Peu à peu, les premières lueurs du soleil filtrent ma chambre, quelques doux rayons se posant timidement sur mon visage.

  Je n'ai pas fermé l'oeil de la nuit, je me sens mal...

  Mon corps n'a pas souffert, il s'est habitué à la douleur. Mon âme en revanche, ne peut pas en dire autant. Elle se sent mal, souillée. mise à nue. De toute les façons je le suis déjà, depuis près de 5 ans. C'est ça que je fais: me mettre à poil, devant des hommes. Leur donner du plaisir en leur laissant l'opportunité de me prendre, comme un objet de plaisir. Entendre leurs gémissements qui agressent mes oreilles, en échange de quelques billets. Voilà ce qui fait mes soirées.

  Et je me sens mal...

  ...Et mes parents n'en savent rien.

  Poussant un soupire las, je me levai lentement du lit et attrapai mon téléphone sur la table de chevet.

6h30

  Je quitte ma chambre et marche jusqu'à la salle de bain à l'autre bout du couloir. La maison est silencieuse, tout le monde dort encore.

  Dans la pièce, mon regard se pose comme un automatisme sur le miroir, me renvoyant un splendide reflet de mon visage. 

  Celui-ci est blanchi par le fond de teint, mes yeux sont tracés au crayon fin, faisant ressortir mes yeux d'un noir propre. Mes lèvres, couvertes d'un rouge éclatant, font ressortir mon teint.

  La veille en rentrant, je n'ai pas pris la peine de me démaquiller, ni même de me laver. Je me suis juste emmitouflé dans mes draps, dans l'espoir de me reposer de cette soirée. 

  C'était une mauvaise idée.

  J'ai passé le reste de la nuit à faire un Replay sur ce moment.

  Ses mains sur mes hanches, ses lèvres sur ma poitrine, son engin en moi.

  Je suis sale.

  Le bruit d'une porte se refermant me fait sortir de mes pensées. Avec un énième soupir, je me déshabille et m'enfonce sous la douche. Les gouttes d'eau qui sortent du jet s'éclatent sur ma peau et glissent sur celle-ci en formant des sillons, avant de finir leurs courses sur le carrelage gris.

  Mes yeux se ferment, et je colle mon front sur le mur, profitant de ce petit instant de purification. L'eau qui disparaît dans la petite bouche d'évacuation part avec la saleté de leurs corps sur le mien, mes péchés.

  Ma douche terminée, je me sèche et m'habille de vêtements propres, en occurrence de très large pour camoufler les suçons que j'ai aperçu sur ma peau. 

  Avant de sortir, mon regard se repose sur le miroir. Plus de femme fatale, juste une jeune Thaïlandaise au visage un peu trop enfantin pour être soupçonné d'immondices. 

  Je descends une à une les marches et traverse le petit couloir qui mène à la cuisine. Je trouve mon père, dos à moi, préparant le petit déjeuner. Je m'assois sur la chaise haute et le regarde tranquillement avant de prendre la parole.

-Bonjour papa.

  Le concerné se retourne, et lorsque ses iris croisent les miennes, un sourire étire ses lèvres. Il s'approche de moi, un verre de lait à la main et le dépose devant moi. Il porte ses lèvres sur mon front pour me faire un bisou et instinctivement je ferme les yeux pour en profiter.

-Bonjour ma puce. Bien dormi ?

-Oui.

  Faillait-il préciser qu'il s'agit d'un mensonge ?

  Toujours ce sourire accroché à ses lèvres, il repart près de la paillasse pour continuer sa préparation. Moi, je porte le verre à mes lèvres et déverse le liquide laiteux dans ma bouche.

-Comment était ta soirée ?

  Je manque de m'étouffer en entendant sa question mais je me calme aussitôt.  

  C'était à prévoir pourtant.

-Quelle soirée ?

  Il se retourne, ses iris brillent d'une lueur d'amusement. Je fronce les sourcils.

-Je t'ai entendu rentrer vers 2 heures. Tu n'es pas très discrète tu sais ?

  Je voulus répliquer, mais avant que je ne puisse le faire, une autre voix me devança.

-Chéri laisse là, elle est une adulte.

  Mon beau-père s'approche de mon père et lui offre un léger baisé sur les lèvres. Je détourne le regard, gêné.

  Je ne suis pas homophobe je tiens à le dire. D'ailleurs ma meilleure amie est bisexuelle. C'est juste que j'ai encore du mal à me faire à l'idée que mon père fasse partie de cette communauté, qu'il ait quitté ma mère pour se mettre en couple avec un autre homme, et par dessus tout, j'ai encore du mal à me faire aux gémissements qui émanent de leur chambre quand je passe.

  Mon beau-père, Xavier Kovich, s'approche de moi et pose ses mains sur mes les épaules.

-Profite de ta jeunesse.

  Je hoche simplement la tête et le regarde se rediriger vers mon père pour lui conter une nouvelle anecdote sur son travail. Je me contente de les observer, un air pensif accroché au visage.

  Depuis qu'ils sont ensemble, mon père sourit plus, il semble plus heureux. Quand il était encore avec ma mère, ils passaient la majeure partie de leur journée à se disputer, au point de renverser la maison. Ils parlaient souvent de divorce, sans toutefois passer le cap. Mais quand mon père a trouvé la force de faire son coming-out, -Devant toute la famille- ils ont officialisé leur divorce, et ma mère a obtenu la garde de mon petit frère, Leo Boon-Nam.

  J'en avais longtemps voulu à mon père, de m'avoir séparé de lui. C'est à cause de ça que j'ai commencé à me prostituer. Je n'étais pas encore majeure et j'avais besoin d'argent pour partir loin d'ici, et surtout, je voulais qu'il ait honte de moi comme moi de lui. Mais j'ai vite compris que ça ne servait à rien.

  D'un revers de la main, je chasse ce mauvais souvenir et me lève. 

-Je m'en vais chez maman ce week-end. 

  Les deux amants se tournent vers moi, et je remarque presque aussitôt les sourcils froncés de mon père.

-C'est n'est pas la semaine prochaine que tu es censé y aller ?

-Si, mais j'ai envie de voir Boon-Nam junior.

  Mon père semble réticent, mais Xavier pose une main sur son épaule.

-Anan, si elle veut voir son frère laisse là y aller.

  Il pousse un soupir et hoche simplement la tête. Je le remercie rapidement et quitte la cuisine pour me réfugier dans le salon.

  Je me pose tranquillement sur le pouffe et je mets une série, attendant la bonne heure pour partir.

  À 8h, je me lève et le dirige vers ma chambre pour faire mon sac. Je ne prends que quelques vêtements et les range dans mon sac. Je mets les chaussures, j'attache mes cheveux en un chignon négligé et une fois prête, je descends au salon où mes parents se trouvent.

  Je saisis mes clés de voiture sur l'étagère à l'entrée de la pièce et leur lance:

-J'y vais . À lundi.

-Maintenant ? Me demande papa.

-Oui, je vais faire un détour chez une amie.

  N'attendant pas de réponse, je me dirige vers la porte et sors de la maison. Je me dirige vers ma Kia et m'engouffre dans celle-ci en balançant mon sac à l'arrière.

  Je démarre et sort du parking, prenant la route de chez Pamela.

  Je n'ai pas l'intention de me rendre chez ma mère. J'ai juste besoin de sortir de cette maison et changer d'air. Et je n'ai nulle part où aller à part chez elle.

  En chemin, mon téléphone se mit à sonner. Je le sors de ma poche et râle en voyant le nom qui s'affiche à l'écran.

  Boss.

Après la quatrième tonalité, je décroche.

-Al...

-J'ai besoin de toi à 22h.

  Mais ça va pas non ?

-Non.

-Nicha, je ne t'ai pas demandé ton avis.

-Non. Répétai-je. J'ai travaillé hier, en plus j'ai eu un client en plus. Aujourd'hui c'est mon jour de repos.

-C'est un homme riche et puissant, j'ai besoin de la meilleure pour lui.

  Ce n'est pas avec ça que tu vas me flatter.

-S'il a besoin de moi qu'il vienne, mais dans deux jours.

-J'augmenterai ton salaire. Insista t'il.

-Je n'en ai pas besoin, ce que j'ai  me suffit amplement.

  Il soupire, visiblement agacé par mon comportement. Il se racle la gorge avant de reprendre la parole.

-Nicha, ne me pousse pas à le faire...

  Le ton de sa voix, pourtant calme, fait ressortir des menaces que seuls nous avons la réelle compréhension. C'est pour cette raison qu'une envie de balancer mon téléphone me prend, mais je me retiens.

-Ce soir à 22h. Répétai-je comme une confirmation.

  Il raccroche et je balance mon téléphone sur le siège passager.

-Imbécile, connard, saleté... puceau