Loading...
Link copied
Loading...
Loading...
Mark all as read
You have no notification
Original
Fanfiction
Trending tags

Log In

or
@
Lilas
Share the book

CHAPITRE 4 : LE CONTRAT

 CHAPITRE 4 : LE CONTRAT

La berline noire glissait dans la nuit new-yorkaise, isolant Élisa du chaos urbain dans un cocon de luxe feutré. Les vitres teintées créaient une barrière entre elle et le monde extérieur, renforçant cette sensation étrange d'avoir franchi un seuil invisible vers un univers parallèle – celui d'Alexander Drake.

La mallette en cuir noir reposait sur ses genoux, sa présence presque vivante, comme un objet doté d'une conscience propre. Élisa fixa la combinaison inscrite sur le post-it, hésitant encore quelques secondes avant de faire tourner les molettes.

Le mécanisme s'ouvrit avec un cliquetis satisfaisant.

À l'intérieur, parfaitement organisés, se trouvaient plusieurs dossiers étiquetés "Nexus Technologies – Confidentiel". Une clé USB noir mat était fixée dans un compartiment dédié, accompagnée d'une note manuscrite : "Données sensibles. Terminal sécurisé uniquement."

Mais ce qui attira immédiatement son attention fut une enveloppe ivoire placée au-dessus des dossiers, portant simplement son nom écrit à la main. L'écriture était la même que sur le post-it – anguleuse, assurée, indiscutablement masculine.

Elle ouvrit l'enveloppe et en sortit une simple carte.

"Le jeu commence. Impressionnez-moi. - AD"

Élisa sentit un frisson parcourir sa nuque. Ce n'était pas le ton habituel d'une communication professionnelle entre un PDG et une analyste junior. L'ambiguïté était délibérée, presque provocante.

"Où me conduisez-vous?" demanda-t-elle au chauffeur, réalisant soudain qu'elle n'avait pas précisé son adresse.

"À votre appartement, Mademoiselle Moreau," répondit-il sans détourner le regard de la route. "63 Clinton Street, Lower East Side, n'est-ce pas?"

Élisa se raidit. Comment connaissait-il son adresse? La question était rhétorique – Drake, évidemment. Il semblait avoir accès à chaque détail de sa vie avec une facilité déconcertante.

"C'est exact," confirma-t-elle, mal à l'aise.

Elle commença à parcourir les documents, découvrant rapidement que le dossier Nexus était bien plus complexe que ce que Drake avait laissé entendre. La startup d'intelligence artificielle n'était pas simplement une cible d'acquisition – elle représentait une pièce centrale dans un échiquier commercial bien plus vaste.

Nexus avait développé un algorithme de prédiction comportementale d'une précision sans précédent. Officiellement utilisé pour l'optimisation de campagnes marketing, l'algorithme avait des applications potentielles bien plus étendues – et bien plus troublantes. Certains gouvernements s'y intéressaient pour la surveillance de masse. Des fonds d'investissement le convoitaient pour prévoir les mouvements boursiers.

Et BlackTower voulait l'acquérir discrètement, avant que sa véritable valeur ne soit comprise par le marché.

"Nous arrivons, Mademoiselle," annonça le chauffeur alors que la voiture s'arrêtait devant son immeuble.

"Merci," répondit-elle distraitement, encore plongée dans les documents.

"Je passerai vous prendre demain à 7h30," ajouta-t-il. "Instructions de Monsieur Drake."

Là encore, son emploi du temps semblait déjà planifié sans qu'elle ait eu son mot à dire. Élisa acquiesça néanmoins et descendit de la voiture, la mallette fermement serrée contre elle.

Son appartement lui parut étrangement étranger ce soir-là, comme si elle revenait d'un long voyage plutôt que d'une simple journée de travail. C'était un espace modeste mais soigneusement décoré, qui reflétait ses goûts minimalistes et son budget serré d'étudiante récemment diplômée. Des meubles fonctionnels, quelques œuvres d'art achetées à des artistes de rue, des étagères croulant sous les livres – son véritable luxe.

Elle déposa la mallette sur sa table à manger et étala méthodiquement les documents. Une tasse de thé fort à la main, elle plongea dans l'analyse des données Nexus, prenant des notes détaillées sur son carnet personnel.

Les heures s'écoulèrent sans qu'elle s'en rende compte. Le dossier était fascinant, révélant un niveau de planification stratégique qu'elle n'avait jamais rencontré auparavant, même dans ses études de cas les plus complexes à Columbia. Derrière l'acquisition potentielle se cachait une vision à long terme vertigineuse – comment utiliser cette technologie pour transformer BlackTower d'une simple entreprise de marketing en un acteur dominant de l'économie comportementale mondiale.

Vers 3h du matin, alors qu'elle finalisait ses notes, son téléphone vibra.

"Toujours éveillée, je présume. - AD"

Élisa fixa l'écran, stupéfaite. Comment savait-il qu'elle était encore debout? Avait-il vraiment installé une surveillance dans son appartement, comme Zoey l'avait sous-entendu? Non, c'était probablement une supposition éduquée – il lui avait donné assez de travail pour justifier une nuit blanche.

Après une brève hésitation, elle répondit:

"L'analyse Nexus est fascinante. Particulièrement les implications de l'algorithme S7 pour le repositionnement stratégique de BlackTower."

La réponse fut presque immédiate:

"Impressionnant. La plupart ne voient que l'aspect financier, pas le potentiel transformationnel. Reposez-vous maintenant. Demain sera intense. - AD"

Ce message, bien que formellement professionnel, contenait une intimité implicite qui la troubla. L'idée qu'Alexander Drake pensait à elle à trois heures du matin, qu'il attendait sa réponse, créait une étrange proximité virtuelle.

Élisa rangea soigneusement les documents dans la mallette et la plaça dans sa penderie, derrière une pile de pulls. Même si l'idée d'être surveillée lui semblait paranoïaque, la prudence s'imposait avec des informations aussi sensibles.

Malgré l'heure tardive, le sommeil fut difficile à trouver. Son esprit oscillait entre excitation professionnelle face à cette opportunité extraordinaire et une inquiétude diffuse concernant les angles morts potentiels de cette proposition. Et, plus troublant encore, elle ne pouvait ignorer cette tension sous-jacente, cette électricité qui semblait charger chaque interaction avec Drake, même par messages interposés.

***

Le lendemain matin, à 7h30 précises, la même berline noire l'attendait en bas de son immeuble. Élisa avait choisi avec soin sa tenue pour la présentation à NovaCure – un tailleur-pantalon bleu nuit qui lui conférait une allure professionnelle sans être austère, des escarpins à talons modérés mais élégants, et un maquillage soigné qui masquait les traces de sa courte nuit.

La mallette noire reposait sur ses genoux pendant le trajet, les documents Nexus remplacés par ceux concernant la présentation du jour. Elle avait mémorisé les points clés, anticipé les objections potentielles, préparé des alternatives en cas de résistance du client.

BlackTower semblait différent ce matin-là – ou peut-être était-ce sa perception qui avait changé. Les regards curieux qui suivaient son passage vers l'ascenseur VIP lui confirmaient que son statut avait évolué. La nouvelle de sa présentation devant le comité exécutif et de son implication directe avec Drake s'était manifestement répandue.

L'ascenseur s'ouvrit directement sur l'étage exécutif. Catherine Palmer l'attendait, son expression oscillant entre politesse forcée et hostilité à peine voilée.

"Mademoiselle Moreau," la salua-t-elle froidement. "La réunion NovaCure est dans une heure. Salle de conférence Athena. J'espère que vous êtes adéquatement préparée."

"Bonjour, Madame Palmer," répondit Élisa avec une assurance tranquille. "Ma présentation est prête. J'ai intégré des points supplémentaires concernant la transition progressive depuis le Vietnam pour minimiser l'impact relationnel."

Palmer parut momentanément surprise par cette initiative. "Montrez-moi ça."

Pendant les vingt minutes suivantes, elles passèrent en revue les diapositives. Palmer tenta de trouver des failles, mais Élisa avait anticipé chaque critique potentielle. Finalement, la directrice adjointe hocha sèchement la tête.

"Acceptable," concéda-t-elle à contrecœur. "Mais n'oubliez pas que c'est moi qui dirige cette relation client. Vous interviendrez uniquement pour présenter l'analyse technique."

"Bien entendu," acquiesça Élisa, comprenant parfaitement que Palmer cherchait à maintenir son territoire malgré l'intervention de Drake.

La salle Athéna était moins imposante que la salle Olympus, mais tout aussi luxueuse. Conçue pour les rencontres clients plutôt que les réunions internes, elle arborait un décor plus chaleureux – bois clair, œuvres d'art contemporain soigneusement sélectionnées, une table ovale favorisant la discussion.

À 8h45, la délégation de NovaCure arriva – trois hommes et une femme aux costumes impeccables et aux regards calculateurs. Palmer les accueillit avec une cordialité professionnelle, les installant autour de la table avec l'aisance de quelqu'un habituée aux interactions de haut niveau.

À 8h55, Alexander Drake fit son entrée.

Sa présence transforma immédiatement l'atmosphère de la pièce. Vêtu d'un costume gris anthracite sur une chemise blanche immaculée, il dégageait cette autorité naturelle qui semblait comprimer l'espace autour de lui. Les représentants de NovaCure se levèrent instinctivement à son arrivée, le respect mêlé d'appréhension évident sur leurs visages.

"Messieurs, Madame Chen," les salua-t-il en serrant fermement leurs mains. "Merci d'avoir accepté cette réunion de si bonne heure."

Il se tourna vers Élisa, et elle crut percevoir une lueur d'appréciation dans son regard tandis qu'il évaluait brièvement sa tenue.

"Je vous présente Élisa Moreau, notre analyste stratégique qui a réexaminé votre dossier d'expansion asiatique."

La présentation commença par l'introduction de Palmer, qui établit habilement le contexte. Puis vint le tour d'Élisa. Malgré la nervosité qui lui nouait l'estomac, sa voix resta ferme et assurée tandis qu'elle exposait son analyse.

Elle observait attentivement les réactions – les froncements de sourcils quand elle évoqua les problèmes au Vietnam, l'intérêt croissant lorsqu'elle détailla les opportunités thaïlandaises. À sa droite, Drake restait immobile, son regard alternant entre les clients et elle, son expression indéchiffrable.

Lorsqu'elle aborda la question délicate de la réorientation stratégique, la tension dans la salle devint palpable.

"Ce que vous nous suggérez," intervint Edward Novak, le PDG de NovaCure, "c'est d'abandonner six mois de travail préparatoire au Vietnam."

"Pas d'abandonner," corrigea doucement Élisa, "mais de recalibrer nos attentes et nos investissements. Le Vietnam reste un marché d'intérêt, mais avec un horizon temporel plus long et des objectifs plus modestes."

La femme du groupe, Victoria Chen, directrice des opérations internationales, se pencha en avant. "Ces nouvelles réglementations sont-elles vraiment si restrictives? Nos contacts gouvernementaux nous assuraient qu'elles seraient assouplies."

"Les promesses informelles sont une chose," répondit Élisa, "mais les textes officiels en sont une autre. J'ai inclus une analyse juridique comparative en annexe 3."

Drake choisit ce moment pour intervenir. "Ce que Mademoiselle Moreau propose n'est pas un abandon, mais une adaptation stratégique qui protégera vos investissements tout en maximisant vos opportunités régionales."

Sa voix calme mais autoritaire semblait dissiper les doutes comme un vent chasse la brume.

"Notre responsabilité est de vous présenter la réalité du marché, pas de vous dire ce que vous souhaitez entendre," ajouta-t-il, son regard fixé sur Novak. "C'est pourquoi j'ai personnellement demandé une analyse fraîche et impartiale."

La tension semblait se dissiper tandis que les représentants de NovaCure échangeaient des regards. Finalement, Novak hocha la tête.

"Votre franchise est... appréciée, bien que déstabilisante," admit-il. "Nous aurons besoin d'un plan détaillé pour cette transition."

"Naturellement," intervint Palmer, reprenant le contrôle de la discussion. "Nous pouvons organiser un atelier stratégique dès la semaine prochaine."

La réunion se poursuivit encore une demi-heure, discutant des détails pratiques et des prochaines étapes. Drake restait largement silencieux, mais sa présence continuait d'ancrer la discussion, comme un centre de gravité invisible.

Lorsque les clients prirent finalement congé, Palmer les accompagna jusqu'aux ascenseurs, laissant Élisa seule avec Drake dans la salle de conférence.

"Bien joué," dit-il simplement, la regardant avec une intensité qui semblait voir au-delà de sa façade professionnelle.

"Merci," répondit-elle, commençant à rassembler ses documents. "Ils ont mieux réagi que je ne l'espérais."

"Parce que vous avez présenté la vérité avec conviction, sans arrogance." Drake s'approcha, s'arrêtant à une distance qui respectait les conventions professionnelles tout en créant une certaine intimité. "Une qualité rare."

Élisa sentit cette tension familière monter en elle – ce mélange déstabilisant d'attirance et d'intimidation que Drake semblait provoquer sans effort.

"J'ai étudié le dossier Nexus," dit-elle pour ramener la conversation sur un terrain plus solide. "C'est un projet fascinant."

"Et avez-vous pris votre décision?" demanda-t-il directement.

La question était simple, mais Élisa savait que sa réponse définirait potentiellement le cours de sa carrière – et peut-être plus.

"J'ai quelques questions avant de me décider," répondit-elle prudemment.

"Bien sûr," acquiesça Drake. "Mon bureau. Maintenant."

Ce n'était pas une invitation, mais une instruction. Élisa le suivit à travers les couloirs de l'étage exécutif, consciente des regards curieux qui suivaient leur progression. L'assistante personnelle de Drake les accueillit avec un hochement de tête respectueux et referma soigneusement la porte derrière eux.

"Asseyez-vous," indiqua Drake en désignant les fauteuils près de la baie vitrée, plutôt que l'arrangement plus formel de son bureau.

Une fois installés, il croisa les jambes et la regarda avec cette intensité caractéristique qui donnait l'impression qu'il examinait non seulement ses paroles, mais aussi ses pensées.

"Vos questions, Mademoiselle Moreau."

Élisa choisit soigneusement ses mots. "Le projet Nexus représente un niveau de confidentialité et de complexité bien supérieur à ce qu'on attendrait normalement d'une analyste junior. Pourquoi ne pas le confier à quelqu'un de plus expérimenté?"

"Parce que l'expérience vient souvent avec des œillères," répondit-il sans hésitation. "Les analystes seniors voient le monde à travers le filtre de leurs succès et échecs passés. Vous, vous avez encore la capacité de voir ce qui est, pas ce que vous vous attendez à voir."

Il se pencha légèrement en avant. "Et parce que votre intelligence est différente. Vous établissez des connexions là où d'autres ne voient que des points isolés."

Le compliment était direct, presque clinique dans sa précision. Il ne flattait pas – il constatait, comme on relèverait une donnée objective.

"Deuxième question," poursuivit Élisa. "Vous avez mentionné des 'paramètres contractuels' spécifiques. De quoi s'agit-il exactement?"

Drake sourit légèrement, comme s'il appréciait sa méfiance. Il se leva et se dirigea vers son bureau, en sortant une chemise en cuir noir qu'il lui tendit.

"Voici le contrat que je propose."

Élisa l'ouvrit et commença à parcourir le document dense. Ses yeux s'écarquillèrent progressivement tandis qu'elle en découvrait les clauses.

Le contrat décrivait un arrangement professionnel bien au-delà de ce qu'elle avait imaginé. Il la détacherait complètement de la structure hiérarchique standard de BlackTower, la plaçant sous l'autorité directe et exclusive de Drake. Son salaire serait triplé, avec des bonus potentiels substantiels liés aux résultats du projet Nexus.

Mais les contreparties étaient tout aussi extraordinaires. Une clause de confidentialité draconienne lui interdisait de discuter de son travail avec quiconque en dehors de Drake lui-même. Elle serait tenue à une disponibilité 24/7, sans limitations d'horaires. Le contrat mentionnait également des "déplacements fréquents et potentiellement prolongés" sans préavis.

Plus troublant, une section entière portait sur sa "présentation personnelle et professionnelle" – stipulant qu'elle devrait se conformer à certaines exigences vestimentaires et comportementales non spécifiées, "selon les instructions ponctuelles" de Drake.

"Ce contrat me semble..." elle chercha ses mots, "inhabituellement personnel pour un arrangement professionnel."

Drake reprit place en face d'elle. "Il est à la mesure de l'opportunité. Je n'offre pas simplement un poste, Élisa. J'offre un mentorat direct. Une transformation accélérée. La chance de devenir quelqu'un que peu peuvent aspirer à être."

Il la regardait avec une intensité magnétique. "Mais cela exige un engagement total. Pas seulement de vos compétences professionnelles, mais de votre personne entière."

La formulation était délibérément ambiguë, oscillant entre mentorat professionnel et quelque chose de plus personnel, plus intense.

"Et si je refuse?" demanda-t-elle doucement.

"Vous retournez à votre poste initial. Sans pénalité." Son ton était neutre, mais ses yeux communiquaient autre chose. "Mais nous savons tous deux que Palmer fera de votre vie un enfer. Et surtout, vous passerez à côté de l'opportunité qui pourrait définir votre carrière."

Il laissa ses paroles s'imprégner avant d'ajouter : "Ce n'est pas une décision à prendre à la légère. Vous avez jusqu'à demain matin."

Élisa referma le document, son esprit analysant frénétiquement les implications. "Une dernière question, si vous permettez."

"Je vous écoute."

"Ces rumeurs concernant vos... habitudes avec les employées qui travaillent directement pour vous. Quelle part de vérité contiennent-elles?"

La question était audacieuse, presque téméraire. Un silence lourd s'installa, pendant lequel Élisa craignit d'avoir franchi une ligne invisible.

Puis Drake sourit – un sourire différent de ceux qu'elle avait pu observer jusqu'alors, plus personnel, presque prédateur.

"Les rumeurs sont généralement des simplifications grossières de réalités plus nuancées," répondit-il en la fixant intensément. "Je valorise l'excellence et je récompense la loyauté. J'exige beaucoup, mais j'offre davantage en retour."

Il se leva à nouveau, signalant la fin de l'entretien. "Ce contrat concerne votre potentiel professionnel, Élisa. Rien de plus... à moins que vous ne désiriez qu'il en soit autrement."

L'implication était claire, suspendue entre eux comme un fil tendu.

"Je vous laisse réfléchir," conclut-il en ouvrant la porte. "Daniela vous reconduira à votre étage."

Dans l'ascenseur qui la ramenait vers son bureau habituel, Élisa sentit un tourbillon d'émotions contradictoires. L'opportunité était extraordinaire – un raccourci vertigineux vers des sommets qu'elle aurait mis des années à atteindre par la voie conventionnelle. Mais les conditions, l'ambiguïté délibérée, cette façon dont Drake semblait repousser constamment les frontières entre professionnel et personnel...

Zoey l'attendait, son visage reflétant une intense curiosité. "Alors? Comment s'est passée la présentation?"

"Bien," répondit distraitement Élisa. "Les clients ont accepté les recommandations."

"Ce n'est pas ce que je te demande et tu le sais," insista Zoey, baissant la voix. "Drake t'a parlé après? Il t'a proposé quelque chose, n'est-ce pas?"

Élisa ouvrit la bouche pour répondre, puis la referma, se rappelant soudain la clause de confidentialité du contrat. Pouvait-elle même mentionner l'existence de cette proposition?

"Je ne peux pas en parler maintenant," murmura-t-elle finalement.

Le visage de Zoey se décomposa. "Oh Élisa... tu es déjà prise dans sa toile, n'est-ce pas?"

"Ce n'est pas ce que tu crois," protesta Élisa, mais sans grande conviction.

"J'ai vu d'autres avant toi," continua Zoey, se penchant encore plus près. "Brillantes, ambitieuses. Elles entrent dans son cercle privé, travaillent directement avec lui, disparaissent progressivement de la circulation normale. Et quand elles réémergent – si elles réémergent – elles sont... différentes."

"Différentes comment?"

Zoey hésita. "Plus dures. Plus isolées. Comme si elles avaient traversé quelque chose qui les avait fondamentalement changées." Elle posa une main sur le bras d'Élisa. "Quoi qu'il t'ait proposé, prends le temps d'en considérer toutes les implications."

Le reste de la journée passa dans un brouillard de tâches routinières qu'Élisa accomplissait mécaniquement, son esprit constamment ramené vers le contrat et sa décision imminente. Elle s'attarda délibérément au bureau, longtemps après le départ de la plupart des employés, cherchant un calme propice à la réflexion.

Vers 21h, alors qu'elle se préparait enfin à partir, son téléphone vibra.

"La voiture vous attend. J'aimerais poursuivre notre discussion dans un cadre moins formel. - AD"

Élisa fixa l'écran, sentant son pouls s'accélérer. Cette invitation dépassait clairement le cadre professionnel standard. Accepter signifierait franchir une frontière, admettre tacitement qu'il existait quelque chose de plus entre eux qu'une simple relation PDG-employée.

Pourtant, elle se surprit à taper une réponse:

"J'arrive."

L'ascenseur la conduisit jusqu'au hall où, fidèle à sa promesse, la berline noire l'attendait. Le chauffeur lui ouvrit la portière avec une déférence silencieuse.

Tandis que la voiture s'éloignait de BlackTower, Élisa ressentit ce même sentiment étrange qui l'avait saisie la veille – comme si elle traversait un seuil invisible vers un monde parallèle où les règles ordinaires ne s'appliquaient plus.

Où l'emmenait cette voiture, exactement? Et plus important encore, vers quel avenir cette décision la conduisait-elle?

Le contrat reposait dans son sac, sa présence presque physiquement tangible, comme un objet doté d'une gravité propre déformant l'espace autour de lui. Ses clauses inhabituelles tournaient en boucle dans son esprit.

"Disponibilité totale..."

"Discrétion absolue..."

"Présentation personnelle selon instructions..."

La voiture s'engagea sur l'avenue bordée de buildings luxueux qui traversait l'Upper East Side. À travers les vitres teintées, les lumières de la ville semblaient floues, presque oniriques.

Où que cette nuit la conduise, Élisa avait la certitude que sa vie ne serait plus jamais la même après avoir signé – ou refusé – ce contrat avec Alexander Drake.

Comment this paragraph

Comment

No comment yet