai avec précaution.

Un mot était glissé sous le ruban.

“Tu veux la vérité ? Tu la trouveras là où tout a commencé.”

Je restai figée.

Quelqu’un était venu ici. Quelqu’un qui savait pour Kylie. Quelqu’un qui voulait que je continue à creuser… ou que je me perde dans le noir.

Je descendis précipitamment. Mon téléphone vibra encore.

Appel entrant.

Numéro inconnu.

J'hésitai… puis décrochai.

- Ali.

La voix était rauque, basse, comme un murmure.

- Qui êtes-vous ?! criai-je.

- Tu dois te dépêcher. Il ne te reste plus beaucoup de temps. Ils savent que tu es proche de la vérité.

- De quoi vous parlez ? Qui ça “ils” ?!

Mais l’appel était déjà coupé.

Je me tournai vers la porte d’entrée… Elle était entrebâillée.

Et Paul était là. Debout. Le regard vide.

- Paul ! m’écriai-je.

Il referma la porte derrière lui, lentement.

Son visage était fermé, plus pâle que jamais.

- Où étais-tu ? demandai-je en m’approchant.

- Quelqu’un m’a suivi, dit-il doucement. Je ne voulais pas te mêler à ça. Mais je crois… qu’on est déjà trop loin.

- Trop loin de quoi ?

Il s’assit sur le canapé, fatigué. Épuisé.

- Ali… ce ruban que tu as trouvé… Ce n’est pas un simple souvenir. C’est un message. Et ceux qui l’ont laissé savent exactement qui tu es.

Je m’écroulai à ses côtés, incapable de parler.

- Et maintenant ? soufflai-je enfin.

Il me regarda dans les yeux, plus sérieux que jamais.

- Maintenant, on descend dans la tanière du monstre.