♫Girl, you really got me now,
You got me so I don’t know what I’m doin’.
Girl, you really got me now,
You got me so I can’t sleep at night♫
Les yeux clos, le poids sur mes épaules rend ma carcasse lourde. Sur mes lèvres, les vestiges du scotch nappent ma langue d’un mélange de sucre et d’alcool ne me permettant pas de sortir de mes pensées. La musique des Kinks murmurée me donne l’impression de fracasser mes tympans. J’ai du mal à supporter la guitare et le reste, la voix éraillée du chanteur et l’énergie qui se dégage de tout cela.
— Kay… arrête-moi ce putain de capharnaüm.
— Mais, Boss… The Kinks !
Putain…
J’ouvre les paupières dans un effort surhumain, toisant le Kits d’un air qui sous-entend que quand je balance un ordre, on ferme sa gueule et on obéit. Cela suffit donc au renardeau pour qu’il lève son cul et aille éteindre le vieux jukebox. Cette recrue a du potentiel, elle comprend vite et rapidement qu’il est inutile de contester mes ordres.
Parfait, le silence.
Les avant-bras sur le rebord du bar, je me redresse, passe une main sur mon visage et soupire. Un coup d’œil à l’ancienne horloge ronde au-dessus des bouteilles d’alcool m’indique que les 1 heure du matin ne vont pas tarder à sonner. Boire ne m’aidera pas…
Pas plus que les mains douces de Taylor et son parfum écœurant de bonbon. L’effluve me fracasse le pif dès qu’elle se glisse, dès qu’elle vient me roucouler je ne sais quelle merde dans le crâne, appuyant sa silhouette galbée contre mon dos.
Assis sur le tabouret haut, je me retrouve avec une paire de loches qui me frotte. Comme souvent, elle porte un pantalon qui lui serre le cul. Je sais pas quel est son but. Montrer qu’elle porte rien là-dessous ? Faire croire qu’elle a une paire de miche à damner un saint ? J’en ai rien à foutre perso…
Elle s’est encore crue à la plage, cette conne avec son soutif en haut ?
— Tu m’offres un verre Keith ?
Faisant l’effort de la regarder, je placarde mes prunelles limpides sur cette brebis. Il est inutile d’être sorti de la cuisse de Jupiter pour comprendre que cette pouffe pense qu’elle peut réussir à m’intéresser. Sa bouche d’un rouge écarlate prend ce petit air de plaisir victorieux, elle minaude comme une chatte en chaleur en croyant que ses hormones vont me faire dresser la queue. Ça y est elle me gonfle.
— Pour quoi faire ?
Je retire sa main de mon bras. Même si je suis ivre, je n’ai aucune envie de sauter qui que ce soit. De toute façon, cela fait des années que mon chibre demeure stoïque dans mon futal, se moquant éperdument des potentiels culs ou chattes qu’il pourrait visiter.
— Casse-toi Taylor, grogné-je avant de l’ignorer, finissant de vider mon verre.
Elle se vexe, je m’en tape et alors qu’elle ne laisse qu’une odeur de sucre derrière elle, je me sens de nouveau seul et cela me fait du bien. Presque. Parce que je ne pensais pas qu’un jour, je serais aussi vide.
J’ai l’habitude en vérité, cela fait longtemps que je profite de la vie en compagnie de ce néant.
Mes doigts glissent à l’intérieur de mon gilet en cuir, attrapant dans une poche dissimulée une photographie froissée. Quand je l’effleure, elle semble me brûler les doigts, la voix d’April résonne dans le fond de mon crâne, me lançant un : Tu as oublié pas vrai ? Je t’avais bien dit pourtant de ne jamais oublier…
L’odeur de son parfum m’entête, un peu de violette, un rien de jasmin, et son shampoing pour cheveux colorés. Je me rappelle chaque fragrance, c’est limpide.
Je ne lutte pas tant que cela pour me souvenir d’elle, par contre, pour eux... Quel timbre avait Logan déjà ? Je me rappelle son rire, de ses épaules qui se secouent et de sa tendance à me filer de grandes claques dans le dos pour ne jamais me laisser de côté. Je me remémore des sourires complices, de cette vague idée que nous étions de véritables frères, de cette impression pourtant que je n’étais rien ni personne, dans la vie des Howard.
J’inspire.
Tu m’avais promis que tu te réconcilierais avec un jour. C’est foiré…
Si April avait été là, elle se serait glissée dans mon dos, enserrant ma carcasse de ses bras, sa poitrine modeste pressée contre ma silhouette, sa joue bien posée contre moi. J’aurais caressé ses avant-bras, je me serais laissé aller à cette étreinte en acceptant d’être triste et d’avoir sur le cœur un poids de merde.
J’avais promis…
J’en ai fait des choses, des conneries, des saloperies, principalement j’ai foiré tous mes serments. Il n’est
peut-être pas trop tard, enfin, pas indirectement….
— On y va.
Pas de réactions. Je me répète deux fois avant de me décider à secouer mon vice-président totalement bourré à côté de moi. Il sursaute, manque de se casser la gueule de sa chaise et hoche la tête en énonçant des d’accord inutiles et nombreux.
— On part à l’aube, décuve.
— Que…
Le regard de Jayce fixe l’horloge, il proteste avec une vindict de capricieux et s’étale sur le sol en guise de protestation.
— Keith, tu peux pas me faire boire comme un trou et me demander de partir dans trois heures bordel.
— Demande à Taylor de t’astiquer, ça te réveillera.
Je me redresse de mon siège, douche froide, repos de deux heures et ça ira. J’ai l’habitude de ne pas beaucoup dormir, de boire aussi et de prendre la route. Je lâche un regard à Zayne qui se redresse du sol et je me tire paisiblement vers ma piaule.
Il est temps pour moi de dire adieu à mon frère, avant qu’on ne foute son cercueil au fond d’un trou et qu’on le recouvre de terre.