Dans un monde où les tensions politiques semblaient bien lointaines, une dame à l'allure aigrie se prépara à donner un discours. Ornée de sa couronne de diamants, de sa robe vert foncé et de ses talons noirs, elle s'empressa d'écrire quelque chose pouvant convaincre un auditoire dont l'écoute n'était pas leurs plus grandes qualités. Elle qui fit s'évanouir toutes les fleurs de son couloir par son aura, un courageux, mais doux rayon de lumière donna de la couleur à son visage si terne. Cette teinte, la rousse la portait pendant plusieurs semaines. Incapable de mordre son entourage, des plaquettes censées reproduire le goût du liquide pourpre si gourmand auprès des siens lui servaient comme seul repas. Son aigreur avait une tout autre raison.
Proclamer un discours sur une loi non-existante anéantissait tout envie de sourire aux personnes, avec l'attente d'un vieillard pour lui chanter toutes les sérénades du monde.
Avançant à pas de loup, elle jeta les papiers sur la table et récita comme un robot, ces paroles n'apportant aucune once de joie.
Ce monde divisé s'était vu se déchirer suite à un événement tragique dont seuls les fous pourraient divinement en moquer.
Alors que tous les horizons, tous les points de vue, toutes les pratiques culturelles, se mélangeaient dans un pot en argent splendidement fabriqué.
Un événement tragique...
Qui aurait pu être tout simplement évité.
Tandis que la reine se pressa à profaner ses paroles, dans un autre monde, la pluie ne semblait pas vouloir s'arrêter. Un pays avec un diminutif bien trompeur peinait décidément à faire travailler ses habitants en partant du bon pied. Les intempéries jouant en leur défaveur, même ceux qui adoreraient ce temps trouvèrent que le ciel ne se débattait pas assez pour leur apporter de la lumière sur leurs mines bien fermées.
Des travailleurs et des étudiants se préparaient à aller dans le lieu qui leur mangerait toute la journée. Quelques personnes prirent le soin de s'habiller tandis que d'autres mirent tout ce qui leur passait par la main.
Alors que la pluie puisa dans ses forces pour couvrir le moindre son se baladant dans les appartements de Séoul, une habitation requiert toute son attention. Elle était située à quelques pas d'une grande esplanade vendant de la street-food. Ces employés commencèrent à préparer leurs mets avec joie, mêlant plaintes et désinvolture. Tandis que la petite télévision dans sa chambre fit défiler des images pouvant s'apparenter à une scène de vol, un jeune homme, qui fut bien au chaud dans sa couverture, dû se lever à contrecœur pour pouvoir s'organiser.
Il fronça des sourcils, remarquant l'écran l'agresser de sa vive lumière bleue. Frottant des yeux, il tourna son corps pour l'aider à se réveiller. L'un de ces jours qui autrefois attendait avec impatience était arrivé. La rentrée avait décidé de venir l'embêter pour son plus grand malheur.
La motivation d'aller à l'université prit cependant beaucoup de temps à arriver. Constatant que le bulletin météo avait cédé sa place aux grands titres de la journée, la boule de poil grise sortit à toute vitesse de son lit et se débarrassa de ses vêtements en les lançant dans le lavabo. Sa douche n'eut pas assez de temps pour le permettre de se réchauffer après être sorti d'un long rêve sous une couverture bien chaude. Soupirant de n'avoir pas mis d'alarme, le jeune opta pour un petit-déjeuner pouvant être consommé sur le pouce et enfila ses vêtements fraichement préparés la veille. Il portait un pull large pour pouvoir y mettre un tee-shirt à manches longues large et épais et suivi d'un pantalon imitant un jean ample taille haute agrémenté d'une ceinture. Frottant des yeux encore une fois, il relaissa errer son esprit dans ce salon vêtu de blanc, dont seules les chaises en bois apportaient une touche de couleur.
À l'allure d'un fantôme, des émotions et des sensations qu'il ne pensait pas un jour subir prirent le contrôle de sa psyché. Lourdes qu'un poids et aussi mauvaises qu'une malheureuse aiguille se perdant dans une botte de foin, des images se formèrent dans son esprit et ne semblaient plus en sortir.
Le même cauchemar convoitait s'enclencher encore une fois dans sa tête.
Ce n'est que lorsque sa petite télévision n'émit plus de bruit après son extinction automatique programmé par l'étudiant qu'il s'aperçut que le retard allait bientôt lui faire une petite demande en mariage. En regardant l'heure, il se dépêcha de finir son petit déjeuner, fila à toute allure de se brosser les dents et enfila ses chaussures. Il attrapa son manteau, son sac et son parapluie, puis sortit de son appartement en n'oubliant pas de fermer la porte à clé.
Le décoloré claqua sa langue si fort qu'un enfant fit la moue pensant que ce son qui tonitrue lui était adressé. Il pensait que, après la période de petites vacances achevée, il allait réussi à passer à autre chose sans que sa mémoire lui proposait tous les matins à revivre cette scène horrible. Un événement dont même le plus cinglé des meurtriers refuserait qu'un proche en fasse l'expérience s'était produite dans cet endroit qui, en apparence seulement, sentait le parfum d'une famille épanouie à qui tout réussit.
Huit mois auparavant, alors qu'il empruntait, mais de sens inverse, ce chemin pour rentrer chez lui, l'étudiant en LEA Anglais avait rassemblé son courage pour dire trois simples mots à une personne qu'il craignait par-dessus tout. Comble du sort, il ne pouvait pas ressentir de la haine envers cet humain qui n'était autre que son paternel.
Ces trois simples mots témoignaient en tous points l'affection d'un enfant qui, aux yeux de personnes civilisées, réfléchissaient l'éducation d'un futur citoyen ayant reçu l'attention entière de ses parents.
Je t'aime.
Une fois la clé rentrée en contact avec la serrure de l'appartement familial, une scène sanglante prit possession de son regard.
Une scène dont la couleur dominante restera à jamais ancrée dans son esprit sain.
Un homme d'une cinquantaine d'années était là, à terre, se baignant dans son sang, aussi rouge fut-il. Le corps était entré dans sa face de décomposition, une odeur nauséabonde s'amusait à irriter le jeune dans le but qu'il vide son merveilleux dessert. Les cheveux s'étouffèrent dans le liquide à présent froid, et si une personne courageuse souhaiterait toucher son corps, même un glaçon ne pourrait pas rivaliser contre lui. Le regard fatigué était désormais vide, aussi blanc que la teinte en elle-même. Impossible pour lui de recevoir une quelconque lueur du soleil, ou sinon de la simple lampe allumée sur une table basse, couverte de plasma.
Les murs et les rideaux paraissaient bien resplendissants, le sang ne les avait pas maquillés de sa teinte rougeâtre.
Qui pourrait mettre fin à la vie d'un père de famille ?
Par quelle cruauté cette personne était-elle passée de commettre cet odieux crime ?
En voulant à tout prix appeler la police pour leur envoyer qu'un meurtre s'était produit dans son appartement, une violente force l'empêcha de composer le numéro des forces de l'ordre coréennes. Alors, bien que le jeune homme fut en pleurs et sans voix, il se dépêcha de prévenir ses proches.
Tous, mais surtout pas sa mère.
Ayant divorcé de cet homme trois mois plus tôt, apprendre sa mort serait comme entendre une bonne nouvelle.
Depuis cette tragédie, Jimin ne put pas aller contre sa volonté de savoir pourquoi son père a été assassiné dans de telles circonstances.
Pourtant, celui-ci gagnât bien sa vie, ne rapportait des querelles à personne ou aussi, se préoccupait bien de son fils...
Selon les dires de tous.
D'après ce père, nommé Dong Buk, la vie de famille devait être semblable à une dictature.
Quiconque désobéissait à ses «ordres» méritait d'être traité de tous les noms... Cependant, avant que l'âge de ce jeune ne soit composé de deux chiffres, la famille Park semblait avoir des beaux jours devant elle.
Un mariage réussi, un beau fils à élever et à voir grandir, des situations de travail stables jusqu'avant que notre défunt se fasse planter un couteau dans le dos par l'un de ses collègues de travail. Une rixe dans l'entreprise de gestion, plus tard, ce collègue de travail avait émis que Dong Buk vendait à d'autres entreprises concurrentes des informations.
«Couler l'entreprise qui rime avec enfer et ennui, un ennui mortel que mes parents m'écœurent à en prononcer les éloges».
Ce but ayant germé puis fleuri au sein de l'esprit de Dong Buk avait trouvé sa phase terminale lors de cette splendide idée à souhaiter forcer les autres employés au chômage.
Ces mots furent vrais, mais présentaient quand même une part de mensonge, car il n'était pas seul, mais avec ce même collègue de travail.
La mère de l'étudiant, qui songea de plus en plus fort à désirer se séparer de ce mari ingrat et sans honte, n'était pas toute transparente non plus. Même si elle n'eut rien à voir avec cette affaire, elle semblait de jour en jour délaisser son enfant. La seule raison était qu'il puisse se forger une mentalité saine et rigide auprès de ce père qui parfois prenait un grand plaisir à humilier son fils.
Elle qui restait neutre sur les atteintes verbales insultantes de Dong Buk sur son seul enfant, elle n'intervenait que lorsque celui-ci avait décidé d'en venir aux poings.
Et un jour, elle n'effectua même plus cet effort.
Le jour des 20 ans de Jimin, en guise de cadeau d'anniversaire, ce paternel qui, même si eut reçu avec fierté les résultats de l'examen de la mort, ou autrement dit, suneung, lâcha ces mots sans aucun remords et aucune élégance.
«Sale erreur de la nature ! Tu devrais te tuer ! Tu ne mérites plus que les gens te prennent pour mon fils puisque je n'en ai plus à présent ! Tout ce qui m'est arrivé est entièrement ta faute sale enflure !»
Le jeune homme était paralysé d'entendre ces phrases, suivies par d'innombrables coups de bâtons et, à croire que cela ne lui suffisait plus de martyriser son enfant...
Il écrasa sur son cou une cigarette.
Laissant une marque à la vue de tous.
Arrivé devant la tombe de son père, Jimin déposa une fleur achetée sur le chemin, il se laissa bercer par le son de la pluie qui tapait sur les tombes avant de réciter :
– Aujourd'hui, je fais ma rentrée à l'université pour ma 3ᵉ année consécutive en LEA Anglais. Toi, tu as toujours voulu que je fasse médecin, à cause de Maman, il regarda sa montre, bon, je te laisse, je vais être en retard, je t'aime.
Il ne put pas s'empêcher d'avoir un sanglot en quittant l'endroit où reposent les morts.
Le gris imita un signe de croix avant de s'éloigner de cet endroit et commença d'actionner les jambes pour se rendre dans son université.
Une université de langues en particulier était dans le viseur de notre protagoniste pour pouvoir effectuer ses années de LEA Anglais, cette langue qui le passionnait tant. La curiosité de savoir plus en détail de nombreuses sagas de son enfance, le petit Park eut la bonne intention de chercher en anglais des informations qui n'étaient pas encore traduites dans sa langue natale. Mais, bien qu'il ne comprît rien, il était curieux de cette langue étrangère, désirant en tout savoir sur celle-ci et même, il espérait la parler. C'est pourquoi, depuis ce jour, le petit Park travaillait dur pour entrer dans cette grande école.
Après avoir pris un bus et changé de nombreuses reprises de musique sur son téléphone portable, le gris arriva devant son université. Non loin des quelques centaines d'élèves dans son champ de vision, il vit apparaître une silhouette familière.
– Hey, Yoongi ! Sortit-il en imitant un signe de main. Je suis là !
– Oh, coucou toi.
Yoongi était le meilleur ami de Jimin. Ils s'étaient rencontrés dans leurs années lycées, lorsque le plus jeune d'entre eux subissait encore les remarques désobligeantes de son paternel. Lorsque la boule de poil n'avait pas le moral, il le remarquait assez vite.
Il devrait être en 2ᵉ année, mais celui-ci avait dû repasser une année en plus. Ses notes peinaient décidément à suivre la cadence de la notation universitaire.
— Alors, comment ça va ?
— Je viens de sortir du cimetière, je lui ai un peu parlé.
– Ça va mieux ?
– On peut dire ça. Répondit Jimin avec un sourire. Et toi mon petit Yoon ?
– Toujours ce surnom dans ta bouche... Rien de spécial. D'ailleurs Chim, t'es au courant ?
– Au courant de quoi ? Répéta le gris, intrigué.
– Il y a un nouveau dans l'université.
Une affiche paraissant se satisfaire des coups de vent attira l'œil du plus jeune.
Bien que le concept de «nouveau» correspondait davantage aux classes allant des tout-petits jusque dans le secondaire, le système éducatif de l'université Han imposait aux groupes étudiants de chaque classe à rester dans la même unité de formation. Ses étudiants n'avaient pas la possibilité de changer de parcours en plein milieu de l'année et ils se devaient de la finir peu importe les événements extérieurs. Le nombre de places par formation était très restreint et une personne se plaçant dans la case dite «des populaires» pouvait mémoriser tous les visages de son année d'étude. À part les étudiants de première année, tous pouvaient deviner si une nouvelle personne s'était ajoutée dans leur liste de classe...
Et si une personne avait réussi à passer la terrible épreuve du conseil universitaire pour quitter l'établissement.
Tout en laissant passer le vent dans leurs cheveux, les deux amis se demandèrent si le nouvel arrivant possédait des facultés dans la langue de Shakespeare. L'université proposant une multiplicité de cours, beaucoup de professeurs ne s'attardaient pas à revoir les points pouvant causer des difficultés aux élèves.
– Comment as-tu su pour le nouveau ? Demanda-t-il, sentant l'affiche se rapprocher de lui.
– Les messes basses et le panneau dans le hall mon petit.
L'attention se décida à analyser chaque mot utilisé pour attiser les moindres rumeurs sur le nouvel arrivant. Les oreilles discernèrent dès à présent, les discussions que beaucoup de groupes se pressèrent à entamer.
Une brise caressa le manteau du grisé. Voyant le noir de jais s'éloigner de lui, il le salua du coin de la lucarne et le conseilla de ne pas trop se surmener durant la journée. Entendre un doux conseil provoqua un rictus se fabriquer sur les lèvres du plus vieux, lui rendant son salut. La pensée prête à reprendre le rythme de la vie universitaire, Jimin se pressa à rejoindre sa salle de classe.
Il arriva à temps. La place où la fenêtre lui tenait compagnie cessa ses activités. Le paysage défilant devant sous ses yeux l'aida à oublier la scène de son père. Même si ce n'était que temporel, regarder des pigeons se battre pour un vulgaire morceau de pain remplit son esprit afin de l'aider à se détendre. Il n'en oublia pas les vieilles habitudes et sortit ses affaires. Un workbook, un cahier contenant des notes de l'ancien semestre, une trousse et une bouteille d'eau comblèrent le vide de sa table.
L'arrivée du professeur coupa net sa rêverie.
Après un discours sur le programme du semestre, le gris soupira de soulagement. Sa classe allait revoir des points qu'ils avaient vus dans le secondaire. Comme l'année dernière, l'enseignant allait leur demander de produire un travail plus régulier et de se porter volontaire pour corriger les divers exercices. Il voudrait également qu'il y ait plus de variables sur les personnes qui participaient en cours.
Sur ce point, son air monotone fixa Jimin, notant dans son carnet tous les points qu'il venait d'énumérer.
Ensuite à son action, il ouvrit son PowerPoint qui retraçait les notions principales de l'ancien semestre.
Les minutes passèrent.
Les étudiants ayant fini de noter son cours dessinèrent dans un coin de leur cahier quelques nuages pouvant exprimer leurs émotions du moment. Un dessin mignon gribouillé dans le cahier d'une jeune rousse fit sourire le professeur. Il estima que le cours était compris et qu'il pouvait passer à la notion suivante.
Parlant de la proposition subordonnée relative avec un entrain dont certains osèrent plier des yeux vis-à-vis de sa personne, l'homme écrivit, telle une partition, des phrases à venir crocheter à l'aide de crochets pour en délimiter les propositions. Ses explications firent rouler des yeux la plupart des élèves, qui pensaient que les phrases énoncées de la voix de l'enseignant étaient absolument différentes qu'au dernier semestre. Certains même pleuraient dans leur cœur, car ils croyaient durs comme fer d'avoir compris cette notion avant que le professeur ne sorte sa formule magique d'incompréhension.
Outre son incapacité à entrevoir les nombreuses mains levées de son auditoire, le professeur était tellement focalisé dans ses propos qu'un toquement de porte le sortit de son euphorie, laissant certains élèves se moquer de lui.
– Ah ! J'ai failli oublier ! Je suppose que vous êtes au courant du nouveau dans cet établissement, il sera parmi nous jusqu'aux vacances d'été. Son signe de main parut répété. Tu peux venir.
Des mèches blondes occupèrent en un instant l'esprit de la salle de classe.
– Bonjour à tous, je m'appelle Kim Taehyung, c'est un plaisir de faire votre connaissance. Il finit sa phrase en s'inclinant.
– Pour des raisons personnelles et familiales, il a dû déménager de sa ville natale Daegu pour venir ici. Bien, tu peux t'asseoir à côté de Jimin. Jimin, tu peux lever la main ?
Levant la main, une étrange aura se saisit de son être. Il mit une main au cœur tout en lui quémandant de se calmer. L'air sembla tout à coup contenir des vapeurs toxiques, capable de réduire à néant la ville dans laquelle il vivait. Des pas rythmés par un son de chaussures de ville occupa progressivement l'esprit de la boule de poil. Furtifs, mais un sentiment de douceur avait l'air de doucement endormir sa pensée travailleuse.
Qualifier cette aura comme «sensuelle» serait comme mettre un terme définitif à cette histoire.
Toutefois, seuls ceux qui connaissaient la fin de cette intrigue avaient le droit de la qualifier de sournoise.
Alors que le cendré ancra son iris dans celle du grisé, un tourbillon de feuilles vint balayer les notes des élèves, aspirés par la force du vent. Les sens s'aiguisèrent, les premiers mots pour accaparer l'attention de ce nouveau venu devaient être sélectionnés avec soin.
~Cette envie d'échanger des banalités avec le doré déclencha le compte à rebours de sa chute immense.~