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Chapitre 23 - Kieran

Je m'en veux d'avoir amener ce sujet sur le tapis alors que nous passions un bon moment, mais tout comme il a voulu faire quelque chose pour moi avec cette histoire de balançoire, j'ai envie de lui montrer que je suis là pour lui. Sa réaction me brise le cœur parce qu'il tente de noyer le poisson, il sort avec précipitation les différents plats du panier et se rend bien compte de ce qu'il contient. J'ai essayer de faire en sorte qu'il se sente à l'aise de manger ces plats avec moi, qu'il puisse se dire qu'il n'y a pas de risque. Mais après notre discussion, j'ai l'impression que c'est une attaque directe.

Ses épaules finissent par s'affaisser sous le poids du secret et il se passe une main sur la nuque, massant l'arrière de son crâne.

— Est-ce vraiment important ?
— Tu rigoles ? Si quelqu'un s'en rend compte, je suis fini !
— Bree, comment as-tu choisi les personnes qui t'entourent ?
— Pourquoi ?
— Elles sont supposées être là pour t'aider et prendre soin de toi et j'ai l'impression que tu es seul au monde.
— Je n'ai pas envie qu'ils voient ça. Et puis tu m'emmerdes, je mange ce que je veux.
— Ca te met en danger, Bree.
— C'est manger n'importe quoi qui me mettrait en danger.
— Les deux extrêmes sont problématiques.

Je soupire doucement et lève les mains en signe d'apaisement, lui souriant.

— Écoute, je ne vais pas insister sur le sujet. Tu dois comprendre que c'est un problème et que c'est dangereux mais je n'ai pas envie de te braquer. Si tu as envie d'en parler un jour, je suis dispo. Toujours. Peu importe l'heure.

Bree se mure dans le silence et attrape une salade qu'il machouille pendant des heures. Je grignote dans l'ambiance pesante qui s'est installée, un œil sur Bree et l'autre sur mon téléphone. Je me sens mal et je ne sais pas comment reprendre pieds avec notre après-midi. Je n'ai aucune envie qu'il passe un mauvais moment à cause de moi, et je me maudis de ne pas avoir su fermer ma grande bouche. Je finis par poser les sandwichs sur le côté, j'avais fait exprès de demander des petites quantités parce que j'imaginais bien que Bree n'allait pas dévorer des dizaines de sandwichs.

— Ça a commencé pendant la deuxième saison de Small People.

Je sursaute presque en l'entendant parler. J'écarquille les yeux en me rendant compte de ce dont il parle. Je l'observe longuement et fronce les sourcils.

— J'ai vu un article sur moi sur un site internet, comme quoi je me laissais aller et que les tablettes de chocolat et les muscles ça serait bientôt un souvenir.

Je n'ose pas l'interrompre malgré la colère qui résonne en moi. Je déteste tous ces gens qui pensent qu'ils ont le droit de juger le corps des autres. Je les hais du plus profond de mon âme, parce que je sais que mes failles actuelles existent à cause d'eux. Et je les hais d'autant plus que Bree est physiquement parfait, il n'y a pas le moindre truc à changer chez lui.

— Alors j'ai commencé à faire attention. Je mange, vraiment. La plupart du temps chez moi je compte les calories mais je mange. 1800 calories par jour.
— Bree, je ne sais pas te dire à quel point je suis désolé que ces abrutis ne sachent pas se taire. Tu n'as pas besoin de surveiller tes calories au jour près. On n'a qu'une vie, on doit pouvoir se faire plaisir... Sinon à quoi bon vivre ?
— Mais si je perds ce corps, je ne suis plus rien.
— Arrête, tu es un acteur extraordinaire. Tu es bien plus que ton joli p'tit cul, lui souriais-je pour tenter de le rassurer.
— Ravi de savoir que tu trouves mon cul joli, Parker.

Je hausse les épaules d'un air innocent avant de redevenir plus sérieux.

— Essaie de te faire aider, ce n'est pas sain la manière dont tu manges.

Il repousse la nourriture sur le côté et s'allonge sur les couvertures, ramenant le plaid sur lui pour s'y pelotonner. Je sens qu'il essaie de changer de sujet, de revenir à quelque chose de moins difficile pour lui. Et je n'ai pas envie d'insister alors je m'allonge à mon tour, et j'observe le ciel. Je regarde les nuages défiler lentement, y trouvant quelques images réconfortantes. Je finis par pointer l'une des formes en souriant doucement.

— Ça ne ressemblerait pas à un cheval ça ?
— T'es vraiment en train de vouloir nous faire regarder les nuages ?
— Pourquoi pas ? On n'avait pas prévu d'activités et tu voulais une après-midi tranquille. Alors voilà.
— J'aurais dit une femme. À l'époque de la régence, avec une ombrelle.
— Genre Bridgerton ?
— Exactement.
— C'est pas faux. Et celui-là, c'est clairement un chien qui joue avec un frisbee.
— Ouais je le vois aussi ! Juste à côté de la voiture. Et celui là, il a des faux airs de Godzilla non ?
— Non ? T'as fumé ou quoi ? Je vois éventuellement un groupe de gosses en train de jouer au foot mais Godzilla c'est pas évident.
— Mais si regarde !

Bree attrapa ma main pour me faire tracer les contours du personnage japonais du doigt. Malheureusement – ou heureusement ? – je perdis le fil à l'instant même ou ses doigts touchèrent les miens. Mon regard se focalisa sur sa main sur la mienne et mon souffle se coupa l'espace d'un instant, des frissons remontant le long de mon bras. Je mis ça sur le compte du froid sur le moment mais, je ne pouvais pas vraiment renier l'attirance qui grandissait en moi petit à petit. Plus nous passions du temps ensemble, plus j'avais envie de le toucher, de l'étreindre, de l'embrasser. Alors je récupérais ma main en souriant maladroitement.

— T'as raison, c'est bien lui, marmonnai-je en buttant sur mes mots.

Je rangeai mes mains dans les poches de mon pantalon tout en continuant ce petit exercice avec lui. L'après-midi passa vite, trop vite. Allongés sur l'herbe, nous avons rattrapé les années qui nous avaient séparées. Il m'a parlé de sa carrière, de la manière dont il avait abordé le métier après ma disparition de sa vie. De ses collègues dans Small People, qu'il ne peut qu'apprécier tant ils forment une grande famille. De sa famille aussi, celle de sang qu'il ne voit pas autant qu'il le voudrait.

— Pourquoi ? Demandai-je alors qu'il avouât le manque qu'il ressentait de leur présence.
— Pourquoi quoi ?
— Tu ne vas pas les voir ?
— Je n'ai pas le temps.
— Menteur.

Il m'observa avec étonnement avant qu'un soupir ne quitte ses lèvres.

— Tu sais vraiment quels sujets de conversation choisir.
— Nous n'avons pas beaucoup de temps, autant en profiter pour aborder les sujets importants.
— Tu comptes disparaître à nouveau ? Me demanda-t-il avec méfiance.
— Non, mais en ligne ça n'est pas pareil.

Il ne répondit pas tout de suite, hésitant sûrement entre savoir si je disais la vérité ou si je lui mentais.

— Je ne me sens plus le bienvenu chez moi.
— À cause de ton père ?
— Entre autres, oui.
— Je me souviens que tu m'avais raconté que ça n'était pas tout rose entre vous mais je ne me souviens plus pourquoi.
— Il n'approuve pas mon choix de carrière, lâcha-t-il dans un rire jaune. Et je dois dire que j'aurais peut-être dû l'écouter plus attentivement à l'époque.
— Arrête de dire ça.
— Il n'avait pas tort, je suis un acteur de série télé qui ne vise pas plus haut que ce qu'il n'a, qui n'est qu'un « acteur à midinettes », déclama-t-il en mimant les guillemets avec ses doigts. Franchement, je serais lui, je serais déçu aussi.
— Si ton père est déçu de toi avec tout ce que tu as accompli alors il ne mérite peut-être simplement pas son titre de père.
— Peut-être.
— Quand as-tu eu une conversation à cœur ouvert avec lui pour la dernière fois ?
— Un des Noël avant que je ne tourne la deuxième saison de Small People. J'étais fier d'avoir décroché ce rôle, tu sais, à l'époque. Je sortais de tellement d'années de galère, d'années où j'avais dû dormir parfois sur le canapé d'un pote ou même dans la rue pour économiser le moindre centime qui m'aurait permis d'accéder à ce rôle. Tout l'argent que je mettais de côté c'était dans le but d'engager un agent, alors quand j'ai eu assez pour engager Aldo pour un an et qu'il accepte le deal de partager mon cachet avec moi, j'étais sûr que ça allait payer. Et je suis content de lui montrer qu'il a parié sur le bon cheval.
— Et ton père n'a pas compris ?
— Il n'a pas arrêté de me dire que c'était gâcher mon talent que de faire ce métier, que j'étais meilleur en basket que je ne le serais jamais en tant qu'acteur. Au fond de moi, je savais que c'était faux. Que c'était impossible. Et que je devais garder le basket en tant que loisir. Au final, je n'ai plus touché un ballon non plus depuis cette époque-là.
— Peut-être qu'il ne comprend juste pas ?
— C'est certain. Ma mère s'est souvent disputée avec lui quand on partait dans ce genre de discussion. C'est aussi pour ça que j'ai décidé d'y aller de moins en moins. Mes parents, ils s'aiment tu sais. Vraiment. Ils m'ont toujours donné cette vision pure de l'amour, qui prend soin de l'autre et qui supporte ses projets et ses rêves. Alors je ne voulais pas être celui qui mettrait tout en péril.
— Ton père n'aurait pas dû réagir comme il l'a fait. Te faire sentir ainsi. Je ne comprends simplement pas pourquoi il l'a fait.
— C'est comme ça.
— Tu devrais aller les voir. Bientôt. Ça te ferait du bien, je pense.
— Oui, Docteur.

Un léger sourire étira mes lèvres et nous restâmes comme ça en silence pendant un moment. Si bien que je finis par m'endormir sans crier gare. Heureusement, comme je suis quelqu'un de prévoyant, j'avais prévu une alarme à 18h sur mon téléphone pour qu'on se mette en route. C'était sans compter le réveil difficile. Si difficile parce que nous avions fini blottit l'un contre l'autre, profitant de la chaleur qui émanait de nous pour éviter de tomber malade. La sonnerie de mon réveil n'est pas le genre de sonnerie violente qui nous fait sursauter, elle est plutôt douce et calme et nous sort du sommeil en douceur. Je levais le nez pour me retrouver face aux orbes bleu et vert de Bree. Nous restâmes quelques secondes en silence à s'observer, essayant de reprendre pied avec la réalité. Je ne savais même pas s'il avait dormi, mais si j'en jugeais de ses yeux fatigués, c'était fort probable. Je n'osais pas bouger, de peur de briser l'instant. Dans les films, c'est à ce moment précis que le héros décide d'embrasser l'héroïne pour la première fois. Le silence s'éternise, il n'est ni lourd ni gênant, il est confortable et on aurait envie d'y rester encore longtemps. Je décide finalement de le briser parce que je suis trop anxieux de nature pour empiéter sur notre avance.

— On devrait y aller, murmurai-je sans pour autant bouger.
— C'est vrai.

Une minute de plus passa sans qu'aucun de nous ne fasse le premier pas, alors je finis par me redresser, repliant le premier plaid. Aubrey me suivi rapidement, rangeant la nourriture dans le panier pendant que je continuais de ramasser les couvertures. Nous rejoignîmes la voiture ensuite sans un mot, déposant notre chargement à l'arrière avant de monter. Je frissonnais, de froid cette fois, et poussais le chauffage au maximum avant de m'engager sur la route bétonnée. Bree ne joua pas au DJ cette fois, il me demanda simplement qu'on s'arrête dans un Starbucks avant de continuer. On pouvait se permettre cette folie alors je m'arrêtais à quelques mètres, prenant l'initiative de moi-même d'aller chercher nos boissons. Je n'avais pas envie de créer une émeute dans notre petite bourgade. Je reviens un quart d'heure plus tard avec un latte pour lui, et un chocolat chaud pour moi.

L'heure de route qui nous séparait d'Heathrow se fit dans le plus grand silence. Il a de multiples types de silences différents. Il y a ceux qui sont lourds, gênants, fuyant. Ceux qu'il est désagréable de supporter mais qu'on endure sans un mot. Et il y a les silences réconfortants, ceux dans lesquels on aime souvent se retrouver parce qu'on sait qu'on est en sécurité. Il y a les silences qui veulent tout dire, qui n'ont pas besoin de mots pour parler. Des silences intenses, chargés d'électricité qui peuvent tout faire exploser d'un claquement de doigts. Et puis, il y a les silences condamnés, ceux dont on sait où ils vont. Des silences qui nous font peur de par leur signification.

Je pense qu'on est passé par tous ces silences en très peu de temps depuis que Bree est arrivé à Londres. Et j'aurais aimé rester dans un silence confortable, mais je roule droit vers l'aéroport où l'attend à la fois son agent qui ne me porte pas dans son cœur, et l'avion qui va le ramener à l'autre bout du monde.

Bree ne semble pas plus enclin que moi à parler, et je ne peux pas lui en vouloir. Que pourrait-on bien dire ? « C'était super de te revoir, on se refait ça bientôt ? » ou encore « on reste en contact hein, on s'écrit ! ». C'est d'un banal, et on ne va pas combler une heure entière avec ce genre de discours. Alors on préfère se taire, redoutant le moment où je vais le laisser au dépose-minute de l'aéroport. C'est bien là qu'est le point de rendez-vous.

Lorsqu'on y arrive, Aldo est déjà là. Il a appelé deux fois Bree qui l'a renvoyé sur son répondeur. Je n'ai pas pu empêcher un léger sourire d'ourler mes lèvres à ce moment-là. Je me gare non loin de l'agent et coupe le moteur.

— Ne descend pas de la voiture, on ne sait jamais ce qui se cache par ici.
— Ça va aller pour récupérer tes affaires ?
— Je suis un grand garçon t'en fais pas, ricane-t-il en détachant sa ceinture.
— Très bien.
— Tu m'écris, hein ?
— Oui Bree, je t'écrirais. Je te le promets.
— Parfait, parce que si tu disparais je débarque à ton bureau pour te botter le cul.

Ça a au moins l'avantage de me faire rire. Jusqu'à ce que je sente sa main sur ma joue, me tourner le visage vers lui.

— Je suis sérieux. Ne coupe pas contact, pas cette fois. Je t'ai pardonné, mais je ne pourrais pas le refaire.
— D'accord, lâchai-je, le souffle court en sentant sa main sur ma peau.

Elle s'y attarda encore quelques instants, quelques instants où je vis dans le fond de ses iris dépareillés quelle bataille se jouait en lui. Son pouce fini par effleurer mes lèvres avant qu'il ne se détourne, quittant la voiture pour de bon.

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