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Chapitre 3

Maximilien ne pouvait pas plus mal tomber. 

Aucun pouvoir, ses ailes disparues, et dans un pays où les hommes détestaient la Catalome : c’était comme une mise à mort, une condamnation totale. Surtout quand il représentait sa religion par sa simple existence en tant que Lios. Le pire était son physique qui contrastait avec le reste : une peau pâle, presque blanche, une chevelure de la même couleur, des yeux roses… Trois éléments qui le mettaient dans une posture délicate et dangereuse : même si personne ne lui lançait de regards mauvais actuellement, étant donné qu’ils sont tous concentrés sur leur propre survie, dès qu’ils seraient tous arrivés dans leurs quartiers, il craignait de subir les foudres de ses pairs : son physique détonait avec le reste – lui avec sa peau pâle, ses cheveux très clairs et ses yeux roses, eux avec leur peau olive, leurs cheveux vacillant entre le brun et le châtain – et se rapprochait énormément des représentations corporelles des croyants de la Catalome, davantage qu’il en était un. 

Peut-être auraient-ils assez de jugeote pour ne pas l’amalgamer avec la Catalome, même s’il en faisait clairement partie ? Enfin, c’était difficile d’en vouloir à ceux qui se méfiaient d’un bourreau qui ne cessait d’exister et de revenir… Mais dans ce genre de situation, Maximilien n’avait rien de menaçant et rien ne prouvait qu’il faisait réellement partie de cette religion, alors cela resterait injuste de subir la violence de ses compagnons. 

Au bout de quelques minutes, tout le monde s’arrêta comme un homme, dans l’attente de nouveaux ordres. Maximilien leva la tête de façon à voir au-dessus de la foule, ses chaînes pesaient lourd sur ses membres endoloris. Même si ses blessures avaient été soignées et bandées, la douleur persistait davantage après avoir marché. Il distingua la stature du Stir, sans réussir à lire sur ses lèvres – il était bien moins bon que son frère à ce jeu. Maximilien jeta un coup d’œil aux alentours : ils étaient dans un grand hall, face à une porte immense dont les moulures florales se multipliaient en quatre carrés – deux sur chaque porte de la même taille – en bronze. Cette œuvre d’art entrait en contraste avec le reste des lieux, beaucoup plus simple, sans excès de détails. Maximilien était sûr que s’il touchait cette sculpture mouvante, il s’en brûlerait les doigts tant le soleil cognait sur la matière de la porte, mais il en apprécierait sûrement les contours durs et fins. Après quelques secondes de silence entrecoupé de murmures ou de soupirs, le prince se décida à parler :

– Derrière cette porte se trouve votre nouvel habitat. De nombreux lits seront à votre disposition, les bains sont aménagés pour tout le monde. Les repas se feront dans la salle conçue pour manger, les heures de déjeuner et de souper vous seront communiquées dès ce soir. Nous n’accepterons aucun débordement, abstenez-vous d’en faire qu’à votre tête et adaptez-vous à cet endroit. Je suis certain que vous y parviendrez, nous croyons en vos bons jugements. Ce quartier n’est pas un quartier où vous pouvez faire ce que vous voulez, ils sont vos nouveaux appartements, définitivement ou temporairement, avec des règles bien précises pour tous les serviteurs ou rescapés.

Maximilien arqua un sourcil, plutôt impressionné par l’aura autoritaire qui émanait de cet homme et dont le visage strict ne trahissait aucune dérision ou sympathie pour eux. Il finit par reprendre sa marche pour entrer dans ce quartier exaltant la richesse. Un courant d’air frais vint chatouiller ses narines, une légère odeur de lavande le força à fermer les yeux pour profiter de cet effluve rafraichissant et délicat, même si l’ambiance n’a rien d’agréable. L’endroit ressemblait à un petit cocon doux et chaleureux avec ses nombreux coussins et couvertures éparpillées sur le sol dans cette grande salle qui pouvait accueillir une centaine de personnes, les grandes fenêtres – du bas jusqu’au plafond, donnant sur l’extérieur – amenaient une lumière qui illuminait la pièce et ses murs sur lesquels des rideaux, oscillant entre le doré et le rouge, descendaient, fluides et satinés. 

De belles parures pour cacher une mauvaise qualité. Tout respirait les Cieux sans pour autant oublier que les Abysses se trouvaient derrière.

Une porte dans un coin, fermée, devait donner sur les bains mentionnés plus tôt. Maximilien jugea des réactions autour de lui : certains semblaient ravis de ce nouvel endroit, d’autres apeurés de cet inconnu qui se profilait devant leurs yeux. Il retint un soupir, levant les yeux au ciel : son frère lui racontait souvent l’histoire du Serpent Malicieux, soit un magnifique serpent qui charmait ceux qui l’approchaient avec ses écailles d’or et de bronze, son sifflement mielleux les piégeait et il finissait par les mordre et les laisser mourir en quelques secondes. Ces lieux représentaient la même chose : une beauté à couper le souffle pour appâter les plus réticents et les trahir dès qu’ils accordaient leur confiance.

– Voici vos quartiers, reprit le Deuxième Stir, je vous laisse vous installer. Nous vous enverrons quelqu’un pour vous conduire jusqu’à la salle pour dîner ce soir, restez tranquilles jusque-là. 

Sans un mot de plus, il quitta les lieux, accompagné de ses gardes, les laissant tous dans un grand désarroi : juste cela ? Pas plus d’informations ? Était-il assez fou pour les laisser dans un tel brouillard alors que tout le monde était déjà tendu ? Maximilien sentit quelque chose d’étrange dans l’air, comme si certains esprits s’échauffaient… Ces hommes avaient donné assez de directives pour ne pas totalement les perdre, mais pas assez pour calmer les plus nerveux d’entre eux. À peine deux minutes après leur départ, un conflit éclata. 

– C’est ta faute si nous en sommes là ! 

Une voix masculine s’éleva parmi eux, ceux autour s’écartèrent et Maximilien tenta de se faufiler dans la foule pour voir ce qu’il se passait. Il atteignit le cercle formé par les autres, un homme et une femme enceinte se trouvaient au milieu, en pleine dispute. 

– Ma faute ? répliqua-t-elle, tremblante et les larmes aux yeux. Tu nous as lâchement abandonnés alors que les soldats détruisaient notre village ! Tu parles d’un mari, espèce de lâche !

– Tu m’as traité de quoi ? hurla-t-il, les joues rouges de colère et de honte.

– De lâche ! répéta sa femme, excédée.

Sans crier gare, son mari leva la main et lui administra une baffe violente, au point de lui faire perdre l’équilibre et qu’elle finît par terre. Maximilien écarquilla les yeux, étant abasourdi par la montée soudaine de rage chez cet humain et, alors que personne ne réagissait, il s’élança devant la femme, toujours au sol, en larmes et les mains sur son ventre, comme pour le protéger. Le mari était sur le point de lui mettre un coup de pied en plein dans l’abdomen, mais il l’arrêta de peu, le poussant loin d’elle. Ce n’était pas une bonne idée, il allait attirer l’attention sur lui et ce ne serait que pour aggraver sa propre situation. L’homme se tourna vers lui, les yeux injectés de sang et la mâchoire contractée.

– Sale petit bâtard, tu… 

Sa voix se suspendit dans les airs quelques instants, une grimace déforma son visage ridé et abimé. 

– T’es un putain de Catal ? Tu viens de la Nouvelle Lome, j’suis sûr, petite merde…

Maximilien sentit un frisson remonter le long de son échine et une perle de sueur glissa le long de sa tempe : la chaleur ne l’aidait pas à bien se concentrer sur son adversaire et, quand il vit sa main se lever à nouveau, mais vers lui cette fois, il sut que cet homme restait un idiot fini.

– Tu as déjà oublié ? répliqua Maximilien, sans aucune expression sur le visage. 

Cela eut le don de paralyser l’homme. 

– Oublié quoi ? 

– Les paroles du Deuxième Stir. Si tu souhaites me faire du mal, fais-le, mais je ne pense pas que Son Altesse apprécie qu’une personne transgresse ses consignes en créant un conflit inutile. « Restez tranquilles », ce n’est pourtant pas compliqué à comprendre. 

– Sale…, commença le mari, tremblant de colère. 

– Puis, coupa Maximilien, s’avançant vers lui la tête haute, si tu veux t’en prendre à quelqu’un, choisis-moi. Ta femme n’a rien demandé, ton enfant non plus. Quitte à être un con, autant le faire intelligemment. 

La main de cet homme soubresautait, perdue entre la volonté de le défigurer ou d’éviter de finir en prison, voire pire, pour avoir désobéi au Deuxième Stir. Après quelques secondes de silence, il se ravisa et recula de quelques pas, son souffle erratique et la haine dans son regard.

– Ce n’est que partie remise, Catal de merde. 

L’homme le bouscula et agrippa le bras de sa femme pour la relever et l’emporter avec lui, sans prendre en compte ses plaintes. Maximilien ne réagit pas : s’il tentait de l’arrêter, le conflit empirerait et les conséquences deviendraient sûrement désastreuses. 

La famille royale de Morgas n’était pas réputée pour être clémente. Elle confondait l’homme et le groupe, les bêtises d’un être en condamnaient dix autres. Le mieux restait de faire profil bas, surtout quand la sale manie des puissants de ce royaume était la torture publique – un exemple pour ceux qui voulaient se rebeller, disaient-ils. 

Tout le monde se dispersa autour de Maximilien, sans oublier de lui jeter des regards dubitatifs, haineux, parfois apeurés. Il se perdait entre la compréhension et la déception, la frustration de subir une injustice fondée. Sa famille n’avait pas aidé à améliorer la réputation de la Catalome, personne ne l’avait fait, et même si c’était injuste pour lui de subir la colère causée par ses ancêtres, il la comprenait. 

La seule chose à faire pour l’instant, c’était d’attendre le repas, en espérant qu’aucun autre conflit n’éclaterait. 

⋅•⋅⊰∙∘☽༓☾∘∙⊱⋅•⋅

Plusieurs heures étaient passées, silencieuses, tendues, où la méfiance s’élevait entre chacun et dont les regards convergeaient occasionnellement vers Maximilien, les personnes présentes se retenaient d’user de mots violents à son encontre. Il retint un soupir, fatigué de toute cette attention inutile : plutôt que de se préoccuper de lui, ils devraient déjà penser à leurs futurs, peu certains et emplis de dangers. Ils choisissaient mal leurs ennemis, la famille royale de Morgas leur réservait un traitement dont personne ne semblait se préoccuper ici, mais il préférait s’attarder sur un être comme lui, en le bousculant, lâchant des insultes au loin ou même en crachant à ses pieds quand ils passaient devant lui. 

S’il se souvenait bien de ses livres d’Histoire, les harems, l’esclavage sexuel et la soumission du peuple étaient monnaie courante dans ce royaume. Maximilien piochait souvent ses ouvrages dans la bibliothèque des De Lux, les historiens en chef de Sarcoce. Ils rédigeaient toutes les histoires de tous les peuples mortels pour les générations futures. Grand passionné de lecture de ce genre, Maximilien avait dévoré chaque livre parlant de ce monde dans lequel vivaient tous ces êtres soumis à leurs désirs et leurs pulsions, pendant des années jusqu’à les connaître par cœur. Au bout du compte, il avait pris pitié d’eux et avait essayé de les aider grâce à ses pouvoirs, en vain : personne à Sarcoce n’avait soutenu son empathie et tous cherchaient à le convaincre d’abandonner des êtres faibles physiquement et mentalement, confrontés aux pires abominations. 

Maximilien pressa son dos contre un des murs et ferma les yeux, exténué par ces journées éprouvantes et le bourbier dans lequel il s’était fourré. Au bout de quelques minutes à ruminer dans son coin, deux soldats vinrent dans la pièce, le dos droit et le visage fermé. 

– Veuillez tous vous lever et nous suivre. 

Les regards se croisèrent, apeurés, dubitatifs, peut-être même excités, mais personne n’osa protester et chacun se leva pour suivre les deux hommes aux armures éclatantes et lourdes. Maximilien se laissa porter par le mouvement, tentant de retrouver la femme enceinte dans le tas, en vain : ils étaient trop nombreux pour distinguer une personne précise. Le troupeau se déplaça pendant quelques minutes, avec de simples murmures qui s’élevaient à certains moments, jusqu’à arriver devant une porte énorme, faite d’un or éclatant et d’un bois qui s’apparentait au chêne, qui s’ouvrit sur eux : une salle immense se profila, dans laquelle le plafond arrondi atteignait des hauteurs vertigineuses où se dessinaient des fresques – certainement historiques – qui bataillaient entre le rouge, le blanc, l’or et le vert, avec des alliances de bleu pour le ciel et de gris pour le vent ; les personnages à l’intérieur se multipliaient par dizaines et étaient dessinés de manière à créer l’illusion de la réalité, dont les courbes demeuraient douces et sensuelles : ballades douces et folkloriques dans les champs où se confrontaient le tintement des épées et les chants des soldats, rencontre entre les animaux et les hommes – de vieux mythes Morgasiens, où celui doté de mains se liait spirituellement avec celui doté de pattes – ou même des batailles victorieuses, extravagantes dans la manière d’être représentées, se dessinaient avec vigueur.

 Le plus beau restait cet accord entre le haut de la salle et la descente sur les murs : les vitraux suivaient les mêmes tracés que le plafond, ceux-là mêmes qui étaient séparés par des piliers incrustés dans les murs, dont les moulures formaient des fleurs fines et gracieuses – avec une odeur ambiante qui rappelait ces dessins, entre la rose et des flagrances boisées. Le sol devait être fait de marbre ; des tables longues, de la même matière, s’étalaient dessus, avec des bancs de pierre reliés à elles. Tout en longueur, les allées qui découpaient la pièce menaient à une table plus imposante, disposée de manière à faire face au reste, mais, contrairement aux autres, elle respirait la richesse et la fraicheur grâce aux bégonias roses posés dessus. 

C’était un étalement de pouvoirs indécent.

Pour convaincre un homme, il fallait gagner sa confiance. Pour le soumettre, ce n’était qu’une histoire de puissance. 

Maximilien aimait ce lieu, mais sa fonction bien moins : la famille Morgas tentait d’asseoir leur autorité sur le bas peuple, car elle savait qu’une pièce valait cent hommes – vieille expression de Sarcoce, pour traduire qu’une pièce attirait n’importe qui dans le besoin. 

Les soldats placèrent chaque personne précisément – les enfants avec les enfants, les femmes avec les femmes et les hommes avec les hommes – et, au bout d’un certain temps, Maximilien finit vers le bout d’une table, au fond de la salle. 

Cela le rassurait un peu d’être à l’écart. 

Tout le monde s’entassait et les serveurs déposaient de grandes marmites au milieu des tables, de la viande et des légumes mijotaient dans un bouillon à l’odeur forte de curry, et ils commencèrent à les servir dans leurs assiettes creusées. Maximilien jeta un coup d’œil à la table principale, vraiment éloignée de lui.

« Personne… . Cherchaient-ils à les faire miroiter encore longtemps sur leur sort ? À peine eut-il le temps de penser à son avenir que les portes s’ouvrirent à nouveau, mais sur le souverain et ses trois fils cette fois-ci. Tous s’avancèrent dans l’allée centrale, arborant des expressions qui suintaient une hypocrisie douce.

– Que Galiale vous bénisse, mes frères et sœurs, s’exclama le père, se dirigeant vers sa table. Profitez de votre repas comme si c’était le dernier. En espérant que votre décision a été prise et me sera partagée après ce délicieux repas. 

Sans ajouter un mot de plus, les quatre s’installèrent sur leurs chaises, dominant le reste de la salle juste par leur aura. Le silence pesait sur les épaules de tous ceux présents et personne n’osait se servir dans leurs propres plats. Puis, au bout de quelques minutes à attendre, les couverts commencèrent à tinter contre les assiettes. 

Mais quelque chose finit par attiser l’attention de Maximilien alors qu’il n’avait pas encore touché aux mets devant lui, brûlants et copieux : aucun des membres de la famille royale n’avait de repas. Leur table était vide. Ils ne faisaient que les regarder, le souverain et son premier fils avec un sourire aux lèvres, le deuxième sans aucune expression et le dernier… Il semblait juste curieux.

Mais de quoi ? 

Ses yeux revinrent sur son propre plat, tout son corps se crispa et il sentit une boule se former dans son ventre, le contractant avec une violence sans nom. « Comme si c’était le dernier », c’était ce qu’il avait dit. Il était certain qu’ils ne choisissaient jamais leurs mots au hasard. Maximilien guigna sur ses voisins, tendu au possible, et il constata que beaucoup d’entre eux dégustaient leur repas avec gourmandise et sincère reconnaissance. 

C’était un piège. 

Quelque chose clochait. 

C’était évident que ceux présents ici, sûrement des prisonniers de guerre venant de petits villages ou des pauvres qui vagabondaient de terre en terre, allaient se jeter sur ce genre de mets ragoûtants, sans y réfléchir à deux fois. 

Même si personne n’avait accordé leur confiance à cette famille, ils étaient assez désespérés pour dévorer leurs assiettes les yeux fermés… 

Maximilien posa sa cuillère sans toucher au ragoût, la mine dégoûtée : de mémoire, les Morgas adoraient la puissance, mais particulièrement les personnes intelligentes et perspicaces, car c’étaient elles qui possédaient les meilleures armes pour dérouter leurs adversaires. Même parmi leurs esclaves. 

Ce repas était leur dernier.

Pour ceux qui le mangeaient. 

D’un coup d’œil, il repéra une fenêtre entrouverte derrière lui. 

Sa main se referma autour de son couteau et un des soldats arriva au même moment près de lui. Son cœur s’arrêta de battre pendant un instant alors que ses yeux s’attardèrent sur la lame entre ses mains : survivre était une chose, mais se sentirait-il vraiment capable de se défendre, de sentir ce liquide rougeâtre couler sur ses mains, son odeur aigre parvenir à son nez et d’entendre les cris déchirants de ses adversaires ? 

Comment savoir ?

– Un problème, le Catal ? 

Ni une ni deux, Maximilien planta son couvert dans la cuisse de l’homme par un instinct qu’il ne se connaissait pas, malheureusement qu’en armure légère à ce moment, ce qui laissa des ouvertures pour l’attaquer. Le soldat ne cria pas, mais sa paralysie laissa le temps à Maximilien de le pousser contre le mur et de se précipiter jusqu’à sa porte de sortie. Avec son pied, il fracassa la vitre pour l’ouvrir complètement et sauta sans réfléchir, n’entendant que derrière lui :

– Rattrapez-le immédiatement ! 

Et Maximilien tomba. Il était au premier étage, mais la distance entre le sol et sa position restait grande. Contre toute attente, son corps avait gardé sa résistance et sa rapidité, malgré sa perte de pouvoirs. Sûrement parce qu’il n’avait pas besoin d’utiliser du Kin pour ce genre de choses – intrinsèques à sa nature de Lios. À peine ses pieds touchèrent l’herbe qu’il poussa sur ses jambes et courut comme une souris face au chat : même si la surprise avait eu un bon effet sur les Morgas et les gardes, cela n’était qu’une question de secondes. 

De plus, Maximilien se souvint d’une chose bien plus inquiétante. 

La famille royale possédait trois pouvoirs distincts. 

Quelque chose s’agrippa à sa cheville alors qu’il tentait d’arpenter les jardins du palais, comme une corde forte et piquante. Il grimaça de douleur, en essayant de se dégager, mais sans crier gare, la ronce le souleva jusqu’à le faire voltiger dans les airs. Elle l’envoya valser à quelques mètres, mais ses réflexes lui permirent d’atterrir dans l’herbe correctement avant de reprendre sa course. 

Sauf qu’il percuta directement un obstacle. 

Il recula de quelques pas, sonné à cause de l’élan qu’il avait pris et il porta sa main à son front avant de lever les yeux. Maximilien sentit son souffle se couper quand deux billes d’un profond vert le transpercèrent. 

Le Deuxième Stir.

– Tu es plutôt rapide, murmura celui-ci. 

– Et vous, complètement dérangés. 

– Nous ?

L’homme ne bougea pas d’un poil, la légère brise du soir souleva ses longs cheveux dans son dos, fins et éclatants sous les lueurs des derniers rayons de soleil. Maximilien avala sa salive, imperturbable. 

– Empoisonner nos repas pour faire le tri, je n’appelle pas ça être sain d’esprit. 

Le Deuxième Stir resta quelques instants silencieux, son visage fin et doux n’afficha aucune expression particulière, puis un rictus traversa ses lèvres. Était-ce juste lui ou une étrange odeur de lavande commençait à l’entourer ? Avant même d’avoir pu fuir, Maximilien se rendit compte que cet homme utilisait son pouvoir contre lui. Il se servait de la nature. 

De son odeur. 

Avec toute sa volonté, Maximilien se retourna, une main sur son nez et sa bouche, en vain : sa vue devenait floue au fur et à mesure, ses jambes tremblaient de plus en plus alors qu’une bouffée de chaleur secoua tous ses membres d’un coup. Ses muscles lâchèrent, mais avant de toucher le sol, un bras puissant l’attrapa par-derrière et un souffle chaud fouetta son oreille, une voix rauque et légèrement amusée le chatouilla. 

– Tu es plutôt perspicace, pour un Catal. 

Les cordes vocales corrompues, sa seule réponse fut son silence, avant de sombrer dans un néant total.

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