Chapitre 1 : Le souffle des profondeurs
Le vent salé soufflait doucement sur la petite ville côtière de Port-Estran, balayant les ruelles étroites et les toits de tuiles rouges. Calypso Delmare, silhouette frêle aux cheveux noirs comme l'ombre des abysses, avançait d'un pas sûr vers le foyer où elle avait grandi.
À quatorze ans, l'âge charnière où l'enfance s'efface doucement pour laisser place à l'inconnu de l'adolescence, elle savait que tout allait changer. Dans quelques jours, elle quitterait ce quartier rugueux pour rejoindre Némoéa, une école sous-marine aussi mystérieuse que légendaire.
Pourtant, elle n'était pas comme les autres enfants. Depuis toujours, l'eau lui parlait. Le flot des vagues, la danse des gouttes, la caresse des pluies, tout était un langage qu'elle comprenait sans effort. Une rare magie coulait dans ses veines, un pouvoir que les autres n'avaient pas, et qui l'avait souvent isolée.
Depuis sa plus tendre enfance, Calypso vivait dans un foyer d'accueil. Ses parents ? Elle ne les connaissait que par des histoires floues et un pendentif ancien, un collier en forme de sablier marin, qui semblait renfermer une lueur étrange, douce et mystérieuse.
Ce collier, c'était tout ce qu'il lui restait d'eux. Parfois, dans ses rêves, elle les voyait, une femme aux yeux profonds, semblables à l'océan, et un homme dont le regard portait la force tranquille des abysses. Mais au réveil, il ne restait que le poids froid du métal contre sa peau.
Un soir d'orage, alors qu'elle s'était réfugiée près du vieux quai, Calypso avait laissé tomber son précieux pendentif dans l'eau sombre. Elle l'avait regardé sombrer lentement dans les profondeurs, le cœur serré.
Sans vraiment savoir pourquoi, elle avait tendu la main vers la surface agitée. Une lumière douce, presque irréelle, avait alors émané du sablier, illuminant les flots noirs. Calypso avait ressenti un frisson parcourir tout son être, comme un appel venu des profondeurs marines, un lien mystérieux avec un destin plus grand.
Le lendemain matin, une lettre inattendue l'attendait dans sa poche, posée là comme par magie.
La lettre était écrite à l'encre d'un bleu translucide :
— Chère Calypso,
Tu as été choisie pour rejoindre Némoéa, où ton don trouvera son sens et ta destinée prendra forme. Le sablier marin t'a reconnue.
Prépare-toi pour un voyage au-delà des mers, vers le dôme où les mystères de l'eau t'attendent.
Ta convocation est fixée au port de Port-Estran dans trois jours, à l'aube.
PS : Je crois que tu as perdu ceci.
Ce message ne pouvait venir que d'un endroit hors du commun. Calypso sentit son cœur battre plus fort, entre peur et excitation d'avoir retrouvé son pendentif.
Elle comprit alors que le collier, ce sablier marin, n'était pas qu'un simple bijou hérité, c'était un lien vivant avec l'Académie, un signe que son avenir serait lié aux profondeurs et aux secrets que cachait l'océan.
Elle passa les jours suivants à préparer son départ, sous le regard protecteur de Jeanne, la responsable du foyer, qui lui avait enfin révélé une part de la vérité : “ Tu es destinée à quelque chose de grand, Calypso. L'école t'attend, mais ce sera un chemin difficile. “
Au foyer, la vie n'était pas facile. Entre les rires éphémères et les regards méfiants, Calypso s'était forgée une carapace. Elle passait des heures près du port, seule, à écouter le chant des vagues, à sentir la puissance de l'eau glisser sous ses doigts. Là, elle apprenait à maîtriser ses dons, même si elle ne comprenait pas encore tout à fait leur origine.
Un jour, alors qu'elle se tenait sur la jetée, les mains plongées dans l'écume, une voix douce l'interpella.
" Calypso, le convoi part demain à l'aube. “
Elle se retourna pour voir Jeanne, au regard dur mais juste.
“ Tu es prête ? “ demanda Jeanne, sans attendre de réponse.
Calypso hocha la tête. Prête ou non, elle n'avait plus le choix. Ce départ marquerait le début d'une nouvelle vie, au-delà des profondeurs familières de Port-Estran, sous le dôme protecteur de Némoéa.
Cette nuit-là, elle serra le sablier marin contre son cœur, sentant sa chaleur vibrer doucement. Elle se demanda si, là-bas, elle trouverait des réponses, sur ses pouvoirs, sur ses parents, sur ce que l'avenir lui réservait.
Le lendemain, à l'aube, le convoi de bivalves carénés les attendait au port. Autour d'elle, d'autres enfants, inconnus, portaient eux aussi ce mélange d'excitation et d'appréhension.
Alors que le navire glissait sur l'eau, Calypso regarda une dernière fois le rivage disparaître derrière la brume matinale. Le monde qu'elle connaissait s'effaçait, et un nouveau mystère l'attendait, au cœur des secrets du sablier marin.
L'aube se levait sur le port de Port-Estran lorsque Calypso monta à bord du bivalve caréné, un engin amphibie conçu pour traverser les océans avec aisance. Le navire glissait doucement sur les eaux calmes, prêt à plonger vers les abysses mystérieux de l'océan Atlantique, là où l'Institut Némoéa reposait, caché sous un dôme de verre aux confins des grandes profondeurs.
Autour d'elle, d'autres enfants s'installaient, certains anxieux, d'autres curieux. Calypso sentait son cœur battre au rythme des vagues, entre excitation et appréhension.
C'est alors que deux voix attirèrent son attention.
“ Salut, je suis Marek Solis “, dit un garçon aux cheveux châtain clair, les yeux pétillants d'un vert océan, visage ouvert et souriant. Il portait une veste légère ornée d'un symbole stylisé d'une vague.
À ses côtés, un garçon plus réservé répondit d'une voix douce : “ Et moi, c'est Elias Néréus. “ Ses cheveux noirs, coupés court, contrastaient avec ses yeux d'un bleu profond, presque translucide.
Ils s'assirent près de Calypso, échangeant rapidement quelques mots. Marek semblait intrépide, parlant avec passion de ses rêves d'explorer les fonds marins et de maîtriser le pouvoir de l'eau pour protéger les océans. Elias, plus calme, était fasciné par la biologie marine et l'étude des créatures abyssales, notamment les mystérieux Krathors dont on racontait qu'ils vivaient dans les crevasses les plus sombres.
Le navire commença sa descente vers les profondeurs, et la lumière du jour laissa peu à peu place à l'obscurité bleutée et apaisante de l'océan.
Au travers des grandes fenêtres renforcées du bivalve, Calypso aperçut pour la première fois les créatures légendaires dont elle avait entendu parler.
D'abord, les Krathors, des êtres aux tentacules bioluminescents, ondulant avec grâce dans les courants marins. Leurs lueurs vertes et violettes éclairaient la nuit abyssale, dessinant des arabesques dans l'eau.
Puis, des Sylphides des abysses, silhouettes translucides et agiles, semblant danser autour du navire, leurs formes changeantes fascinant tous les jeunes voyageurs.
Enfin, dans les crevasses lointaines, des ombres massives, les Géants des crevasses, ces êtres puissants et anciens, à la peau rugueuse et luminescente, surveillant silencieusement les profondeurs.
Calypso tourna son regard vers ses nouveaux compagnons et demanda, la voix pleine d'émerveillement :
" Vous avez déjà vu quelque chose d'aussi incroyable ? “
Marek sourit largement, les yeux brillants :
" Jamais. Ça dépasse tout ce que j'avais imaginé. On dirait que l'océan lui-même nous accueille. “
Elias, plus réservé, hocha la tête :
" C'est fascinant... mais aussi un peu effrayant. Ces créatures vivent dans l'ombre, là où peu osent s'aventurer. “
Calypso sentit son cœur s'accélérer, mêlant peur et excitation.
“ Peut-être que c'est là que je dois être... “ murmura-t-elle.
Les trois jeunes élèves échangèrent un regard complice, conscients que ce voyage marquait le début d'une aventure unique, sous le signe des secrets et des mystères de l'eau.
Là, sous le dôme de verre étincelant, l'école les attendait. Un lieu où leurs pouvoirs trouveraient enfin leur place, et où les secrets du sablier marin allaient commencer à se révéler.