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Var'ek Zhar'in – Jrivan – Zytheor – Niv 3
La lumière pâle des cristaux suspendus, baignait la bibliothèque d'une lueur argentée et bleutée, projetant des éclats mouvants sur les parois vitrées de La Tour des Flux. Du haut du treizième étage, Var'ek surplombait Jrivan, la capitale vibrante de Zytheor.
Il était tard. La troisième pulsation nocturne avançait lentement, mais l'agitation en contrebas ne faiblissait pas. Le Festival de l'Éveil d'Onaril battait son plein. Dans le vaste marché circulaire, trois anneaux concentriques d'étals scintillants s'animaient au rythme des célébrations. Des flammèches d'énergie tellurique dansaient au-dessus des rues, traçant des arabesques lumineuses dans la nuit. Des chants s'élevaient, portés par des chœurs mêlant voix humaines et harmonies cristallines.
Var'ek s'écarta de la table chargée de documents anciens et s'approcha de la vitre incurvée. Sa réflexion fantomatique se superposait au spectacle en contrebas. Des processions serpentaient lentement à travers les cercles du marché, des silhouettes drapées dans des tissus irisés portant les lanternes d'Onaril - symboles de renouveau. Ici, on célébrait la nouvelle rotation , les alliances sacrées et les serments de l'aube nouvelle.
Mais lui n'avait guère le cœur aux festivités. Un éclat doré attira son regard. Au centre du marché, une arche d'énergie s'ouvrit brusquement, libérant une pluie d'étincelles cristallines. Les Enfants de la Tempête s'étaient rassemblés pour leur bénédiction rituelle. Ils levaient leurs mains vers le ciel, invoquant la transformation que seule la tempête pouvait offrir, tandis que des feux d'artifices explosaient dans le ciel. Non loin, des adeptes de la Voie de l'Harmonie partageaient une table commune, échangeant pains épicés et promesses de paix.
Un soupir s'échappa de ses lèvres. Jrivan, dans toute sa splendeur, semblait à la fois proche et lointaine. Ici, dans la Tour des Flux, on ne percevait que l'écho feutré des festivités. Demain, il quitterait cet espace protégé pour plonger dans les intrigues du Conseil...
Var'ek ferma un instant les yeux, laissant les vibrations du festival imprégner son esprit fatigué. Une pulsation régulière, presque imperceptible, résonnait sous ses pieds - la signature même de l'énergie tellurique de Zytheor. L'Éveil d'Onaril annonçait un nouveau cycle, et avec lui, certains tournants inéluctables.
Il était temps pour lui de reprendre ses lectures...
***
3ème pulsation croissante et 30 battements , tous les jours, inlassablement, son réveil sonnait.
L'homme, aux cheveux mi-longs, blonds ambrés aux reflets cuivrés, et étalés sur son oreiller, peinait à se réveiller. Ses longues jambes en travers de sa couchette, sa main sur le front, et la bave au menton, il semblait littéralement à l'agonie.
Ayant poursuivi ses recherches sur Lunaris et l'Accyum Pur jusqu'à la 12ème pulsation nocturne, ne lui laissant que 3 pulsations et 30 battements de sommeil, la journée allait être particulièrement longue.
Pour autant, la force de l'habitude, et la rigueur d'une personnalité rigide, le poussèrent à se redresser. A son mouvement, la petite pièce où il dormait s'anima, une lueur orangée s'éparpilla du sol vers le plafond, et un mur se para d'une interface numérique transparente. Sa maxime du jour, parvint-il à lire entre ses paupières toujours à moitié closent ; « Organiser son esprit, c'est cultiver la paix », voilà qui ne pouvait que lui parler, à lui qui compartimentait toute la journée. Il ne jeta aucun regard aux prévisions climatiques de cette matinée ; il ne pourrait pas mettre le nez dehors de toute façon.
Se frottant les yeux, il parvint, après un effort colossal, à sortir son long corps du lit. Le siège du Conseil avait lieu après la collation, il avait encore un peu de temps devant lui. Ça s'annonçait relativement complexe, il aurait préféré ne pas avoir à y penser. « S'inquiéter avant l'heure, c'est souffrir une fois de trop », la phrase d'il y avait trois jours, aurait été du plus bel effet aujourd'hui.
La routine... La routine c'était rassurant, la routine c'était facile, la routine il connaissait.
D'un pas traînant, il se dirigea vers le sas d'hygiène intégré à l'angle de sa petite chambre. Ce modèle, le plus basique que l'on puisse trouver, n'offrait ni vibrations relaxantes, ni diffusion de plasmons énergétiques avancés. À peine s'il maintenait une température décente.
Il franchit le seuil, et le rideau translucide glissa en place derrière lui dans un sifflement mécanique un peu fatigué. Une lumière pâle clignota brièvement avant de stabiliser son éclat blafard. Le flux d'air démarra avec un souffle rauque, plus proche d'un courant d'aération défaillant, que de la technologie de pointe qu'il aurait pu espérer. Des ondes énergétiques de faible intensité parcoururent sa peau, provoquant un léger picotement sur les zones les plus sensibles.
Tandis que l'air balayait mollement la sueur et les résidus d'une nuit trop courte, il laissa son esprit vagabonder. Lunaris, l'Accyum Pur, le Conseil... Son quotidien était devenu une mosaïque d'obligations. Pas une pulsation sans que l'ombre du devoir ne vienne s'infiltrer dans ses pensées.
Un grésillement le ramena au présent – le signal que le cycle était terminé. Il haussa les épaules en sortant du sas, ses cheveux encore légèrement électriques sous l'effet du nettoyage. Il ne pouvait pas se permettre de demander mieux ; un serviteur n'aurait pas mieux, même lui.
Sa tenue officielle l'attendait savamment pliée, sur le fauteuil en feuilles séchées et vernies du plus bel effet, qui faisait face à sa couchette. Il enfila sa tunique à col montant, longue et ajustée, faite d'un tissu fluide mais structuré, qui épousait son corps sans entraver ses mouvements. De couleur grise cendrée, elle était ornée de broderies argentées discrètes aux poignets et au col, motifs géométriques évoquant son appartenance au système bureaucratique de Zytheor, mais également marquage de sa soumission. Un haut placé issu de la noblesse ou du peuple, se verrait habillé de ses broderies, sur le cœur et dans le dos.
Ce vêtement s'accompagnait d'une ceinture minimaliste, fine et en cuir sombre, qui lui serrait la taille, renforçant l'aspect structuré de son apparence. Elle servait autant d'élément décoratif que de support utilitaire, où il pouvait accrocher une petite pochette contenant des documents, son stylus multifonction et tout autre petit outil qu'il jugerait utile.
Dessous on retrouvait un pantalon droit et souple, conçu dans un textile technique, gris lui aussi. La coupe restait impeccable en toute circonstance.
Venaient ensuite les bottes mi-hautes en cuir noir, rappel discret de la ceinture. Elles étaient à la fois pratiques et élégantes, adaptées aux longues heures debout ou aux déplacements discrets. Leur design était épuré, sans ornement superflu.
Son regard se tourna ensuite vers son petit chevet, où ; un lien de cuir pour attacher ses cheveux, et une petite boite, l'attendaient sagement. Avec un soupir, il coiffa ses ondulations en une queue sur sa nuque, puis, apposa sur chacun de ses globes oculaires, une fine pellicule transparente au centre sombre exagérément grand. Il devait les porter depuis son plus jeune âge, pour se rendre plus accommodant à ses interlocuteurs. Cet homme avait de très jolies iris lilas, mais le problème n'était pas là. C'était d'ailleurs la raison de la transparence des lentilles, qui n'étaient normalement pas autorisées à moins de présenter une incapacité. Non, Var'ek était contraint de dissimuler sa « difformité ». Il était né avec deux pupilles dans chaque œil. Deux pupilles, qui, non contentes d'être une aberration à elles seules, s'avéraient être mobiles.
Ceux qui l'avaient recueilli, ont longtemps chercher à connaitre l'origine de cette bizarrerie. Puis, les mois et les rotations ont passé, et Var'ek ne développa aucune autre étrangeté. Mais ses camarades, et les adultes qui l'entouraient, restaient mal à l'aise. Alors, un jour, on lui avait imposé ces ridicules petites choses qu'il devrait porter en toutes circonstances. Aujourd'hui ; il était presque certain que tous avaient oublié son véritable regard et qu'il était devenu son seul secret, l'unique petite chose qui lui appartenait vraiment.
Chassant ses idées noires, il attrapa son insigne gravé du symbole représentant son statut au sein de l'administration et du nom de son garant. Un haut fonctionnaire qui l'avait pris sous son aile, à la fin de sa formation, dont il était sorti second. Alors qu'il quittait le confort de son petit logement, il accéléra le pas vers les ascenseurs, pour rejoindre à nouveau la bibliothèque aux derniers étages.
Les portes de l'appareil cylindrique s'ouvrirent, et la voix nasillarde de Thar'vel Lun'zarith, un serviteur plus âgé, commis aux cuisines, vint troubler davantage son humeur :
— Zar'vash'in ou plutôt Khar'vel Va'lun qui peine vraisemblablement a trouvé la lumière.
— Suffit Vash'threk
Bénissez les Flux, son statut plutôt élevé pour un serviteur lui octroyait quelques pouvoirs. S'il avait été vraiment mauvais, il aurait pu faire virer l'imbécile et le chasser de La Tour à tout jamais. Las de ce début de journée, c'est sans un regard qu'il avança vers l'entrée de la plus grande bibliothèque du pays ; La Suprême. Son insigne en place sur le cadrant d'identification, la grande porte en verre renforcé et décorée d'arabesques vit son double battant s'ouvrir dans un chuintement discret.
Le sujet de la veille et du jour ; Lunaris et l'Accyum Pur, la plus grande découverte des deux derniers siècles. Le Conseil des Flux allait se réunir un peu plus tard pour statuer sur la meilleure chose à faire sans contrarier le Grand Dirigeant ; Zar'thar Va'lun, qui désirait plus que tout, le monopole de cette ressource inestimable.
Sept des neufs seront là, dont Le Gardien du Cœur, qui n'omettra aucune question. Un mal de tête lancinant commençait déjà à s'installer, alors qu'il n'avait pas encore choisi les ouvrages qu'il allait éplucher les cinq prochaines pulsations. Oui, sa journée promettait d'être longue.
« Organiser son esprit, c'est cultiver la paix » ; il allait mettre l'adage à l'épreuve très rapidement.
La bibliothèque se trouvait tout en haut de La Tour des Flux, et tenait dans ses trois derniers étages complètement ouverts, en superposition sur une hauteur de 20 mètres, sous son plafond en coupole . Ce niveau, entièrement en verre, était une merveille architecturale et technologique. C'était le cœur intellectuel de Zytheor, un lieu où se concentraient les secrets les plus anciens et les plus précieux de Varhen. Son lieu favori entre tous.
Toute la structure était circulaire, suivant la forme arrondie du bâtiment. Les parois en verre, étaient conçus pour filtrer la lumière des soleils, empêchant ainsi toute altération des ouvrages précieux et l'éblouissement des lecteurs. Pour ajouter à cette technologie, des claustras suspendus, fins comme du papier, ajourés, tout en transparence et couleur sable, ajoutaient de l'ombre. La luminosité était donc douce et diffuse, créant une ambiance apaisante et propice à l'étude.
Parmi les trésors les plus précieux de la bibliothèque se trouvaient des manuscrits anciens, datant de l'époque de Nharos, pour certains, écrits plusieurs centaines de rotations avant le Grand Renversement . Ces manuscrits étaient exposés comme des trophées sur une large colonne en pierre, plantée au centre de l'édifice, et spécialement conçue pour leur préservation. Ils étaient maintenu en suspension et à distance les uns des autres, grâce au Flux, ainsi que protégés par des cloisons en verre et des systèmes de contrôle environnemental pour éviter toute dégradation supplémentaire. Ceux encore capables d'en déchiffrer les quelques passages lisibles se faisaient désormais extrêmement rares.
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Lexique
La Seconde = oscillation. La Minute = 60 oscillations, nommée battements. L'Heure : 60 battements, nommée pulsations. La Journée : 30 heures/pulsations.
Une journée sur Varhen se découpe ainsi ; trois pulsations croissantes, douze diurnes, trois décroissantes et douze nocturnes.
Nouvelle rotation = Nouvelle année.
Accyum Pur = Minerai rare ; Amplificateur énergétique + Propriétés magnétiques extrêmes + Réaction à l'Inhérence.
Zar'vash'in = Titre honorifique de Var'ek ; « Celui qui parle pour les Flux ».
Khar'vel Va'lun = Sobriquet mi respectueux, mi moqueur de Var'ek ; « L'ombre privilégiée qui guide la lumière » ; ombre pour son statut de serviteur et privilégié par qu'il a sa place auprès du conseil et qu'il ne connait rien de la véritable servitude.
Vash'threk = Insulte équivalente à lâche ; « Parole fuyante ».
Avant le Grand Renversement, sera toujours noté A.G.R dans les notes.