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Chapitre 18

    Ergo, Adélaïde, Rory et Eléna atteignirent la Cave dans une cavalcade folle. Partout le monde hurlait, mélange de râles rageurs et de cri de détresse. A peine arrivés dans l'enceinte de la ville, deux changés leurs sautèrent dessus sans crier gare. Ergo valsa quelques mètres plus loin, ses mains tentaient vainement de contenir la force hors normes du changé dont les dents claquaient à quelques centimètre de son visage. Un peu de sang lui éclaboussa le visage quand le gourdin de fortune de Rory vint lui fracasser le crâne. Ergo se releva en hâte, l'arme au poing. Adélaïde terminait son assaillant à coup de dague et Elena avait déjà encoché une flèche à son arc. 

    Chaque ruelle était victime d'une scène macabre. Partout l'on voyait des corps décharnés, rongés par la transformation ou mutilés par les changés. Les pauvres villageois sans défense fuyaient en tous sens pour leurs vies et Ergo en déduisit que l'attaque avait dû être récente. Par moment certains groupes parvenaient à maintenir tête aux assaut grâce à des armes de fortune ou d'épée de plus ou moins bonne facture. D'un geste vif, Ergo trancha la gorge d'une créature attaquant une femme avant de lui attraper le bras pour la mener au loin. 

    Il leur fallait trouver un endroit à l'abri au plus vite. Au détour d'une rue dégagée, Adélaïde les prit à parti.

— Cet endroit est un carnage, annonça-t-elle sans émotions. Si les habitants continuent de s'éparpiller dans tous les sens ils courent au massacre !

— Et qu'est-ce qu'ils pourraient faire d'autres ? demanda un Ergo cynique en surveillant l'angle de la ruelle.

— Il faut nous rassembler en un lieu défendable pour permettre à tous de vivre. Les changés attaquent sans but et sans organisation avec une force incomparable. Si nous ne jouons pas sur l'effet de masse la ville est perdue.

— La maison de l'ancêtre, déclara Rory, c'est le seul endroit assez grand pour accueillir du monde et la façade arrière se fond dans la roche. Enfin... Si elle n'a pas été emportée par les confins...

    Adélaïde acquiesça, il ne le saurait qu'en arrivant sur place.

— D'autres propositions ? 

— De mémoire leur dispensaire est assez central et défendable, mais il ne pourra pas accueillir tout les habitants, précisa Ergo en déplaçant son épaule. Je n'étais pas complètement au top de ma forme la dernière fois que je m'y suis trouvé.

— Bien, conclut Adélaïde d'une voix ferme. Quoiqu'il arrive nous restons ensemble, tentez d'amener autant de personne que possible. Criez de nous rejoindre à la demeure de l'ancêtre s'il le faut, les changés ne comprendront de toute façon pas.

    D'un signe de tête entendu, les quatre compagnons reprirent leur chemin dans la mêlée générale qu'était devenu la Cave. 

    Chaque coin de rue offrait son lot de scène macabre, les corps gisaient au sol, férocement étripés par une rage pure mue par un seul désir : Détruire. Car là était l'unique but qui subsistait dans l'esprit d'un changé, anéantir tout ce à quoi il n'avait plus droit. Sans âme pour nous maintenir à l'état d'humain, il ne nous reste que la colère et la haine pour tout moteur. A plusieurs moments ils parvinrent à éviter la mort à quelques colons qu'ils ajoutèrent à leur groupe. Parfois leurs cri d'alerte portaient leur fruit, et quelques hères couraient à perdre haleine dans leur direction ou prenaient le chemin de la maison de l'ancêtre, heureux de trouver un endroit ou se rassembler. Tout ces gens qui, dans leur malheur souterrain, avait toujours compté sur leurs ancêtres se retrouvaient maintenant démunis et perdus au milieu d'une hécatombe.

    Ce fut alors que la grande demeure de pierre de l'ancêtre se dessina à l'horizon. En quelques foulées et coups de couteau, le groupe parvint enfin à ses larges portes. Adélaïde et Eléna se placèrent en amont afin d'aider les derniers rescapés à entrer tandis qu'Ergo et Rory pénétrèrent les lieux à la hâte, bien déterminés à barricader la moindre ouverture.

    Lorsque qu'un nombre incalculable de changés se frayèrent un chemin jusqu'à eux, les deux guerrières n'eurent d'autres choix que d'abandonner les quelques malheureux retardataires afin de s'enfermer à leur tour dans ce qu'elles espéraient être un bastion de secours, et non un tombeau.

    On entendait encore les cris au dehors quand la porte se ferma définitivement. Un lourd panneau de bois vint barrer l'entrée et Adélaïde remercia la méfiance de feu l'ancien qui avait cru bon de se préparer à un soulèvement des habitants. Ergo revint en hâte vers elles, dans les salles adjacentes les fenêtres étaient couvertes de lourds meubles dont le déplacement se voyait encore dans les rayures du plancher. Comme l'avait indiqué Rory, la façade arrière était accolée au versant de la montagne, les changés n'avaient donc aucun moyen d'entrer hormis par la porte principale et les quelques fenêtres à présent barricadées. Elle songea amèrement que si aucun ennemi ne pouvait entrer, aucun rescapés ne parviendrait non plus à sortir... 

— Adélaïde !

    Un voix s'extirpa de la cohue qui stagnait dans le halle d'entrée. Un sourire sincère se dessina sur son visage quand elle reconnut quelques femmes de sa communauté parmi les rescapés.

— Amelia ! s'écria Eléna heureuse de revoir un visage amicale. Comment ? Où sont les autres ?

    Leur camarade leur offrit un regard marqué par le deuil.

— Le village n'est plus, déplora-t-elle affligée. Nous sommes quelques unes a avoir pu fuir avant la purge, seule la chance nous a permis de ne pas être dans une zone peuplée à ce moment là...

    Adélaïde ragea intérieurement, d'un point de vue extérieur, elle n'affichait que le visage dénué d'expression d'une cheffe pour qu'il il était inconcevable de flancher.

— Tu avais raison Adélaïde, reprit leur camarade Amelia. La purge à commencé... Nous avons tenté de rejoindre quelques communautés aux alentours. Il n'y a plus rien...

— Mes amies, annonça la cheffe guerrière d'un ton dur. Je crains que nous ne soyons la cause de ce bouleversement... Hélas nous manquons de temps pour les détails, j'ai besoin que vous fouilliez le manoir à la recherche d'une sortie par laquelle nous pourrions partir. Il y a peut-être encore des galeries qui n'ont pas été englouties par le confins et par lesquelles les habitants pourront s'échapper.

    D'un signe de tête montrant une fidélité et une confiance sans faille, les quelques guerrières survivantes partirent en trombe, chacune se partageant une partie de la demeure.

— Je ne comprends pas, annonça soudain Ergo alors que de puissants coups se faisaient ressentir derrière la porte. Si le démon a voulu absorber les dernières âmes comme vous le dîtes, pourquoi la Cave est-elle encore là ?

— J'ai une petite idée, affirma Adélaïde le visage tourné vers l'étage. Suivez-moi.

    Le niveau supérieur de la demeure restait aussi somptueux que le rez-de-chaussée. Le sol de bois recouvert de tapis colorés s'additionnaient au luxe des tableaux et autres bibelots qui ornaient les murs et les meubles. Ergo se demanda un instant comment l'ancêtre de la Cave avait pu se procurer autant de chose. Il en frôla quelques uns du bout des doigts. La nouvelle perception qu'il avait des souterrains remettait en cause toute sa compréhension de ce monde : Le démon, les rêveurs... Finalement, tout ce qu'il voyait ici n'était-il que le fruit de l'imagination d'un groupe de personne condamné à créer sans relâche ? La texture qu'il sentait sous ses doigts était-elle réelle ou son cerveau lui ordonnait-il de le croire ? D'ailleurs, étaient-ils réel, eux ? Le démon en avait après leurs âmes, qui pouvait assurer que leurs corps, leurs vrais corps, ne se trouvassent pas quelque part à pourrir, rongé par les vers ? Mettre fin à la folie du démon signifiait sans aucun doute mettre un terme à leur existence également. Si l'on pouvait parler d'existence. Ergo retira vivement sa main des bibelots, toutes ces cogitations lui donnaient mal au crâne et ne menaient à rien. Quelque fût la suite des évènements, leurs vie s'achèveraient d'une manière ou d'une autre.

    Plusieurs petits groupes d'habitants s'étaient installés dans les couloirs et salles. Des plaids et couvertures avaient été distribués, et quelques vivres se transmettaient de mains en mains afin de regagner un peu forces en cet instant sinistre. Ergo et Eléna suivaient Adélaïde comme deux parents surveillant un enfant un peu trop agité. Elle observait chaque recoin et personnes qui agrémentaient l'étage, comme à la recherche de quelque chose dont elle seule savait l'existence. Puis son attention se porta sur une porte close en fond de couloir qui se révéla verrouillée. Sans plus attendre, Adélaïde asséna un coup de pied vigoureux au niveau de la serrure, et la porte vola sur le côté dans un bruit de bois arraché. 

    A l'intérieur de la salle, cinq individu sursautèrent d'effroi. A leur pieds était dessiné un symbole complexe que quelques bougies disparates venaient éclairer faiblement. Lorsque l'un d'eux attrapa une arme posé à côté de lui, le trio se braqua instantanément, prêt à en finir.

— Attendez ! s'écria l'un des individus louche. Elle est avec nous.

    Son long doigt fin désigna Adélaïde. La tension ne sembla toutefois pas redescendre.

— Plus personne n'est avec nous abruti ! déclara son compagnon armé. Regarde ce qu'il se passe autour de nous !

    L'homme armé paraissait pris d'une hystérie difficilement contrôlable. Ce n'était pas le seul, les quatre autres affichaient tous la même expression : De la peur.

— Vous êtes des adeptes ? demanda Ergo avec un regard mauvais.

    D'un geste de la main, Adélaïde lui demanda de se calmer avant de demander à son tour :

— Vous protégez cet endroit, n'est-ce pas ?

— On se protège nous, surtout ! Vociféra l'adepte au couteau. On nous avait promis la vie, que la purge ne nous emmènera pas si on s'alliait au démon. Mais ils mentaient ! 

    Une jeune femme éclata en sanglots à leur côté, aussitôt rassurée par son camarade.

— Vous l'avez sûrement senti aussi, annonça-t-il à Adélaïde. Ca a été comme nous arracher le cœur. Tous ces camarades que l'on sentait, disparus...

— Nous y étions, déclara la guerrière sans ménagement.

    Elle se garda toutefois de préciser qu'ils en avait été la cause. 

— Nous nous étions déjà préparé après la disparition de la Cave. La plupart des autres adeptes sont partis pour le repère afin de se rassembler comme prévu, mais...

    Il ne put finir sa phrase, l'horreur se lisait encore sur son visage.

— Quand nous avons senti la disparition des autres adeptes, nous avons tenté le tout pour le tout avec cette protection, poursuivit-il alors. Mais je ne sais combien de temps encore elle peut tenir... Nous ne pensions même pas qu'elle protégerait une aussi grande partie de la Cave.

    Adélaïde acquiesça, puis s'entretint avec ses camarades d'un air décidé.

— Si la source de la protection se trouve ici, alors il doit rester des galeries en dehors de la Cave, celles situées derrière la maison. Eléna, retrouve nos camarades afin de voir si elle ont décelé un passage, si oui, faite évacuer tout le monde.

    La petite femme s'exécuta de suite.

— Quant à nous, déclara-t-elle à Ergo, je pense qu'il est temps de mettre un terme à tout ça et d'en finir avec le dernier gardien. Vous êtes avec moi.

— On parlera de mon paiement autour d'une pinte au soleil, déclara-t-il en guise d'acceptation.

    Ce fut l'un des rares moment où l'on vit un léger sourire sur le visage dure et strict de la guerrière.

— Il y a une information dont vous devez prendre connaissance, annonça-t-elle gravement. Je reste persuadé que quelqu'un a aidé Maëlys dans l'ombre, et ce n'était visiblement pas son père.

— Une idée ?

    Adélaïde soupira longuement, ce qu'elle s'apprêtait à énoncer lui brisait le cœur, mais ne devait en aucun cas venir entraver leur dernière chance.

— Il se peut que le dernier gardien soit la mère de Maelys.

    La ruelle était déserte. La plupart des changés s'étaient retranchés dans les décombres de la ville après s'être en vain abîmés à essayer de pénétrer dans le bastion de fortune qu'était devenu la demeure du maire. Privés de but, ils erraient dans les rues adjacentes à la recherche d'une personne, d'un animal ou de quoi que ce fût susceptible de supporter leur rage profonde. De temps en temps se faisaient entendre quelques râles hargneux qui laissait supposer une rixe entre deux changés, parfois un cri de détresse suivait, preuve qu'un pauvre individu ne les avait pas encore rejoint.

    Rory replaça le cache sur le trou d'un meuble qui lui offrait un point d'observation sommaire. Il soupira, le calme était revenu pour l'instant, mais pour combien de temps ? Si la Cave était devenu le seul lieux encore vivant à la ronde, peu de doute que les changés finiraient par affluer ici à la recherche de nourriture à se mettre sous la dent. Il ne parvenait pas à croire que plus rien ne subsistait en dehors de cette maison. Et pourtant, le noir qu'il voyait à l'horizon et au dessus de leurs tête lui prouvait qu'il avait sûrement tort. Combien de temps leur restaient-ils avant que les confins ne les englobassent eux aussi ? Ses pensées se murent vers Sophie et Maëlys. Au moins n'étaient-elles plus là pour supporter cet enfer ! Tout ce qu'il pouvait espérer était qu'elles aient pu avoir une fin rapide. Par moment il craignait qu'elles ne fussent encore vivantes à errer dans le noir, ou dévorées par un changé hargneux sans même se rendre compte de ce qu'il leur arrivait. Une larme perça ses défenses, et il s'obligea à chasser ces images macabres de ses songes.

    Une main amicale se posa sur son épaules alors qu'il se retournait. Le sourire tendre d'Eléna lui fit face, et il ne put lui rendre qu'un rictus sans joie.

— Mes amies ont trouvé un passage dans la réserve au sous-sol, elles sont parties en éclaireur pour voir où il mène mais nous allons pouvoir faire sortir les gens d'ici.

— Pour aller où ? lui chuchota-t-il résigné. Est-ce qu'il existe encore un lieu sauf ici bas ? 

    Eléna ne sut que répondre, son caractère positif ne parvenait plus à colmater les failles qui s'ouvraient en chacun d'eux.

— Nous sommes fichus ? demanda une voix chétive à leur côté.

    Rory et Eléna se tournèrent d'un même mouvement. La salle était si remplie de monde qu'ils n'avaient même pas constaté que leur conversation était écoutée.

— Evidemment ! cracha un homme non loin. Il n'y a plus rien !

— Mais... murmura une pauvre femme prostrée dans un coin. Les ancêtres vont faire quelque chose, non ? On ne peut pas nous abandonner tout de même.

— Tu vois un ancêtre ici peut-être ? Tout a disparu et on finira en charpie pour changé !

    L'homme profanait des parole virulentes qui ne firent qu'augmenter l'angoisse pesante qui régnait sur les lieux. Comment lui en vouloir, la peur parlait pour eux, plus rien ne parvenait à maintenir le peu d'espoir et de cohésion qui peinait depuis toujours à s'accrocher à leur cœur.

— Non ! lança Eléna pleine de conviction. Il y a toujours un espoir ! Nous sommes en sécurité ici alors que de nombreuses personnes n'ont pas eu cette chance !

    L'homme cracha au sol, peu convaincu par ses propos fantasques.

— Elle a raison, finit par murmurer Rory, les poings serrés.

    Son regard balaya l'assemblé attiré par les échanges houleux.

— Ecouter tous, annonça-t-il avec force. Ce cauchemar ne peut plus durer. L'être qui nous fait endurer tant de souffrance est aux abois ! Regardez autour de vous, le monde s'écroule et disparait et les changés envahissent la ville, et pourquoi ? Par peur ! Peur de nous savoir capable de prendre les armes et de se battre pour notre liberté !

— Qu'est-ce que tu racontes gamin ? railla l'homme.

— C'est de notre faute si nous en sommes là à présent. Nous avons voulu défier l'entité qui nous maintenait prisonnier et j'ai...

    Son regard se posa sur Eléna.

— Nous avons perdu deux êtres chers. Deux petite bien plus jeunes et plus braves que vous ! lança-t-il en pointant son doigt vers l'énergumène. A elle d'eux elles sont parvenues à mettre à mal le maître des souterrains. Elles ont éliminées les gardiens qui maintenaient ce monde en place, qui nous maintenaient prisonniers comme des moutons.

    Rory avala sa salive, la salle écoutait son discours sans prononcer un mot. Parfois quelques sanglots s'extirpaient de l'auditoire et, sur certains visages, un léger sourire s'affichait à l'image de deux valeureuse petites.

— Nous ne pouvons pas juste pleurnicher dans notre coin et laisser leurs efforts réduits à néant. Que nous reste-t-il ? Soit nous restons ici à attendre la mort, soit nous allons la chercher pour retrouver notre liberté, nos vies et les personnes que nous avons abandonnées à la surface.

    Les murmures montèrent en puissance, tantôt apeurés, tantôt virulents, mais tous transportaient la même aura : Une haine féroce qui ne demandait qu'à s'échapper. Une rage envers ceux qui leur avaient privé de vie, de joie, et de tout ce que le monde avait à leur offrir.

— Le dernier rempart de la bête se cache en dehors de cette demeure, s'engaillardi Rory. Et nous devons tout faire pour qu'il s'écroule avec nous.

    Quelque part un coup fut porter au mur, à l'autre bout de la salle les cris de rage s'amplifièrent. Certains faisaient cliqueter les armes de fortune qu'ils avaient pu récupérer face aux changés, et tous prônaient à présent la même expression sur leur visage : La conviction.

— Et comment va-t-on trouver ce dernier rempart ? finit par demander l'homme cynique.

— Très simplement, clama une voix féminine lorsque le tumulte ce fut assourdi.

    Adélaïde traversa la pièce d'un pas fière et droit. Dans son regard brillait la résolution de celle qui avait un plan.

— Nous allons l'obliger à venir à nous.

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