Chapitre 2 : Le voyage des profondeurs.

Le bateau ralentit doucement, effleurant la surface d'un lac d'un bleu surnaturel au cœur de l'océan Atlantique. Devant eux, l'Institut Némoéa se dressait majestueusement, une forteresse de pierres blanches et translucides, sculptée à la fois par l'homme et par la nature marine. Un immense dôme de verre s'élevait au-dessus, capturant la lumière des profondeurs pour illuminer l'ensemble, comme une perle géante sous les eaux.

Calypso, Marek et Elias collèrent leurs visages aux vitres, fascinés. La silhouette de l'école ressemblait à un château ancien, avec ses tours élancées, ses ponts suspendus entre les ailes, et ses vastes jardins aquatiques où des plantes luminescentes ondulaient doucement.

Alors que le bivalve approchait de l'entrée, une immense arche de corail s'ouvrit lentement, révélant un tunnel de lumière azur, brillant d'une énergie presque magique.

“ C'est... incroyable “, souffla Calypso, les yeux écarquillés.

Le véhicule entra dans le tunnel, et aussitôt, une sensation étrange les enveloppa, le liquide environnant se dissipa en une brume légère, et ils se retrouvèrent soudain à marcher sur un sol ferme, sec.

Marek regarda autour de lui, bouche bée :

“ On peut marcher ? Mais on est sous l'eau ! “

Elias sourit :

" L'Institut est protégé par un champ spécial qui crée un environnement habitable sous le dôme. Un véritable monde à part. “

Calypso sentit ses pieds toucher le sol froid, un mélange de pierre et de sable, alors qu'ils sortaient du bivalve. La lumière filtrée par le dôme créait des reflets dansants sur les murs, et un doux parfum salé emplissait l'air.

Soudain, une silhouette apparut au bout du hall principal, une femme au regard perçant et à la posture rigide. Elle s'avança vers eux d'un pas assuré.

“ Bienvenue à Némoéa, jeunes recrues », annonça-t-elle d'une voix claire, légèrement glaciale. « Je suis Maître Lysandra Vael, responsable de la discipline et de l'enseignement des fondamentaux aquatiques. “

Calypso sentit un frisson parcourir son échine. Maître Vael dégageait une autorité naturelle, sans sourire, observant chacun d'eux comme si elle pouvait lire leurs pensées.

“ Ici, vous apprendrez à maîtriser vos pouvoirs, à respecter l'équilibre fragile des océans, et à devenir les gardiens des abysses. “

Elle ajouta en désignant l'immense bâtisse :

“ Némoéa est une école ancienne, forgée dans la roche sous-marine et renforcée par la magie de l'eau. Chaque pierre raconte une histoire, chaque couloir mène vers un savoir que seuls les élus peuvent comprendre. “

Calypso regarda autour d'elle, admirant les murs ornés de fresques d'anciennes batailles sous-marines, les vitraux représentant des courants marins tourbillonnants, et les hautes tours où, elle le savait, se cacheraient bien des mystères.

“ Suivez-moi “, ordonna Maître Vael. “ Votre initiation commence maintenant. “

Les jeunes élèves échangèrent un regard complice, prêts à plonger dans l'inconnu.

La grande salle ressemblait à la nef d’une cathédrale engloutie, piliers d’obsidienne veinés d’opale, arches tapissées de corail iridescent et, très haut, une verrière où se dessinait la houle nocturne, silhouettes de raies fantômes glissant au-dessus. Des centaines d’élèves des années supérieures, rangés par maisons, bruissaient d’un murmure abyssal. Au centre, un disque de basalte s’élevait lentement dans un chuintement hydraulique.

Calypso serrant la bandoulière de son sac, Marek Solis à sa droite et Elias Néréus à sa gauche, sentit son cœur battre à l’unisson du grondement sourd des pompes.

Soudain l'apparition du directeur Tenebrious

Lorsque l’estrade atteignit sa hauteur, une haute silhouette drapée d’un manteau noir y prit place, le directeur Tenebrious. On disait qu’il ne quittait jamais les profondeurs de l’Institut. À présent, Calypso le voyait pour la première fois :

Corps longiligne, presque décharné, épaules droites comme sculptées dans l’ardoise.

Visage pâle à la carnation nacrée, veinules bleu-minéral courant sous la peau.

Cheveux noirs, lustrés comme une algue sombre, tirés en arrière pour dévoiler un front haut et sans ride.

Yeux d’un bleu d’acier glacial, cerclés d’une fine pigmentation argentée qui rappelait les poissons abyssaux, la pupille semblait fendue comme celle d’un prédateur nocturne.

Lèvres minces, l’arc de Cupidon brisé par une cicatrice verticale à peine visible.

Gants de cuir terni dont les doigts se terminaient par des bagues-sceaux gravées d’étoiles marines.

À sa ceinture, un sablier noir rempli d’un sable bleu phosphorescent, pendant comme un talisman funeste.

Quand il leva la main, ses anneaux captèrent la lumière froide des luminolampes, et le brouhaha cessa aussitôt, le silence devint un vide d’abysse.

– Tenebrious (voix qui résonne, grave, métallique) :

" Enfants des flots, vous voici au seuil de l’énigme première : maîtriser l’eau, matrice et tombeau de toute vie. L’Institut Némoéa n’est pas un refuge, il est un creuset. Le courant balance ceux qui résistent, il brise ceux qui capitulent.

Les krathors rôdent, les marées trahissent, et vos propres peurs vous chuchoteront de fausses promesses. Ici, la clémence est un mythe, l’échec, un fardeau qui coule au fond des crevasses.

Souvenez-vous : l’eau écoute, l’eau transmet, l’eau juge. Faites-la vôtre… ou disparaissez dans son silence. “

Au mot silence, le sablier que Calypso portait sous son uniforme vibra d’un frisson glacé.

Tenebrious recula d’un pas. Une femme prit position : Professeure Lysandra Vael, tunique d’encre, cheveux argent tirés en nœud de marée, regard d’orage.

– Vael : “ responsable de la discipline et de l’enseignement des fondamentaux aquatiques. “ À l’aube, l’onde reflète vos lacunes, je m’assure qu’elles disparaissent… ou vous, avec. “

Puis se succédèrent :

Prof. Phileas Corallo, barbe fleurie d’algues – Biologie marine abyssale.

– “ Nous disséquerons la lumière, et la vie qui survit sans elle. “

Capitaine Selene Krieger, uniforme de commandement – Navigation et tactiques subaquatiques.

– “ On ne nage pas, on manœuvre. “

Maître Horologis Naiad, lunettes nacrées – Hydromancie avancée.

– “ Le temps s’écoule comme l’eau, certains savent remonter la rivière. “

Docteur Isandro Vey, sourire rassurant – Éthique et contrôle des pouvoirs.

– “ Une goutte peut étancher… ou noyer. “

La répartition des maisons

Sous l’estrade, les nouveaux furent guidés dans une rotonde nacrée, trois arches sombres y conduisaient. Au centre flottait une sphère d’eau lévitant grâce à un champ d’hydromancie, parcourue de filaments lumineux.

– Naiad : “ Touchez la sphère. Elle lira vos fibres. L’Institut compte trois maisons. “

Aurora Maris

Couleur : un turquoise irisé qui rappelle la première lueur des profondeurs.

Emblème : un hippocampe stylisé, la crinière se déployant comme une aurore sous-marine.

Cette maison attire les ingénieux, les esprits qui aiment dissiper l’obscurité par la science, la stratégie et l’observation. On les surnomme les Veilleurs de lueurs. Chaque année, ils organisent la Veillée de la Marelle : une cartographie nocturne de canyons encore inexplorés, éclairés par des drones bioluminescents qu’ils ont eux-mêmes conçus.

Crista Vortis

Couleur : l’écume argentée d’une vague qui se fracasse.

Emblème : une crête d’eau se brisant sur un trident fendu.

Crista Vortis forme les audacieux, ceux qui foncent tête la première quand la mer rugit. On les appelle les Cavaliers de houle. Ils dominent les joutes d’hydromancie et les courses d’exosquelettes. Leur rite le plus célèbre, la Brèche, consiste à se jeter en groupe dans le siphon vertical du Détroit Grondant, seuls les plus vifs ressortent indemnes et glorieux.

Umbra Tidis

Couleur : l’indigo nocturne des abysses.

Emblème : un krathor, calmar tentaculaire bioluminescent, enroulé autour d’un croissant de lune inversé.

C’est la maison des discrets, des résilients… et de ceux qui flirtent volontiers avec l’ombre. Les autres élèves les appellent à voix basse les Fils des abysses. Leurs dortoirs plongent presque au niveau des failles, la roche y murmure d’antiques courants. La réputation d’Umbra vient de plusieurs anciens devenus corsaires ou mercenaires hydromanciens, mais aussi de leur enseignement : création de courants fantômes, vol de souvenirs liquides, pactes scellés avec des créatures qu’on ne nomme pas. Tout se fait sous couvert de protection de l’Institut, mais la frontière entre défense et transgression est ténue.

Leur cérémonie d’initiation, la Veille Obscure, se déroule dans des galeries effondrées uniquement éclairées par la lueur pulsante de krathors apprivoisés, là, chaque novice apprend à “voir dans le noir” littéralement et symboliquement.

Calypso avança la première, l’eau tourbillonna, puis se teinta d’un indigo sombre qui s’enroula à son poignet.

– Naiad : “ Umbra Tidis ! “

Marek posa la main, même éclat indigo. Elias suivit, encore indigo. Les trois amis échangèrent un regard mêlé de soulagement, ils resteraient ensemble.

Autour d’eux, des halos turquoise et argent s’allumaient, dessinant des files qui disparaissaient chacune sous son arche. Les nouveaux d’Umbra Tidis furent menés au-delà d’une porte aux armoiries nocturnes : une vague stylisée, sertie d’une étoile obscure.

Derniers chuchotis

– Marek (soufflant) : “ La maison des secrets… plutôt classe. “

Elias : “ Ou terrifiante. Les krathors adorent les recoins sombres. “

Calypso (effleurant son sablier, lueur indigo en écho) : “ Alors apprenons à voir dans le noir. “

Sur la passerelle plongée dans un clair-obscur violet, l’air salin vibrait encore des paroles de Tenebrious. Calypso inspira profondément, quelque part, elle pressentait que les ténèbres qu’ils s’apprêtaient à traverser ne se trouvaient pas seulement dans l’océan… mais au fond du sablier qu’elle portait, et des secrets qu’il renfermait.