Jayden me tira par la manche.

- Dépêchons-nous, murmura-t-il.

Nous nous éloignâmes en courant, nos pas étouffés par la terre battue.
Chaque fois que je jetais un coup d’œil derrière moi, j'avais l'impression que quelque chose nous suivait. Invisible. Silencieux.

Nous atteignîmes enfin une ruelle un peu plus éclairée.
Jayden s'arrêta, essoufflé, le regard fou.

- Explique-moi maintenant, exigeai-je.

Il hésita, passa nerveusement la main dans ses cheveux.

- Ce n'était pas prévu, j'te jure. Rachel voulait juste... te tester. Comme une sorte de rituel d'entrée.

- Et cette chose ?!

Il pâlit.

- Quelqu'un... quelque chose... habite là-bas depuis longtemps. Avant même qu'on utilise le gymnase.

Je restai figée, mon souffle court.

Vous saviez ? chuchotai-je.

Il secoua la tête.

- Pas vraiment. On avait entendu des rumeurs. Des disparitions. Mais... personne n'avait jamais rien vu. Jusqu'à ce soir.

Un silence pesant s'installa.

- Pourquoi m'avoir mêlée à ça ? grondai-je.

Jayden se mordit la lèvre inférieure, évitant toujours mon regard.

- Rachel veut voir si tu es... assez forte.

- Pour quoi ?

Il serra les poings.

- Parce qu'on est pris dans quelque chose de plus grand que nous. Quelque chose qui nous dépasse.

Depuis Kylie...

Mon sang se glaça instantanément.

- Quoi Kylie ?

Jayden me fixa enfin, les yeux brillants d’une peur brute.

- Sa disparition... c'était pas un accident, Ali.

Mon estomac se tordit.

- Elle est liée au gymnase, n’est-ce pas ?

Jayden hocha la tête lentement.

- Elle avait vu... quelque chose. Elle voulait partir, prévenir quelqu'un.

Et après... elle a disparu.

Un frisson me parcourut l’échine.

Je reculai d'un pas, soudain glacée.

Et maintenant, c'est mon tour.

Jayden s'approcha.

- Tu peux encore partir. Faire semblant de rien. Laisser tomber.

Son regard était implorant. Presque suppliant.

Mais au fond de moi, je savais que c'était impossible.

Je pensai à Kylie. À ses sourires, à ses secrets jamais avoués.
À cette culpabilité qui me rongeait depuis son absence.

- Non, répondis-je fermement.

Je veux savoir ce qui s'est passé.

Jayden sembla s'effondrer intérieurement, comme s'il avait espéré que je dirais autre chose.

- Alors tu dois faire un pacte, murmura-t-il.

Je haussai un sourcil.

- Quel pacte ?

Il se pencha, sortant un petit carnet abîmé de sa poche.
Il me le tendit.

La couverture était tachée, griffonnée de symboles étranges.

- Lis et signe ton nom à la dernière page, souffla-t-il.

- C’est une blague ?

- Ce n’est pas une blague, Ali.

Son ton était glacial.
Sérieux.

Je pris le carnet d'une main tremblante.
À l'intérieur, des lignes d'un langage que je ne comprenais pas, entremêlées de croquis hideux.
Des silhouettes tordues, des yeux sans visages.

Un serment en lettres rouges : "Ce qui est vu ne peut être dévu."

À la dernière page, plusieurs noms griffonnés.
Dont celui de Kylie.

Mon cœur manqua un battement.

Elle aussi avait signé.

La gorge nouée, je sortis un stylo de ma poche.

Jayden me regardait, tendu.

Un hurlement lointain résonna alors, déchirant la nuit.

Nous sursautâmes tous les deux.

Pas le hurlement d’un chien.
Quelque chose de plus grave. De plus ancien.

Je baissai les yeux sur la feuille.
Hésitai une fraction de seconde.

Puis, d’une écriture tremblante, je traçai mon prénom : Ali.

À peine eus-je terminé que le carnet vibra légèrement entre mes mains.
Un vent froid nous balaya, faisant claquer les volets des maisons autour de nous.

Jayden reprit le carnet d’un geste rapide.

- Maintenant, dit-il d'une voix grave, tu fais partie du jeu.

Je levai les yeux vers lui.

- Quel jeu ?

Il esquissa un sourire sans joie.

- Celui où il faut survivre.

Un éclair fendit le ciel, illuminant fugacement le vieux gymnase au loin.

Et dans la lumière brève, je crus voir... une silhouette à la fenêtre brisée.
Qui me regardait.