« Nul ne bâtit sans raison. Nul ne garde sans cause. »
— Isendre le Gris, Chroniqueur du Mémorium, Codex de l’Aube Dispersée, vol. II
***
Ce qui la frappa en premier fut le mal de crâne affreux qui l'avait assailli quand elle avait ouvert les yeux. Elle les avait presque aussitôt refermés, fronçant les sourcils et portant une main à son front. Elle prit quelques instants avant de les ouvrir de nouveau pour observer les alentours. Sa vision fut tout d'abord trouble avant de devenir de plus en plus nette, lui permettant d'apercevoir le mur de pierre en face d'elle, lui faisant comprendre qu'elle se trouvait dans un bâtiment. Ensuite, ce fut la lumière pénétrant par l'encadrement de la porte qui attira son attention.
Elle ramena ses genoux vers elle et prit appui contre le mur derrière elle pour se relever. Sa tête lui tourna quelques secondes, sans doute s’était-elle relevée trop vite. Elle jeta de nouveau un œil autour d’elle. Mis à part le faisceau lumineux émanant de la porte, la pièce était sombre, humide et semblait ne pas avoir été visitée depuis longtemps.
Elle n’avait aucune idée de ce qu’elle faisait là, ni d’ailleurs d’où se trouvait ce « là ». Elle n’avait aucun souvenir d’être venue ici et en y réfléchissant bien, elle ne se souvenait pas de grand-chose. Elle remarqua qu'un fin fourreau se trouvait à sa taille, elle s'empara de la poignée et tira l'épée. Il s'agissait d'une rapière qui ne donnait l’impression de n'avoir jamais servi, dont la poignée était recouverte de cuir et la garde représentait des ailes de dragons.
Elle se décida à quitter la pièce, avançant d’un pas lent et prudent, pénétrant dans une autre pièce qui donnait sur l’extérieur. En levant les yeux, elle comprit qu’elle se trouvait au rez-de-chaussée d’une tour, visiblement inutilisée depuis de nombreuses années au vu de l’état des murs. Elle remarqua quelques reflets rosés autour et s’aperçut qu’elle s'était enfermée dans une sorte de bulle qui paraissait entourer la tour et l’empêcher de la quitter. Elle avança la main pour la toucher, mais arrêta tout mouvement en apercevant du mouvement devant elle. Ses yeux bleus se posèrent sur la petite silhouette qui lui faisait face. Elle mit quelques instants à comprendre qu’il ne s’agissait pas d’un enfant, mais d’un nain. Ils restèrent stoïques pendant quelques minutes, se fixant et se demandant ce que l’autre faisait là.
– Quel est cet endroit ? Demanda la jeune femme.
– Il s’agit de la Tour-Sanctuaire de Praxax, nous sommes en Kelmir.
– Kelmir ?
– Oui, le royaume de l’ouest.
Son air totalement perdu fit bien vite comprendre au nain qu’elle n’avait aucune idée d’où se trouvait Kelmir et qu’elle n’en avait sans doute jamais entendu parler.
– Désolée, mais ça ne me dit rien. Vous avez une idée de ce qu’est cette chose, questionna-t-elle en désignant la bulle.
– Et bien ça ressemble à une sphère de protection. Ce n’est pas vous qui l’avait déployée ?
– Non, enfin je ne crois pas. Qu’est-ce qui vous fait croire ça ?
– J’ai vu un faisceau lumineux descendre sur la tour, alors j’ai décidé d’aller voir. La tour attire la magie donc c’est pas rare que des mages se retrouvent ici à cause d’une erreur de sort. Vous êtes un mage, non ?
– Une mage ? Elle sembla réfléchir quelques instants. Non, je ne crois pas, mais ma mémoire semble me faire défaut. J'ignore ce que je fais ici ni comment j’y suis arrivée.
Elle sentit sa tête se mettre à tourner et ses jambes s’affaisser subitement sous elle. Elle percuta la protection magique, qui éclata en morceaux, la laissant tomber contre le sol de pierre. Elle laissa échapper un gémissement de douleur quand son flanc gauche percuta les débris de ce qui était autrefois un muret. Elle entendit des pas précipités et le visage du nain entra dans son champ de vision.
– Vous allez bien ?
– Oui, je crois. J’ai eu comme un vertige.
– Vous devez voir un médecin, je vais vous conduire jusqu’à Yance, c’est le village le plus proche. Je me nomme Thogald et vous ?
– Eria.
– Ravi de faire votre connaissance Eria. Prenez ma main, je vais vous aider à vous relever, mais rester sur vos pieds, jeune fille. Si vous vous écroulez maintenant, je ne vous porterai pas jusqu’à la charrette. Mon dos en a déjà assez vu pour une vie entière.
La jeune femme se saisit de la main qu’il lui tendait et l’homme la tira vers lui d’un coup sec. Une fois debout, elle resta stoïque quelques secondes, s’assurant qu’elle n’aurait pas la mauvaise surprise de retomber après seulement avoir fait un pas.
Il la regarda faire, en profitant pour la détailler un peu plus qu’il ne l’avait fait jusqu’à présent. Elle était de taille moyenne, ses cheveux noirs descendaient jusque sous ses épaules et une frange cachait son front. Ses yeux bleus brillaient d’une lueur qu’il était rare de voir dans le royaume de Kelmir.
La jeune femme posa finalement son regard sur Thogald avant d’avancer jusqu’à lui. Ils descendirent lentement les marches, la jeune femme s’appuyant tant bien que mal sur le nain. Ils suivirent le petit chemin qui serpentait entre les rochers jusqu’à apercevoir une charrette et un cheval attaché à un vieux poteau encore debout.
Il fit signe à la jeune femme de s’installer sur l’assise pendant qu’il détachait l’animal et vérifiait que les brancards étaient toujours correctement fixés.
Alors que la charrette avançait sur le chemin rocailleux, Eria ne pouvait s’empêcher de jeter des regards furtifs derrière elle, vers la tour qu’ils quittaient. Une étrange impression persistait, comme si elle laissait quelque chose d’important derrière elle, bien qu’elle ne sache quoi.
– Vous venez souvent dans ce coin perdu ? demanda-t-elle à Thogald pour rompre le silence.
Le nain tira légèrement sur les rênes pour éviter une pierre.
– Pas vraiment. La tour n’attire plus grand monde, sauf quelques mages maladroits ou curieux. Mais, j’ai appris à me méfier d’elle. Ça fait une trentaine d’années qu’elle a été construite à la demande de la capitale, personne ne sait réellement à quoi elle sert dans le coin. Les plus vieux disent qu’elle est bâtie sur une source de magie sauvage et que parfois, elle s’éveille... comme aujourd’hui.
Eria fronça les sourcils, s’appuyant contre le dossier de l’assise pour se stabiliser.
– Une source magique ? Vous voulez dire que c’est elle qui m’a amenée ici ?
Il haussa les épaules, l’air pensif.
– Qui sait ? Ce genre de magie, c'est capricieux. Et puis nous, les nains, on n'y connaît pas grand-chose en magie, c’est plutôt un truc d’elfe ou d’humains. Mais vous, avec votre arme et cette... aura que vous dégagez, je dirai que c’est p’tre pas une simple coïncidence.
Elle serra la poignée de sa rapière, toujours accrochée à sa ceinture. Une étrange chaleur émanait de l’arme, presque imperceptible, mais bien réelle. Une idée fugace lui traversa l’esprit, un souvenir flou qu’elle tenta d’attraper comme on attrape un papillon : une main tendue vers elle, une voix grave murmurant quelque chose qu’elle ne comprit pas mais qu'elle savait rassurant. Mais tout s’évanouit, ne laissant plus qu’un vide frustrant.
– Qu’est-ce que vous regardez ? lança Thogald en remarquant son regard troublé.
– Rien…, répondit-elle rapidement, en serrant les lèvres.
Le silence retomba, interrompu seulement par le bruit des roues de la charrette sur le chemin caillouteux et le souffle régulier du cheval. Devant eux, le paysage s’ouvrit sur une vallée verdoyante parsemée de maisons de pierre. Yance n’était maintenant plus très loin.
Yance était un petit village nain niché au creux de la vallée. Des maisons en pierre aux toits de chaume robustes entouraient une place centrale dominée par une vieille statue d’un héros nain, où plusieurs habitants s’étaient rassemblés. L’arrivée de la charrette ne passa pas inaperçue. La présence de Thogald dans le village ne semblait pas surprendre les locaux, mais l’arrivée d’une mystérieuse humaine avec lui attirait immédiatement les regards. Quelques villageois s’arrêtèrent pour les observer, certains jetant des regards méfiants à Eria. Sa tenue, bien que usée, et l’épée à sa ceinture, trahissaient une origine qu’ils ne reconnaissaient pas.
– Déjà de retour Thogald ? Qui est avec toi ? lança une voix depuis le bord de la place.
Jeremias, un garde humain à l’air méfiant, mais curieux, s’avança pour examiner la nouvelle venue. Grand et élancé, il avait des cheveux bruns coiffés négligemment, et portait une armure de cuir usée, et une épée courte battait contre sa hanche. Son visage, marqué par des années passées à surveiller les alentours du village, paraissait dur, mais ses yeux bleus trahissaient une intelligence vive.
– Voici Eria, je l’ai trouvé dans la tour. Elle doit voir un médecin, elle est pas très en forme.
Jeremias croisa les bras, son regard oscillant entre le nain et Eria.
– La tour ? Tu veux dire la tour ?
– Oui, celle de Praxax. Elle a l’air de ne pas savoir comment elle y est arrivée, ni de qui elle est.
Jeremias hocha la tête, mais son regard resta fixé sur la jeune femme.
– Si elle vient de la tour, elle pourrait être dangereuse.
– Hé, je suis juste une femme perdue, lança Eria en levant les mains. Si j’étais dangereuse, vous auriez déjà fait quelque chose, non ?
Sa réponse fit hausser un sourcil à Jeremias, mais il n’insista pas d’avantage.
– Et tu penses qu’on a ce qu’il faut ici pour l’aider ?
– Je sais pas. En tout cas vous avez un médecin qui pourra dire si elle va bien et peut-être pourquoi elle se souvient de rien. Pour le reste on verra plus tard.
Eria sentit les regards peser sur elle. Elle baissa les yeux, trop fatiguée pour répondre à leurs interrogations silencieuses.
Eria s’assit sur la table de soin en bois massif, l’esprit engourdi par la fatigue et l’incompréhension. La pièce dans laquelle elle se trouvait était petite et encombrée : des étagères ployaient sous le poids d’herbes séchées, de fioles remplies de liquides ambrés et de vieux grimoires dont le cuir craquelé exhalait une odeur de parchemin et de poussière. Une unique fenêtre, entrouverte, laissait filtrer la lumière pâle de l’après-midi, projetant des ombres dansantes sur les murs de pierre.
Le médecin, un vieux nain aux cheveux blancs et à la barbe effilée, était penché sur un mortier en pierre broyant des feuilles avec application. Il portait une tunique brune simple, nouée à la taille par une ceinture de cuir d’où pendait une petite bourse remplie de poudre médicinale.
– Enlevez votre tunique, dit-il sans lever les yeux de son travail.
Eria hésita un instant, puis défit les attaches de son vêtement et le fit glisser de ses épaules, révélant de larges ecchymoses qui marbraient son dos et ses bras. Des traces violacées serpentaient le long de ses côtes, vestiges d’un combat dont elle n’avait aucun souvenir.
Thogald s’était placé en retrait d’un côté de la pièce, le dos face à la jeune femme et les bras croisés sur sa poitrine.
– Elle s’est réveillée sans savoir qui elle est ou comment elle est arrivée dans la Tour, expliqua-t-il d’un ton grave.
Le médecin hocha la tête sans répondre immédiatement et approcha une chandelle pour mieux examiner les blessures. Ses doigts ridés frôlèrent la peau d’Eria avec une délicatesse inattendue.
– Rien de cassé, conclut-il après un moment. Mais, ces marques ne sont pas récentes. Certaines datent d’au moins plusieurs jours. Vous avez reçu ces coups bien avant de vous réveiller ici.
Il se tourna vers une étagère et attrapa une fiole de verre épais contenant une substance verdâtre.
– Buvez ceci. Ça aidera contre la douleur.
Eria prit la fiole et la porta à ses lèvres. Le liquide avait une odeur âcre, et le goût, amer, lui arracha une grimace.
– Rien d’anormal, sinon ? demande Thogald, visiblement soucieux.
Le vieil homme secoua la tête.
– Physiquement, elle est en aussi bon état que quelqu’un qui aurait pris une sévère correction. Mais pour ce qui est de la mémoire…
Il marqua une pause, puis s’accouda à la table, observant Eria d’un air pensif.
– Les pertes de mémoire ne sont pas rares après un choc violent. Parfois, elles reviennent d’elles-mêmes, d’autres fois… Elles restent à jamais enfouies.
– Donc, on a aucun moyen de savoir qui elle est ? s’impatienta Thogald.
– À moins qu’elle se souvienne d’elle-même, il faudra compter sur autre chose que sa mémoire.
Un silence s’installa. Eria serra inconsciemment les pans de sa tunique entre les doigts. L’idée de ne jamais retrouver son identité lui laissait un goût de fer dans la bouche.
– Vous pourriez essayer auprès du Thain, suggéra finalement le médecin. S’il y a quelqu’un qui aura entendu parler d’une jeune femme correspondant à sa description, ce sera lui.
– C’est ce que je comptais faire, répondit Thogald en hochant la tête.
Le vieil homme se redressa et tapota l’épaule d’Eria avec bienveillance.
– Reposez-vous, mangez et ne forcez pas votre esprit. Les souvenirs reviennent parfois quand on s’y attend le moins.
Eria répondit d’un simple signe de la tête. Pourtant, une sourde inquiétude lui rongeait les entrailles. Et, si elle ne s’en souvenait jamais ? Et, si elle était quelqu’un qu’elle ne voulait pas redevenir ?
Eria et Thogald furent conduits à une grande maison qui servait de lieu de réunion et de résidence pour le Thain, le maire du village. Une maison plus grande que les autres, mais toujours modeste, ornée de quelques symboles runiques gravés dans les pierres de l’entrée. À l’intérieur, l’odeur du bois brûlé et des herbes séchées emplissait l’air.
Le Thain, un vieux nain à la barbe blanche, se tenait derrière une table encombrée de documents et de cartes. Ses mains calleuses montraient qu’il n’était pas étranger au travail manuel, mais ses yeux perçants révélaient une sagacité forgée par des décennies de gouvernance locale.
– Thogald ! Tu es déjà de retour ? Alors qu’as-tu trouvé cette fois-ci ? Une relique ancienne ? Une bête blessée ? plaisanta le Thain en relevant la tête.
– Une jeune femme, en vérité, répondit Thogald, sans se départir de son sérieux. Voici Eria, continua-t-il en montrant la jeune femme de la main. Elle était enfermée dans la Tour-Sanctuaire par un enchantement. Elle ne se souvient de rien, mais elle portait ça, dit-il en désignant la rapière à la ceinture d’Eria.
Le Thain se leva lentement, posant un regard sur Eria.
– Une arme aussi fine et ouvragée n’a pas sa place dans un endroit comme celui-ci. Qui êtes-vous, jeune fille ?
Elle hésita un instant, cherchant ses mots.
– Je m’appelle Eria. C’est tout ce dont je me souviens. Je ne me souviens pas de comment je suis arrivée ici ni de ce que je faisais dans cette tour.
Le Thain croisa les bras, cherchant ses mots.
– Hum…Si ce que vous dites est vrai, il faudra en informer les autorités à Estra. Peut-être qu’un érudit pourra vous examiner. Je vais les prévenir.
– Estra ? répéta Jeremias, qui s’était discrètement introduit dans la maison. Vous voulez l’envoyer à la capitale ? C’est un long chemin, et dangereux ces temps-ci, surtout si elle est amnésique. Ce ne sera pas facile pour elle de voyager seule.
Eria, silencieuse jusque-là, leva légèrement les yeux. Elle ne comprenait pas tout ce que les trois hommes disaient, mais si cela pouvait l’aider à se souvenir de qui elle était, ou du moins trouver quelques indices sur son passé, elle était prête à s’y rendre.
– Je vais l’accompagner, déclara Thogald d’un ton ferme.
Le Thain arqua un sourcil.
– Toi ?
– J’ai des marchandises à récupérer à l’ouest. Faire un petit détour par Estra ne rallongera pas de beaucoup mon voyage, répondit le nain en croisant les bras. Et puis quelqu’un doit s’assurer qu’elle arrive en un seul morceau.
A la surprise générale, Jeremias se joignit à la conversation.
– Je viens aussi. La route jusqu’à Estra est pleine de bandits ces derniers temps et depuis peu y a des rumeurs sur des disparitions. Et si elle vient de la tour, il vaut mieux qu’elle soit surveillée.
Thogald regarda le garde un mélange d’agacement et de respect dans les yeux.
– T’as toujours aimé te mêler des affaires qui te regardent pas, hein ?
Jeremias haussa les épaules.
– C’est mon devoir de protéger les gens, qu’ils soient d’ici ou non. Et puis soyons honnête, il se passe jamais rien dans le coin et y a bien assez de Gardiens pour que Yance puisse se passer de moi.
Le Thain observa les deux hommes pendant un moment, puis se tourna vers Eria.
– Cela vous convient, ma chère ?
Elle hocha la tête, incapable de trouver les mots pour exprimer ce qu’elle ressentait. Elle avait encore du mal à comprendre pourquoi ces étrangers se préoccupaient autant de son sort, mais leur compagnie lui apportait un certain réconfort.
– Très bien, dit la Thain en hochant la tête. Vous partirez demain à l’aube. Prenez les provisions nécessaires, et soyez prudents.
La nouvelle de leur départ imminent se répandit rapidement dans le village. Certains habitants s’approchèrent pour offrir des provisions ou des conseils pour leur voyage à venir, tandis que d’autres regardaient de loin, méfiants ou simplement curieux.
Thogald passa la nuit à affûter sa hache et à refaire son paquetage. Jeremias, de son côté, inspecta son équipement, s’assurant que son épée et son arc étaient en parfait état.
Eria fut hébergée dans une petite chambre de l’auberge du village. La pièce était modeste mais propre, avec un lit en bois, une table basse et une lampe à huile qui diffusait une lumière vacillante.
Elle s’assit sur le lit, retirant sa rapière pour la poser à côté d’elle. Ses doigts caressèrent distraitement la garde en forme d’ailes de dragon, et une étrange chaleur parcourut son corps.
Un flash lui traversa l’esprit : un ciel rougeoyant, des ombres mouvantes, et une main tendue vers elle. Une voix grave et lointaine résonna dans son esprit, mais elle ne put en saisir les mots. Elle ouvrit brusquement les yeux, son souffle court.
Elle se leva et alla jusqu’à la fenêtre. Dehors, le village était plongé dans le calme, mais elle ne se sentait pas en sécurité. Il y avait quelque chose d’inquiétant dans ce silence, une tension invisible qui semblait s’accrocher à elle depuis qu’elle avait quitté la tour.
Le lendemain matin, Eria, Thogald et Jeremias quittèrent Yance. Thogald avait attelé un autre cheval à la charrette, et Jeremias montait un destrier noir qui semblait parfaitement dressé pour les longues routes.
Le chemin vers Estra, la capitale du royaume nain de Kelmir, serpentait à travers des forêts denses et des collines escarpées. Thogald menait sa charrette, Eria était installée à l’avant à ses côtés, tandis que Jeremias veillait l’arrière.
La première partie du voyage se déroula sans incident. Thogald et Jeremias parlaient de temps à autre, mais Eria restait silencieuse, perdue dans ses pensées. Elle essayait de rassembler les fragments de souvenirs qui lui revenaient par moments, mais ils étaient trop flous pour avoir un sens.
A mesure qu’ils approchaient des forêts qui bordaient la route vers Estra, Jeremias devint plus vigilant.
– Ces bois ne sont pas sûrs, dit-il. Des bandits rôdent dans le coin, et il y a eu des rumeurs sur des choses...moins naturelles.
– Moins naturelles ? demanda Eria, brisant enfin son silence.
Jeremias haussa les épaules, mais son expression se durcit.
– Des créatures qui n’ont rien à faire dans ce monde. Peut-être des restes de magie ancienne, ou pire.
Thogald grogna.
-Bah, des histoires pour effrayer les enfants.
Mais Eria sentit un frisson lui parcourir l’échine. Elle ne savait pas pourquoi, mais elle avait l’impression que ces rumeurs étaient plus que de simples contes.
Alors qu’ils traversaient une clairière bordée d’arbres imposants, un cri perça le silence. Des hommes surgirent des ombres, armés de dagues et d’arcs.
– Donnez-nous tout ce que vous avez, et peut-être qu’on vous laissera partir en vie, lança celui qui semblait être leur chef, un homme au visage balafré.
Jeremias, déjà descendu de son cheval, dégaina son épée sans hésiter, et Thogald sortit la petite hache qu’il portait à sa ceinture.
-Restez derrière nous, murmura Jeremias à Eria.
Mais quelque chose en elle bouillonnait. Elle sentit une énergie étrange monter en elle, une chaleur familière qu’elle ne comprenait pas. Sa main se posa instinctivement sur la garde de sa rapière, et quand elle la tira, une lumière éclatante jaillit de sa lame, aveuglant les assaillants.
Les bandits reculèrent, désorientés, et Jeremias et Thogald en profitèrent pour les repousser. Mais Eria resta immobile, fascinée par l’arme dans sa main.
– Qu’est-ce que c’est que ça ? murmura-t-elle.
La lumière s’éteignit aussi soudainement qu’elle était apparue, et le combat se termina rapidement. Les bandits survivants prirent la fuite, laissant le trio seul dans la clairière.
Jeremias se tourna vers Eria, essoufflé.
– D’accord, il va falloir nous expliquer ça.
– Déjà, montons le camp, il commence à faire nuit et on doit se reposer avant d’attaquer les routes de montagne demain, dit Thogald en détachant les chevaux de la charrette.
Le regard de Jeremias resta quelques instants encore sur Eria avant de hocher la tête et de rejoindre le nain qui commençait déjà à préparer le feu pour la nuit.
Jeremias, bien que pragmatique, trouva sa curiosité grandir envers Eria. Elle semblait avoir un instinct hors du commun et analysait tout à toute vitesse, même si elle avait paru plus intriguée par la lame de sa rapière que par le combat.
De son côté, Thogald paraissait plus concerné qu’il ne voulait le montrer. Son cœur, durci par les années, était inexplicablement touché par cette jeune femme silencieuse.
Si je peux donner un conseil : Il y a beaucoup de participe présent (Verbe en -ant), ils peuvent très vite alourdir les phrases alors qu'ils se remplacent facilement. Ça rendrait certains passage plus dynamiques à mon sens 🙂