J'arrive chez Pam et me gare près de l'allée. Je prends mon sac et je sort de la voiture.
Pamela habite seule, elle paye seule son appartement car ses parents ont coupé les ponts en apprenant sa bisexualité.
Des enfants du ciel, ils ne tolèrent aucun dérapage.
Je m'approche de sa petite demeure et donne trois légers coups à la porte. Celle-ci s'ouvre après quelques secondes pour dévoiler une belle afro aux yeux d'un marron envoûtant et d'une épaisse chevelure tombant jusqu'aux épaules. Quand elle me voit, un sourire étire ses lèvres, dévoilant ses petits diamants qui ornent ses dents.
-Que me vaut l'honneur de cette visite ?
Elle libère le passage pour me faire entrer.
-Desolé de l'intrusion, il fallait que je sorte de chez moi.
Pamela habite dans un studio où la cuisine fait office de chambre et de salon.
Je balance mon sac sur son lit et m'y couche.
-Une dispute avec ton paternel ?
Elle s'assoit près de moi et détaille.
-Non, juste une envie de partir.
Un silence s'ensuit, durant lequel Pamela se couche et observe le plafond en bois.
-J'ai rompu avec Julianna.
Surprise, je me lève brusquement et la dévisage, les yeux ronds.
-Quoi ? Je hurle, la faisant grimacer. Mais pourquoi ?
-Elle ne veut pas d'une prostituée. Pour elle c'est comme si je la trompe.
-Tu ne lui as pas dit que tu n'avais pas d'autres options ?
-Si, mais elle n'a pas voulu comprendre. Du coup...
-Tu vas enfin sortir avec Rodrigue.
Elle me donne une légère tape sur l'épaule, me faisant rire.
-Même dans mes cauchemars jamais de la vie.
Après de longues minutes à échanger, Pamela se lève et se dirige dans la salle de bain.
J'en profite pour envoyer un message à mon père.
De Nicha"Papa je suis arrivé chez maman. Passez un bon week-end".
Bien sûr mentir n'est pas bien mais bon.
Pamela revient quelques minutes plus tard vêtue d'un cycliste et d'un maillot des Chicago Bulls.
-Tu pars quelque part?
-Oui. Répondit-elle en enfilant ses baskets. À la boîte. Je dois récupérer mon salaire.
-Si tôt ?
-Contrairement à toi, je n'ai personne pour payer la bouffe et le loyer.
Je ne réponds pas et elle finit de se chausser.
-Tu viens ?
-Je suis venu pour passer du temps avec toi alors...
Je me lève et suis mon amie, qui m'arrache les clés des mains.
-C'est moi qui conduit. Déclare-t-elle en se précipitant vers ma voiture.
Je me rapproche de la bagnole et m'y enfonce.
Quelques minutes plus tard.
La voiture s'arrête près d'une ruelle presque désertique. Les seuls bâtiments qui la décorent sont des bars et des boîtes de nuit, dont Zelight, le plus populaire de tout Manhattan, mais également le lieu où je travaille avec Pamela.
Nous sortons du véhicule et après un bref coup d'œil, nous pénétrons dans le bâtiment. Nous traversons un couloir et arrivons devant une grande porte en fer. Pamela donne trois coups qui résonnent comme des coups de massue.
Une voix masculine retentit de l'autre côté.
-Mot de passe.
-C'est Pamela ouvre cette porte.
-Mot de passe. Insiste la voix de l'autre côté.
-T'es sérieux Rodrigue ?
Mais il ne répond. Pamela soupire et je sourie déjà, connaissant ce qui va sortir de sa bouche.
-Caleçon vert.
Aussitôt, un déclic retentit et la porte s'ouvre, laissant sa place à Rodrigue, un sourire satisfait sur les lèvres.
-Mot de passe à la con. Grogne t-elle en le bousculant.
J'entre à mon tour et offre un léger sourire à Rodrigue.
-Quand est-ce que tu lui diras le vrai mot de passe ?
-Quand elle sortira enfin avec moi.
Je secoue la tête, dépassée par son comportement puéril et suis Pam, qui se dirige vers le bureau de Carlos, notre employeur.
-Reste ici. Me lance-t-elle alors que je m'apprête à monter la première marche.
-Pour que je fasse quoi toute seule ?
Elle pointe du doigt quelque chose derrière moi, et la suivant, je me retourne et remarque un groupe de personnes. Seulement des hommes.
-jamais. Je rétorque, connaissant déjà son sous-entendu.
Elle hausse simplement les épaules et disparaît de mon champ de vision.
-Genial. Je murmure pour moi même.
je prends dans l'initiative de me servir une boisson dans le bar. Je marche en direction de celui-ci, et chaque pas que je fais me rapproche de la table des trois individus qui lèvent un à un leur regard vers moi. Je regarde devant moi, étouffant la soudaine envie de les observer. Je passe près de leur table et ils se taisent tous. À ce moment je remercie les larges vêtements que je porte.
On n'est jamais trop prudent.
J'arrive finalement près du bar et choisi parmi les nombreuses boissons un soda à la pêche que je décapsule. Je me tourne ensuite vers les trois individus qui n'ont pas cessé de me dévisager et lève légèrement la canette en affichant un léger sourire en coin, avant de la porter à mes lèvres.
Pas le meilleur goût mais bon...
Au bout de quelques secondes, les regards se détachent de moi et ils reprennent leur conversation. Mon regard se balade dans la boîte vide. Du moins presque. J'adore la voir dans cet état, l'air passe agréablement bien, elle sent bon, et surtout elle est propre. Mais à partir de 20 h, cet endroit magnifique devient un enfer, avec la musique qui résonne de partout et agresse les oreilles, les mélanges de sueur des habitués se mouvant sur la piste de danse, l'odeur du tabac et la chaleur extrême. Elle bouillonne d'accros au sexe.
Quelques minutes plus tard Pamela descend, suivi de très près par Carlos qui au fur et à mesure qu'il s'avance, je remarque qu'il a un énorme œil au beurre noir. Je franchis les sourcils.
Lorsqu'il remarque que je le regarde un peu trop, il fronce également les sourcils et détourne le regard. Carlos s'arrête devant la table des trois inconnus tandis que Pamela continue de s'avancer vers moi. Elle me contourne pour prendre une canette de soda et vient se placer près de moi.
-Alors ? Je lui demande.
-je ne suis même pas entrée dans son bureau.
J'arque un sourcil.
-Pourquoi ?
-il discutait avec un mec, et devine quoi ?
Je réfléchis quelques secondes, à toutes les éventualités possibles, mais n'ayant rien en tête, j'abandonne.
-Je donne ma langue au chat.
-Carlos n'est pas le gérant de la boîte.
-Qu'est-ce que tu me racontes ?
Carlos ne peut pas ne pas être le patron de cette boîte, il a toujours tout géré, des factures d'électricité aux salaires des employés. Elle doit sûrement se tromper.
-Je t'assure. Je m'apprêtais à entrer dans son bureau quand je l'ai entendu parler à quelqu'un. Je n'ai pas très bien compris ce qu'ils se disaient mais l'homme à qui il parlait lui a carrément fait comprendre qu'il n'hésiterait pas à le renvoyer et apporter sa tête à sa famille.
Je grimace en attendant la fin de son discours. Comment un homme peut-il proférer de telles menaces à l'encontre de quelqu'un ? Cette question est rapidement remplacée par une autre que je m'empresse de poser.
-Et pour son œil ?
-Il l'a frappé...enfin je suppose. J'ai entendu un bruit sourd suivi d'un gémissement. Je ne crois pas qu'ils étaient en pleine partie de baise alors...
Je roule des yeux face à son commentaire.
Je n'arrive tout de même pas à y croire, Carlos n'est pas le patron de la boîte. Bien sûr, il reste le nôtre, puisqu'il est plus haut gradé, mais je ne savais pas qu'il y avait plus haut.
Je me demande bien à quoi il peut ressembler. Un homme tellement blanc qu'on dirait un vampire, un crâne presque dégarni, des dents d'une blancheur propre et surtout, un ventre rond. La description typique d'un proxénète.
-Tu as pu voir à quoi il ressemble ?
-Pourquoi ?
-Je suis juste curieuse c'est tout.
Pamela se met à réfléchir avant de me répondre.
-il avait l'air plutôt jeune, vraiment jeune, ses cheveux sont noirs, et il a une cicatrice sur la joue.
Elle s'arrête de parler et réfléchit à ma plus grande impatience.
-Oh, il a un tatouage de squelette sur sa main gauche. C'est tout ce que j'ai pu voir.
Je suis surprise, ce n'est pas la description à laquelle je pensais. Un homme jeune ne peut pas posséder un tel endroit à moins qu'il fasse dans des trucs louches...ou qu'il soit juste extrêmement riche.
Pamela et moi sortons de la boîte programmant notre retour pour 21 h.
...A 21 heures.
Nous venons d'arriver dans la boîte. Depuis l'intérieur, le bruit de la musique percute déjà mes oreilles. Nous prenons l'entrée réservée au personnel et pénétrons dans le bâtiment. La musique est à son comble, les jeux de lumière tantôt bleu tantôt rouge agressent violemment mes yeux. Surtout, la pièce est remplie d'hommes et de femmes se mouvant sur la piste en applaudissant mes collègues qui offrent une merveilleuse prestance sur le podium en petite tenue. Ça empeste la sueur et la tension sexuelle.
Pamela me parle mais je n'entends rien à cause de la musique. Je rapproche mon oreille de ses lèvres pour comprendre.
-Mon client m'attend déjà, j'y vais.
Ne voulant pas crier à mon tour, je hoche simplement la tête et elle s'éloigne de moi. Mon regard se balade dans la pièce, cherchant ce que je peux faire en attendant l'heure fatidique.
Il s'arrête à l'étage supérieur ou quelques clients sont installés dans le coin VIP mais également où se situe le bureau de Carlos.
Je me dirige vers les escaliers en me faufilant entre les nombreuses personnes. Près de ceux-ci, une main se pose sur ma hanche et me tire vers l'arrière. Je me retrouve collé à un torse sans que je ne puisse réagir. Je retire violemment la main de mon corps et me tourne, les sourcils froncés.
On me touche pendant mon service, pas avant ni après.
-Qu'est ce que tu me veux ? Je hurle pour me faire entendre.
L'homme qui se tient face à moi a un teint bronzé, des cheveux bruns bouclés tombant jusqu'aux épaules, des yeux marrons, et une corpulence assez athlétique.
-viens t'amuser avec moi...
Et il pue l'alcool et la cigarette.
-Merci, mais non merci. Je ne suis pas venu m'amuser.
Je m'apprête à me retourner, mais l'homme me prend par la taille et me colle de nouveau à son torse.
-Allez, juste une partie. Insiste-t-il
-j'ai dit non, en plus tu pues l'alcool à des kilomètres.
Je tente de me débattre en vain. Il est plus fort que moi surtout que je suis assez mince.
Je vais finir par le tuer.
-Tu as déjà vu une soirée sans alcool ?
-Et toi une partie de sexe sans engin ?
Il fronce les sourcils visiblement heurter par ma réplique. Il retire sa main de mes hanches, et avant de partir il me lance :
-De toute façon je ne perds pas mon temps avec les putes.
Je soupire avant de monter les escaliers.
Le salon VIP est presque rempli, ici seuls des hommes en costume et des femmes chics peuvent y avoir accès. Ils se vantent de leurs richesses alors que ce ne sont que des salopes qui trompent ceux qui partagent leur vie.
Je traverse l'endroit sous le regard de quelques uns. Le bureau de Carlos se trouve au fond, à mon plus grand agacement.
J'entre dans la pièce sans toquer, et le trouve assis derrière son bureau.
-Carlos qui n'est pas en train de se faire sucer ? Une première.
Il lève son regard vers moi et me toise alors que moi je détaille son œil au beurre noir.
Ça ne sert à rien de demander, il ne répondra pas.
-je t'ai déjà demandé de frapper avant d'entrer.
-Et moi de ne pas doubler mon travail mais bon. On a pas tout ce qu'on souhaite non ?
Il roule des yeux et me demande de m'asseoir sur une chaise. Je m'exécute.
La musique est condensée dans cette pièce, la seule chose que j'entends bien est le boom incessant qui martèle au même rythme que mon cœur.
-Parle moi de ce client puissant.
Carlos se racle la gorge et s'adosse sur son fauteuil, le faisant légèrement basculer.
-il s'agit de Caz Fletcher, un homme extrêmement fortuné et puissant.
-Ça je l'avais déjà compris.
-Je ne sais pas grand-chose sur lui à part qu'il possède une multitude de bars à travers le pays est même au-delà.
Waouh quel renseignement haut de gamme.
-Tu comprends bien qu'il lui faut la meilleure des toutes les prostituées.
-Et c'est moi que tu choisis ? Je te rappelle que je ne fais quasiment rien.
Je soupire et me calle sur le dossier de la chaise.
Je déteste ça, qu'ils trouvent tous que le corps de la femme n'est qu' objet de plaisir.
Je les déteste tous pour ça,
Je déteste être aimé pour mon corps.
-Tu devrais aller te préparer, et surtout ne me déçois pas.
En soupirant, je me lève et sors de son bureau sans un regard en arrière, me sentant déjà sale alors que je n'ai encore rien fait.