Chaque nuit, c’était toujours le même cauchemar qui venait hanter Connor Jaeger. Depuis cette terrible soirée où sa vie avait basculé.

Ce soir-là, l’adolescent, à peine âgé de dix-sept ans, revenait de son entraînement de basket. La saison était bientôt terminée. L’année scolaire s’achevait le mois suivant. C’était en sifflotant de bonne humeur qu’il rentrait chez lui. Il avait remarqué que l’intérieur de son habitation n’était pas éclairé. Il ne s’en était pas inquiété. Sa petite sœur avait dû traîner à son cours de danse. Ce n’était pas la première fois. La porte refermée derrière lui, il enleva sa veste. Cependant, en appuyant sur l’interrupteur, il constata que ce dernier n'était pas en service. Il ne manquait plus que ça.

Il sortit son téléphone portable et activa l’option « lampe de poche ». Sur le porte-manteau se trouvaient les vestes de ses parents ainsi que le blouson rose bonbon de sa sœur.

— Papa ? Maman ? s'écria le jeune homme.

Il n’eut aucune réponse. Dehors, les lampadaires fonctionnaient parfaitement. Le problème devait être le disjoncteur dans ce cas. Connor se dirigea vers le sous-sol, dont l'entrée était au fond du couloir, sous l’escalier. La porte était d’ailleurs entrouverte.

— Papa ? Maman ? appela-t-il une seconde fois.

Silence total. Poussant un soupir, il descendit dans la cave et rétablit lui-même le courant. Quand il remonta, la lumière était rallumée. Il tenta d’appeler sa famille, mais aucune réponse ne lui parvenait. Le jeune homme sentait que quelque chose n’allait pas. Les sourcils froncés, il éteignit son téléphone qu’il rangea dans la poche arrière de son jeans. Puis, il inspecta les pièces. D’abord au rez-de-chaussée. Aucune trace des siens dans la cuisine, mais il nota la présence des sacs de courses. Cela inquiéta Connor davantage. Alors qu’il pénétra dans le salon, il se figea, le regard fixé sur son affreuse découverte. Sur le sol, près du canapé, gisaient trois corps. Ceux-ci baignaient dans une mare écarlate. L’entaille qu’ils avaient au cou indiqua à l’adolescent qu’il s’agissait de leur propre sang. Cette vision d’horreur lui donna la nausée au point qu’il se mit à vomir sur le tapis préféré de sa mère.

Et comme à chaque fois, Connor se réveillait en sursaut avant d’éclater en pleurs.

En ce matin de juillet, il n’y échappait pas. Tout à coup, on toqua à la porte de sa chambre, ce qui eut pour effet de le faire tressauter.

— Connor, tu viens, maman a préparé le petit-déjeuner. annonça Ariana, l’une de ses cousines.

— J’arrive !

Il attendit encore un peu, juste le temps de se calmer et de sécher ses larmes. Puis, il se leva enfin.

Il passa un coup d’eau rapide sur le visage. Ensuite, il descendit prendre le courrier dans la boîte aux lettres à l’extérieur. Cela en était devenu une routine depuis son déménagement chez sa tante et ses cousines. Un bruit à sa droite attira son attention. Cela provenait de la maison voisine. Un jeune homme venait de jeter son chat dehors en l’insultant. Ce dernier était, à l’instar de Connor, de type asiatique. Il possédait des yeux sombres, un large nez, un visage rond et des lèvres fines. Ses cheveux, courts, étaient colorés d’un blond platine.

Connor n’avait pas eu l’occasion de parler avec lui. Il ne savait pas grand-chose sur lui, à part quelques détails : il s’appelait Xander, était âgé de 17 ou 18 ans, et venait de perdre à la fois sa mère et sa grand-mère. Le garçon avait dû, lui aussi, quitter sa ville pour emménager dans la vieille maison familiale. Celle-ci était un héritage de sa grand-mère.

— " Il doit vraiment se sentir aussi seul que moi !" pensa le jeune homme. « Peut-être… »

Peut-être quoi ? Qu’il l’inviterait à devenir son ami ? L’adolescent n’en avait pas vraiment envie. Il se sentait encore mal. Mal de ne pas avoir pu faire quelque chose pour sauver sa famille.

— Mais ta gueule toi ! lâcha une voix plus loin.

— Euh, excuse-moi, mais j’ai rien dit ! s’exclama Connor.

— C’est pas à toi que j’en ai ! C’est à ce con de chat !

— Ah ! OK ! Bon ben … Salut ! fit le garçon avant de refermer la boîte aux lettres.

Son voisin le regarda rentrer jusqu’à ce que la porte d’entrée se ferma derrière lui.

— C’est toi qui es con ! répliqua le chat en venant se poser sur le bord du hall extérieur. Tu n’arrêtes pas de le regarder à partir de l’instant où il passe et tu ne vas même pas lui parler dès que tu en as l’occasion !

— J’ai mes raisons ! se défendit Xander. Et puis, je vais lui dire quoi ? J’ai jamais su draguer un mec quand j’étais encore une fille ! Tu crois que ça serait devenu plus facile en étant un garçon peut-être !

— Fais comme tu veux, mais, dans ce cas, arrête de baver à chaque fois que tu vois ce garçon !

— Je bave pas quand je le vois ! nia-t-il en refermant la porte d’entrée d’un simple geste de la main.

D’un claquement de doigts, le jeune homme fit allumer son ordinateur pour ensuite mettre de la musique.

Pendant ce temps, Connor avait rejoint sa tante et ses cousines dans la cuisine. Jenna Jaeger était une très belle femme de 38 ans, possédant des yeux d’un magnifique bleu clair. Tous les Jaeger avaient les yeux clairs. Excepté Ariana et Jesse. Les deux sœurs avaient dans leur gêne l’héritage latino du côté de leur père. Les filles étaient occupées à se disputer parce que l’une, Ariana, voulait aller faire du shopping et l’autre, Jesse, voulait juste retourner dormir sous prétexte que c’était les vacances d’été. Ariana était l’aînée. Elle avait le même âge que Connor et s’apprêtait à entrer en terminal. Sa sœur, Jessica, dite « Jesse », n’avait qu’un an de moins et entrait en seconde. N’ayant pas eu la force de passer ses examens, son cousin était contraint de recommencer son année en seconde.

— LES FILLES ! cria leur mère. Vous n’allez pas commencer dès le matin ! (reportant son attention sur son neveu) Tu as bien dormi, Connor ?

— Bof ! J’ai encore fait un cauchemar ! répondit le garçon.

Il n’en dit pas plus, préférant passer à autre chose. Il se servit un pancake pour manger en silence. Jenna n’avait aucune idée de comment l’aider. Quand il eut fini de manger, il retourna dans sa chambre. Son regard se perdit sur le cadre photo posé sur sa table de nuit. On pouvait le voir avec sa sœur et ses parents. Zoé et lui avaient été adoptés en Corée du Sud. D’où le fait qu’ils ne ressemblaient physiquement à aucun de leurs parents. Malgré cela, Karl et Lydia les avaient toujours traités et aimés comme s’ils étaient du même sang. Au bout d’un moment, il se dirigea vers le châssis, ayant besoin d’air.

En ouvrant la fenêtre, il entendit la musique provenant de chez son curieux voisin. Ce dernier s’était mis à chanter et à rapper sur une chanson que passait son ordinateur. Connor se surprit à apprécier. Mine de rien, ce garçon était doué. En plus, de là où il était, Connor pouvait le voir bouger au rythme de la mélodie. Mais il se sentait tout à coup étrange. Son cœur se mit à battre de plus en plus fort. Il porta une main à sa poitrine. Non, ce n’était pas lui. D’où venait ce bruit ? En se focalisant sur le son, il réalisa que c’était celui de son voisin. Il se mit alors à voir des palpitations au niveau du cou du jeune chanteur amateur. Il pouvait sentir le sang couler à travers ses veines. Soudain, Xander tourna la tête vers l’extérieur. Leurs regards se croisèrent. Pris sur le fait et surpris, Connor s’éloigna immédiatement de la vitre.

— Je rêve pas, il était en train de me mater, non ? demanda le sorcier à son familier.

— Je ne sais pas ! Je n’y ai pas fait attention !

Mais le félin avait bien vu Connor observer son maître par la fenêtre du premier étage. Cela donnait directement sur leur salon ou même sur la chambre de celui-ci. Shadow ne pouvait pas se l’expliquer, mais il y avait quelque chose chez leur nouveau voisin qui l’intriguait. Une petite voix lui intimait de s’en méfier et de garder Xander bien éloigné de lui.