PDV Nina
Devant moi se trouvait une touffe de cheveux blonds boueux et emmêlés. Une arme noire pointée à quelques centimètres de mon front. Mon regard glisse vers la droite. Je reconnais un symbole. Ce Beretta... je l'ai déjà vue. C'est celui de Nathan.
Mon cœur s'accélère. Est-ce vraiment lui ? Mon esprit est encore embrumé par le réveil brutal, mais en levant les yeux sur ce visage sale, au maquillage dégoulinant, traits tirés...
Chloé.
Je souris, un sourire presque moqueur malgré la peur. Je me redresse lentement. Le canon de l'arme me suit avec une précision mortelle. Je m'adosse contre le mur, une vieille fenêtre à ma droite. Mes mains croisées dans mon dos, appuyées contre la cloison humide, j'observe Chloé en silence.
Elle n'est plus que l'ombre d'elle-même. Ses chaussures autrefois impeccables sont en ruine, ses collants filés, sa jupe en lambeaux, sa chemise ouverte et froissée, sa cravate pendant mollement. Elle semble à bout de souffle. Délabrée. Elle incarne le chaos.
Et pourtant, dans ses yeux, une étincelle. Une haine glaciale.
- Salut, Chloé.
- Nina. Enfin tu parles, dit-elle avec un sourire vainqueur.
- Tu vas me tuer ?
- Oh oui. Sois-en sûre.
- Alors vas-y. Tire. À moins que tu n'aies pas le cran de tuer deux personnes... ou trois ? Tu as tué ton frère ?
Elle marque un temps. Son regard vacille. Je plisse les yeux, suspicieuse.
- Quoi ? Tu veux me faire croire que t'as pas tué Nathan ?
- Jamais je ne tuerais mon frère ! Même si, ouais, j'y ai pensé à un moment. Mais toi... dès ton premier jour, j'ai su que t'étais un problème. Et que t'allais tourner autour de mon mec.
- Ton mec... Cassian, j'imagine ? Ma pauvre Chloé. Même à deux doigts de m'exécuter, tu vis encore dans ton délire. Ouvre les yeux : il ne t'a jamais aimée. T'es juste un chapitre embarrassant de sa vie.
- TAIS-TOI ! hurle-t-elle, en détournant brièvement les yeux.
Je le sens. Elle va tirer. Mes secondes sont comptées.
- Dis-moi au moins : comment t'as eu l'arme de ton frère ?
- Il me l'a donnée, avoue-t-elle. Il a eu pitié de moi en me voyant armée d'une pince à épiler. Il m'a dit qu'il se débrouillerait, le pauvre... Il m'a donné son arme, et on s'est séparés. Et en me la donnant, il a signé son arrêt de mort. Il doit sûrement l'être déjà...
Elle incline la tête, le regard assassin.
- Bref. Fin de la discussion. Place au meurtre.
PAN.
Je m'écroule, le souffle coupé. Une douleur fantôme m'envahit... mais rien. Pas de réel douleur, pas de nouvelles tâches de sang. Je ne comprends pas.
Chloé, elle, est à terre. Son corps tremble avant de s'immobiliser dans une flaque de sang.
Quelqu'un a tiré sur elle.
Je reste quelques instants sous le choc, mais il faut que je réagisse, je regarde lentement autour de moi et me relève avec hésitation. Et si on me tirait dessus aussi ? Mais je ne vis personnes nulle part.
Je reste crédule et dans l'incompréhension ? Peut-être que cette personne ne m'avait pas vue ?
Je ne reste pas pour chercher à savoir. Je rassemble tout ce que je peux : taser, flèches empoisonnées, Beretta - 12 balles -, pince à épiler, couteaux. Puis je jette un dernier regard à Chloé, froide et inerte.
- Petit conseil, Chloé : la prochaine fois que tu veux tuer quelqu'un... tue-le. Arrête de parler.
Et je fuis. Vers un endroit plus calme. Moins mortel.
Morts : 7 | Survivants : 23
PDV INCONNU
Cette fille me fascine.
Aucun réflexe de survie. Comme si elle savait qu'elle allait s'en sortir. Comme si elle attendait qu'on la sauve.
C'est insensé.
Je l'ai observée depuis le début. J'ai déjà tué pour elle. Antho, par exemple, il courrait après elle dans la forêt avec une brique dès la sortie de l'école. Même pas une vraie arme. Inutile. Je ne l'ai même pas ramassée. Ou Dylan, avec son sécateur, qui l'avait attaquée par-derrière cacher dans un buisson lorsqu'elle reprenait son souffle. Lui, j'ai récupéré son arme. Même si je ne sais pas trop pourquoi.
Et aujourd'hui encore, elle a échappé à la mort. Grâce à moi.
Elle marche. Elle se dirige vers ce qui semble être un campement. Un groupe de filles. Comme toujours dans ce genre de jeux : les alliances féminines au début... et puis le chaos. Toujours une qui pète un plomb et finit par massacrer tout le monde.
Elle pousse la porte.
Une fille rousse lui fait face. Un arc armé à la main.
Je m'apprête à tirer. Mais... la rousse baisse son arme et la prend dans ses bras.
Je range la mienne. Et continue d'observer.
Morts : 9 | Survivants : 21
PDV MAËLYS
- Les filles, à vos postes. Quelqu'un approche !
À ces mots, toutes se dispersent dans la maison délabrée. Chacune prend sa place, cachée derrière un meuble ou un rideau moisi. Moi, je reste face à la vieille porte de bois gonflé par l'humidité. Arc en main, flèche encochée. Prête.
La poignée tourne. Mon cœur aussi.
La porte s'ouvre lentement, grinçante. Et là... Nina.
Brune, bronzée, le visage éclaboussé de sang séché. Elle semble flotter entre deux mondes. Son regard est vide, sans vie.
Je baisse immédiatement mon arme.
- Baissez vos armes, les filles. C'est Nina.
Elle me fixe sans rien dire. Une larme glisse sur sa joue. Puis, comme si elle se brisait d'un seul coup, elle s'effondre dans mes bras.
- Maëlys... ma belle Maëlys... Je suis désolée... Désolée pour ce qu'on t'a fait vivre. Désolée pour ce qu'on vit toutes. J'ai vu des horreurs. J'ai faim. J'ai soif. De la boue... j'ai bu de la boue... Aide-moi... s'il te plaît...
Je la serre contre moi. Elle tremble. Ses mots s'étranglent dans ses sanglots.
- Chut, ma belle... Respire. T'es en sécurité maintenant.
Je lui caresse les cheveux. Elle se calme peu à peu.