Numa s’avança d’un pas en avant, balayant la ligne de départ du regard. Trois voitures parfaitement alignées, toutes prêtes à rugir à la moindre occasion, mais une place restait désespérément vacante. Il plissa les yeux, agacé par ce contretemps.
— Il est où le quatrième pilote ? exigea-t-il, une pointe de frustration dans la voix.
Helena, adossée à sa Toyota Supra noire, ne put s’empêcher de sourire avec un mélange de suffisance et de mépris. Elle respirait la gagne, toujours prête à bondir. Son regard, perçant tel un faucon, ne quittait jamais les voitures rivales. Pour elle, elle avait déjà remporté la course, comme toutes les autres. Ce n’était qu’une formalité.
— Pourquoi t’inquiètes-tu, Numa ? fit-elle d’une voix tranchante. Ce n’est qu’une personne de plus à écraser.
Elle croisa les bras, le soleil couchant faisant briller la peinture métallisée de son automobile. La Supra était une bête connue de tous pour ses accélérations violentes. La simple vue de ce bolide imposait le respect, et Helena, elle, incarnait la machine.
Le seul homme de la course, Lorenzo, adossé à sa Nissan GT-R, éclata de rire. Ses deux accompagnatrices, vêtues de tenues scintillantes, gloussaient à ses côtés, et buvaient chacun de ses mots. Il aimait faire le beau, tout le monde le savait. Il avait ce tempérament de feu, celui qui brûle rapidement, mais qui peut tout autant brûler ses propres ailes.
— Helena, laisse-le se ronger les ongles un peu, ça lui va bien, ironisa Lorenzo. Moi, je suis là, et c’est tout ce qui compte, non ?
Il passe un bras autour de la taille de l’une de ses accompagnatrices, l’autre main jouant avec ses clés de voiture. Il leur avait promis une montagne d’argent si cette course tournait en sa faveur, et il ne n’avait pas l’intention de les décevoir.
— Préparez-vous à voir de la magie, mes belles. Ce soir, c’est moi qui rentre avec le pactole.
La femme au volant de la Honda S2000 rose bonbon, Isabela, leva un sourcil en entendant ces vantardises. Sa voiture, aussi flashy et exubérante que possible, attirait les regards. Pourtant, rares étaient les personnes qui la prenaient au sérieux. Beaucoup la considéraient comme une sorte de blague, un accessoire sur la ligne de départ. Cependant, elle n’en était pas moins redoutable.
— Je vois que certains ne peuvent pas s’empêcher de parler avant même d’avoir commencé, lâcha-t-elle d’un ton calme, mais acéré.
Ses doigts caressaient le volant de sa voiture, qu’elle avait elle-même modifiée. Cette Honda S2000 rose bonbon, bien que moquée par les autres, cachait sous son capot des heures de travail acharné et de passion. Elle ne se contentait pas de briller ; elle rugissait.
— Continue de débiter, Lorenzo, lance-t-elle en le défiant du regard. Mais ce ne sont pas tes mots qui vont t’amener jusqu’à la ligne d’arrivée.
Le concerné se redressa, affectant une expression extérieure.
— Sérieusement, Isa ? Depuis quand une voiture de Barbie fait-elle la course avec de vrais bolides ? Tu sais que la parade du carnaval est déjà passée ? Tu comptes vraiment rouler ?
Les deux accompagnatrices ricanèrent à l’unisson, amusées par la pique de Lorenzo. Mais Isabela ne broncha pas, elle se contenta de rire avec une assurance déconcertante. Elle avait l’habitude d’être sous-estimée, et ça tournait souvent en sa faveur.
— Tu rigoleras moins quand tu verras mes feux arrière, Lorenzo, répliqua-t-elle, son sourire en coin. Ce n’est pas moi qui joue les jolis cœurs pour impressionner deux filles.
Helena, qui observait la scène en silence jusque-là, intervint enfin, d’un ton glacial.
— Vous vous battrez pour la deuxième place. Parce que la première… elle est pour moi.
Elle appuya ses mots en lançant un regard assassin au seul pilote masculin, comme pour marquer le territoire avant même que la course n’ait commencé. Numa, resté en retrait, se délecte de la tension qui montait de plus en plus. Helena était redoutable, tout le monde en avait conscience. Mais l’arrogance palpable de Lorenzo et la détermination silencieuse d’Isabela rendaient la compétition plus excitante qu’il ne l’avait imaginé.
L’organisateur croisa les bras et sourit.
— Vous vous amusez bien, les enfants ? exigea-t-il d’un ton moqueur. C’est bien beau de faire de grandes promesses, mais vous savez aussi bien que moi que rien n’est figé tant que vous n’avez pas franchi la ligne d’arrivée.
Il pivota vers Helena, son sourire se transformant en un regard sérieux.
— Ne sous-estime pas tes adversaires, Helena. Même toi, tu pourrais être surpris.
Helena haussa un sourcil, mais ne répondit pas. Pour elle, la course n’était qu’une stratégie calculée finement pour maximiser toutes ses chances, et elle comptait bien utiliser ses talents pour tout dominer. Elle ne voyait pas comment la victoire lui échapperait. Lorenzo, quant à lui, éclata de rire.
— Oh, tu veux vraiment la jouer sérieusement, Numa ? T’inquiète, je ne sous-estime personne… sauf peut-être la petite Isabela et sa Barbie mobile.
— Tu devrais te méfier, commenta Numa avec un sourire en coin. Ceux qui parlent trop avant une course finissent souvent derrière.
— Même pas en rêve, comme si je pouvais perdre !
— De toute manière, sans le quatrième pilote, personne ne gagnera.
— Et pourquoi tu ne participes pas, Numa ? interroge Isa, assise devant sa voiture, les bras croisés, une lueur de défi dans les yeux.
Le bouclé aurait très bien pu s’installer dans son automobile, jouer avec ces trois adversaires qu’ils connaissent par cœur, mais il n’y voyait aucun intérêt. Il ne voulait pas conduire. Pas ce soir. Ou du moins, pas dans un combat où l’argent entrait en jeu.
— T’as trop peur, avoue-le, Numa, se moqua l’unique homme de la grille.
Numa esquissa un sourire, un sourire qui ne présageait rien de bon. Il s’approcha lentement de Lorenzo appuyé sur sa Nissan GT-R, le regard aussi perçant que celui d’un prédateur sur le point de fondre sur sa proie.
— Peur ? répéta Numa en haussant un sourcil. Ce mot ne fait pas partie de mon vocabulaire, Lorenzo.
Il tourna ensuite son attention vers Helena et Isabela, puis revint sur le visage arrogant de l’homme.
— Si je voulais, je pourrais tous vous mettre à genoux, vous le savez, non ?
Helena, toujours adossée à sa Supra, secoua la tête avec une moue dédaigneuse.
— Ce n’est pas en restant sur la touche que tu nous impressionneras, Numa. Parler c’est facile, courir, c’est une autre histoire.
— Ah ouais ? J’crois que c’est toi qui sous-estimes un peu trop facilement, répliqua Numa. Mais, je suis là pour profiter du spectacle, pas pour voler la vedette.
Le propriétaire de la GT-R éclata de rire en le pointant du doigt.
— Profiter du spectacle ? Mais quel spectacle, Numa ? Cette course est déjà jouée. Je vais leur montrer ce qu’est une vraie course. Pas besoin d’un pseudo-gourou de la vitesse sur la ligne.
Ses accompagnatrices ricanèrent à nouveau, se rapprochant de lui comme s’il avait déjà gagné. Il passa une main sur son volant, comme s’il caressait un trophée déjà en sa possession.
— Mais attends, on ne sait jamais, ajouta-t-il avec un sourire narquois. Peut-être que tu nous rejoindras pour nous rattraper… après tout, tu seras trop jaloux pour rester spectateur.
— Jaloux ? rétorqua Numa en haussant un sourcil, tout en conservant son calme. Ce que tu oublies, c’est que moi, je n’ai rien à prouver. Vous, par contre, vous avez tout à perdre.
Isabela, toujours aussi silencieuse et sûre d’elle, s’avança vers les deux hommes, les bras croisés. Elle adressa un regard rapide à Helena avant de se tourner vers son adversaire.
— Vous parlez tous trop, lâcha-t-elle. Je suis là pour courir, pas pour faire un concours de testostérones.
Helena acquiesça, croisant ses bras encore plus fermement contre sa poitrine.
— Pour une fois, je suis d’accord avec Isabela, dit-elle sèchement. Vous perdez tous votre temps. Cette course est pour moi. Le reste, c’est du bruit.
— Alors vous ne verrez pas d’inconvénient si je désigne le quatrième pilote ? sourit Numa, une idée bien précise derrière la tête.
L’atmosphère sur la ligne de départ se tendit plus lorsque Numa annonça cette idée. Les regards se tournèrent immédiatement vers lui, chacun cherchant à percer ses intentions. Helena plissa les yeux, méfiante.
— Le quatrième coureur ? répéta-t-elle, une pointe d’amusement dans la voix. Tu te crois en position de choisir maintenant ?
— Pourquoi pas ? répondit Numa, son sourire en coin présent. Après tout, c’est moi, l’organisateur. Sans moi, vous ne seriez pas ici, ce soir, non ?
Lorenzo leva un sourcil, intrigué. Il n’était pas du genre à se laisser surprendre, mais l’assurance de Numa commençait à l’irriter.
— Très bien, lança Lorenzo en croisant les bras, ses accompagnatrices toujours à ses côtés. On t’écoute, Numa. Qui est ce mystérieux quatrième coureur ?
Numa s’avança lentement autour des voitures, étudiant chacune d’elles avec minutie, un prédateur scrutant son prochain mouvement. Il réfléchissait, faisant miroiter l’attente alors que tout le monde l’observait, prêt à acclamer le dernier adversaire.
— Cherche pas, personne n’acceptera la place, soupira Lorenzo, fatigué.
Numa rangea discrètement son portable dans la poche après avoir envoyé un rapide message au conducteur choisi.
— La course commencera dans dix minutes ! s’exclama-t-il sans répondre aux interrogations muettes des personnes.
L’atmosphère sur la ligne de départ s’alourdit d’un silence tendu, alors que les trois pilotes présents digéraient l’annonce de Numa. Il ne leur avait pas encore révélé le nom du quatrième coureur, mais son assurance et son sourire en coin faisaient monter la pression. Lorenzo regardait Numa, un sourcil toujours levé, tandis qu’Isabela, les bras croisés, s’efforçait de ne rien laisser paraître de son inquiétude. Seule Helena conservait son air impassible, sa concentration déjà tournée vers la course à venir.