Le Palais du Voile n’avait jamais été aussi silencieux. Ses murs, autrefois majestueux, reposaient maintenant dans une immobilité inquiétante, semblable à celle de l’Empire dont il était le cœur.

Pourtant, des murmures s’échappaient de la pièce qui servait jadis à gouverner.

Les membres du Conseil étaient rassemblés autour d’une grande table gravée de symboles anciens, presque tombés dans l’oubli. Cette table était plus qu’un simple meuble. Elle respirait, pulsait d’une énergie sourde, écho du pouvoir ancien qu’elle renfermait.

Les sièges étaient occupés par des silhouettes encapuchonnées et silencieuses. Leurs visages, pourtant cachés dans l’ombre de leurs capes sombres, affichaient des masques froids et calculateurs, comme si chacun avait appris à dissimuler toute émotion. Mais, ce soir, malgré leur maîtrise apparente, une angoisse partagée flottait dans l’air.

— Le cycle touche à sa fin, dit la voix tremblante d’un vieil homme. Sa main usée tapotait la surface de la table, faisant vibrer les symboles.

— Nous avons quatre mois pour éviter le lever du Voile.

— Il nous faut organiser le Rituel, ajouta une voix féminine. Nous devons rechercher les Héritiers Potentiels qui ont été choisis, et proposer le trône.

— Le trône n’est pas un prix ! coupa un autre membre, plus sèchement. C’est un fardeau. Ceux qui le convoitent sont rarement ceux qui doivent réellement s’y asseoir.

Un silence chargé s’installa. Ce qui venait d’être dit était vrai. Nul n’osa le contredire. Le trône avait toujours été convoité par les mauvaises personnes, et il avait toujours été difficile d’y être assis. Tous les souverains auraient pu le confirmer. Mais, aussi lourd que soit le poids de la couronne, il fallait une tête pour la porter.

— Il aura lieu, reprit la voix du vieil homme, sèchement. Mais il nous manque l’essentiel.

Nul besoin de préciser quoi. Tous savaient ce qu’il manquait. Ou plutôt qui manquait.

Une voix plus douce, presque lasse, prit la parole :

— Et si les vieilles lignées n’avaient jamais cessé d’exister ?

Personne ne répondit. Mais une nouvelle tension s’insinua dans la pièce, subtilement. Il valait mieux pour tout le monde que les anciennes lignées soient mortes. 

— Des marques commencent à apparaître. Trois Maisons ont déjà leur Héritier Potentiel, reprit la voix féminine.

— Il en faut dix, répondit une voix tranchante.

— Il en faut surtout un. L’Héritier légitime est le seul espoir de ce monde. L’Oracle a parlé.

— L’Héritier légitime a disparu ! Nous devons asseoir quelqu’un sur le trône. Sinon, nous courons à notre perte !

— Si l’Héritier légitime est mort… alors nous sommes déjà perdus, murmura une voix plus jeune, brisée par la peur.

Les mots claquèrent comme une sentence inévitable.

Un craquement discret, provenant du bois ancien de la grande table, rappela la présence du temps qui passait. Le Voile se lèverait bientôt. Et, avec lui, les vérités qu’on croyait enterrées.

Quelqu’un se leva.

— Je m’occuperai des recherches. Tous les Potentiels doivent être trouvés. Sans délai.

Un hochement de tête, quasiment imperceptible, passa de capuche en capuche. Le Conseil avait parlé. Le jeu venait de commencer.

Et, dans l’ombre du palais, quelque chose s’éveilla.