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Chapitre III - Part I - Infiltration

Projet en cours, toute remarque ou retour est bienvenu.e !

Vous trouverez un lexique en fin de chapitre.

Nyssa Erelith – Le Sanctuaire – Lunaris – Niv 3

Son accoutrement était vraiment effroyable à porter. Son faux ventre qui lui donnait l'allure d'une génitrice en début de gestation l'agaçait prodigieusement. Non seulement elle avait troqué ses bottes et ses pantalons contre une robe et des sandales, mais il avait également fallu qu'elle se départisse de ses armes !

Malgré toutes ses couches de tissu et cet appendice artificiel qui grattait, elle avait la sensation d'être à moitié nue. Une fausse perception on ne peut plus dérangeante, qui la mettait à fleur de peau. Nyssa Erelith ne se sentait pas à sa place ici, sur Lunaris, le berceau de la paix incarné. Avec ses mains sales, ses ruminations perpétuelles, son manque criant d'émotivité et ses mauvaises intentions ; elle avait l'impression de trimballer avec elle une aura rougeâtre qui hurlait à qui voulait l'entendre : « Espionne ! », « Fraudeuse ! ». Très inadaptée à sa situation, s'il en était.

Ça faisait quatre jours qu'elle était là, logée dans une petite chambre bien trop lumineuse, entourée de bienveillance et nourrie généreusement. Personne ne l'avait forcé à exposer son ventre, ou n'avait demandé à prendre les constantes de l'enfant imaginaire pour le moment. Il fallait reconnaître que personne de saint d'esprit, n'aurait eu l'idée tordue de singer une grossesse ici.

Les chants des rituels de la Matriarche et ses apprentis la réveillaient chaque jour dès la première pulsation croissante ; il fallait être fou ou très déterminé pour répéter ce rythme inlassablement chaque matin. A cette pulsation, la brume tiède, gonflée des vapeurs telluriques, enveloppait Lunaris comme un linceul, étouffant les sons et les lumières de l'îlot. Le premier soleil commençait tout juste à se montrer : comme chaque jour, Kael laissait Liora le précéder, décalant leur apogée lumineuse vers une intensité plus marquée à chaque pulsation. Si elle avait bien compris, les rituels venaient en remerciement à Onaril et en salutation au premier soleil et plus tardivement au second.

Elle n'avait jamais compris cette personnification des astres, bien qu'elle ait toujours trouvé le spectacle qu'ils offraient magnifique. Sa préférence allait à Sar'yn, vestige d'un passé révolu, dont les éclats parsemaient le ciel. Elle avait toujours été fascinée par la puissance de ce gros rocher céleste morcelé, qui influençait toujours Varhen. Et qui, malgré son apparence peu flatteuse, maintenait une partie du monde en vie aujourd'hui.

Levant les yeux, elle fixa la porte close - sertie de volutes dorées et de motifs végétaux stylisés - qui faisait face à son lit. Une lueur douce irradiait depuis les cristaux de Vrith incrustés dans la corniche du plafond, projetant des reflets bleus et roses sur les parois courbes aux tons ivoire et nacre. Tout autour d'elle, l'atmosphère semblait vibrer d'un calme presque liturgique : une harmonie diffuse entre matière et lumière.

Elle n'avait plus de temps, le monde entier était sur le dossier de l'Accyum Pur et elle n'en avait toujours pas trouvé la moindre trace !

D'un geste nerveux, elle se redressa et traversa la pièce en direction du sas d'hygiène corporel dissimulé derrière un panneau de verre gravé à motifs floraux. Elle hésita un instant devant les imposantes fenêtres en vitrail : des compositions miroitantes de verre coloré, de feuilles d'or et de fils de Vrith qui s'illuminaient selon la puissance des flux telluriques. Puis, elle s'assura que les occulteurs restaient bien clos : le risque que quelqu'un puisse voir à travers les imposantes fenêtres ovoïdes était trop grand.

Face au miroir aux contours ondoyants - lui aussi incrusté de cristaux et d'or - elle garda les paupières closes. Autour d'elle, les parois lisses aux teintes ivoire irisé étaient ornées de motifs végétaux gravés à même la paroi. Elle n'était pas habituée à tant de faste et de fioritures... Ses épaules, d'abord rigides, se soulevaient au rythme lent d'un souffle qu'elle tentait de maîtriser. Mais à chaque respiration, un frémissement trahissait la tension tapie sous la surface. Sa mâchoire se crispa et une veine pulsa à sa tempe. Elle compta mentalement, encore, jusqu'à quatre... puis six... mais rien n'y faisait. L'agacement rampait en elle comme une vrille brûlante.

Dans un murmure audible, elle formula l'ordre d'éveil. La lumière répondit aussitôt, s'activant par ondes concentriques qui se réfléchissaient sur les filaments de Vrith incrustés dans le plafond et diffusant une lueur blanche aux reflets roses et bleus. Elle ouvrit enfin les yeux et fixa son reflet. La surface polie du miroir, presque liquide, restitua son image avec une netteté saisissante : une peau aussi noire que la nuit au sous-ton violets, des yeux étirés sur les tempes aux iris bleu quartz puis orangé, un nez retroussé puis légèrement empâté, ainsi q'une bouche pulpeuse aussi sombre que sa peau. Le tout était du plus bel effet.

Malheureusement, la femme enceinte ayant débarqué sur Lunaris était rousse, avec des taches brunes, des yeux ronds et gris cendre, à la peau si translucide qu'on percevait ses veines légèrement luminescentes. Surtout, sa colorimétrie ne fluctuait pas, sa physionomie non plus... Elle devait se concentrer !

Fixant la glace richement décorée, elle observa : sa peau s'éclaircir, ses yeux vaciller, le coin externe retombant pour former une courbe bien plus arrondie, les iris retrouver leur teinte pour ne plus changer, ses cheveux raides et blancs, gagner en gainage, ondulations et couleur de feu. Essoufflée, un demi-sourire satisfait orna ses lèvres rosées, devenues si fines que c'en était presque disproportionné.

Dans le miroir, son reflet tremblait imperceptiblement ; un battement de paupières trop rapide, un éclat dans l'iris qui vacillait. Trop longtemps... Elle s'imposait de tenir cette forme depuis trop longtemps !

Ses doigts se crispèrent sur le rebord de la coiffeuse.

— Tss... Un souffle sifflant. Elle se mordit l'intérieur de la joue.

Cela faisait des jours qu'elle bridait ce qu'elle était. Des jours à maintenir cette illusion, comme une armure qui commençait à peser trop lourd. Et maintenant, chaque oscillation de plus était une lutte contre elle-même.

Aux vues de ses difficultés à contrôler Le Voile, la limite approchait. Elle le sentait dans sa peau, dans ses os et elle la haïssait.

Elle n'avait plus le choix, c'était maintenant ou jamais.

***

Nyssa Erelith avançait silencieusement dans les galeries incurvées de la bâtisse principale du Sanctuaire. Les murs élancés, aux voûtes sculptées de feuillages stylisés, semblaient s'ouvrir comme des corolles vers la lumière astrale. Le sol, pavé de pierre polie aux reflets verts et laiteux, absorbait le bruit de ses pas, comme si le silence faisait partie intégrante de l'architecture.

À l'échelle de Varhen, Lunaris n'était qu'un fragment d'îlot, suspendu sur le troisième niveau, errant tantôt vers le haut, tantôt vers le bas de la zone liminale. Un bout de terre minuscule comparé aux grandes masses flottantes du continent. Et pourtant, c'était le plus petit territoire doté d'une telle stabilité gravitationnelle, un paradoxe géologique : un point d'ancrage presque impossible. Le mystère de l'Accyum Pur ?

Lorsqu'on sortait de l'un des bâtiments du Sanctuaire vers l'ouest et que l'on traversait la forêt qui l'entourait, on arrivait déjà au bord du territoire. Parfois, en contrebas, au-delà du vide, on pouvait apercevoir relativement bien les bords de Zytheor et de sa ville, Crystalis, construite à flanc de précipice. Les rivières Sol'veth et Zar'lun l'entourant de leur bras et s'écoulant en cascade dans le vide : leur eau collectée plus bas par les grands récupérateurs, installés sur les falaises qui donnaient sur le vide, il y avait plus de 100 rotations.

Ses pas glissaient avec discrétion sur les dalles claires, couvertes d'une rosée iridescente que laissait chaque matin la brume des jardins suspendus. Autour d'elle, des arcades feuillues reliaient les pavillons et elle s'accorda le temps d'observer leurs colonnes en pierre verte veinée de Vrith et entremêlées de lianes florales aux pétales translucides. Cet endroit appartenait aux érudits et aux soigneurs, un espace de savoirs et de soins, baigné d'un calme méditatif qui la mettait presque mal à l'aise. Plus tard, lorsque les soleils effleureront les coupoles dorées, les allées se rempliront de voix légères, de rires étouffés et de chants cristallins émanant des bassins ornés.

Mais cette sérénité ne la trompait pas. Si l'Accyum Pur était bel et bien présent dans ses strates, alors cet îlot dissimulait certainement bien d'autres secrets. Elle avait toujours été de nature curieuse : ça lui avait valu bien des sanctions plus jeune. Toujours était-il que sa mission n'impliquait pas de mettre à nue Lunaris. Tout du moins, pas aujourd'hui.

La Lame lui avait donné pour mission d'infiltrer le Sanctuaire, c'était chose faite, mais aussi de localiser l'Accyum Pur et d'en rapporter un fragment. Elle pataugeait depuis plusieurs jours, à arpenter les bâtisses de long en large, fouillant les temples, la forêt, cherchant des accès souterrains, en vain. Personne n'avait idée de la forme que pouvait prendre cette chose, si ce n'était ceux dans la confidence. Beaucoup parlaient de minerai, d'autres d'un métal natif, comme l'était le désormais " Impur " de Volkyn ; une ressource, difficile à extraire des montagnes de feu présentes sur les îles basses. Mais peut-être était-il dénaturé, qui pouvait le dire ?

La Cabale convoitait cette ressource et entrait dans la course contre tous les grands gouvernements de Varhen (avec du retard). Elle avait l'intime conviction qu'au-delà de ses propriétés stabilisatrices et énergétiques, l'Accyum Pur devrait pouvoir renforcer la magie de l'Inhérence. Cette mission, c'était l'opportunité - pour elle - de prouver sa valeur sans prendre de vie, de faire dans la finesse et de montrer que ses difficultés avec Le Voile n'étaient pas un obstacle dans ses missions.

Elle était déjà reconnue par ses pairs, respectée depuis des rotations et même crainte par certains. Mais son inaptitude à contrôler sa physiologie entachait ses réussites. Par les Flux, elle en avait oublié son propre visage ! Et les agents les plus âgés à avoir rencontré les mêmes difficultés avaient aux alentours de 12 rotations ! Elle était loin, très loin du compte... et elle avait presque le triple de leur âge.

Elle s'arrêta devant un édifice vaste et élancé, dont les façades semblaient s'élever vers la voûte céleste. Tout ici tendait vers le ciel... Une bibliothèque, immaculée, révélait de près un entrelacs de Vrith oxydé, de pierre nacrée et de reliefs floraux ciselés à même la structure, que des ramures de lierre argenté tentaient de dérober au regard. Les vitraux enchâssés dans des cadres sinueux diffusaient une faible lumière intérieure, chaude et diffuse, comme un écho lointain de la clarté absente de Liora, encore trop bas dans le ciel pour caresser Lunaris. Nyssa savait, que c'était ici que les érudits conservaient leurs précieux manuscrits et artefacts. Elle savait également que ce bâtiment faisait partie de ceux qui n'étaient pas accessibles aux visiteurs...

Elle le contourna, cherchant une entrée discrète, longeant les parois humides, chaque pas plus mesuré que le précédent. Ses épaules se repliaient sur elles-mêmes, ses sens en éveil. Ses doigts, tendus, effleuraient la surface vivante du mur, faite de pierres, de mousse et de veines cristallines, palpant l'énergie des flux telluriques - refroidis par la roche - qui serpentaient encore dans leurs interstices. Elle ralentit volontairement son souffle, calant chaque inspiration sur le froid qui suintait des jointures de la structure.

Une goutte, tombée de l'arche végétale au-dessus d'elle, éclata contre sa tempe. Elle ferma brièvement les yeux. S'ancrer. Ici. Maintenant. Ne pas laisser filer. Sa paume se posa à plat sur un pan fissuré du mur. Un point d'appui. Elle se concentra sur la sensation : le grain, le frais, la pression. Chaque détail devenait une balise. Elle sentait déjà le frémissement en elle, cette vibration traîtresse qui annonçait la perte de contrôle.

Non... Pas maintenant.

Un pas. Puis un autre. Elle s'imprégnait de chaque geste, de chaque contact, traquant les pensées parasites comme des ombres fuyantes. Son souffle effleurait à peine ses lèvres. Elle allait finir par croiser quelqu'un. Elle le savait. Et aucune variation ne devait paraître.

Enfin, ses yeux repérèrent une petite porte, discrète, rongée par le temps, à demi dissimulée derrière un buisson aux fleurs magentas. Une issue de service oubliée depuis des cycles peut-être ? Elle enserra la poignée, tira. Le bois gémit à peine. Elle se glissa à l'intérieur et referma la porte dans un chuintement feutré. Lunaris était vraiment un endroit abritant des personnes confiantes ; on entrait partout sans la moindre difficulté. Ici, tout semblait ouvert, perméable, comme si la beauté et l'ordre suffisaient à tenir les intrus à distance. C'était ridicule de naïveté.

***

Lexique

Onaril : La lune.

Liora : Soleil 1.

Kael : Soleil 2.

Sar'yn : Petit satellite fragmenté en orbite autour de Varhen.

L'Inhérence : Nom officiel de la magie sur Varhen post Grand Renversement (P.G.R)

Le Voile : Une des aptitude de Nyssa qui est une manieuse de l'Inhérence. Il est supposé être contrôlé et permet de modifier son apparence.

La Lame : La Cabale à laquelle appartient Nyssa ; groupe secret et conspirateur, impliqué dans des intrigues politiques et des manigances.

Rotations : Années. 

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