Un silence pesant envahit la pièce alors que M. Montbrun, d'un geste tremblant, repliait la lettre. Son regard était empli d’une inquiétude qu’il ne parvenait plus à dissimuler. Les Vauclair et les Falkner, visiblement bouleversés, se tenaient là, sous le poids de l’horreur qui les accablait. La rançon était exorbitante, mais les menaces plus que claires. Si la somme n'était pas versée, ils risquaient de perdre leurs filles.
« Il faut agir immédiatement, » dit M. Montbrun d'une voix qui tremblait d'émotion, bien qu’il cherchât à maintenir son autorité. « Je vais organiser l'argent, mais il faut que tout le monde reste calme et suive mes instructions. Aucun faux pas, sinon nous ne reverrons jamais Alice et Camille. »
Les Vauclair se regardèrent, leurs yeux remplis de larmes non versées, mais ils acquiescèrent. Le temps semblait se suspendre, les murs du manoir résonnant d’une tension extrême. Mme Vauclair, les mains crispées sur son corsage, s’avança vers M. Montbrun.
« Nous devons prévenir les autorités, » dit-elle d’une voix brisée. « Nous ne pouvons pas agir seuls, ils ne nous épargneront pas. »
Mais M. Montbrun secoua la tête avec une fermeté glaciale.
« Non, il est trop risqué. Si nous impliquons la police, cela pourrait empirer la situation. Nous devons garder cela entre nous, et seulement entre nous. Les ravisseurs sont très clairs dans leurs menaces. Ils observent chaque mouvement. »
M. Falkner, l’air sombre, intervint à son tour :
« Alors nous devons préparer tout cela dans l’ombre. Tout doit se passer vite et sans laisser de traces. Nous ne pouvons pas nous permettre d'échouer. »
La tension était à son comble, chacun sentant le poids du moment. Le groupe se divisa en silence pour se mettre en action, mais une question persistait dans l’esprit de tous : qui avait bien pu orchestrer une telle abomination ?
Pendant que les adultes discutaient, Emma, dans sa chambre, était encore secouée par l’inquiétude de la disparition de sa sœur et de Camille. Sa nounou, voyant son agitation, tenta de la rassurer, mais la peur était trop forte pour que la jeune demoiselle trouve le moindre réconfort.
Les minutes s'égrenaient et, malgré tous les efforts pour rester calmes, chacun ressentait que leur monde s’effondrait peu à peu. Finalement, la décision fut prise. La rançon, la somme colossale demandée, fut laissée à l'endroit spécifié : la forêt de Valmont, près de l'ancien moulin.
Les ravisseurs avaient récupéré l'argent exactement trente minutes après que la rançon eut été déposée. Cachés à distance, M. Vauclair et M. Montbrun retenaient leur souffle. Le bruissement des feuilles leur semblait un murmure menaçant, et le silence pesant était pire qu’un cri. Quand enfin une silhouette s’approcha du sac, le temps sembla s’arrêter. Les ravisseurs scrutèrent les environs avant de s’approcher du sac contenant la somme colossale. Une fois l'argent en leur possession, ils disparurent dans l’ombre des arbres.
Soudain, la porte de la cabane s’ouvrit brusquement, et plusieurs hommes masqués entrèrent. Leurs silhouettes étaient menaçantes dans la faible lumière de la pièce. L’un d’eux s’avança vers Célia, ses yeux scrutant son visage avec une intensité glaciale.
« Ton père a payé, » annonça-t-il d’une voix détachée.
Un des hommes la scruta avec attention. « Tu sais ce qui t’attend si tu nous trahis, n’est-ce pas ? »
Célia détourna légèrement le regard avant de répondre d’une voix mesurée. « Je connais les règles. »
Après un échange bref mais intense, l’un des hommes s’approcha et trancha les liens de Célia. Elle se leva, réajusta sa robe, puis se tourna vers Alice.
« Je dois y aller maintenant, » dit-elle simplement.
Alice, abasourdie, sentit son cœur se briser. « Célia ? Tu ne peux pas me laisser ici ! »
Célia détourna le regard, évitant les yeux pleins de désespoir de son amie. « Fais-moi confiance, Alice. Tout ira bien. »
Elle sortit, laissant Alice seule avec ses ravisseurs.
« Célia ! » hurla-t-elle une dernière fois, sa voix brisée par la détresse. « Ne pars pas ! Célia, s’il te plaît ! »
Célia ferma les yeux un instant, puis s’échappa en courant, feignant une terreur insurmontable. Chaque pas la rapprochait de la liberté, mais aussi de la vérité qu'elle devait cacher à tout prix. Elle ne se retourna pas. Elle ne devait pas.
Lorsqu’elle atteignit enfin la calèche qui l’attendait, elle s’engouffra à l’intérieur et se laissa tomber sur le siège, épuisée. Un léger sourire se dessina sur ses lèvres, presque imperceptible. Tout se passait comme prévu, pensa-t-elle en silence. Le meilleur restait à venir pour Alice, car tout se déroulait exactement comme elle l’avait prévu. Le plan était en marche, et dès que tout serait terminé, Alice serait libre. Célia obtiendrait enfin ce qu’elle désirait : la liberté qu’elle avait longtemps attendue.
La comédie n’était pas terminée. Pas encore.