Mon cœur rate un battement. Une urgence ?
Je me redresse immédiatement, le téléphone collé à l'oreille. Mes amies me regardent avec inquiétude, sentant que quelque chose ne va pas.
- « Qu'est-ce qui se passe, Lev ? »
Sa voix est tendue.
- « Il y a eu un problème au restaurant. Tu devrais venir. Tout de suite. »
Mon sang se glace. Lev n'est pas du genre à paniquer pour rien. Si c'était un simple problème de gestion, il ne m'aurait pas appelée personnellement.
- « Quel genre de problème ? »
Un silence. Puis, d'un ton plus grave, il répond :
- « Viens, Rayna. Tu comprendras sur place. »
L'appel se coupe avant que je puisse insister.
Je reste figée, le téléphone serré dans ma main. L'inquiétude monte en moi comme une vague incontrôlable.
- « Rayna ? » fait Layna, hésitante.
Je lève les yeux vers elles, réalisant soudain qu'elles m'observent avec des regards inquiets.
- « Qu'est-ce qu'il y a ? » demande Danielle.
Je me lève brusquement, enfilant mon manteau et attrapant mon écharpe.
- « Je dois y aller. »
- « Où ça ? » insiste Célia, fronçant les sourcils.
Je serre les lèvres. Je n'ai pas le temps d'expliquer.
- « Au restaurant de mon père. »
- « On vient avec toi. »
- « Non. » Ma réponse est immédiate, tranchante. Je ne veux pas les mêler à ça. « Ce n'est rien de grave, ne vous inquiétez pas. »
Un mensonge. Un de plus.
Elles échangent un regard, visiblement pas convaincues, mais ne discutent pas.
- « Fais attention, d'accord ? » dit Layna doucement.
J'acquiesce et sors rapidement.
D'accord, je recommence depuis le début en intégrant tous les éléments que tu veux.
****
Lorsque j'entre dans le restaurant, je règle rapidement le taxi avant de me diriger à l'intérieur. L'ambiance feutrée et élégante contraste avec la tension qui me serre la poitrine. À peine ai-je franchi la porte que Lev m'intercepte sur le côté, son expression grave.
- « Rayna, enfin, tu es là. »
Son ton m'inquiète aussitôt.
- « Qu'y a-t-il ? Où est mon père ? » demandai-je, déjà sur mes gardes.
- « Il a eu un urgence au showroom et ... »
- « Il se passe quoi ? Quelle est l'urgence pour que tu m'as appelée ? » le coupai-je, l'impatience teintée d'inquiétude.
Lev soupire légèrement avant de m'expliquer.
- « Une serveuse a fait une erreur... Deux fois. Et pas avec n'importe quel client. »
Je fronce les sourcils.
- « Qui ? »
- « Deux hommes, à la table du fond. Ils ont exigé de voir le dirigeant, mais comme Monsieur Morozov est indisponible, j'ai pensé que tu devrais intervenir. »
Je retiens un soupir. Mon père me confie rarement ce genre de responsabilités, mais si c'est une question d'image et de satisfaction client, je n'ai pas vraiment le choix.
Je serre les dents et avance, le cœur battant un peu plus vite que je ne l'aurais voulu.
Lorsque j'arrive à la table en question, je les vois immédiatement. Deux hommes assis, à l'aura singulière.
Le premier, aux cheveux châtains clairs, a un air décontracté, mais son regard rusé me met mal à l'aise. Il joue distraitement avec le bord de son verre, comme s'il s'amusait de la situation.
L'autre est bien plus intimidant. Ses cheveux noirs encadrent un visage aux traits marqués, et ses yeux verts, d'un éclat froid et profond, me fixent avec une intensité troublante. Il ne dit rien. Il ne bouge presque pas. Mais son regard... Son regard semble transpercer chaque parcelle de mon être.
Je ravale mon malaise et prends la parole d'un ton professionnel.
- « Bonsoir, Messieurs. Je suis Mademoiselle Morozova, la fille du propriétaire. On m'a informée qu'il y avait un problème ? »
L'homme aux yeux verts reste silencieux.
Son compagnon, en revanche, lève un sourcil amusé et me détaille un instant avant de jeter un regard à son acolyte. Puis, il reporte son attention sur moi.
- « Ah, vous voilà enfin. Je suis Mikhail, je vais vous expliquer. »
Mikhail.
Ainsi, le nom de l'homme aux cheveux châtains.
- « Bien, Mademoiselle Morozova. Il semble que votre personnel ait un petit souci d'attention ce soir. Nous avons commandé un plat bien précis, et pourtant, on nous a servi autre chose... Deux fois. »
Son ton est léger, presque moqueur, mais je perçois parfaitement qu'il attend une réponse appropriée.
Je garde mon calme et réponds posément :
- « Messieurs, pour nous excuser de cette erreur, notre restaurant vous offre votre repas. »
Mikhail laisse échapper un petit rire.
- « Oh ? Voilà qui est généreux. »
Il croise les bras et jette un regard à l'homme aux yeux verts, qui reste impassible.
- « Très bien, Mademoiselle Morozova. Nous acceptons votre offre. »
Puis, après un bref silence, il ajoute avec une pointe de curiosité :
- « Mais dites-moi... Vous semblez bien jeune pour gérer ce genre de situation. Votre père vous laisse vraiment prendre de telles décisions ? »
Je serre discrètement les poings pour contenir mon agacement, mais garde une expression neutre.
- « Monsieur, êtes-vous ici pour dîner ou pour juger mes compétences ? »
Un silence s'installe.
Mikhail me fixe un instant avant d'éclater d'un léger rire.
- « Intéressant. Très bien, nous dînerons. »
Il repose son verre sur la table, signifiant que l'affaire est close.
Je hoche la tête avec professionnalisme.
- « Je vais m'assurer que votre commande soit servie sans erreur, Messieurs. Passez une excellente soirée. »
Et sans attendre de réponse, je tourne les talons et m'éloigne, le cœur battant encore sous l'intensité du regard vert qui, je le sens, ne me quitte pas des yeux.
Alors que je m'éloigne, je ressens encore ce regard pesant sur moi. Même sans me retourner, je sais que l'homme aux yeux verts continue de m'observer. Un frisson me parcourt l'échine, mais je garde la tête haute.
Lev m'attend près du comptoir, l'air soulagé.
- « Comment ça s'est passé ? » demande-t-il à voix basse.
- « Ils ont accepté l'offre du restaurant. Mais surveille leur commande cette fois. Je ne veux pas d'une troisième erreur. »
Il hoche la tête avant de s'éloigner vers les cuisines.
Je prends une profonde inspiration. Ce n'était qu'un incident parmi d'autres, rien d'inhabituel... Alors pourquoi ai-je l'impression que quelque chose cloche ?
Je tourne légèrement la tête et aperçois Mikhail qui parle à son compagnon à voix basse. L'homme aux yeux verts ne répond pas. Il se contente d'incliner à peine la tête avant de détourner son regard vers moi.
Mon cœur rate un battement.
Je me détourne rapidement et reprends ma route, mais une chose est certaine : cette soirée ne fait que commencer.
****
Une fois à la maison, je monte les escaliers d'un pas lent, la fatigue me pesant sur les épaules. J'entre dans ma chambre, la porte se fermant doucement derrière moi. Je me débarrasse de mes vêtements avec une hâte presque mécanique et me glisse sous la douche, laissant l'eau chaude apaiser mes muscles tendus.
Je sors rapidement de la douche, enroulée dans une serviette, et me dirige vers le miroir. Je me brosse les dents machinalement, le visage marqué par la fatigue et l'inquiétude. Après m'être habillée en pyjama, je me laisse tomber sur mon lit, cherchant un instant de réconfort dans la douceur des draps. Mais le calme est de courte durée.
Je tends le bras pour attraper mon téléphone, mon cœur battant plus vite à chaque seconde. Je sais ce que je dois faire. J'ouvre les messages et compose un appel de groupe. Layna, Sabrina, Danielle et Célia, mes meilleures amies. Elles sont là pour moi, comme toujours.
J'attrape mon téléphone, et j'appelle les filles dans un appel de groupe.
Layna est la première à décrocher, suivie de Sabrina, Danielle et enfin Célia.
- « Rayna ? » fait Layna d'un ton inquiet. « Tout va bien ? »
- « T'as mis du temps à appeler, on s'inquiétait ! » ajoute Sabrina.
Je prends une profonde inspiration avant de répondre.
- « Désolée les filles... J'ai eu une soirée compliquée. »
- « Qu'est-ce qui s'est passé ? » demande Danielle, son ton curieux contrastant avec l'inquiétude des autres.
- « Vous vous souvenez de l'appel que j'ai reçu avant de partir ? C'était Lev, du restaurant. Il y avait une "urgence". »
- « Oui, mais il s'est passé quoi au restaurant ? » demande Célia, impatiente.
Je me redresse dans mon lit et commence à leur raconter.
- « Deux clients importants ont eu un problème avec leur commande. Apparemment, une serveuse a fait une erreur deux fois de suite, et ils ont exigé de voir le dirigeant. Comme mon père n'était pas là, c'est moi qui ai dû gérer la situation. »
- « Et alors ? » s'exclame Sabrina. « C'était qui, ces clients ? Des gars relous ? »
- « L'un d'eux, il s'appelait Mikhail, avait l'air... joueur. Un peu moqueur, un con quoi mais pas vraiment inquiétant. Par contre, l'autre... »
Un silence s'installe.
- « L'autre ? » répète Layna.
Je passe une main dans mes cheveux mouillés.
- « Il était... étrange. Silencieux. Il avait un regard... Je ne sais pas comment expliquer, Et il ressemble a vous savez qui, je sais pas comment vous l'expliquer mais il avait un aire de ressemblance. »
Un silence s'abat sur l'appel. Pendant une seconde, personne ne parle. Puis, c'est Célia qui brise le silence.
- « Attends... Quoi ? »
- « Rayna, tu es en train de dire que cet homme... il ressemble à celui de tes cauchemars ? » demande Layna, sa voix légèrement tremblante.
Je ferme les yeux un instant, cherchant mes mots.
- « Pas exactement... Mais il y avait quelque chose. Une ressemblance. Je ne saurais pas dire si c'est son visage, son expression, ou juste son regard... Mais quand il m'a fixé, j'ai senti la même sensation que dans mes rêves. Comme si... »
Je m'interromps, incapable de finir ma phrase.
- « Comme si quoi ? » insiste Sabrina, impatiente.
- « Comme si c'était lui. »
- « C'est flippant, » murmure Danielle.
- « Tu es sûre que ce n'est pas juste ton imagination ? » demande Layna.
- « Je ne sais pas... » admis-je dans un souffle. « Mais dès que j'ai croisé son regard, j'ai eu un frisson. Pas de peur, pas vraiment... Plutôt un... instinct de survie. Comme si mon corps me disait de ne pas baisser ma garde. »
- « Ça pourrait être une coïncidence, » dit Célia, même si elle n'a pas l'air convaincue elle-même. « Après tout, ton cauchemar, c'est juste... un cauchemar, non ? »
- « Peut-être... »
Sabrina brise le silence en changeant de ton.
- « Bon, assez parlé de types flippants. T'as mangé au moins, Rayna ? »
Je souris légèrement, reconnaissante qu'elle essaie de détendre l'atmosphère.
- « Ouais, ne t'inquiète pas. J'ai pris quelque chose en rentrant. »
- « Tant mieux, parce que si tu t'écroules de fatigue, on viendra te forcer à manger nous-mêmes, » plaisante Danielle.
- « Ça, ce serait un spectacle à voir, » ajoute Layna en riant.
Petit à petit, la conversation dérive sur des sujets plus légers : un professeur exaspérant, un nouveau drama que Sabrina et Danielle ont binge-watché en une nuit, et les plans pour le week-end.
Après une vingtaine de minutes à plaisanter et à parler de tout et de rien, je sens mes paupières s'alourdir. On se dit bonne nuit avant de raccrocher.
Je pose mon téléphone sur la table de nuit et m'enfonce dans mon oreiller, fermant les yeux.
Mais alors que je sombre peu à peu dans le sommeil, une pensée me traverse l'esprit : et si ce n'était pas que des cauchemars ?
Je ferme les yeux après cette dernière pensée.