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Hikana
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CHAPITRE SEPT

SUN

« Planet Hunter » tourne en boucle dans l’un de mes Ă©couteurs sans fil. La musique se coupe puis je repense Ă  ce que j’ai traversĂ© pendant les cours.

Durant cette premiĂšre semaine d’universitĂ©, j’ai dĂ» garder mon sang-froid. J’ai encaissĂ©, tout pris sur moi. Le surnom de la Voleuse de Princeton risque de me coller Ă  la peau toute l’annĂ©e. Il suffit qu’une fille te balance un surnom pour se sentir au-dessus, et tout le monde suit sans rĂ©flĂ©chir.

 À tel point que j’ai envie d’en Ă©clater certains de ma classe qui osent encore m’appeler comme Bethany.

Tout Ă  l’heure, quand j’ai voulu faire une petite balade avec Rainbow pour qu’on se rapproche un peu plus, j’ai cru que la vie s’acharnait sur moi ou qu’elle me dĂ©testait carrĂ©ment. Lui et moi, on a failli se faire Ă©craser par ce tarĂ© de Carter Suan, pile sur le passage piĂ©ton.

Quand j’ai reconnu sa tronche de cake Ă  travers la vitre, je n’ai mĂȘme pas rĂ©flĂ©chi. J’ai balancĂ© mon tĂ©lĂ©phone direct dans son pare-brise.

La toute premiĂšre fois que c’est arrivĂ©, je lui avais dĂ©jĂ  prĂ©sentĂ© mon majeur et j’étais Ă  deux doigts de lui pĂ©ter la gueule.

Carter s’est prĂ©cipitĂ© pour sortir de sa caisse. La rage se lisait clairement sur son visage, car le carreau se fissurait de plus en plus aprĂšs que mon iPhone Ă©tait retombĂ© sur son capot.

Il voulait me dĂ©foncer la gueule, c’était Ă©vident. Mais dĂšs qu’il s’est approchĂ© pour voir qui avait osĂ© balancer un truc sur sa bagnole, son expression a complĂštement changĂ©.

Une drĂŽle de tronche, comme s’il venait de voir un fantĂŽme. Son grand-pĂšre est sorti de la voiture. Tranquille, comme si de rien n’était. Il m’a regardĂ©e, un sourire est apparu sur ses lĂšvres, puis il m’a invitĂ©e Ă  rentrer avec eux sans mĂȘme me demander mon avis.

J’ai vu comment on se faisait chier avec ces riches, pire encore quand j’ai bu ce verre de vin. J’ai cru que j’allais gerber mes tripes sur la table ! C’était vraiment dĂ©gueulasse. Un goĂ»t de poussiĂšre, de vieux bois.

D’un pas lent, les semelles de mes chaussures, enfin Ă  mes pieds, foulent le trottoir, et la voiture de Carter Suan roule Ă  la mĂȘme allure que ma dĂ©marche. Angelo Suan, Ă  mes cĂŽtĂ©s, voulait me raccompagner chez moi. Mais Rainbow, restĂ© dans la limousine, a saccagĂ© les siĂšges en cuir avec ses griffes et a pissĂ© dessus, alors qu’à la maison, il est trĂšs propre.

— Je vous dĂ©dommagerais pour les siĂšges, dis-je soudainement.

Une envie d’éclater de rire me prend de court, mais je me retiens.

Je n’ai pas pu me venger, mais Rainbow vient de le faire à ma place !

— Vous ne nous devez rien, je m’occuperai de ses dĂ©penses Ă  mes frais, lance Angelo avec un sourire. La rĂ©union a durĂ© plus longtemps que prĂ©vu, et ce petit chaton est bien trop jeune pour comprendre pourquoi il devait rester dans la limousine.

En tout cas, mon chat a adoré le saumon cuit que la domestique d'Angelo lui avait préparé, avant qu'il passe un appel d'urgence aux familles fortunées du coin. Lui et moi avons vu les petits crocs de Rainbow sur les pommes de terre et sur le saumon. Il a dû bien se régaler, puisqu'il dort en boule dans mes bras.

Lorsque nous nous arrĂȘtons devant la villa, je distingue au loin Jagger et Andrew, appuyĂ©s contre le mur qui sĂ©pare le trottoir de la maison, l’air dĂ©tendu mais attentif Ă  notre arrivĂ©e prĂšs du portail.

Andrew ne cache pas sa surprise lorsqu’il remarque que je suis accompagnĂ©e d’Angelo.

— Sun ? Mais qu’est-ce que tu fais avec Angelo Suan ?

— Nous sommes les seuls responsables, rĂ©pond Angelo d’un ton ferme. Mon petit-fils a failli la renverser. Encore une fois. Il marque une pause, puis reprend : Au moins, vous n’ĂȘtes plus logĂ©e dans ce restaurant miteux.

Andrew serre les poings et les dents, comme si la remarque lui restait en travers de la gorge.

— J’aimais bien le restaurant de mon beau-pĂšre, rĂ©pliquĂ©-je froidement. J’étais avec les gens que j’aimais.

— Je vois parfaitement, lance Angelo, un brin condescendant. Vous ĂȘtes peut-ĂȘtre une jeune femme au statut social assez bas, mais je suis convaincu que vous surpasserez votre pĂšre, Andrew. Un jour.

Outré, Carter intervient brusquement.

— Mais grand-pùre, qu’est-ce que vous faites ?

Angelo se retourne lentement vers son petit-fils, son regard devenu tranchant.

— Je reconnais ceux qui ont du talent, rĂ©torque-t-il. Et cette jeune femme pourrait bien devenir une grande meneuse. Peut-ĂȘtre mĂȘme plus grande que son propre pĂšre.

Il sort alors une enveloppe de la poche intérieure de sa veste et me la tend.

— Tenez, Mademoiselle Miller. L’accord pour votre pùre.

Je hausse soudainement un sourcil. Pourquoi me tend-il cette lettre Ă  moi, alors qu’Andrew est juste Ă  cĂŽtĂ© de nous ? Je ne comprends plus rien moi.

— Mon pùre est juste là, vous savez.

— Je sais. Mais c’est avec vous que je veux faire affaire, pas avec lui, heureusement que vous ne lui ressemblez pas.

Il esquisse un sourire presque charmeur.

— En tout cas, merci pour cette soirĂ©e, Mademoiselle. Vous ĂȘtes rayonnante et votre sourire, il est comme un matin oĂč les flocons de neige dĂ©ferlent du ciel. Inattendu mais impossible Ă  ignorer.

Ce vieillard a un petit faible pour mon sourire ou quoi ? Ou bien, il n’a jamais vu une femme sourire de sa vie ?

Tu m’étonnes, dans ce milieu, j’ai vu tout le monde tirer la gueule. Sauf Jagger, qui avait les yeux posĂ©s sur moi toute la soirĂ©e.

Angelo s’éloigne sans un mot. AprĂšs avoir contournĂ© la voiture et rĂ©cupĂ©rĂ© une boĂźte sur le tableau de bord, il revient brusquement vers moi et dĂ©pose le cadeau dans ma main libre.

— Un nouveau tĂ©lĂ©phone, pour remplacer celui que Carter vous a cassĂ©.

— Grand-pĂšre, ne change pas les rĂŽles ! C’est elle qui l’a jetĂ© et a broyĂ© le pare-brise ! dĂ©clare Carter.

— Je me demande comment Taylor a bien pu tomber amoureuse de toi, petit ingrat ! Respecte un minimum, Sun. DĂ©solĂ©, mon petit-fils est sur les nerfs depuis qu’il sait que sa fiancĂ©e est malade, dit Angelo, un peu attristĂ© par la nouvelle. Je vous ai laissĂ© mon numĂ©ro et celui de l’entreprise. N’appelez que si c’est une urgence ou si quelqu’un vous menace, je vous aiderai avec plaisir.

*

* *

Une fois que la famille Suan est partie, le silence retombe comme une couverture épaisse.

Andrew reste figĂ©, les bras croisĂ©s, le regard plantĂ© lĂ  oĂč Angelo a disparu. Je sens sa colĂšre, son orgueil blessĂ©, presque palpable dans l’atmosphĂšre.

— Tu devrais rester ici pour te calmer.

— Cet enfoirĂ© de Suan, toujours en train d’écraser les autres pour se sentir supĂ©rieur, lance-t-il avant de me regarder. Sun, ma chĂšre fille, ne fais pas confiance Ă  cette famille, elle a des ennemis qui sont capables de l’exterminer pour avoir ce qu’elle a. Ne te mets pas en danger pour eux. Ta mĂšre et moi, nous avons toujours voulu que tu aies une vie normale, loin des camĂ©ras, loin des gens comme la famille Suan.

— De toute façon
 je n’ai pas aimĂ© cette soirĂ©e, avec tous ces pĂ©quenauds pleins aux as. Tu dois vraiment te faire chier avec certains lors de tes rĂ©unions, parce que moi, c’était le cas.

Andrew cueille mon visage de ses longs doigts fins.

— Fais n’importe quel mĂ©tier que tu aimes, mais ne rentre jamais dans mon monde. Ta mĂšre a trĂšs vite compris que les affaires ne sont pas comme sur les informations qu’on retrouve sur internet, la vĂ©ritĂ© n’est pas telle comme elle est dĂ©crite.

Andrew m’explique que c’est pour cela, avant ma naissance, qu’il a quittĂ© ma mĂšre.

Pour la prĂ©server du cĂŽtĂ© obscur de cet univers qu’est la haute sociĂ©tĂ©. Il y a tellement de zones d’ombre qu’on ne pourrait mĂȘme pas imaginer. Les affaires illĂ©gales et les magouilles sont monnaie courante lĂ -bas. Tout n’est pas rose. Il faut savoir jouer ou savoir retirer son Ă©pingle du jeu, sinon on risque de s’écrouler avec tout ce qu’on a construit pour en arriver lĂ .

Des frissons parcourent mon Ă©chine. Le mĂ©tier d’Andrew n’est pas Ă  prendre Ă  la lĂ©gĂšre, je ne savais pas que cela pouvait arriver. Je croyais que seules les personnes normales pouvaient crĂ©er des zones sombres autour d’elles.

Maman ne m’en avait jamais parlĂ©. Peut-ĂȘtre qu’elle avait peur, pour elle et pour moi. Est-ce qu’elle l’aimait assez pour accepter qu’il disparaisse de sa vie ?

— Andrew
 Qui de maman ou de toi a choisi de mettre fin à cette relation ?

Il hésite un instant avant de me répondre :

— Alors, c’est moi qui en pris la dĂ©cision, mĂȘme si je l’ai regrettĂ© quand elle m’a avouĂ© qu’elle allait se marier. Mais je croyais que c’était la meilleure chose pour vous deux.

Ma mĂšre avait beau s’ĂȘtre mariĂ©e avec Jack, qui avait dĂ©jĂ  un fils, je sais qu’elle aimait encore Andrew. Une fois, je suis tombĂ©e sur eux par hasard en descendant les escaliers. J’ai vu ma mĂšre trĂšs proche d’Andrew. Elle l’embrassait, et lui l’a repoussĂ©e parce qu’elle avait Ă©pousĂ© un autre homme.

— Je sais que tu as regrettĂ©, parce que je vous ai vus dans la cuisine. Quand je vois un homme d’affaires repousser une femme, mais ne pas vouloir vraiment quitter ses lĂšvres de cette personne
 Je comprends bien ce que ça veut dire.

Andrew lùche un ricanement avant de me poser une question :

— Tu aurais fait quoi à ma place ?

— Si j’aimais vraiment quelqu’un, et que j’avais peur qu’il lui arrive quelque chose, je l’aurais tenu Ă  l’écart
 mais jamais je ne l’aurais laissĂ© partir pour une autre.

Dans la vie, il faut savoir aussi se battre pour les personnes qu’on aime.

Andrew tourne les talons vers Jagger, qui fume paisiblement sa cigarette, allongé sur le transat.

— Jagger, comptes-tu vraiment reprendre le flambeau de la famille Sullivan ?

Jagger retire lentement sa cigarette de ses lĂšvres, lĂšve les yeux vers Andrew sans un mot, un sourcil lĂ©gĂšrement haussĂ©. Un mince sourire, presque imperceptible, Ă©tire le coin de sa bouche difficile de savoir s’il se moque ou s’il rĂ©flĂ©chit vraiment Ă  la question d’Andrew.

— Bien sĂ»r. Je ne laisserai pas cette place Ă  Adam. Il s’est dĂ©tournĂ© de notre famille pour aller vivre avec son pĂšre. Je compte bien devenir le successeur de ma mĂšre.

NĂ©anmoins, je revois encore ce petit garçon que j’ai connu
 Celui avec qui je passais des heures sur le lac gelĂ© du Minnesota. Il rĂȘvait de devenir un grand joueur de hockey, tout comme ma mĂšre l’avait Ă©tĂ©.

— Bien, dans ce cas, je dois partir pour quelques voyages d'affaires. Je vais te laisser une liste de tes obligations. Par contre, si on me rapporte que tu n’as pas suivi les instructions à la lettre, tu peux dire adieu à ce poste. Puis-je avoir ton engagement ?

— Tu peux compter sur moi, Andrew !

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