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Chapitre 5 [Partie 2]

Numa ignora la remarque et retourna vers Klea.

— Alors ?

Il s’affala sur le canapé, reprit sa bière sans un mot et lui tendit sa deuxième boisson de la soirée.

— Juste me rappeler que certaines personnes aiment bien foutre la merde.

Il vida son verre d’un trait. La nuit ne faisait que commencer, mais il avait déjà l’impression qu’elle était terminée. Le semblant de havre de paix qu’il aurait pu se construire venait de s'effondrer d’un claquement de doigt. Et il allait devoir survivre désormais.

Le bar baignait dans une lumière trouble, filtrée par la fumée des cigarettes et les néons fatigués qui faisaient danser des ombres sur les visages. L’odeur collante de l’alcool renversé se mêlait à celle du cuir usé des banquettes. Un bourdonnement constant de voix, de rires et de musique trop forte remplissait l’espace, mais entre Klea et Numa, il n’y avait que du silence.

Elle tapotait nerveusement ses doigts contre son verre, ses ongles rencontrant le cristal dans une cadence irrégulière. De l’autre côté de la table, Numa jouait avec son briquet, l’ouvrant et le refermant dans un geste mécanique, hypnotique.

Finalement, elle brisa le silence.

— Tu vas me dire ce qu’il te voulait, ou je dois deviner ?

Il haussa une épaule sans relever les yeux.

— Rien d’important.

— Alors pourquoi t’as cette tronche de type qui vient de s’encastrer dans un mur à pleine vitesse ?

Il esquissa un sourire en coin, sans joie.

— Klea, j’te dis que c’est rien.

Elle se pencha légèrement en avant, ses coudes venant rencontrer la table poisseuse.

— Tu vas finir par te brûler la main avec ce briquet. Ou foutre le feu au bar.

Il haussa un sourcil, amusé par l’idée.

— Ça mettrait un peu d’ambiance.

Malgré son ton désinvolte, il referma son briquet dans un claquement sec.

Klea soupira.

— C’est drôle, j’croyais que t’étais un bon menteur.

Un ricanement bref, sans chaleur.

— Trop fatigué pour faire des efforts.

Il détourna les yeux, perdu dans un point invisible derrière le bar. Elle le fixait, cherchant à voir au-delà de son masque d’indifférence.

— Ça a un rapport avec ton père, pas vrai ?

Il s’immobilisa. Une fraction de seconde, mais elle le vit. Ses doigts se crispèrent légèrement sur sa bouteille avant qu’il ne retrouve son masque d’indifférence.

— T’as pas envie d’essayer, juste une fois ?

Numa se renfonça dans la banquette, l’air blasé.

— J’ai déjà essayé. J’étais juste un pion, donc à quoi bon ?

Son regard s’assombrit, sa mâchoire se contracta.

— Tu crois qu’un père, ça s’improvise du jour au lendemain ? Il la fixa enfin. Tu crois que partager du sang, ça fait tout pardonner ?

Klea serra les dents.

— C’est pas une question de pardon. C’est… c’est juste que c’est important.

— Important ? Il rit, un rire amer, sec. Important pour qui ? Lui ? Toi ? Parce que moi, j’vois pas ce que j’ai à y gagner.

Il posa brutalement son verre sur la table, assez fort pour faire trembler le liquide à l’intérieur.

— J’ai passé ma putain d’enfance à être façonné comme un pion sur son échiquier. Son obsession du pouvoir, son besoin de contrôler chaque foutu détail… Tout ça, c’était plus important que moi, plus important que ma mère, plus important que tout.

Elle détourna légèrement le regard.

— Je comprends ce que tu ressens…

— Non, tu comprends pas.

Il secoua la tête, un rictus amer aux lèvres.

— Toi, t’as eu un père qui, malgré tout, voulait être là. Un père qui comptait plus que ses affaires. Le mien, il m’a toujours regardé comme un investissement raté.

Un silence. Klea jouait avec la paille de son verre, hésitante. Elle ouvrit la bouche pour la refermer, ne sachant quoi répondre. Ses yeux se perdirent dans les lumières vacillantes du bar, les ombres mouvantes des clients qui riaient, buvaient, vivaient sans se douter du poids qui pesait sur les épaules de son ami.

— Tu peux pas passer ta vie à fuir, Numa.

Il esquissa un sourire, un de ceux qui sonnaient faux, un brin fataliste.

— Fuir, c’est parfois la seule option.

Elle secoua la tête.

— Non. Fuir, c’est juste une manière de se perdre plus vite.

Numa ricana légèrement, levant son verre avant de l’approcher de ses lèvres.

— Peut-être. Mais tant que je roule, j’suis pas encore à l’arrêt.

Klea croisa les bras, le regard planté dans celui de Numa.

— Et quand il n’y aura plus de route devant toi, tu feras quoi ?

Il haussa un sourcil, amusé par la question.

— J’improviserai.

Il porta sa bouteille à ses lèvres, réfléchissant un instant avant d’ajouter, l’air de rien :

— Si un jour la vitesse me tue, alors au moins, je serai mort en souriant.

Klea le fixa un instant, et au lieu de répondre, elle soupira légèrement. Elle aurait pu lui balancer une remarque acerbe, mais à quoi bon ? Elle savait que Numa ne changerait pas d’état d’esprit aussi facilement.

— J’suis pas prête à perdre un proche, pas de cette façon, Numa…, murmura-t-elle dans un écho lointain.

Numa ne répondit pas. Parce qu’au fond, il savait qu’il ne voulait pas vraiment de cette fin. Mais l’admettre, c’était déjà perdre une partie de sa bataille. Et ce soir, il n’avait pas la force de se battre. Il était là pour fuir un combat, pas pour y plonger encore plus profondément.

— Tu sais, si jamais tu changes d’avis, que tu veux parler… je suis là.

Numa ne répondit pas tout de suite. Il tourna son verre entre ses mains, les yeux dans le vide. Puis il souffla, un rictus fatigué au coin des lèvres.

— Je sais.

Et c’était peut-être la seule chose dont il était certain ce soir. Sinon, il ne lui aurait jamais proposé de poursuivre la nuit ensemble.

Les clients commençaient à déserter le bar, l’heure tournait. La célébration n’était plus au rendez-vous, ils devaient encore garder des forces pour fêter anticiper la victoire brésilienne en fin de semaine. Klea et Numa ne bougeaient pas, bien installés dans leur petit coin, plongés dans leur propre bulle.

Elle avala une dernière gorgée de sa Caïpiroska, savourant la brûlure du citron et de la vodka sur sa langue. Deux autres verres avaient été nécessaires pour passer le reste du temps, dont un offert avec générosité par Ayden qui essaya d’échanger avec Klea. En vain. Elle s’est contenté d’accepter la boisson avant de s’éloigner rapidement de lui.

— T’as prévu de rester ici encore longtemps ou on finit par bouger ailleurs ?

Numa haussa les épaules, son regard toujours fixé sur le fond du bar, où Ayden discutait à voix basse avec ses hommes. Par moment, le serveur se tournait vers eux, du moins, plus vers Numa. Il jouait un jeu dangereux qu’il ne maitriserait certainement pas. Et Numa n’en avait que trop conscience. Il finirait par se brûler les ailes, mais il était bien trop têtu pour le comprendre. Se délectant de ses histoires qui le dépassaient et qui ne le regardaient pas.

— J’sais pas encore.

Klea soupira, tapotant distraitement le rebord de son verre du bout des doigts.

— Très bien. Mais si tu veux vraiment oublier, va falloir faire mieux qu’une bière et un air renfermé.

Elle lui adressa un sourire en coin, une lueur de défi dans les yeux. Numa esquissa un rictus, attrapant sa bouteille du bout des doigts avant de la lever légèrement en direction de Klea.

— Alors, c’est quoi la suite ?

Elle haussa un sourcil.

— Tu me suis et tu verras.

Il hésita un instant, puis finit par secouer la tête avec un soupir amusé.

— T’es infernale.

— C’est bien pour ça que tu traînes avec moi.

Et sans attendre, elle attrapa son poignet et l’entraîna vers la sortie, loin des regards insistants, loin des souvenirs trop lourds. Juste pour ce soir.

— Si tu crois vraiment que je vais te laisser conduire alors que tu a bu, tu rêves princesa.

Une moue traversa le visage de la gagnante, mais elle capitula rapidement, reprenant sa place de passagère. L’euphorie passée, le calme était revenu dans les rues de la capitale.

Klea et Numa marchaient côte à côte dans les rues éclairées par les lampadaires vacillants après qu’elle ait insisté pour qu’il vienne avec elle. L’air nocturne était frais, mais Kléa, le regard pétillant et les joues rosies par l’alcool, ne semblait pas s’en soucier. Elle riait pour un rien, bousculant légèrement Numa du coude, comme pour l’inviter à se détendre.

— Tu devrais rester un peu, proposa-t-elle en trébuchant presque sur un pavé. Juste... un petit verre ? Une bonne soirée sans prise de tête ?

Numa soupira avec un sourire en coin, attrapant Kléa par le bras pour éviter qu’elle ne perde l’équilibre.

— T’as bu, Kléa. Je crois que t’as surtout besoin de dormir.

— Roh, mais t’es pas drôle… Je suis pas ivre morte non plus, j’ai toute ma tête !

Il haussa un sourcil, sceptique.

— C’est ce que disent tous ceux qui ont un verre en trop.

Elle croisa les bras, l’air faussement vexé, avant d’abandonner et d’hausser les épaules avec un sourire joueur.

— D’accord, d’accord. Bon, tu veux pas rester, tant pis pour toi.

Arrivés devant son appartement, elle fouilla un instant dans son sac pour trouver ses clés, avant de déverrouiller la porte d’un geste mal assuré. Elle entra en premier, lâchant ses affaires près de l’entrée, avant de s’arrêter net.

Un frisson glacial la traversa.

— Qu’est-ce que… ?

L’appartement était sens dessus dessous. Des meubles renversés, des tiroirs vidés, des papiers éparpillés sur le sol. L’odeur métallique du sang flottait dans l’air, imperceptible d’abord, puis oppressante.

Son souffle se bloqua dans sa gorge. Ses doigts se crispèrent sur la lanière de son sac avant qu’il ne glisse de son épaule et tombe au sol dans un bruit sourd.

— Merde…, souffla Numa en s’avançant prudemment derrière elle.

Klea ne comprenait pas. Son regard balayait la pièce avec confusion, son cerveau embrumé essayant de donner un sens à ce qu’elle voyait. Tout était flou, irréel, comme si son esprit refusait d’assembler les pièces du puzzle.

Puis son regard tomba sur le corps inerte.

Julietta.

Le choc lui coupa le souffle.

Son estomac se noua si violemment qu’elle crut qu’elle allait vomir. Ses jambes se dérobèrent sous elle, et elle s’accrocha maladroitement au chambranle de la porte, ses doigts glissant contre le bois.

— Non… non, non, non…

Sa voix se brisa, à peine un souffle étranglé. Ses poumons refusaient de fonctionner correctement, et une nausée acide lui brûlait la gorge. Ses yeux s’embuèrent, mais elle ne cligna pas, incapable de détourner le regard de l’horreur devant elle.

Une main chaude se posa sur son épaule. Numa.

— Klea… souffle… respire après moi.

Il voulait l’éloigner, la sortir de là, mais son regard fut brièvement attiré par quelque chose au sol. Un détail parmi le chaos. Une marque, sombre et indistincte, à moitié dissimulée sous un meuble renversé. Une fraction de seconde, il la fixa, une étrange sensation grattant le fond de son esprit.

Klea, elle, ne l’entendait qu’à moitié. Tout autour d’elle vacillait. Son cœur battait trop vite, trop fort, comme un tambour paniqué. Ses mains tremblaient, son corps entier était parcouru de frissons incontrôlables. Elle aurait voulu s’effondrer, disparaître, se réveiller ailleurs, n’importe où sauf ici.

Tout s’effaça autour de lui, son attention se concentrant sur Klea qui vacillait. Sa prise se raffermit sur elle, et peu à peu, sa voix finit par franchir la brume dans laquelle elle sombrait.

— Ne bouge pas. Je suis là.

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