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Isabel_Poppy
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Chapitre 4 - Les règles du jeu

Charlotte

Les cruels rayons du soleil réveillèrent Charlotte. Elle se maudit d’avoir oublié de tirer les rideaux la veille, néanmoins elle ne bougea pas immédiatement. Son corps engourdi la suppliait de rester allongée encore un peu, de savourer l’après d’une nuit hors du temps. Un sourire fleurit sur ses lèvres en repensant aux éclats de rire, aux danses improvisées… et à Lucas. Si cette mini gueule de bois qui martelait son crâne était le prix à payer pour cette soirée inoubliable et sa rencontre avec lui, c’était un prix dérisoire.

Charlotte se coula dans les draps quelques instants de plus, le regard perdu au plafond, ressassant chaque détail de la veille.

Si seulement j’avais osé être plus à l’écoute de mes envies. Si j’avais osé être l’ancienne Charlotte. Et si… Lucas était resté avec moi ?

Une lueur de honte se mêla à ses pensées. Elle était une adulte responsable, maman de deux enfants qui l’attendaient ce soir et en pourparlers avec un ex-mari avec qui le dialogue demeurait souvent compliqué.

Elle avait appris à ne jamais attendre des autres et à ne rêver qu’en concret. Dans un geste automatique, elle saisit son téléphone : un message de sa mère la rassurait sur le fait que ses petits avaient bien dormi et jouaient dans le jardin. Charlotte répondit, confirmant qu’elle viendrait les chercher en début de soirée.

Retour à la réalité.

Ce week-end n’était qu’une parenthèse, douce et surprenante, qu’il lui faudrait bientôt refermer. Elle n’était pas triste, plutôt résignée. Elle profiterait de cette journée avec ses meilleures amies et savourerait chaque instant avant de rentrer auprès de ses enfants, de sa maison et de son travail.

L’esprit encore embrumé, elle retrouva ses amies déjà levées, en pleine discussion sur la terrasse. Elle cligna des yeux, surprise. Sur la table basse étaient disposés un emballage d’une célèbre boulangerie française, un tube d’aspirine et un gobelet de café fumant sur lequel un post-it était collé.

« Un petit remède d’architecte-barman pour une nuit bien arrosée. Bonne journée et à bientôt, Charlie. – L. »

En émoi devant cette tendre attention, Charlotte découvrit le contenu du sachet. Un assortiment de viennoiseries. Cet homme avait déjà tout pour la faire chavirer, c’était indéniable.

— Je l’aime bien. Il vise juste, ricana Diane en chipant un croissant.
Charlotte ouvrit la bouche pour répliquer, mais Daphne fut plus rapide.
— Ce ne serait pas son frère, plutôt, que tu as en ligne de mire, Diane ? taquina-t-elle en croquant dans une madeleine.

Les deux amies lui montrèrent leurs tasses avec un message sur chacune.
Diane avait sur son smoothie « J’aurais pris un café, mais vu ta tolérance à la caféine, je me suis dit que ce serait criminel. Profite de ta journée – A ».
Le latte de Daphne était annoté d’un « Diane râlerait si elle était la seule à recevoir une attention, alors j’ai pensé à toi aussi – A ».

— Les frères North ont fait des ravages, à ce que je vois, rit Daphne.

Diane fixa son smoothie quelques secondes de trop avant de lever les yeux au ciel, mais Charlotte surprit son sourire furtif. L’artiste finit par secouer la tête et murmurer « même pas en rêve » avant de boire une gorgée.

Pendant ce temps, Charlotte ouvrit son compte Instagram… et découvrit le premier post de Lucas. Un verre, empli d’un mélange de couleurs alléchantes, avec une légende énigmatique : « Premier jour sans cocktails douteux… On se demande si quelqu’un regrette ».Son cœur rata un battement. Ses doigts survolèrent l’écran, hésitants, puis elle lika la story.

— Charlotte, il joue avec toi là, non ? remarqua Diane.
— Clairement ! intervint Daphne. J’adore. Tu comptes faire quoi ?
— Rien. Arrêtez de rêver.

Toutefois, elle roula des yeux, secrètement attendrie, son sourire ne la quittant plus. Encore dans l’euphorie de cette bulle festive, loin de son quotidien, elle décida de jouer le jeu. Un échange innocent. Elle lui répondit en privé.

Charlotte :Merci pour le petit déjeuner. Tu prépares toujours une trousse de survie pour tes soirées ?

Elle gloussa d’anticipation, ressentant le frisson de découvrir les trois points indiquant son futur message.

Lucas :Seulement quand je sais qu’elles risquent d’être mémorables. Tu noteras qu’elle n’a jamais servi.

Son ventre se contracta légèrement. Elle n’était pas prête à l’admettre, mais… cette semaine allait être longue.

Les trois amies savourèrent chaque instant de leur journée, conscientes que ce type de moment était devenu rare. Happées par leur quotidien, elles s’étaient peu à peu perdues de vue. Et pourtant, elles étaient plus qu’un trio inséparable. Elles étaient une famille.
D’un point de vue extérieur, elles n’avaient rien en commun.
Malgré ces différences, elles s’équilibraient parfaitement. Elles se soutenaient dans les épreuves et les moments de joie depuis plus de dix ans. Elles se comprenaient sans avoir besoin de parler. Et ce week-end leur rappela que, peu importe le temps qui passait, elles seraient toujours là les unes pour les autres.

Les adieux furent remplis de rires et de promesses de se retrouver bientôt. Diane serra son bras une dernière fois, son sourire mutin laissant place à une lueur de compréhension dans ses yeux.

— T’inquiète pas, tu sauras quoi faire avec lui, Charlie. Ne te précipite pas, mais… n’enterre pas ce que tu ressens non plus, d’accord ?

Charlotte hocha la tête, un sourire tremblant aux lèvres. Elle savait que Diane comprenait, sans même qu’elle ait besoin de le dire.

*****

Le retour à la réalité s’abattit sur Charlotte comme une chape de plomb. Le week-end merveilleux qu’elle venait de vivre lui semblait déjà flou, comme une bulle de savon éclatée, remplacée par le bruit sourd de ses obligations.

En arrivant en retard chez sa mère pour récupérer les enfants, elle les retrouva en pleine dispute, leur fatigue palpable. , fidèle à elle-même, lui lança un regard entendu. Pas de question, pas de curiosité mal placée, juste un regard avec une touche de jugement dans les yeux.

— Tu t’es bien amusée ? lui demanda-t-elle d’une voix détachée, avant de lui remettre les sacs d’affaires des enfants.

Fin de la discussion.

Charlotte aurait voulu lui parler de Lucas, de cette impression de légèreté qu’il lui avait laissée, mais elle n’osa pas. Parler de sentiments, de ses désirs et de ses espoirs semblait hors de portée avec sa mère. En réfrénant son envie de se confier, elle réalisa que cette distance dans leur relation, c’était elle qui l’avait construite, une protection contre les critiques et les remontrances. Avait-elle encore une chance de réparer leur lien ?

Elle émit un profond soupir en entrant chez elle, les enfants étaient excités comme des puces malgré leur fatigue. La soirée fila, entre les bains, les couchers et les câlins d’urgence pour calmer les chagrins de dernière minute. À la fin, épuisée, elle s’écroula dans son lit, son esprit la ramenant inévitablement à Lucas. Elle aurait aimé pouvoir lui envoyer un message, mais elle hésita, retenue par un sentiment d’irréalité.

Est-ce qu’il pensait encore à elle ? Est-ce qu’il avait vraiment envie de la revoir ?

Le lendemain, la routine reprit le dessus. Il lui restait deux semaines avant la rentrée scolaire, et Charlotte jonglait avec son travail, la liste interminable des fournitures et les demandes spécifiques de ses deux petites tornades. , dans sa phase Harry Potter, refusait toute trousse ou cahier sans l’effigie du sorcier. Quant à Hugo, plus pragmatique, il réclamait « des chaussures qui vont vite », comme si une paire de baskets pouvait le transformer en superhéros.

Elle se retrouva à courir entre les rayons du magasin bondé en fin de journée, entourée de parents – plutôt des mamans – tout aussi pressés, se reprochant mentalement d’avoir repoussé ces achats. Tom l’avait informée à la dernière minute qu’il la rembourserait sur les frais, puisqu’il n’avait pas le temps de le faire.Ben voyons.

Charlotte pensa brièvement à Lucas en se demandant s’il avait eu une journée aussi mouvementée. En rentrant chez elle, les bras chargés de sacs, elle ne rêvait plus que d’une chose : se glisser dans un bain chaud, mais les enfants avaient d’autres plans. Elle sourit avec tendresse malgré tout, sa fatigue teintée d’une affection sans bornes pour ses deux petits monstres.

Ce soir-là, au calme dans son lit, Charlotte se permit enfin de souffler. Les enfants dormaient, la journée avait été longue. La maison était à peu près rangée, mais dans sa tête régnait le chaos. Lucas persistait dans ses pensées. Elle aurait dû chasser son image, la reléguer à un simple souvenir agréable.

Mais… elle n’en avait pas envie. Devait-elle tenter d’approfondir leur lien naissant ou laisser les choses se poursuivre ? Attendre que le jeune homme fasse le premier pas ?

Elle se mordit la lèvre, hésita, puis ouvrit l’application. Son profil était là, prêt à être exploré. Curieuse, elle parcourut ses photos. Il semblait être authentique, passionné par son travail et ses amis. Un homme au sourire solaire, vivant à cent à l’heure.

Rien à voir avec elle.

Un cliché en noir et blanc retint son attention. Lucas, en blouson en cuir, à califourchon sur sa moto, le regard caché sous la visière de son casque. Le contraste de ce portrait intense la troubla. Elle ne put s’empêcher de cliquer sur le petit cœur.Qu’est-ce que je fais ?se demanda-t-elle en lâchant son téléphone.

Elle essaya de se concentrer sur son livre, un polar captivant, mais ses pensées vagabondaient sans cesse vers Lucas.

Et si… ?

Mais elle se ravisa aussitôt. Ce genre d’histoire était peut-être bien trop compliqué à gérer avec ses enfants, son travail et ses propres peurs, en particulier celle d’un nouvel abandon. Sa dernière relation avait laissé une empreinte difficile à effacer, et l’idée de laisser quelqu’un entrer dans sa vie – et dans celle de ses enfants – la paralysait.

Mieux vaut rester prudente, se dit-elle en fermant les yeux, sans savoir si elle voulait vraiment y croire.

Son téléphone vibra sur la table de nuit. Charlotte lut le message avec un sourire.

Lucas :Bonsoir, belle Charlie. Ton cœur sous ma photo me laisse espérer que tu as pensé à moi ce soir.

Une chaleur diffuse s’installa dans sa poitrine. Sans hésiter cette fois, elle tapota sur son écran.

Charlotte :Bonsoir, Lucas. Ta photo est très intense, elle est très différente des autres. Elle m’a semblé très intime.
Lucas :C’est vrai. Une de mes préférées.
Charlotte :Pourquoi ?

Trois petits points apparurent. Disparurent. Revinrent.

Lucas :Je te le dirai peut-être un jour.

Elle ne s’attendait pas à cette réponse. Ni au fait qu’elle voulait vraiment savoir. Un autre message apparut.

Lucas :À ton tour ! Ton compte a de très belles photos de tes voyages, mais rien sur toi. Dommage, j’aurais espéré te voir dans ton environnement.
Charlotte :Non, je ne poste jamais de photo de moi ou de mes proches. On ne sait jamais ce que cela devient, même si mon compte est en mode privé.
Lucas :Tu as raison. Pas de jugement, j’aurais juste voulu avoir d’autres photos de toi. Tant pis, je vais me rabattre sur celles que j’ai prises en secret.

Son cœur bondit.

Charlotte :Hey ! Elles doivent être moches, tu devrais les effacer.
Lucas :Trop tard. Certaines sont gravées dans ma mémoire.

Elle se mordit la lèvre pour ne pas sourire trop fort. Un jeu dangereux venait de commencer.

*****

Le premier jour, Charlotte ouvrit l’application en fin de journée, par automatisme. Elle voulait se persuader qu’elle ne guettait pas un post de Lucas.

Peine perdue.

Voir son nom en story la mit en émoi et elle s’empressa de cliquer sur l’écran. La photo d’un verre à martini, parfaitement dressé sur un comptoir en bois foncé apparut. La légende indiquait « Certains cocktails méritent qu’on attende pour être savourés ». Elle inspira par petites goulées. C’était pour elle ? Elle en avait à la fois tellement envie et redoutait ces sentiments naissants. Elle hésita, et verrouilla son téléphone, comme si cela pouvait clore son débat intérieur.

Le surlendemain, elle découvrit un mojito avec des feuilles de menthe fraîches accompagné d’un « La patience est une vertu… paraît-il ». Elle leva les yeux au ciel, mais son sourire la trahit. Il était sérieux ? Il allait vraiment faire ça toute la semaine ? Elle ne répondit pas, se prêtant au jeu malgré elle.

Ses amies, qui suivaient aussi son profil, n’en perdaient pas une miette.

Daphne :Mets fin à ses souffrances et réponds-lui.
Charlotte :J’ai mieux à faire.
Diane: Ah ouais ? T’es quand même sur son Insta en ce moment même.

Le jour d’après, elle se força à ne pas ouvrir l’application de la journée. Elle n’allait pas tomber dans ce piège. Mais en rentrant chez elle, épuisée par une série de déconvenues stressantes au travail, Charlotte se jeta sur son mobile, guettant sa publication. Elle n’aurait jamais imaginé que voir une notification d’un certain Lucas North lui procurerait autant de réconfort. Le cocktail rouge, posé face à la mer, paraissait l’avoir inspiré.

« Parfois, un simple regard sur l’horizon suffit à tout remettre en perspective. »

Son ventre se noua légèrement. Ce n’était pas juste un jeu, n’est-ce pas ? Elle céda et lika la story. Elle reçut immédiatement un message.

Lucas: Ah. Elle existe.

Charlotte pouffa toute seule en sirotant un verre de martini.Une pure coïncidence,tenta-t-elle de se persuader en observant sa boisson.

Charlotte :Tais-toi. J’ai une vie !
Lucas :Je peux t’entendre grogner d’ici. Hakuna Matata.
Charlotte :Tu philosophes maintenant ?
Lucas :J’ai mes moments.
Charlotte :Et qu’est devenu l’architecte-barman ?
Lucas :Et si je pouvais être tout ça à la fois ?

Elle posa son téléphone sur sa poitrine et ferma les yeux. Cet homme pourrait lui créer un vrai problème.

La veille de la régate, Charlotte ouvrit l’application dès son réveil. La story était déjà publiée. Un verre de vin blanc, face à une table dressée avec soin. Pour deux. « Demain, enfin. »

Son estomac fit des saltos, comme dans les grandes attractions. La peur et l’envie se mélangeaient. Charlotte ne s’était jamais sentie aussi femme et vivante que ces derniers jours. Elle avait essayé de résister toute la semaine, mais sa verve et son charme eurent raison de sa détermination.

Charlotte :Toujours aussi dramatique ?
Lucas: Si ça te fait réagir ? Alors oui.

Elle ne s’était jamais sentie aussi tiraillée à l’idée de laisser entrer à nouveau un homme dans sa vie. La régate aurait une tout autre saveur maintenant.

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