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Carazachiel
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Chapitre 2

Stan

Le corĂ©en ? Pourquoi diable devrais-je parler le corĂ©en ? Bien sĂ»r, l'insolente ne me rĂ©pond pas quand je lui exprime mes pensĂ©es. Elle se dĂ©sintĂ©resse mĂȘme de moi lorsqu'elle apprend que je ne parle pas un traĂźtre mot de la langue, non sans m'avoir jetĂ© un « vraiment inutile, le vieux » au visage.

Charmant.

Peut-ĂȘtre que je devrais rentrer chez moi... 

Et faire une croix sur le fric et la bouffe gratos ? Haha, nope.

Mon pĂšre tente de m'intercepter pour me « parler » quand je pĂ©nĂštre dans la maison ; je refuse. Exige de finir ma soirĂ©e tranquille : nous avons toute la journĂ©e de demain pour discuter. Sa contrariĂ©tĂ© ne fait aucun doute, mais je n'ai qu'Ă  lui rappeler ma situation sentimentale pour qu'il n'insiste pas.

En revanche, je me garde bien de lui dire que cette rupture ne m'affecte que trĂšs peu, en rĂ©alitĂ©. RĂ©my et moi, nous n'Ă©tions simplement pas compatibles. Son idĂ©e du couple ne rejoint pas la mienne. Pour lui, un couple doit ĂȘtre collĂ© ensemble, avoir les mĂȘmes centres d'intĂ©rĂȘt, sortir au moins deux fois par semaine au restaurant et s'envoyer en l'air presque une fois par jour. Je suis beaucoup plus casanier, pas forcĂ©ment tactile et surtout : je ne suis pas amoureux de lui. Je ne l'ai jamais Ă©tĂ©.

Nous avons tous les deux voulu suivre le « modĂšle » offert par la sociĂ©tĂ© alors qu'il ne nous convenait pas. En tout cas, il ne me convient pas, Ă  moi.

J'abandonne mon sac sur le convertible qui a remplacé mon lit depuis quelques années et sors mon ordinateur de sa sacoche. L'appareil s'allume à peine que déjà, le paternel tente de m'attirer avec un plat de lasagnes. Je résiste. Lance mon traitement de texte. Me craque les doigts et commencent à tapoter le clavier. 

Cinq mots.

Dix mots. 

Douze mots.

Quinze mots. 

Quinze mots. 

Toujours quinze mots. 

Quinze foutus mots et le vide neuronal total.

Le début du chapitre m'est pourtant venu spontanément, mais je suis incapable d'enchaßner. Rien ne me vient. Rien de rien. Je reste vide et sec, les mains posées sur le clavier, la vision floue à force de fixer les caractÚres noirs sur l'écran.

Cinq minutes. C'est tout ce qu'il m'a fallu pour perdre motivation et résolution.

Soupirer ne m'aide pas, pas plus que de vĂ©rifier mes notifications sur le site littĂ©raire oĂč je poste mes romans.

OĂč je poste ce fameux roman en cours. Ce roman qui doit avoir une dizaine de lecteurs Ă  tout casser. Ce roman que les susmentionnĂ©s ont dĂ» oublier, depuis le temps.

Je les imagine parfois recevoir l'alerte, « un nouveau chapitre de ClĂ©andre est disponible ! » et se demander ce que diable l'histoire pouvait bien raconter.

En ligne, les romans sont des consommables jetables, surtout lorsqu'ils sont gratuits. Mettez un peu trop de temps Ă  actualiser votre rĂ©cit, et celui-ci sera oubliĂ© par la majoritĂ©. Bien sĂ»r, il restera toujours quelques irrĂ©ductibles qui vous attendront (et je les en remercie du plus profond de mon cƓur), mais il faut bien avouer que ça ne suffit pas.

Ou plutÎt, aprÚs des années de flops et de tentatives échouées, ça ne suffit plus.

Entre ça et les « Allez, Stan, c'est pas grave ! Tant que tu as un lecteur, c'est une rĂ©ussite !

Alors, oui, mais en fait non. Désolé, mais un lecteur, c'est juste un échec. Si je pouvais me contenter d'un lecteur, je filerais tous mes manuscrits à Max ou à ma mÚre, je ne m'échinerai pas à les peaufiner pour les publier en ligne, puis pour les autopublier.

Il y a aussi les "Tu sais, tant que tu prends plaisir à écrire, c'est le principal !"

Le plaisir d'écrire. Le fameux plaisir d'écrire. Le drapeau brandi du plaisir d'écrire. Je peux plus me le voir en peinture, le plaisir d'écrire.

SincÚrement, si je veux prendre du plaisir, je vais faire une descente dans le congélateur, ou bien je commande une pizza, je ne me rue pas sur mon clavier. Ou alors, je vais me faire couler un bon bain bouillant alors qu'il fait moins dix dehors ! (Bon, là, c'est raté, on est en janvier, mais il fait treize.) Ou encore, je vais mettre netflix pour "chill" toute la matinée/journée/soirée.

Vraiment... j'adore l'idée d'écrire des romans, j'aime le fait que des personnes vont lire et apprécier (c'est à espérer) mes écrits, mais je n'aime pas écrire.

Je n'aime pas me prendre la tĂȘte sur des phrases.

Je n'aime pas rester insatisfait par une tournure, et me retrouver bloqué à cause de ça.

Je n'aime pas perdre mes mots, oublier mes notes, égarer mes fiches.

Je n'aime pas les réécritures, les heures passées à chasser les incohérences, à traquer les coquilles.

J'aime crĂ©er des livres, mais je n'aime pas la partie oĂč il faut les Ă©crire. C'est juste un calvaire par lequel il faut passer pour atteindre son but.

Et je parle uniquement du but "livre fini prĂȘt Ă  la vente", pas le but de... vendre.

Celui-là, je n'ai pas trouvé comment l'atteindre.

Parce que oui, je poste mes romans sur une plateforme en ligne avant de les prĂ©parer pour l'auto-Ă©dition, et le moins que je puisse dire... c'est que je reste un loser sur toute la ligne. Aucune percĂ©e en vue pour mes web-sĂ©ries et pour mes livres en vente, les graphiques se rapprochent d'un tracĂ© cardiaque plat. Ils ne fibrillent mĂȘme plus. Que ce soient mes romans solo, mes nouvelles ou bien ceux Ă©crits Ă  quatre mains avec Steph ».

Nous sommes un génialissime flop, doté d'un talent inégalé en matiÚre d'échecs, et si j'avais encore un peu de mal à l'accepter au début de cette aventure, c'est désormais un fait assumé !

Bref.

Mes quinze mots. Que je relis, encore et encore. Qui me narguent. Qui me jugent. Qui disparaissent de mes pensées sitÎt que l'on m'appelle pour venir manger des glaces à la noix de coco. 

Si je peux ignorer avec vaillance un plat de lasagnes, je suis incapable de résister à une crÚme glacée goût coco. Mes sens flairent le piÚge dans la voix sirupeuse du paternel, pourtant, mon cerveau décide de passer outre. 

Je sors de mon ancienne chambre (désormais un bureau et une salle de sport) et m'engage dans le couloir. Mon pÚre m'y attend. Ses dents mordillent ses lÚvres. Dans sa main, un café fumant.

— Je croyais que j'avais le droit Ă  une glace Ă  la noix de coco, bougonnĂ©-je.

— J'ai honte d'avoir utilisĂ© cette mĂ©thode pour te faire sortir, avoue-t-il en me tendant la tasse. Les enfants sont couchĂ©s... il faut que je te parle de quelque chose.

Je saisis le mug, les sourcils froncés et les sens en alerte. Il tourne aussitÎt les talons comme si je me devais de le suivre. Ce que je n'ai pas la moindre envie de faire. 

— Si t'as pas de glace, je retourne Ă©crire.

Enfin, je retourne loucher sur mon écran.

— Nous devons parler maintenant, Stan. Demain, ce sera trop tard.

Mon estomac fait un looping. Comment ça, trop tard ? Et pourquoi arbore-t-il une expression aussi dramatique ?

— Je le sens mal... y a un truc que tu me dis pas, n'est-ce pas ? Ça concerne Kamilla et un concert de CorĂ©ens ?

Ses Ă©paules frĂ©missent, mais il ne s'arrĂȘte pas pour me faire face. Bien au contraire, il accĂ©lĂšre le pas et s'engage dans l'escalier.

— Ça s'appelle de la KPOP, souffle-t-il. Et oui... en quelque sorte.

Je tente de le rejoindre sans renverser mon café, il accélÚre encore.

— Tu veux que je l'accompagne à un concert ? Tu sais que je m'entends pas avec elle, non ?

— Je sais. Et... en quelque sorte.

Il pénÚtre dans la cuisine, m'invite à m'assoir au comptoir avant de se servir un verre de vin rouge. Il m'en propose, je refuse ; je ne bois pas d'alcool. Jamais. 

— Tu m'as quand mĂȘme pas fait venir juste pour accompagner ta fille Ă  un concert !?

— Si... enfin non. Mais un peu... comment dire... 

Las de ses cachotteries, je pose ma tasse sans y avoir touché et l'enjoins à continuer.

— Stan... je ne vais pas y aller par quatre chemins : je n'ai pas besoin de toi pour garder les deux petits, je t'ai menti. Je m'en sors trĂšs bien. Enfin, pas parfaitement, mais c'est convenable. Le problĂšme, c'est que les parents de Flavie ont offert deux billets de concert Ă  Kamilla pour ses quatorze ans. Elles devaient y aller ensemble, mĂšre et fille, et moi, je devais garder les petits. Sauf qu'il y a eu ce dĂ©placement imprĂ©vu Ă  Rennes. Et maintenant, il n'y a plus personne pour accompagner Kamilla, c'est pour ça que j'ai... pensĂ© Ă  toi.

Je me passe une main sur le visage. L'idée de passer toute une soirée avec Kamilla ne m'emballe pas. Mais s'il ne s'agissait que de ça, le paternel n'aurait pas proposé de me payer.

— Et il est oĂč, ce concert ?

Avec lenteur, il récupÚre une pochette qu'il ouvre. Les élastiques claquent. Mes nerfs aussi. Ses mains à lui tremblent tandis qu'il extirpe deux papiers rectangulaires de la chemise cartonnée. 

Des billets d'avion.

— À SĂ©oul. Il est Ă  SĂ©oul, et vous devez ĂȘtre Ă  l'aĂ©roport Ă  5 heures demain matin.

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