Le lendemain matin, Alice se réveilla avec une sensation de calme après la journée tumultueuse d’hier. Elle s’habilla simplement et se dirigea vers un nouveau café réputé pour ses délicieuses pâtisseries, où elle avait rendez-vous avec ses trois amies : Élodie, Louise et Célia.
Le lieu, baigné par la lumière douce du matin, exhalait une ambiance accueillante avec ses tables en bois clair et son parfum de viennoiseries fraîches. Alice se détendit légèrement en entrant. Ici, loin du poids des attentes familiales, elle pouvait souffler un instant.
Les jeunes filles s'installèrent à une table près de la fenêtre. Tandis qu'elles partageaient un assortiment de petits gâteaux et des tasses de thé fumant, la conversation s’anima rapidement. Élodie, toujours vive et curieuse, évoqua une prochaine réception dans la haute société, tandis que Louise partageait des anecdotes amusantes de son dernier voyage à Paris.
Puis, sans surprise, le sujet dériva vers la journée shopping de la veille.
Célia, qui avait assisté à une partie des essayages, prit une gorgée de thé avant d’arborer un sourire malicieux.
« Alice, tu avais l'air si gracieuse hier dans certaines de ces robes. Tu ne trouves pas qu'il y avait un message caché derrière les choix de ta mère ? »
Alice, en train de couper un morceau de tartelette aux framboises, ralentit légèrement son geste.
« Un message ? » répéta-t-elle, feignant l’innocence.
Célia arqua un sourcil.
« Allons, Alice. Des robes blanches, des coupes élégantes mais… voyantes. Ce n’est pas anodin. »
Avant qu’Alice ne puisse répondre, Louise ajouta en haussant les épaules :
« Moi, je trouve que certaines étaient un peu trop… révélatrices. Mais il faut dire que tu peux tout porter avec élégance. »
« Peut-être que ta mère espère te présenter comme la reine de la soirée, » renchérit Élodie avec un rire léger.
Leurs éclats de rire se mêlèrent à l’ambiance feutrée du café, mais Alice sentait une pointe de malaise s’immiscer en elle. Elle savait que sa mère ne faisait jamais rien au hasard.
Après leur thé, les jeunes filles se séparèrent. Élodie et Louise rentrèrent chez elles, tandis qu’Alice et Célia décidèrent de prolonger la matinée par une promenade dans le parc près du lac.
Le soleil jouait sur les eaux scintillantes, et une brise légère faisait danser les feuilles des arbres. Alice inspira profondément, profitant de cette rare sensation de liberté. Mais Célia, marchant à ses côtés, semblait pensive.
« Alice, as-tu entendu parler des Falkner ? »
Alice haussa un sourcil.
« La famille Falkner ? Pas vraiment. Pourquoi cette question ? »
Célia hésita un instant, comme si elle pesait ses mots.
« Eh bien… on dit qu'ils ont une influence considérable dans les milieux politiques et culturels. Mais dernièrement, il semble qu'ils soient au cœur de nouvelles intrigues. »
Alice fronça légèrement les sourcils.
« Et en quoi cela me concerne-t-il ? »
Célia fit mine de s’intéresser aux reflets du soleil sur l’eau.
« Je me demande si leur présence à ton anniversaire n’est pas déjà confirmée. »
Alice sentit un frisson parcourir sa colonne vertébrale.
« Célia… » commença-t-elle, avant de s’interrompre.
Son amie lui lança un regard amusé, mais Alice pouvait déceler autre chose dans son expression… Comme si elle savait quelque chose qu’elle-même ignorait encore.
« Je suis impatiente de te voir dans ta tenue pour ton anniversaire. Tu seras le centre de l'attention, c'est sûr, » poursuivit Célia avec une fausse insouciance.
Elle marqua une pause, puis ajouta d’un ton légèrement taquin :
« Peut-être même que certaines personnes, disons… des Falkner, remarqueront enfin à quel point tu es éblouissante. »
Alice se figea légèrement avant de répondre d’un ton mesuré :
« Célia, qu’est-ce que tu insinues exactement ? »
Son amie rougit légèrement, détournant le regard.
« Oh, rien de spécial, » répondit-elle rapidement, avant de se trahir : « Je veux dire… le fils Falkner est tellement fascinant, tu ne trouves pas ? »
Alice l’observa un instant, essayant de deviner où elle voulait en venir.
« Tu l’aimes bien, n’est-ce pas ? » devina-t-elle, un sourire léger aux lèvres.
Célia esquissa un sourire gêné.
« D’accord, tu as gagné. Je crois que je suis amoureuse de lui. »
Alice rit doucement, mais quelque chose dans l’attitude de Célia laissa une étrange impression.
« Tu sais, reprit Alice en soupirant, je ne pense même pas que mes parents envisagent quelque chose d’aussi extrême que me marier à mes dix huit ans. J’ai l’impression qu’ils veulent surtout organiser une réception grandiose. »
Mais alors qu’elle prononçait ces mots, une autre pensée s’imposa à elle. Sa mère n’était pas du genre à faire les choses à moitié. Ce bal… que représentait-il réellement pour elle ?
Célia haussa les épaules.
« Peut-être. Mais les Falkner sont ambitieux. Et parfois, les alliances se forment bien avant qu’on ne les envisage. »
Alice voulut répondre, mais un frisson d’incertitude la fit taire.
En rentrant chez elle, Alice se sentait troublée. Le grand hall du manoir lui sembla plus imposant qu’à l’accoutumée. Comme si les murs eux-mêmes renfermaient des secrets qu’elle n’était pas censée entendre.
Alors qu’elle montait les escaliers, une servante l’intercepta avec une légère révérence.
« Mlle Alice, votre mère souhaite vous voir dans le salon. Elle a insisté pour que vous la rejoigniez dès votre retour. »
Alice réprima un soupir et se dirigea lentement vers le salon, où Mme Vauclair l’attendait, assise dans son fauteuil préféré.
« Alice, ma chère, j’espère que ta matinée a été agréable ? » demanda-t-elle d’une voix calme.
Alice prit une tasse de thé, tentant de masquer son malaise.
« Oui, très agréable, merci. Je suis allée me promener avec Célia près du lac. »
Mme Vauclair hocha la tête.
« Très bien. Mais je souhaitais discuter des préparatifs de ton anniversaire. Tout doit être parfait. »
Elle laissa un silence pesant s’installer avant d’ajouter :
« Nous pourrions revoir la disposition des tables et le choix des fleurs. J’hésite entre des pivoines et des roses blanches. As-tu une préférence ? »
Alice sentit une boule se former dans son estomac.
« Les pivoines et les roses sont très belles. »
Mme Vauclair la scruta, comme si elle s’assurait de quelque chose.
« Bien. Demain midi, nous irons chez le traiteur pour finaliser le menu. Je compte sur toi. »
Alice hocha la tête.
Mais une certitude s’imposa à elle. Ce bal cachait autre chose. Et elle allait devoir le découvrir avant qu’il ne soit trop tard.