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MysticRose
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Chapitre 3.1 - Oryn

Oryn observait l’adolescent s’éloigner, droit et fier, aux côtés de sa mère.

Il ne l’avait jamais vu… pourtant quelque chose de troublant, d’étrangement familier se dégageait de lui. Était-ce sa chevelure couleur corbeau, si semblable à la sienne ? Ou son médaillon et le blason qui scintillait à travers la lumière ? Le prince plissa les yeux, s’efforçant de se remémorer les leçons de son précepteur. N’avait-il pas insisté sur le fait qu’un sceau ne pouvait renvoyer que l’emblème de la lignée à laquelle son porteur appartenait ? Soudain, il n’en était plus aussi sûr…

Ces armoiries qui pulsaient à travers le bijou, c’était bien le Cœur de Valcor, non ?

Un frisson traversa la foule, une rumeur qui semblait s’étendre à toute la ville. Le garçon, sa mère, et leur attitude irrévérencieuse, avaient laissé derrière eux un malaise, une note dissonante qui refusait de s’éteindre.

— Il ne s’est pas incliné, murmura Oryn.

Il fronça les sourcils et leva les yeux vers son père, assis au centre de la grande tribune à ses côtés. Le roi semblait paisible, mais il y avait quelque chose d’inhabituel dans sa posture, dans la ligne rigide de ses épaules. Une tension qui n’échappait pas au prince. Il était rare que Darius Valcor soit déstabilisé.

— Père, qui est-ce ? l’interrogea-t-il en reportant son attention sur le cortège.

Comme le roi, il continuait à saluer les nobles et leurs fils qui se présentaient devant eux. Mais il pouvait encore voir le garçon aux yeux clairs et aux cheveux noirs, son expression farouche et le cœur rougeoyant qui battait contre sa poitrine.

— Quelqu’un dont tu ne devrais pas t’inquiéter.

Le ton tranchant de sa voix et cette ombre dans son regard disaient pourtant le contraire. Oryn sentit son estomac se nouer. Par habitude, il serra le pendentif qu’il portait autour du cou. Pour la toute première fois, ce geste ne lui fut d’aucun réconfort.

L’inconnu l’avait dévisagé avec une intensité glaciale, presque haineuse. Le simple fait d’y penser lui donnait des frissons. Oryn avait beau réfléchir, il ne comprenait pas. Il ne lui avait rien fait. Il ne le connaissait même pas.

— Il avait l’air… en colère, lâcha-t-il, plus pour lui-même que pour le roi.

— Cesse de te préoccuper de lui, le morigéna ce dernier. Tu es le prince de Valéria, reste concentré sur ton devoir.

Oryn se redressa vivement et focalisa toute son attention sur la procession.

Il ne devait pas décevoir son père, il devait se montrer digne de sa position.

Il fixait machinalement les visages qui défilaient, hochant la tête au rythme des courbettes et des salutations. Pourtant, il ne parvenait pas à chasser ce visage de son esprit. Depuis que le garçon s’était tenu face à eux, le monde autour de lui semblait se déliter, perdre de sa consistance.

Quand à la fin de la journée, la cérémonie se termina enfin, son père quitta la tribune à la hâte. Il agita la main et Torvald, son plus fidèle intendant, accourut aussitôt.

— Faîtes préparer une voiture, entendit Oryn.

Ils regagnèrent le palais dans un silence pesant. Darius de Valcor marchait d’un pas rapide, le front plissé, les traits figés dans une expression sévère. Il lui accorda à peine un regard avant de disparaître en empruntant la direction des écuries royales. Oryn se précipita vers les jardins intérieurs, où il pensait que sa mère se serait réfugiée. La reine s’était éclipsée discrètement au cours de la cérémonie, comme elle le faisait souvent lors de grands rassemblements. Oryn savait qu’elle avait du mal à affronter ces moments. Parfois, il la comprenait mieux que personne. Il chercha sans succès dans plusieurs salles du palais avant de la trouver dans ses appartements privés. La pièce était sombre et les rideaux tirés ne laissaient entrer qu’un mince filet de lumière dorée.

La reine Esther était assise dans un fauteuil, recroquevillée sur elle-même, un mouchoir chiffonné entre ses doigts tremblants. Ses yeux étaient rougis, gonflés par les larmes. 

— Mère, murmura Oryn, figé dans l’embrasure de la porte. C’est moi…

Un silence lui répondit, suivi par un sanglot étouffé. Comme à chaque fois qu’il assistait à l’un de ces moments, le prince sentit aussitôt une boule se former au fond de sa gorge. Sa mère était une femme délicate et mélancolique. Elle avait des absences, des périodes où elle semblait s’effacer du monde. En grandissant, il apprenait à les reconnaître. 

Il s’approcha d’elle avec prudence. Il avait peur de briser la bulle fragile dans laquelle elle s'était isolée. Elle leva la tête, son regard clair noyé dans cet abîme de douleur qu’il ne comprenait pas. La reine était constamment plongée dans une tristesse qu’il n’osait pas questionner. Il l’avait toujours connue ainsi, douce et silencieuse, en retrait.

Il s’agenouilla près d’elle et caressa le dos de sa main. Elle baissa les yeux vers lui. Ils étaient si vides qu’Oryn se demanda si elle le voyait vraiment.

— Mère, répéta-t-il. Que se passe-t-il ?

Elle ne répondit pas tout de suite. Ses lèvres tremblèrent et ses doigts se crispèrent, froissant un peu plus son mouchoir blanc. Elle explosa soudain en sanglots incontrôlables.

— Il l’a laissé revenir ! cria-t-elle d’une voix étranglée. Il l’a laissé revenir !

Oryn recula instinctivement. Il ne l’avait jamais vue dans un état pareil. Elle était toujours triste, et il lui arrivait parfois de ressasser des pensées sombres et incohérentes, mais pas avec une telle violence. Pas comme ça.

De qui parlait-elle ?

— Mère, qui est revenu ? souffla-t-il, craignant presque de connaître la réponse.

Elle ne l’entendait pas. Elle se balançait d’avant en arrière, les mains agrippées sur le rebord de son fauteuil. Elle continuait de gémir, d’une voix de plus en plus brisée : 

— Il l’a laissé revenir… Il l’a laissé revenir…

Le cœur battant, Oryn s’approcha à nouveau pour la prendre dans ses bras et essayer de la calmer, mais elle le repoussa avec une force déroutante.

— Il l’a laissé revenir… Il l’a laissé revenir…

Le prince se figea, le corps parcouru de tremblements. Sa mère semblait égarée dans un cauchemar. Ses cris résonnaient dans toute la pièce. Elle prononçait les mêmes mots, encore et encore, comme si son esprit était emprisonné dans une boucle sans fin.

Oryn sentit les larmes monter, mais il les réprima.

Il n’avait pas le droit, il ne devait pas pleurer.

Un futur roi ne pleurait pas.

Il jeta un regard terrifié vers la porte, priant pour que quelqu’un vienne à son secours. Il était aussi piégé qu’elle, incapable de l’aider. C’était comme si elle se trouvait à des lieues de là, loin de lui, enfermée dans une réalité qu’il ne pouvait pas voir.

Finalement, des bruits de pas précipités retentirent dans le couloir. Plusieurs domestiques entrèrent à la hâte.

Une main se posa sur l'épaule du prince.

— Viens avec moi, ils vont s’occuper d’elle.

Les yeux brûlants, il leva la tête pour croiser ceux, graves et sombres, d’Andras, le commandant de la garde royale, le bras droit de son père. L’homme resserra doucement son étreinte. Oryn, désemparé, se laissa guider lentement vers la porte, jetant un dernier regard sur la reine et les domestiques qui l’entouraient. Même après qu’Andras l’ait éloigné de la chambre, alors qu’ils s’enfonçaient dans les couloirs, la voix brisée de sa mère et son angoissant refrain résonnaient encore dans son esprit : 

— Il l’a laissé revenir… Il l’a laissé revenir…

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3 Comments

2 months
C'est jamais bon une personne fragile avec autant de pouvoir qu'une reine 😬
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2 months
Oui, même si ici, je dirai qu’elle n’a que très peu de pouvoir. Merci pour ta lecture ! (Je suis pas mal accaparée par la sortie prochaine de mon roman et donc très peu présente par ici, mais je reviens vite te lire de mon côté dès que j’ai l’esprit un peu plus libre 😁)
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2 months
Oui, même si ici, je dirai qu’elle n’a que très pe...
Aucun soucis ! Bo. Courage et félicitations pour ta sortie prochaine ! 😁
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