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Isabel_Poppy
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Chapitre 6 - Entre tentation et raison

Charlotte

En attendant Lucas, Charlotte s’était réfugiée dans le hall de l’hôtel, à l’abri de la fraîcheur et de l’humidité matinales. De loin, elle l’aperçut en compagnie d’Adam se diriger vers le bâtiment. À l’abri des regards, elle prit le temps de détailler l’aîné des frères North. Elle avait beau avoir gravé chaque trait de son visage en scrutant ses photos toute la semaine sur les réseaux sociaux, elle avait la sensation de le redécouvrir sous une nouvelle lumière.

De jour, Lucas était différent. Moins intense, plus accessible. Sa tenue décontractée le rendait encore plus séduisant, avec des détails qu’elle n’avait pas remarqués le soir de son anniversaire : ses cheveux plus châtains, sa démarche souple, sa carrure élancée. Une ressemblance avec son frère se dessinait sous ce nouveau jour.

Ils avaient chacun un sac à dos et tenaient des emballages en papier et des porte-gobelets fumants. Lucas s’approcha aussitôt de Charlotte et lui déposa un baiser tendre sur la joue. Elle sentit son cœur rater un battement. Il a des touches de vert dans ses yeux noisette, nota-t-elle.

— Bonjour, Charlotte. Tu as fait bonne route ? demanda-t-il en lui tendant une tasse de café.

Cet homme… Elle n’avait pas prêté attention à sa voix la semaine d’avant, masquée par le bruit du club. Elle était rauque sans être grave, un mélange de douceur et de masculinité qui, ajouté à sa sollicitude, lui procura une sensation de bien-être.
Dangereusement agréable.
Charlotte sentit son estomac se contracter légèrement sous son regard. Elle accepta le café qu’il lui tendait, profitant de la chaleur du gobelet entre ses mains pour dissimuler son trouble. Elle devait garder le contrôle.

— Oui, merci. Le trafic est calme à cette heure-ci, répondit-elle avant de désigner sa tasse. Je m’attendais à un cocktail.

Lucas lui offrit son plus beau rictus, un brin moqueur. Elle se sentit à nouveau étrangement légère en sa compagnie. Comme si les formalités habituelles pouvaient être mises de côté.

Adam, qui suivait la scène, amusé, se racla la gorge. Son regard alla de l’un à l’autre, amusé.
— Bien. Comme je n’ai pas envie de tenir la chandelle, je vais aller faire un tour en attendant le départ de la régate.
Lucas lui lança un coup d’œil blasé. Charlotte observa l’échange avec un sourire en coin, puis fixa Adam.
— Dis donc, tu as beaucoup d’énergie pour quelqu’un qui a envoyé des messages à Diane toute la nuit.
Adam se figea, un léger tressaillement dans la mâchoire.
— Je te signale qu’elle peint la nuit et que je tiens un club.
Lucas haussa un sourcil et éclata de rire.
— Argument rejeté. Donc, vous vous parlez la nuit, je vois.
— Tu vois rien du tout ! On parie sur ton prochain cocktail pour faire craquer Charlie. Allez, je vous laisse flirter en paix. Ciao !
Lucas lui donna une tape sur l’épaule en riant avant de se reconcentrer sur Charlotte, qui serrait toujours son gobelet, comme un ancrage. Ils observèrent un moment de silence, puis soufflèrent.
— Je suis content que tu sois venue.
Elle sentit ses défenses faiblir, juste un peu.

Ils déambulèrent jusqu’à Rincon Park, célèbre pour sa flèche rouge immense plantée dans le sol, un hommage à l’esprit artistique et libre de la métropole. Sur un ponton, ils profitèrent de la vue dégagée depuis le Bay Bridge jusqu’à l’île d’Alcatraz. L’air était empli d’humidité et d’une odeur iodée, la brise légère venant caresser leurs visages. Quelques joggers et familles avec poussettes ajoutaient une touche de vie à la scène paisible de la baie de San Francisco.

Installés face à face à une table de pique-nique isolée, ils dégustèrent leur café et leurs croissants, bavardant sans aborder des sujets trop intimes. Lucas mentionna sa passion pour la photographie et lui tendit une paire de jumelles pour suivre la régate pendant qu’il utiliserait son appareil photo.
— Alors, tu es du genre à figer les moments plutôt qu’à les vivre ? taquina-t-elle en attrapant les jumelles.
Lucas esquissa un sourire.
— Parfois, capturer l’instant permet de mieux le savourer plus tard.
Elle hocha la tête, intriguée par sa façon de voir les choses. Il était difficile à cerner. Tantôt léger, tantôt contemplatif.
Ils reprirent leur marche le long du port, la conversation facile à propos de tout et de rien.
— Sérieusement ? Vous êtes voisins ? s’étonna Charlotte en apprenant qu’Adam et Lucas vivaient dans le même immeuble.
— On a acheté un grand espace qu’on a divisé en deux appartements distincts, confirma-t-il. C’était mon premier projet quand j’ai créé mon cabinet avec Jake.
— Vous avez l’air proches, tous les deux, c’est pas donné à tout le monde, observa Charlotte.
Lucas hocha la tête, un sourire tranquille aux lèvres.
— Oui, on a seulement dix-huit mois d’écart. Même si je suis l’aîné, et qu’il me doit obéissance, dit-il en lui lançant un clin d’œil. Quand on était petits, on était comme des jumeaux. On est très différents, mais complémentaires. On se soutient beaucoup, mais on a besoin d’espace aussi. C’est pour ça qu’avoir chacun notre appart, juste à côté, c’est l’équilibre parfait.
— J’ai deux frères. De vrais jumeaux, confia-t-elle avec une pointe d’amertume en baissant les yeux. Ce que tu décris, c’est un peu leur fonctionnement. Ils sont dans leur bulle, l’un suffit à l’autre.
Elle mordit ses lèvres, regrettant aussitôt cet aveu spontané. Lucas la regarda avec une douceur inattendue.
— Ce n’est pas toujours facile de trouver sa place, n’est-ce pas ? murmura-t-il.
Elle hocha la tête, tentant de cacher sa gêne en se plongeant dans son gobelet. Heureusement, Lucas détourna la conversation.
— Bon, on va chercher le meilleur endroit pour regarder la course ou quoi ? lança-t-il joyeusement.

À l’approche des jetées, la foule se fit plus dense. Lucas l’attira doucement derrière lui, toujours leurs mains entrelacées, pour la protéger des bousculades. Elle se sentait incroyablement bien en présence de cet homme qu’elle connaissait à peine.
Ils continuèrent vers Fort Mason, où la vue panoramique sur la baie les laissa émerveillés. Charlotte s’assit à côté de Lucas pour prendre un selfie, se sentant étrangement vulnérable et réconfortée en même temps. Elle relâcha sa réserve, s’appuya légèrement contre lui et savoura ce cocon inattendu. Leur proximité était naturelle, presque instinctive. Il baissa les yeux vers elle. Son regard intense, moucheté d’éclats d’or et d’émeraude, la transperça. Ses yeux bifurquèrent brièvement sur sa bouche qui s’entrouvrit d’elle-même.
— Charlotte…
Elle se figea. Juste un murmure, son prénom sur ses lèvres, cette note dans sa voix qui lui donna la chair de poule. Puis, il déglutit et reporta son attention sur le large.
Charlotte, elle, n’osa pas bouger.
Déboussolée par cette intimité muette, Charlotte ferma les yeux. Elle avait juré de ne pas se laisser emporter. Le poids de son épaule contre la sienne fit naître une étincelle de désir en elle : et si, pour une fois, elle s’autorisait à rêver un peu plus longtemps ?

La régate était un superbe spectacle. Les bateaux viraient, s’enlaçaient presque en pleine course, et Charlotte se surprit à rire de bon cœur.
— Ils sont dingues ! s’exclama-t-elle.
— Ou confiants, répliqua Lucas en la regardant, un sourire en coin.
Elle tourna la tête vers lui, haussant un sourcil.
— Tu fais partie de ceux qui foncent tête baissée ou de ceux qui calculent tout à l’avance ?
Il fit mine de réfléchir.
— Honnêtement ? Un peu des deux. Mais jamais sur un bateau, je préfère avoir les pieds sur terre.
Charlotte rit. Elle aimait cette légèreté entre eux, ce jeu subtil où ils se jaugeaient sans se brusquer.
Une rafale de vent fit voler une mèche de ses cheveux devant son visage. Elle tenta de la repousser d’un geste de la main, et Lucas fut plus rapide. Il tendit la main et replaça la mèche derrière son oreille, ses doigts frôlant sa peau dans un geste naturel, terriblement intime.
Charlotte sentit un frisson lui parcourir l’échine, une étincelle furtive crépiter entre eux. Leurs regards se croisèrent, un instant de flottement s’installa, suspendu hors du temps. Au lieu de céder à ce magnétisme, Lucas se contenta de lui adresser un clin d’œil taquin et reporta son attention sur la course.
— Tu vois, moi je préfère observer avant d’agir, lâcha-t-il.
Charlotte souffla discrètement, à la fois troublée et amusée. Il jouait avec elle. Et elle adorait ça. Elle détourna brièvement le regard, une part d’elle-même se rappelant qu’elle n’était pas là pour rêver, mais plutôt pour vivre un dernier instant de liberté avant de retourner à sa vie.
Elle se concentra sur la course et sur les explications de Lucas sur la pratique qu’il fallait pour guider de telles embarcations ainsi que la coordination des membres d’équipage. Cet homme savait de quoi il parlait ! Elle finit par applaudir le vainqueur, même si elle ne savait pas de qui il s’agissait, sous les sourires de ses amis.

Hélas, le temps fila. Il lui restait seulement une heure avant de devoir reprendre la route. Lucas proposa d’aller boire un café près du parking où elle était garée.
Alors qu’ils étaient installés avec leurs boissons à une petite table près de la vitrine, il prit la main de la jeune femme et déposa un léger baiser sur ses phalanges.
Quel charmeur !
— Tu as passé une belle journée, Charlie ? demanda-t-il, la fixant avec une intensité qui la fit frissonner.
— Oui. Magnifique. Elle est passée trop vite, murmura-t-elle avec regret.
— On se refera ça, promit-il, son regard ancré dans le sien, en une promesse silencieuse.
Charlotte hésita. On se refera ça ? Elle n’osa pas rebondir sur son sous-entendu, de peur de mal interpréter son enthousiasme.
— Écoute, Charlie, reprit-il après un instant. J’ai envie de te revoir. Pas juste pour un week-end. On vit tous les deux dans le coin, on pourrait… voir où ça nous mène.

Lucas laissa sa phrase en suspens, pourtant Charlotte ne put continuer la conversation, tiraillée entre son envie de poursuivre et d’explorer de ce qui promettait d’être une alchimie incroyable entre eux, et ses responsabilités. Était-elle prête à révéler à Lucas l’existence de ses enfants, son ex et les autres stigmates de la vie sur son corps et dans son cœur ? Depuis Tom, elle n’avait rencontré personne et n’était pas certaine d’être prête à faire coïncider la femme qu’elle avait été ce week-end et celle qu’elle redeviendrait dès qu’elle rentrerait chez elle. Parler de ses enfants serait les exposer, et il en était hors de question pour le moment.

Elle retira sa main de l’étreinte de Lucas pour boire une gorgée de son cappuccino. Sa gorge était serrée, le liquide avait du mal à passer.
— Lucas, je… ne sais pas… balbutia-t-elle, la voix brisée. Je suis désolée.
Il l’observa un instant en silence, comme s’il sondait chaque émotion dans son regard. Puis il sourit, avec une compréhension presque douloureuse.
— J’ai juste une question. As-tu envie de me revoir ? Peu importe le rythme. On peut avancer doucement, en TBTH, et on verra où ça nous mène.
— En TBTH ? s’étonna-t-elle.
— En tout bien tout honneur, gloussa Lucas. C’est un truc qu’on a inventé avec Adam quand on promettait à notre mère de bien nous tenir. J’ai envie de te connaître, reprit-il, sérieux de nouveau. Et si, au final, on décide de n’être que des amis, ça ira aussi.
Elle regarda Lucas, cherchant dans ses yeux une assurance qu’elle-même n’avait pas encore. Comment lui expliquer ce qu’elle ressentait, ce qu’elle portait en elle sans qu’il la fuie ? Les mots de Lucas semblaient si simples, si naturels, et pourtant, pour elle, ils évoquaient un gouffre.
— En TBTH… répéta-t-elle pour s’en convaincre. D’accord.
Lucas l’entraîna vers sa voiture. Elle déposa ses affaires avant de s’adosser contre le véhicule. D’un geste presque familier, il se plaça entre ses jambes et l’enlaça fermement.
— C’est un câlin en TBTH, ça ? le provoqua-t-elle tout en se noyant dans la chaleur de son étreinte.
— Tant qu’on n’a pas décidé, je joue sur les lignes, plaisanta-t-il avec un clin d’œil. J’ai envie de profiter de Cendrillon avant qu’elle ne rentre. Donne-moi ton numéro, belle Charlie.
Ce tendre surnom la fit fondre.
— Tu l’as déjà, avoua-t-elle, mutine. Je l’ai mis dans tes contacts la semaine dernière, quand j’ai pris ton téléphone pour choisir ma chanson. Une initiative… légèrement alcoolisée. Tu ne t’es aperçu de rien ?
— Petite chipie, rit-il. Tu as bien fait. Non, je n’ai rien vu.
Ses yeux se voilèrent et il fixa sa bouche. Il était à nouveau intense, comme la nuit de leur rencontre.
— Charlie… chuchota-t-il, son souffle sur ses lèvres.
Charlotte se sentit suffoquer, partagée entre l’envie et la peur.
— Tu es toujours aussi persévérant ? éluda-t-elle avec une pointe d’ironie en s’adossant à la voiture.
Lucas s’appuya contre la portière à côté d’elle, leurs épaules presque collées.
— Seulement quand ça en vaut la peine.
Malgré son ton léger, son regard ne l’était pas du tout. Une chaleur sourde s’installa entre eux, aussi palpable que l’air iodé de la baie. Il tendit une main vers elle, pour lui laisser une porte de sortie. Charlotte hésita. Elle n’était pas le genre de femme qui se lançait sans réfléchir, et pas de celles qui s’autorisaient des impulsions. Lucas faisait tanguer toutes ses certitudes.
— Si je t’embrasse maintenant, est-ce que tu vas prendre la fuite ?
Elle fit mine de réfléchir, mordillant sa lèvre.
— Ça dépend… Est-ce que ce sera un baiser mémorable ?
Lucas sourit.
— Laisse-moi t’impressionner.
Et cette fois, c’est elle qui combla la distance pour unir leurs lèvres. Lucas glissa ses doigts dans ses boucles pour la garder contre lui. Elle n’avait pas envie de bouger, elle s’abandonna entre ses bras. Sa repousse de barbe lui picotait la mâchoire.

Il l’avait apprivoisée et, dorénavant, il la séduisait, la laissant venir à lui. Leurs bouches apprenaient à se connaître. La sienne renaissait sous son contact. Sa douceur, son humidité, son souffle réveillaient ses terminaisons nerveuses qui se reconnectaient à d’autres parties de son corps, comme des fluides de chaleur qui se diffusaient partout. Elle se croyait trop vieille pour revivre la sensation d’un premier baiser.

Quelle belle erreur !

Charlotte répondit à son invitation muette et se colla plus étroitement contre lui et fourra à son tour ses doigts dans sa chevelure. Elle en avait envie depuis qu’elle l’avait vu pour la première fois. Douce, épaisse. Elle l’entendit gémir dans sa bouche. Délicieux. C’était le baiser le plus érotique qu’elle avait reçu depuis bien longtemps. Son contact, son odeur, son soupir, sa chaleur l’enivraient. Dire qu’ils étaient de parfaits inconnus il y a à peine une semaine. Sa tête en pause, elle lâcha prise. Ce moment, ce premier baiser, ne se reproduirait plus. Il était unique.

Puis, Lucas se détacha avec lenteur. Leurs fronts se collèrent, souffles emmêlés et ils sortirent de cette torpeur sensuelle. Lucas avait glissé un bras autour de sa taille et sa main sous son haut, caressant le bas de son dos avec son pouce. Elle plongea son nez dans son cou pour prolonger ce moment, et inhala son parfum. Il déposa un léger et ultime baiser sur sa tempe et se racla la gorge.
— Charlie…
Sa voix était enrouée de désir.
— Oui ?
— Je t’ai dit qu’il n’y aurait rien de plus ce soir, car on vient de se rencontrer… Mais si tu m’embrasses comme ça, je te ramène chez moi, te jette sur mon lit et on n’en ressort pas avant lundi, OK ?
Charlotte pouffa, soulagée qu’il ait ressenti le même émoi.
— Tu trouves ça drôle en plus ?
Elle redressa la tête et vit qu’il souriait. Ses cheveux en bataille, ses lèvres, rosies et enflées, étaient humides et son souffle haché, similaire au sien.
— Disons que je pensais avoir perdu la main depuis le temps, taquina-t-elle.
— Putain, tu me tues, Charlie, rigola-t-il. Bien, je vais être le plus raisonnable de nous deux. Chacun va rentrer chez soi, hélas. En revanche, on va très vite se revoir, OK ?
Elle se contenta de hocher la tête, certaine qu’il se lasserait rapidement quand il réaliserait que c’était trop pour lui. Il fondit sur sa bouche une dernière fois avant de la regarder s’installer dans la voiture. Elle démarra et vit Lucas lui faire signe dans le rétroviseur. Cinq minutes plus tard, elle reçut un message d’un numéro inconnu avec un lien vers la chanson Wait for you de Tom Walker et un cœur en émoji.
Attendrie, elle sourit et écouta la chanson en allant retrouver ses enfants. Une ombre de doute flotta dans son regard. Était-elle prête à laisser Lucas entrer dans son monde ?

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