Je me fige, ma chandelle à la main. La maison est plongée dans la pénombre à présent et un silence retentissant plane. Je termine de descendre les dernière marche et un courant d’air fait vaciller la flamme de la bougie. Je frissonne.
La porte de l’entrée est entrebâillée, mais je ne vois personne.
— Peter ? je souffle.
Ma chandelle brandit pour éclairer le hall je tourne sur moi-même à la recherche de ses cheveux roux. Pas de réponse. Si ce n’est la rumeur lointaine de la ville au dehors, par-delà le jardin qui encercle notre demeure.
Mon corps se raidit et les battements de mon cœur s’affolent. Un bruit dans le salon me fait à nouveau bondir. Une ombre se profile devant moi mais je ne distingue pas ses traits.
— Qui êtes-vous ? couiné-je en reculant. Il n’y a rien à voler ici... Je... je ...
L’ombre s’avance, menaçante et ma chandelle révèle le visage balafré d’un homme que je n’ai jamais vu de ma vie. Son expression est dure et ses yeux aussi froids que le marbre du hall. La large cicatrice qui traverse son visage de son sourcil jusqu’à la commissure de ses lèvres ne me laisse aucun doute sur ses intentions. Ce n’est pas le genre de blessure qu’on obtiens en menant une vie honnête.
Je n’hésite plus. Mon corps prend le relais et mes jambes me font faire volte-face. Je m’enfuis, pieds nus dans le jardin, et foule l’herbe humide, affolée. Je dois retrouver la rue, la ville, appeler à l’aide et...
Dans ma course, je percute brutalement quelque chose de dur. Mon poignet se retrouve prisonnier d’un étau. Je rue pour me libérer et lève les yeux vers ce nouvel agresseur.
Sa mâchoire carrée se contracte en me toisant et son regard sombre m’épingle comme un papillon. La flamme de ma chandelle fait danser des ombres sur ses traits anguleux, son nez droit, son front haut barré d’une mèche de cheveux aile de corbeau.
J’ai l’impression de faire face à une statue grecque qui aurait pris vie et pendant une seconde, la part irrationnelle de mon esprit songe qu’un si bel homme ne peut pas être foncièrement mauvais.
— On se promène ? murmure-t-il d’une voix suave.
— Lâchez-moi ! je proteste faiblement en essayant encore de dégager mon poignet.
Il esquisse une moue.
— Soit.
Sa prise se desserre brusquement, alors que je suis en train de me débattre et je perds l’équilibre. Je m’affale sur les fesses, dans l’herbe molle.
J’ai à peine le temps de me relever, le balafré sort déjà de la maison et s’avance pour me barrer la route. Je m’élance tout de même, dans un mouvement désespéré et parvient presque à le contourner, mais ses bras me ceinture la taille.
— Je t’ai eue petit oiseau ! glisse-t-il à mon oreille en gloussant.
Comme s’il s’agissait seulement d’un jeu. Je me mets à sangloter de manière incontrôlable, terrifiée. Il enfouit son nez dans mes cheveux et inspire profondément. Je pousse un glapissement et en profite pour le frapper avec l’arrière de ma tête aussi fort que je peux. Le choc m’étourdi et ma vision s’obscurcit pendant une seconde, mais je sais que j’ai visé juste lorsque j’entends le cri de douleur qu’il pousse et que sa prise se relâche. Vacillante, je tente de m’enfuir, mais quelqu’un plaque un mouchoir sur mon nez et ma bouche, étouffant au passage le cri que je m’apprête à pousser.
— La salope ! Grince le balafré d’une voix nasillarde.
Une langueur étrange s’empare de mes membres. J’ai la sensation qu’un brouillard cotonneux envahis mon cerveau. Je tente encore de me libérer, mais mes mouvements sont erratiques, mous.
— Fais de beaux rêves, souffle une voix suave à mon oreille.
Et je plonge dans l’obscurité.