Lexa
Du plus loin dont je me souvienne, j'avais toujours aimé incarner des personnages différents. Il y avait de nombreuses personnes de ma famille qui disaient en plaisantant « Un jour, elle sera actrice et on la verra sur grand écran. ». La blague avait tourné être juste, finalement, puisque je n'avais pas cessé pour autant. Quand j'étais enfant, j'inventais tout ça, passant d'une féroce guerrière menant des batailles sanglantes – le tout avec des bâtons en guise d'épées – à une Impératrice désespérée de voir sa contrée être à feu et à sang, en passant par une sorcière qui était partie sur le chemin de la vengeance. Je me souvenais que certains de mes amis se joignaient à moi et écoutaient ce que je leur disais de l'histoire que j'avais en tête.
Le temps passant, j'avais lu de nombreux livres de toute sorte. Surtout les romans – quel que soit le genre – et les pièces de théâtre. Et naturellement, je m'étais dirigée vers ces « cours » après les classes obligatoires. C'était à ce moment qu'on m'avait demandé sérieusement si j'avais envisagé une carrière dans le métier. J'avais cru à une blague, comme j'en avais eu l'habitude dans les réunions de famille. Le visage de mon premier professeur qui n'affichait aucun sourire amusé et surtout un regard des plus sérieux m'avait calmée instantanément.
J'y avais réfléchi pendant des jours, des nuits, même. J'avais fini par être épuisée et m'endormir en cours. Mes parents avaient été convoqués. Ça ne me ressemblait pas. J'étais une élève studieuse et sérieuse. Ce qui avait alerté mes professeurs, et presque tout l'établissement, à vrai dire. Durant cette réunion, j'avais fini par dire tout ce qui tournait dans ma tête. Mes parents semblaient surpris, ils n'avaient jamais pensé que je me dirigerais vers cette voie. Je n'avais même pas eu besoin de me justifier, la directrice avait entendu parler de mon talent, elle m'avait même vue répéter. Elle avait juste souri et invité mes parents à assister aux répétitions si j'étais d'accord ou attendre la soirée où nous jouerions tous. Ils avaient choisi cette option.
Autant dire que ce soir-là arrivant, j'avais été plus stressée que jamais. Je n'avais jamais été gênée par les personnes qui venaient assister à nos sessions. Je ne prêtais même pas attention au public. Il n'y avait que ceux avec qui je jouais, mon rôle et c'était tout. Mon texte en tête, les émotions à faire passer prêtes à être exposées sur mon visage, dans mes gestes, dans ma voix, voilà ce qui m'importait. Mais savoir que mes parents seraient dans la salle m'angoissait. Mais ce n'était pas la seule raison qui me rendait si nerveuse, si je voulais être honnête avec moi-même. J'avais peur que malgré tout, ils ne veuillent pas que je choisisse ce métier, que je m'engage dans cette voie. Je m'étais renseignée et je savais à quel point c'était difficile. Sans parler de tout ce qu'on pouvait entendre.
Dès que je pus entrer en scène, tout disparut. J'avais pu apercevoir, juste avant, tous les visages. Ils étaient tous flous mais j'avais repéré ceux de mes parents. Dès lors que j'avais prononcé ma première phrase, tout avait disparu et je m'étais donnée corps et âme à mon personnage. Je ne prêtai attention à rien d'autre qu'à ce que je devais faire, aux expressions de mes camarades, à ce que nous devions dire. Quand l'un ou l'autre oubliait sous la pression, je mimais les mots manquants pour les encourager et les aider et tout revenait dans l'ordre. Ce ne fut qu'en entendant les applaudissements quand tout se termina que je me rendis compte que nous n'étions pas seuls. Pendant un instant, il n'y avait plus eu personne, la salle n'existait plus. Lexa n'existait plus et je n'étais que mon personnage. Revenir à la réalité avait été brutal et j'avais dû cligner des yeux plusieurs fois avant de sourire et de saluer le public avec toute l'équipe.
La nervosité était revenue alors que je me changeais sous les félicitations des filles qui avaient joué avec moi. J'étais sortie au plus vite, quoi que je craignais la rencontre qui allait suivre. Mais sur le chemin pour retrouver mes parents, mon professeur m'avait arrêtée pour me parler. Il m'avait fait part de son admiration, d'à quel point j'avais habité le personnage mieux que quiconque. Il avait dû remarquer que je n'étais pas aussi enjouée que je l'aurais dû et il m'avait accompagnée. La discussion que je redoutais était arrivée. Heureusement pour moi, mes parents, qui avaient été impressionnés par ma prestation avaient assuré qu'ils me soutiendraient. Voilà qui facilitait les choses et toute la pression que j'avais pu ressentir s'était évaporée aussitôt.
Quand j'étais retournée en cours, après le week-end, tout le monde s'était mis à m'applaudir, à me féliciter, à me sourire, à venir me dire à quel point j'avais été incroyable dans la pièce. Autant dire que j'avais été surprise. Heureuse mais surprise. J'avais terminé mes études et m'étais dirigée vers ce qui semblait être ma vocation, une évidence surtout. Je sortis de tout ça avec les félicitations de toute l'équipe enseignante, des intervenants et autres. J'avais même eu plusieurs échanges avec différentes personnes. Beaucoup voulaient être mon agent. Je ne savais pas trop quoi en penser. Je ne connaissais pas ces gens et certains m'avaient fait tout sauf bonne impression. Du moins jusqu'à ce qu'une main ne se pose sur mon épaule. J'étais submergée par tout ça, par tout ce monde qui me parlait et je n'avais pas eu une minute à moi. Une femme était là et elle avait mis fin à un échange interminable dont je ne voulais rien. Elle m'avait fait un clin d'oeil et m'avait juste donné sa carte. Elle paraissait plutôt froide mais après ça, plus personne ne m'avait approchée. J'avais pu la voir arrêter de nombreuses personnes et j'avais pu profiter de ce moment avec mes camarades, mes amis et mes parents.
En rentrant chez moi, épuisée mais sur le point de faire ce que je voulais, avec un nombre impressionnant de propositions pour des pièces, des séries, et même quelques films à faible budget, je m'étais rappelée ma protectrice. J'avais retrouvé sa carte et l'avais appelée. Il était tard et je m'étais excusée mais elle m'avait rassurée. Elle s'appelait Indra et était agent. Elle aurait aimé pouvoir s'occuper de ma carrière. Même si nous n'avions échangé aucun mot, j'avais senti qu'il y avait eu une sorte de connexion. Elle m'avait proposé de nous rencontrer quelques jours plus tard, dans un café de la ville voisine. J'avais accepté.
Et depuis, je devais dire que j'avais eu une très bonne intuition. Indra était... redoutée de certains réalisateurs, de certains acteurs. Plus encore de ceux qui faisaient passer les auditions. Le premier à m'avoir fait une proposition douteuse l'avait regretté. Elle me mettait en garde quand elle savait qui s'en occupait et faisait en sorte d'être dans les parages au cas où quelque chose tournerait mal. C'était arrivé. Plus d'une fois. Mais je me savais plus ou moins en sécurité avec Indra. Quand elle ne pouvait pas se libérer de certaines obligations, je n'y allais pas. Au risque de perdre un rôle mais mieux valait ça que subir dieu savait bien quoi.
J'avais rapidement eu des petits rôles secondaires ici ou là. J'avais eu le premier rôle de certaines pièces de théâtre aussi. Après le succès de l'une d'elles, j'avais eu un appel d'Indra qui me faisait savoir qu'un réalisateur avait été dans la salle et qu'il aimerait s'entretenir avec moi. Il était relativement connu et c'était une aubaine. Un tremplin pour lancer ma carrière et être plus reconnue. J'avais accepté et peu à peu mon nom s'était transmis ici ou là. Je commençai à devoir voyager pour mes rôles. C'était durant l'un de ces voyages que j'avais retrouvé une amie. Anya. Elle était plus âgée que moi et nous avions été voisines mais nous avions toujours été proches et elle avait veillé sur moi autant qu'elle l'avait pu, elle aussi. Jusqu'à ce qu'elle ne réalise son rêve de devenir mannequin. Autant dire qu'elle avait réussi à vitesse grand V. Il fallait dire qu'Anya avait tout ce qu'il fallait pour percer dans ce métier. Elle avait réussi.
Nous avions décidé de prendre une maison ensemble. Il y avait bien une histoire derrière. Je ne pouvais que la remercier d'être venue à cette époque. Ça avait été là une autre excellente décision. Nous n'étions pas toujours dans la même ville en même temps mais ce n'était pas si grave. Nous ne nous étions plus lâchées depuis et même si nous étions dans deux pays différents, nous prenions des nouvelles l'une de l'autre. J'avais quitté l'État dans lequel j'avais vécu – depuis un moment déjà –, quitté mes parents mais c'était pour le mieux. La ville où je vivais offrait bien plus de possibilités. Indra avait suivi. Elle avait laissé tout le reste pour ne se consacrer qu'à ma carrière. J'avais craint qu'elle ne fasse une erreur et que ça ne lui permette pas de vivre décemment mais elle m'avait rassurée, disant que tout irait bien. Elle avait eu raison.
Depuis ce temps, je ne faisais qu'enchaîner les rôles (et les interviews aussi). Les contrats pour les pièces de théâtre étaient devenus des contrats pour des web-séries de grosses chaînes vidéos puis à des choses plus « intéressantes ». Pour ma carrière. J'avais été repérée durant des auditions, via des choses que j'avais tourné, des pubs ou de petites productions. Les contrats avaient plus de chiffres et surtout j'allais avoir une visibilité que je n'avais jamais eue. Jusqu'à tourner pour les plus grosses plateformes de streaming. Mon succès avait explosé. Indra m'avait trouvé un garde corps puisque dès que je sortais, je me faisais reconnaître et elle craignait que ça finisse par mal tourner. Cependant, ce dernier avait l'obligation de ne pas être trop près et ne devait intervenir que s'il avait la sensation que tout pouvait déraper. Elle ne voulait pas que les fans se détournent et que ma carrière s'en trouve affectée.
J'avais pu rencontrer d'autres personnes dans le métier, des cascadeurs et cascadeuses aussi. C'était justement sur un tournage que j'avais retrouvé un autre ami. Il avait réussi à devenir cascadeur et était souvent sollicité. J'avais été heureuse de voir Lincoln sur le plateau. Sa présence me rassurait. En parlant de collègues, l'une de celles avec qui j'avais tourné m'invitait à sa fête. Il se trouvait qu'Anya était là et je lui proposai de m'accompagner. Ce qu'elle accepta, bien entendu. Mon dernier film avait un succès monstre sur l'une des plus grosses plateformes de streaming. Les réseaux ne parlaient que de moi mais je n'avais pas le temps de m'attarder trop là-dessus puisque j'avais des scripts à lire et des décisions à prendre en plus de celui sur lequel je travaillais actuellement.
Pour revenir sur mon dernier film, je devais dire que j'avais été impressionnée par la musique. Elle était superbe, parfaite. Cette musique m'obsédait, même. J'étais comme hypnotisée, envoûtée chaque fois que je l'entendais. Beaucoup tentaient de la jouer mais sans y parvenir vraiment. Il y avait quelque chose dans la façon de jouer de l'artiste qui était spéciale, unique. J'étais tombée amoureuse de cette musique. Et je pesais mes mots. En y prêtant un peu plus attention, je remarquai que les noms des musiciens de la série dans laquelle j'avais joué étaient plus ou moins les mêmes. Il y avait surtout des initiales qui revenaient souvent : CG. Je n'avais, cependant, jamais eu l'occasion de rencontrer les artistes ou la personne qui gérait cette société de production musicale, Griffin Entertainment. J'étais dans ma salle de bain en train de me préparer pour la soirée quand Anya entra sans même frapper, me sortant de mes pensées. Je soupirai lourdement.
– Encore en train de chantonner cette musique ? Tu vas me rendre dingue !
– Je n'y avais même pas prêté attention, An'. Je suis juste...
– Amoureuse de cette musique, oui oui je sais. Tu pourrais être amoureuse de quelqu'un, plutôt.; je poussai un râle exaspéré.; Écoute, ce n'est pas parce que c'était le plus gros sac à merde que cette terre ait porté que tout le monde est pareil.
– Heureusement qu'Indra connaissait des avocats solides. J'aurais pu tout perdre. Hors de question de repartir là-dedans.
– Fais-leur signer un contrat.; je clignai des yeux en la regardant puis j'éclatai de rire.
– Tu n'es pas sérieuse ?! Ce n'est pas une relation professionnelle. On ne fait pas signer de contrat pour des sentiments.
– On fait bien des contrats de mariage.; elle marquait un point.; Ou au moins, je ne sais pas... Soulage-toi un peu.; elle avait son sourire en coin, celui qui prouvait qu'elle voulait me pousser à bout. Je la poussai hors de la salle de bain.
– Allez, casse-toi de là.
Elle sortit en riant et je terminai ce que je faisais. Je n'avais pas mis de tenue trop extravagante ou trop « sur-habillée ». Ce n'était qu'une soirée entre collègues/amis. Octavia était plutôt quelqu'un de simple. Nul besoin de sortir la robe de cocktail pour ça. J'y allais donc vêtue « simplement », comme j'en avais l'habitude. Anya s'était chargée d'appeler un taxi et nous n'eûmes plus qu'à attendre qu'il arrive pour nous rendre là-bas. La fête avait déjà commencé quand nous sortîmes de la voiture. Je sonnai, doutant que quiconque réagisse avec la musique qu'on entendait depuis l'intérieur. Et pourtant, la porte s'ouvrit à la volée sur Octavia, justement. Elle eut un grande sourire et me prit dans ses bras. Ce qui fit rire Anya.
– Je suis contente de te voir !; elle salua ma meilleure amie de la même manière.; Entrez. Allez-y, toutes les personnes qui sont présentes sont dignes de confiance. Il y a mon frère. Linc'...; elle toussa.; Lincoln est là.; j'entendis Anya ricaner.; Mes meilleures amies sont dans les parages aussi. Tu connais Raven, tu l'as aperçue sur un de nos tournages. Et l'autre, l'ermite est enfin sortie de sa tanière.
– Charmant.
– Elle travaille beaucoup et se laisse un peu trop emporter. Mais elle est quelque part dans toute cette foule.
Elle nous laissa enfin passer et en effet, il y avait du monde. Je retrouvai certains collègues et, bien sûr, Linc'. Il s'approcha et me prit dans ses bras et nous discutâmes un petit moment avant qu'il ne parte ailleurs. Je discutai avec un certain nombre de personnes avant d'avoir besoin de souffler un peu. Je me mis à l'écart. Je tombai sur une pancarte qui me fit rire, ça ne m'étonnait même pas d'Octavia. Toutefois, quelque chose attira mon attention. Une musique. Et pas n'importe laquelle, celle qui m'obsédait. Parfaitement jouée. Voilà qui était surprenant. Quelqu'un était donc monté malgré l'avertissement ? Je regardai autour et décidai de rejoindre la pièce « interdite » discrètement. Je m'appuyai sur un mur en observant une blonde au piano. Elle avait les yeux fermés et semblait vivre la musique. C'était impressionnant. Envoûtant. Et cette façon de jouer, comme si elle y mettait toute son âme me laissa ébahie. Elle jouait ça comme si elle l'avait fait toute sa vie. Personne n'avait su la jouer aussi bien qu'elle.
Quand elle termina, j'applaudis et elle sursauta presque. Elle ouvrit les yeux et sembla surprise de me voir là. Sa façon de me regarder me laissa perplexe mais je m'approchai malgré tout. Je passai mes doigts sur le piano. Voilà bien longtemps que je n'avais pas moi-même joué. Je lui demandai d'un geste si je pouvais prendre place près d'elle. Elle me sourit en guise de réponse. Elle avait quelque chose que je ne saurais pas nommer mais je sus que je pouvais lui faire confiance. Je m'assis avant de me tourner vers elle pour lui tendre la main. Je me présentai et elle aussi, avant que je lui dise le fond de ma pensée : qu'elle était douée.
Je ne pus m'empêcher de lui dire qu'elle avait joué la musique de mon film. Et bien entendu, que personne ne lui arrivait à la cheville sur ce point. Il n'y avait que deux solutions : ou elle était celle qui l'avait composée en premier lieu, ou elle avait un don au-delà de toute capacité humaine. Elle me confirma qu'elle était celle qui l'avait faite. Je n'en fus pas surprise, ça se sentait et ça se voyait à sa façon de se donner entièrement quand elle jouait. Nous parlâmes de l'entreprise dans laquelle elle travaillait. Elle semblait cacher quelque chose, toutefois, sans que je sache de quoi il retournait. Après tout, elle ne me devait rien. Elle ne me connaissait pas, nous venions tout juste de faire connaissance.
Pour mettre fin à son trouble, je lui proposai qu'on joue ensemble. Elle avait remarqué que je n'étais pas novice non plus. Elle me demanda si j'avais besoin de la partition mais j'avais tellement écouté et chantonné la musique que je la connaissais par coeur. Elle débuta et je suivis. La musique semblait prendre une toute autre dimension à quatre mains. Je me sentis... à ma place. C'était simple, facile. Il n'y avait plus rien d'autre que le piano, Clarke, nos mains qui glissaient au même rythme sur les touches et ce son si particulier. Quand nous en eûmes terminé, elle partit sur d'autres notes et je reconnus ce qu'elle jouait. Je souris avant de la suivre à mon tour. C'était comme si les notes étaient une évidence. Je ne savais pas si c'était moi qui m'étais sous-estimée ou si c'était elle qui réussissait à m'aider sans s'en rendre compte mais ce moment était incroyable. La fête semblait s'être arrêtée ou c'était comme si nous étions ailleurs, loin d'ici.
Quand elle posa ses mains à plat sur le piano, je compris que c'était terminé. Je ne savais pas si j'étais soulagée parce que je commençais à fatiguer ou si j'étais déçue que ça s'arrête si vite. Nous prîmes place sur le canapé mais elle se releva aussi vite et partit en courant. Je ne savais pas ce qu'il lui prenait. Je ne compris qu'en la voyant revenir avec une bouteille de vin blanc, deux verres et un tire-bouchon. Où avait-elle pu trouver ça ?! Elle m'avoua être une des meilleures amies d'Octavia. L'autre donc. L'ermite dans sa tanière. Et bien, je n'aurais jamais imaginé qu'elle ressemblait à ça. Elle était belle. Je tentai de ne rien faire paraître mais je ne savais pas d'où me venait cette pensée. Certes, elle était belle, il faudrait être aveugle pour ne pas s'en rendre compte mais... j'avais une sensation étrange au fond de moi.
Elle me rassura avant d'ouvrir la bouteille et de nous servir. Elle me tendit l'un des verres avant de s'installer près de moi, un peu tournée pour me faire face. Je ne pus que l'interroger quant à son amitié avec Octavia et je fis part de mon avis quant au talent de la brune. Clarke se mit à rire et je ne compris pas pourquoi. Elle m'avoua alors qu'elle avait vu mon film et qu'elle me trouvait talentueuse. Elle ne l'avait pas dit de cette façon mais c'était ce qu'elle voulait dire. Tout comme moi, elle avait eu une vocation, mais avec la musique. Je ne sus pas ce qui me prit quand je lui dis que le monde aurait été malheureux sans ses compositions. Je le pensais, certes mais je n'avais pas eu vraiment l'intention de le dire de vive voix. Elle ne remarqua pas mon trouble, toutefois. Privilège d'être une actrice, je pouvais cacher certaines choses assez facilement. Nous parlâmes un peu de nos projets sans entrer dans les détails, évoquant juste le fait que du travail nous attendait avant que la discussion ne prenne un tour plus... personnel.
Nous parlâmes de nos parcours. Et par là, j'entendais de là d'où nous venions vraiment. D'où nous avions commencé, que je n'étais pas de cet État. Je me laissai emporter par le moment et lui avouai que j'aimerais pouvoir tourner dans un film qui serait diffusé dans tous les cinémas du monde – ou presque mais l'idée était là –, que j'étais heureuse d'avoir accepté tous ces contrats pour en être là aujourd'hui mais que je voulais plus. Elle me raconta comment la musique l'avait toujours attirée, comment elle avait été happée par elle et comment elle en était arrivée où elle en était. Je remarquai qu'elle avait l'air de ne pas tout dire. Elle parla d'Octavia, Raven et Bellamy, de leur passé ensemble et je parlais de Linc' et Anya. Nos études furent un des sujets de conversation et j'écoutai attentivement tout ce qu'elle pouvait dire. Je n'étais pas surprise d'apprendre qu'elle était parmi les meilleurs. J'étais certaine qu'elle ne voulait pas l'admettre mais quelque chose me disait qu'elle avait été LA meilleure dans chacune de ses classes.
Une chose en entraînant une autre, nous dérivâmes sur des sujets de plus en plus personnels, si nous vivions seules et elle me parla de son ex, qu'elle avait trouvé la personne qui partageait sa vie bien occupée avec quelqu'un d'autre. Tout ça parce qu'elle passait beaucoup de temps à travailler, apparemment. Je ne pouvais que la comprendre. La même chose m'était plus ou moins arrivée. Sauf qu'en plus de ça, il avait voulu me dépouiller de tout ce que je possédais. Heureusement qu'Indra s'en était mêlée et qu'Anya avait été là. C'était après cette histoire que nous avions décidé de vivre ensemble. Je parlais un peu plus d'elle. Je me sentais presque « obligée » de justifier le fait qu'elle n'était que ma meilleure amie et que nous ne nous voyions pas tant que ça, à cause de nos métiers respectifs. Je ne savais pas ce que j'avais. Ma tête me tournait par instant, pourtant, je n'avais pas bu tant que ça. Chaque fois que je tombais dans son regard, sur son sourire, je sentais une chaleur rassurante m'envahir. Je réussis à me reprendre et lui révélai qu'Anya était là.
Je ne vis pas le temps passer avec Clarke. Nous ne faisions que parler et parler et parler. Tout était si naturel, si facile. Je n'étais pas le genre à me confier aussi aisément, d'habitude mais avec elle, c'était comme une évidence. Je savais que je pouvais lui faire confiance et elle semblait me comprendre sur bien des sujets. Elle avait un regard compréhensif, compatissant parfois. Elle était sincère et drôle et talentueuse. Elle expliqua comment les idées pouvaient lui venir pour les musiques, comment tout semblait se dérouler sous ses yeux, dans sa tête et tout était fluide quand elle était derrière un piano ou avec une guitare sur les jambes. Après les révélations diverses et variées, nous passâmes à d'autres sujets : des anecdotes diverses. La plupart étaient drôles et je ne me souvenais pas d'avoir autant ri depuis bien longtemps.
Nous étions en train de reprendre notre souffle après un énième fou rire, j'avais même dû essuyer mes yeux. Et puis le calme se fit. Je tournai la tête vers elle et vis qu'elle semblait m'observer. La lueur dans ses yeux était... hypnotisante ? Envoûtante ? Je ne savais pas bien décrire. Toutefois, elle me happa entièrement et j'étais incapable de détourner mon regard du sien. Elle était tellement belle. Je la vis s'approcher de moi, dans un mouvement lent, comme pour s'assurer qu'elle ne faisait pas de bêtise. Elle retrouva même mes yeux, comme si elle m'interrogeait, comme si elle me demandait la permission. Je souris sans rien faire d'autre. Je savais ce qui allait se passer. Je ne savais même plus où j'en étais. J'en avais envie. Quoi que j'étais aussi nerveuse mais je me laissai faire. J'étais curieuse de voir ce que ce baiser allait donner. Ça faisait bien longtemps que personne ne m'avait montré autant d'intérêt. Ses lèvres furent enfin sur les miennes et je répondis à son baiser. Elle était douce dans sa façon de m'embrasser. Je n'étais même pas sûre d'avoir déjà connu une telle tendresse. Je me laissai porter par le moment, par ses lèvres, par ce baiser. Je montai une main vers elle et la posai sur sa peau chaude. Je sentis les battements de son coeur quand je trouvai son cou. Tout était si parfait entre cet échange, sa peau, ce qui pulsait sous ma main. Elle alla plus avant dans le baiser et bon sang, je devais avouer que j'en avais envie.
Et ce fut l'électrochoc. Je n'avais jamais eu de relation avec une femme, mais ce n'était pas là le problème. J'avais juré de ne plus me lancer dans une quelconque histoire après ce que j'avais vécu. Tout se mêlait dans ma tête et je ne savais plus où j'en étais. J'avais envie de poursuivre ce baiser et peut-être même aller plus loin. Mais je savais que ce n'était pas raisonnable et qu'il ne fallait pas. Je ne voulais pas revivre quelque chose qui mettrait ma carrière en jeu, qui pourrait me faire perdre de l'argent. Mais surtout, je ne voulais pas souffrir de nouveau. Je ne voulais pas m'embarquer dans quelque chose pour avoir le coeur brisé au final. Et puis je n'étais pas certaine de pouvoir être avec elle. Mon travail me prenait beaucoup de temps, le sien aussi. Nous allions nous faire du mal. Je m'écartai soudainement et me levai pour partir. J'avais besoin d'air. Elle me rattrapa et sentir sa peau sur la mienne... Je ne savais même pas décrire ce que je ressentais. C'était comme si je voulais sentir ses mains sur moi. Mon coeur battait à tout rompre. Ce n'était pas possible. Je ne pouvais pas... On ne se connaissait qu'à peine.
Je lui dis simplement que je devais y aller. Elle accepta à contrecoeur. Je me tournai pour la regarder après qu'elle m'ait lâchée et je m'excusai d'un regard. J'espérais qu'elle comprendrait. Je descendis ensuite les escaliers et me dirigeai vers la porte. J'entendis qu'on m'appelait et je crus reconnaître la voix d'Anya. J'atteignis enfin l'extérieur et pris une grande inspiration avant de marcher. Je sentis de nouveau une main autour de mon poignet mais le contact était bien différent.
– Qu'est-ce qui t'arrive ?! Quelque chose ne va pas ?; je passai une main dans mes cheveux et m'assis à même le sol.; Ah oui, d'accord. Et bien soit.; elle m'imita.
– J'ai rencontré la personne qui a réalisé la musique.
– Quelle...; elle s'arrêta une seconde.; Ah celle-là. Et ?
– Elle s'appelle Clarke. Elle est blonde. Elle a des yeux d'un bleu...; je soufflai.; Elle est incroyablement talentueuse et gentille et drôle et...; je l'entendis rire.; Quoi ?
– Oh bordel. Continue, je t'écoute.
– Pourquoi tu ris ?
– Tu n'as pas compris hein ?; je baissai les yeux.; Au contraire. Elle t'a tapée dans l'oeil.
– Je ne peux pas être amoureuse !; nous avions parlé en même temps et le silence se fit.
– Amoureuse ?; je fermai les yeux.
– Merde.
– Je peux comprendre que tu aies été attirée. Elle est belle.; je la regardai, les yeux écarquillés.
– Tu la connais ?; elle secoua la tête.
– Je l'ai vue quand tu partais à toute vitesse. Elle regardait depuis l'étage. Elle avait l'air troublée, inquiète, même.; je baissai les yeux.
– Je crois que je l'ai blessée.
– Raconte-moi ça.
– On s'est embrassées. Elle a engagé le baiser. Elle a même demandé mon autorisation sans rien dire.; je sentis la main d'Anya dans mon dos.; Et...; je soupirai.
– Un baiser comme on en connaît peu dans dans sa vie, de toute évidence.
– Je ne peux pas An'. Je n'ai jamais...
– Je sais.
– Et puis... Pas après...
– Le gros sac de merde.
– Mais tout était tellement simple et évident avec elle. Comme si je savais sans même la connaître que je pouvais lui faire confiance. Il y avait comme... je...
– Une connexion, oui.; je la regardai de nouveau.
– Je peux pas. Et je ne veux pas la blesser non plus.; elle prit son temps pour répondre.
– Malheureusement, tu vas te faire du mal et tu lui en feras forcément.; je pris ma tête dans mes mains. Ma respiration se fit plus rapide et je sentis que je n'étais pas loin de craquer. Elle me prit dans ses bras et me réconforta.; On va rentrer. Tu vas réfléchir à tout ça et tu y verras plus clair dans les jours à venir.
– J'ai du travail.
– Ça t'aidera à faire le point. Allez, on y va.
– À pieds ?; elle éclata de rire et pointa quelque chose au loin. Un homme sortit d'une voiture et nous invita à entrer.; Tu as commandé un taxi ?
– Il le fallait bien.
Nous montâmes alors et retrouvâmes notre maison. Je venais de retrouver ma chambre, après m'être changée et pris une douche quand je vis mon téléphone s'allumer. Je regardai et y découvris un message de Lincoln. Je pris une grande inspiration, fermai les yeux avant de les rouvrir et de déverrouiller le tout pour pouvoir lire ce qu'il avait à me dire.
« Tu es partie à une vitesse que je n'aurais pas cru possible.
J'ai su ce qu'il s'était passé. Tu veux en parler ?
Clarke avait l'air perdue après tout ça. »
Je soufflai en passant une main dans mes cheveux. Merde.
« Je suis désolée. Je n'ai pas envie d'en parler pour le moment.
Je suis épuisée, j'ai besoin de dormir. »
« Si tu changes d'avis, tu sais où me contacter. »
« Merci. »
Je laissai mon téléphone sur la table de chevet et m'écroulai dans mon lit. La soirée repassa sans cesse dans ma tête. Je mis un temps fou à trouver le sommeil et même quand ce fut le cas, ce fut tout sauf reposant. Je n'arrêtais pas de revoir toutes nos discussions jusqu'au moment du baiser. Et quel baiser ! Personne ne m'avait jamais embrassée de cette manière. Avec cette douceur, cette tendresse et cette pointe d'envie. Je ne savais même pas comment l'expliquer mais j'étais perturbée, perdue. Je ne savais même plus si le baiser avait été une erreur ou si au contraire, l'erreur venait de ma fuite. Je revoyais le visage de Clarke et je n'avais qu'une envie : lui parler, retrouver ses lèvres. En même temps, je savais que c'était une très mauvaise idée.
Je me réveillai, presque plus épuisée qu'au coucher. Je m'assis dans le lit, prenant ma tête dans mes mains pour essayer de remettre de l'ordre dans mes pensées. En vain. Je pris mon téléphone pour voir quelle heure il était. Il était plus tard que je ne l'aurais cru. Et surtout, il y avait un message d'un numéro que je ne connaissais pas. Je ne vis que les premières lignes mais dès la première phrase, je savais de qui il s'agissait. Clarke. Je pris quelques secondes pour me donner le courage d'ouvrir la conversation.
« Bonjour, Lexa. Je ne veux pas t'ennuyer et je n'en aurai pas pour longtemps. Anya m'a donné ton numéro. Je suis désolée si mon baiser t'a choquée ou était déplacé. Je ne voulais pas te mettre mal à l'aise. Je ne sais même pas comment j'en suis venue à ça. Je vais certainement passer pour une folle furieuse mais tu m'as complètement envoûtée, bouleversée. Je me suis laissée porter par le moment et ça me semblait la chose à faire. Je m'en excuse. Si tu souhaites en parler, et bien, tu as mon numéro. Si tu préfères faire ça de vive voix, je te promets qu'on fera ça dans un endroit où tu te sentiras en sécurité et où ça ne se reproduira pas. Bonne journée et félicitations pour ta dernière série. Clarke »
Je dus le relire plusieurs fois. Anya lui avait donné mon numéro ?! Je ne savais pas si je devais lui en vouloir ou, au contraire, la remercier pour ça. Je ne pus que sourire en voyant qu'elle s'excusait alors qu'elle n'y était pour rien. Je lui avais donné la permission de m'embrasser, après tout. S'il y avait bien une responsable, c'était moi. Cependant, j'appréciais qu'elle le fasse. Je retrouvais sa gentillesse, sa compassion et bon sang, j'avais presque envie qu'elle soit là, près de moi pour me prendre dans ses bras. Je secouai la tête et relus une nouvelle fois.
Envoûtée, hein ? Alors, elle aussi, avait ressenti ça ? Elle voulait en parler. Elle ne le formulait pas de cette façon mais je savais qu'elle le voulait. Je n'étais pas certaine de pouvoir le faire. De pouvoir la regarder, lui dire que c'était une erreur ou au contraire, que je voulais plus. Argh. Je ne savais toujours pas où j'en étais. Elle était d'une telle prévenance que j'en restai ébahie. Ébahie et encore plus amoureuse. Bordel mais dans quoi je m'étais mise encore ?! Et que pouvais-je répondre à ça ? Je ne savais même pas quoi lui dire alors lui faire face ? L'entendre à l'autre bout du téléphone ? Je savais que j'allais perdre mes moyens. C'était un comble. Je n'avais jamais eu de mal à faire face à de nombreuses personnes, au théâtre, en conférence de presse, en interview, sur des plateaux télé, lors de tournages et face à elle, j'étais démunie. Je soufflai et jetai le téléphone sur le lit avant de me lever. Je descendis pour me faire un café. Je trouvai une note sur le plan de travail.
« J'ai dû partir pour un photoshoot. Mon vol est dans quelques heures. On m'a tout envoyé par mail. Je suis désolée. J'aurais aimé être là après cette soirée. J'aurais aimé être là pour en parler avec toi. Si tu as besoin, n'hésite pas à envoyer des messages ou à tenter de m'appeler mais n'oublie pas le décalage horaire. Je mettrai du temps à répondre. Mais dès que j'ai une minute pour souffler, elle te sera consacrée.
J'ai un conseil pour toi : ne te prends pas trop la tête. Suis ton coeur. Je ne t'ai jamais vue comme ça. Même si je n'étais pas là pour l'autre tas de merde, je sens que là, c'est bien différent. Tu as des avocats doués qui feront leur boulot dans le pire des cas. Tu as Indra, qui serait prête à arracher des têtes s'il le faut. Titus et Gustus ne sont pas mal dans le genre dissuasifs aussi.
Prends soin de toi et on se revoit à mon retour. J'espère.
Anya »
Je souris à son mot. C'était rassurant de l'avoir avec moi. Elle n'avait pas tort. Indra avait renforcé ma sécurité et les deux hommes étaient prêts à en venir aux mains au moindre problème. Quelque chose me disait que même s'il s'agissait d'un problème personnel, ils s'en chargeraient. Discrètement, toutefois, mais tout de même. Je doutais que Clarke en vienne à faire des choses douteuses. Ce n'était pas là ma crainte. Mais je savais que si ça tournait mal, je mettrais du temps à m'en remettre. La dernière fois, ça avait été compliqué et j'avais presque foiré des auditions, pire, j'avais mis en retard un tournage parce que je n'arrivais pas à me sortir cette affaire de la tête. Je ne pouvais pas me le permettre. Pas maintenant que tout allait si bien pour ma carrière et que j'étais peut-être sur le point de réaliser mon plus grand rêve. Je savais que ça nécessiterait plus de travail encore mais peu importait, j'étais prête à ce sacrifice. Tant pis.
Je passai la journée à me reposer, à tenter de regarder diverses choses mais je reconnaissais la main de Clarke dans certaines musiques et tout devint plus difficile. J'éteignis la télé et fis le ménage, rangeai des affaires, fis un tri dans mes vêtements. Et puis, je repris un des scripts. Je devais donner mon avis. Je n'aimais pas refuser des rôles mais certains n'étaient pas pour moi. Parfois, je n'avais pas cette... vibe en lisant. C'était le cas. Je le mis dans la pile de ce que je ne voulais pas et en pris un autre. J'eus un appel d'Indra dans la journée, elle me rappelait que j'avais une interview le lendemain. Super. Il allait falloir que je performe, cette fois. J'espérais mieux dormir.
Je constatai rapidement que ce n'était pas le cas quand je me couchai. J'étais retombée sur la conversation avec Clarke. Je n'avais toujours aucune idée de ce que j'allais répondre. Je n'étais même pas sûre que c'était une bonne idée de le faire d'ailleurs. J'étais fatiguée le matin, je n'avais pas dormi assez mais il fallait bien promouvoir mes projets et faire parler de moi. Je me préparai et sortis. Indra était là. Elle plissa les yeux en me voyant. Elle dut comprendre que quelque chose n'allait pas mais elle ne demanda rien. Elle savait que si j'en avais besoin, je le ferais. C'était aussi pour cette raison que j'aimais tant travailler avec elle : elle respectait mes distances, mes décisions. Je n'aurais pas pu rêver mieux.
« Et tu sais qui d'autre te respecterait tout autant ? Respecterait tes limites ? Te laisserait du temps ? »
Bordel de merde. Il ne manquait plus que ma conscience ne vienne s'en mêler. Je fermai les yeux et répétai « Ferme-la. Ferme-la. Ferme-la. » en boucle, comme une sorte de mantra sur tout le reste du chemin. Je demandai à Indra de me rappeler un peu les raisons de cette interview, ce que j'étais autorisée à dire ou non. Elle parut perplexe mais elle hocha la tête avant de me rappeler tout ça. Je le savais mais sa voix et le fait de me concentrer sur ce qui allait suivre m'aida à chasser tout le reste de ma tête. Je vis les studios au loin et soudainement, je repensai à Clarke. Merde. Bordel. J'allais devoir jouer un rôle aujourd'hui aussi. Lexa Woods, l'actrice en vogue, son passé, ses succès, ses rôles, ses projets. Rien d'autre. Tout le reste n'existait plus. Il n'y avait rien d'autre. La vie personnelle. Inexistante. Si ce n'était mon agent et ma meilleure amie mannequin.
J'entrai pour toute la préparation et quand ce fut le moment, j'étais prête. Je fis face à mon hôte et répondis à chacune de ses questions. Quand je ne voulais pas répondre, je restais un peu mystérieuse, vague. Ce qui sembla lui plaire, tout comme au public. Quand j'en eus terminé, j'en fus soulagée. Je pus me relâcher une fois dans la voiture. Indra me félicita mais je sentis bien qu'elle avait quelques questions à me poser. Je tournai la tête vers la vitre et restai silencieuse durant tout le trajet. En rentrant, je travaillai mon texte pour le lendemain.
Et ce fut ce que je fis pendant des semaines. Je dus voyager ici ou là pour certaines scènes ou certains tournages. Ce qui fit que je ne croisai que peu Anya. Nous nous parlâmes tous les jours ou presque par messages interposés. J'évitais certains sujets et elle n'insistait pas. Pour le moment. Je savais qu'elle finirait par vouloir creuser plus en profondeur. Et bien évidemment, le sujet qui me revenait toujours en tête n'était autre que la blonde qui m'avait tant perturbée. Ce n'était pas facile. Je n'aimais pas me comporter comme ça mais j'étais incapable de lui faire face, au téléphone, par messages ou physiquement. Je ne le pouvais pas. Elle me hantait chaque jour et je faisais en sorte de me concentrer sur tout ce que j'avais à faire.
J'avais enchaîné tournages et interviews. Cependant ma technique commençait à s'émousser. Ou alors mon esprit me laissait tomber puisqu'une question revenait souvent. À savoir comment j'allais, car je semblais un peu plus fatiguée ou peut-être triste qu'auparavant. Et bien, j'espérais que ça n'allait pas influer sur mon travail, sur mes rôles. Si je n'étais plus capable de donner les bonnes émotions et poursuivre correctement, mon avenir semblait compromis. Je réussis à me reprendre plus ou moins mais je m'épuisais à ne pas penser à Clarke.
Je m'en voulais parce que comme mon esprit me l'avait rappelée, elle était effectivement patiente et respectais mon silence. J'avais pu retravailler avec Octavia. Elle me lançait parfois des regards interrogateurs, jamais méchants, comme si elle voulait savoir ce qui se passait dans ma tête. Je me doutais que Lincoln devait y être pour quelque chose puisqu'ils ne se cachaient plus et tout le monde savait qu'ils étaient ensemble. Toutefois, parfois, je croisais ses yeux et elle semblait... triste, peut-être ? Inquiète ? Souvent après avoir regardé son téléphone. Je me doutais bien qu'il s'agissait de Clarke. Je m'en voulais de la faire souffrir. J'étais injuste mais je ne pouvais pas. Enfin, selon Anya, je n'étais qu'une trouillarde et une lâche.
Tout s'enchaîna très vite. Je bouclais même un projet. Comme toujours, j'y fus invitée et j'y allai, sans crainte. Je savais que Griffin Ent. en faisait la musique. Et quand je l'entendis, je sus de qui il s'agissait. Je ne l'avais jamais croisée à ce genre d'évènements et doutais qu'elle y soit cette fois. Je ne savais pas si j'étais sereine de ne pas la croiser ou au contraire, triste que ça ne se produise pas. Je ne savais pas si j'avais envie de la fuir ou de la voir, de m'excuser, de lui dire tout ce que j'avais sur le coeur, tout en sachant que c'était tout sauf une bonne idée.
Malheureusement pour moi, ou heureusement, je ne savais pas vraiment, elle avait fait l'effort de venir. La première fois que j'avais croisé son regard, j'avais compris qu'elle n'était venue que pour moi. Elle s'était certainement dit qu'elle aurait la chance de me voir et peut-être de me parler. Mon coeur se mit à battre à tout rompre et ce fut à peine si j'entendis ce qu'on me disait alors que je me perdais dans ses yeux. Je ne pouvais pas rester aussi près d'elle. Je la vis commencer à avancer, tout en répondant gentiment mais je voyais qu'elle voulait se débarrasser de ses interlocuteurs. Je profitai qu'elle regarde ailleurs pour m'éclipser. La situation se reproduisit tant de fois que j'en perdis le compte et je m'isolai à l'extérieur.
Je pris plusieurs inspirations et expirai lentement. Je n'arrivais qu'à grand peine à respirer. La revoir était une bénédiction mais ce que ça faisait mal aussi. J'avais vu qu'elle semblait épuisée, et puis cette tristesse dans ses yeux... Je savais que j'en étais la raison. Ce fut trop pour moi et je m'entourai de mes bras pour me donner le courage de retourner à l'intérieur mais en vain. Je craquai, cette fois. Je n'en pouvais plus. Je ne savais pas quoi faire. J'avais envie d'être avec elle mais j'étais effrayée de ce qui pourrait arriver. À ce que je pourrais faire de mal et qui la blesserait. Ou à ce qu'elle pourrait faire et me briser. Ma carrière n'était bien qu'un prétexte ridicule. J'avais peur qu'elle me fasse du mal autant que j'avais peur de lui en faire. Je finis par me retourner et je tombai justement dans ses yeux. Quand elle vit que je pleurais, je pus voir son regard changer. Tout son corps hurlait qu'elle avait envie de me rejoindre et de me réconforter. Ce qui ne fit que me faire plus mal encore. Je ne méritais pas sa bienveillance, sa compassion, son envie de me rassurer. Je lui fis comprendre de ne pas venir et m'excusai silencieusement avant de m'en aller.
Je ne rentrai même pas et réussis à trouver une sortie directe vers la rue, vers la route. J'appelai un taxi, une fois que je fus suffisamment loin de la demeure où tout ça se déroulait. Je ne fis que pleurer sur le chemin. Je sortis dès que nous fûmes arrivés et courus droit dans la maison. J'étais prête à monter à toute vitesse pour me coucher mais je tombai sur Anya. Elle venait sûrement de rentrer. Elle se raidit en me voyant.
– Lexa...; elle ouvrit ses bras.; Allez, viens là.; je ne me fis pas prier et me jetai dans ses bras, pleurant tout ce que j'avais.; Ça va aller.
– Je sais qu'elle souffre.
– Tu lui as parlé ?; je secouai la tête.
– Elle est venue à la fête. Pour me voir. Et je n'ai fait que la fuir. Je peux pas. Je peux pas et ça fait mal.
Elle n'ajouta rien et me berça dans ses bras pendant un temps interminable avant de m'aider à monter jusqu'à ma chambre. Elle s'installa à côté de moi et je m'endormis plus vite que je ne l'aurais cru possible. Quand je me réveillai le lendemain, elle n'était plus là. Je me souvins de tout ce qu'il s'était passé. Je soufflai et vérifiai mon téléphone. Aucun message. Je me levai et descendis. J'étais encore un peu endormie et sursautai en entendant du bruit. Anya était dans la cuisine.
– Café ?; j'acquiesçai.
– Merci.
– On doit parler.
– An'...
– Non. Cette fois, il est hors de question que j'écoute tes raisons stupides ou que je supporte ton silence tout aussi débile. On va parler. Va t'asseoir.; mieux valait ne pas la contredire quand elle avait ce ton. Je pris place dans le canapé et quelques minutes plus tard, elle posa un mug sur la table basse.; Raconte-moi ce qu'il s'est passé.; ce que je fis pendant de longues minutes. Je pris une tape sur le côté de la tête.; Tu es...; elle souffla.; Bon sang, qu'elle a de la patience. Elle doit vraiment être raide dingue de toi pour supporter tes conneries.; je me levai et me tournai vers elle.
– Ça ne me plaît pas non plus de la faire souffrir.; Anya se leva à son tour pour me faire face, plus près qu'elle ne l'avait jamais fait.
– ET BIEN BOUGE-TOI LE CUL ! VA LA VOIR ! PARLE-LUI.
– Je peux...; elle mit une main sur ma bouche et me lança un regard d'avertissement.
– Si tu dis que tu ne peux pas, je ne sais pas ce que je vais te faire mais tu vas le regretter. Elle respecte ta distance, tes limites, te donne le temps et l'espace nécessaire et tu es là en train de flipper comme une gosse. Elle ne te fera pas de mal
– Et si...; elle souffla et leva les bras en l'air.
– Et si j'avais autre chose ici ; elle posa sa main sur son entrejambe.; je ferais l'hélicobite.; j'éclatai de rire et elle en fit de même.; Et si et si et si. Et si tu tentais ta chance ? Et si elle était faite pour toi ? Et si vous viviez la plus belle histoire d'amour de ce putain d'univers ? Et si vous inspiriez les gens ? Et si vous deveniez le couple le plus sexy et le plus regardé de toute la planète ? Et si vous vous tiriez l'une et l'autre vers le haut pour réaliser des choses incroyables ? Arrête de penser à ce qui pourrait mal tourner. Merde, Lex'... Cette fille est belle. De ce que tu m'as dit, elle est douce, gentille. Et du peu que je vois et que j'entends, c'est le cas. Elle est respectueuse. Arrête de te prendre la tête.
– J'ai besoin de réfléchir.
– Et bien réfléchis mais ne perds pas trop de temps. Une femme comme ça ? Ça m'étonnerait qu'elle reste seule longtemps.
L'idée de la savoir avec quelqu'un d'autre, qu'elle s'abandonne dans des baisers comme celui qu'on avait partagé me tordit le ventre. Cependant, je ne cessai de repenser à son regard triste, à son envie de me réconforter alors qu'elle avait l'air d'en avoir plus besoin que moi, à toute la conversation avec Anya. Je ne réussis pas à prendre de décision. Quelque chose avait l'air de me bloquer sans que je ne sache pourquoi. Le regard des autres ? Ce qui se dirait ? Ce qui pourrait bien tourner ? Ce qui pourrait mal tourner ? J'étais perdue dans un flot de pensées qui m'épuisaient.
Les jours passèrent encore. Anya n'avait pas insisté plus mais je l'entendais souvent soupirer ou je la voyais lever les yeux au ciel. Et ça, quand elle ne grommelait pas dieu savait bien quoi sans que je n'entende plus que quelques mots qui me confirmaient qu'il s'agissait de mes décisions. Ou de l'absence de celles-ci. Quand c'était audible et compréhensible. Parfois, ce n'était que des sons gutturaux de désapprobation ou d'exaspération mais elle respectait toutefois mon silence sur le sujet. Même si son regard prouvait que ce n'était pas l'envie qui manquait. Elle avait dû me menacer d'appeler Indra car je mangeais moins. J'avais donc mangé de façon plus « normale », me forçant un peu, sans aller trop loin. Elle savait que ce n'était pas bon.
Je ne savais même plus combien de temps était passé depuis la soirée ou la discussion. Je m'étais perdue dans mon travail : tournages – d'épisodes, de pubs –, interviews télé ou radio. Je ne sortais même plus quand j'avais du temps libre. Je restais chez moi à lire de nouveaux scripts, à me préparer pour des auditions ou à travailler mes textes. Jusqu'à ce qu'Anya n'entre dans la pièce où je m'exerçais. Elle m'attrapa par le bras et j'eus beau l'interroger, elle ne répondit rien. Elle m'emmena dans ma chambre, me poussa dans mon lit. Elle fouilla dans ma penderie, me jeta tout un tas de vêtements au visage avant de montrer du doigt la salle de bain. Et son regard ne souffrait d'aucun refus. Je soupirai mais fis ce qu'elle m'ordonnait. Elle m'attendait devant la porte d'entrée. Elle sortit et je suivis. Elle déverrouilla sa voiture. Message reçu. Nous ne parlâmes pas sur le début du trajet. Elle mit la radio.
– Tu es une sacrée débile. Et te tuer au travail comme tu le fais...; quelque chose attira mon attention derrière sa voix. La chanson. La musique me disait quelque chose. Mais surtout, ce furent les paroles. Mais comme la voix d'Anya couvrait à demi, je n'entendis pas grand chose. Il m'avait semblé entendre « Then you walked in with those green eyes » et « 'Bout your big dreams on the big screens » pendant qu'elle parlait.
– Oh mais ferme-la !
– Tu es charmante, vraiment.
– Tais-toi ! C'est quoi cette chanson ?; elle haussa les épaules.
– Elle passe depuis quelques temps en boucle partout.
Je pris mon téléphone et lançai Shazam alors que la chanson allait se terminer. Mon ventre se tordit quand j'entendis « Slow it down when you're on the ground and you're crying, I'm trying to slow it down when you're spinning 'round in your head ». Dès que j'eus le nom et le titre, je pris le téléphone d'Anya pour lancer Spotify et chercher tout ça. Je mis la chanson et écoutai attentivement. Je la passai en boucle et mon regard se perdit dans le vide. Je finis par chercher les noms de ceux qui avaient réalisé la chanson. Un en particulier attira mon attention : Princess C. Je sentis les larmes couler le long de mes joues. Plus aucun doute. J'avais entendu Bellamy appeler Clarke ainsi. Il avait accompagné Octavia et parlait avec nous quand son téléphone avait sonné. J'avais pu voir le prénom de la blonde avant qu'il ne décroche et ne réponde avec un « Bonjour, Princesse ». Octavia m'avait expliqué que c'était un vieux surnom.
J'écoutai la chanson encore et encore. Elle l'avait écrite pour moi. Il y avait des détails qui ne trompaient pas. Elle avait changé certaines choses mais je savais qu'elle s'adressait à moi. Je m'effondrai presque quand le chanteur en vint à dire « And I know you'll probably hate it but I'm in my head right now ». Elle me faisait savoir qu'elle était là pour moi, tout en étant dans un état semblable au mien. Je le savais. Je le sentais.
– Lex' ?; Anya arrêta la voiture sur le côté et posa une main sur mon bras après avoir coupé le moteur.
– C'est elle.
– C'est elle ?
– La chanson.
– Elle a une voix drôlement masculine.; je ne pus que rire.
– Elle a fait chanter ça par quelqu'un d'autre. Elle s'adresse à moi.; je lui tendis les paroles et elle lut.
– Oh.; elle eut un large sourire.; Et bien, tu as tiré le gros lot. Cette fille est parfaite, elle t'écrit une chanson pour te dire qu'elle t'aime, de façon subtile. Je devrais lui faire livrer du champagne, des fleurs et des chocolats.; elle me frappa le bras.; QU'EST-CE QUE TU ATTENDS POUR LUI RÉPONDRE ?! POUR LUI DIRE QUE TU AS ENTENDU LA CHANSON ? Merde, elle a fait ça pour toi. Tu peux bien aller la voir et lui parler ?!; elle se tourna vers le volant et remis le contact avant d'entrer une adresse dans le gps.; Et puis merde. Si tu ne fais rien, je vais te forcer la main. Tu me diras merci plus tard.
Elle fit demi-tour à toute vitesse, manquant de créer un accident. Elle roula à toute vitesse avant de freiner brutalement pour se garer. Elle sortit et me força à en faire de même. Nous entrâmes dans un grand bâtiment. Le siège de Griffin Ent. Elle nous dirigea, en me tirant par le bras, vers l'accueil. Une femme leva les yeux et elle n'eut même pas le temps de parler qu'elle se fit couper la parole.
– On aimerait parler à Clarke.
– Clarke ? Un nom de famille ?; je haussai les épaules.
– Elle ne me l'a pas donné.
– Il ne doit pas y avoir beaucoup de belles blondes aux yeux bleus qui s'appellent Clarke, non ?
– Je suis désolée.; elle soupira à la réponse de la femme et nous ressortîmes.
– Tu es vraiment nulle. Tu as le numéro d'Octavia ?
– Oui, pourquoi ?; elle prit mon téléphone dans ma poche et réussit à le déverrouiller. Elle chercha et lança un appel.
– Bonjour, Octavia. Non, c'est Anya. Je prends les devants parce que Lexa est une débile finie. On ne peut plus rien pour elle.
– HÉ !; Anya me fit un geste de la main pour me dire « Ta gueule. », je savais que c'était ce que ça signifiait précisément.
– Hein hein. Tu as l'adresse ? D'accord. Tu as de quoi noter ? Je vais te donner mon numéro. Elle serait capable d'ignorer et de laisser traîner.; elle lui donna une série de chiffres.; Oh, crois-moi, je saurais me montrer convaincante. Je crois que tu sauras. Merci.; elle se retourna vers moi.; On rentre.
– Heu...
Elle n'ajouta rien. En arrivant, elle commanda à manger et me fit comprendre de m'installer et de me nourrir. Vu son état, mieux valait que je me fasse petite. Peu de gens pouvaient se targuer de m'impressionner. C'était le cas avec Anya. J'étais fatiguée par tout ça et allais me reposer dans ma chambre. Je mis mon casque et écoutai la chanson en boucle. Bon sang, elle était parfaite. Je ne m'en rendis même pas compte et m'endormis. Au réveil, je ne m'étais jamais sentie aussi reposée. Mon casque ne crachait plus la musique et je constatai qu'il n'avait plus de batterie, pas plus que mon téléphone. Je cherchai de quoi le recharger en vain. Je me levai et descendis. Je trouvai le câble sur le plan de travail, près d'une note.
« Oui, j'ai piqué ton câble de chargement. Comme ça, tu n'as plus le choix. Allume ton téléphone dès que tu le peux. Que je puisse m'assurer que tout va bien. Tu constateras que mes clefs de voiture sont là. Je ne te laisse pas le choix. Tu les prends et tu te rends à l'adresse que j'y ai mise dans le gps. Indra va s'assurer que tu fais ce que je dis. Je sais que tu ne lui désobéiras pas pendant mon absence. Elle sait tout. Tu m'excuseras mais quelqu'un devait faire quelque chose.
Tout va bien se passer. Profite bien. On se revoit à mon retour.
Anya. »
– De quoi elle parle ?
– Et bien va te préparer et monte en voiture.; je sursautai en entendant Indra. Elle s'approcha et me prit dans ses bras.; Une valise est même dans le coffre avec tout ce dont tu auras besoin. Anya a fait ça pendant que tu dormais. Tu as dix minutes. Je te prépare un café pour la route.
– Je...; elle me lança un regard autoritaire et je levai les mains avant de courir me préparer. Je me lavai et enfilai des vêtements simples avant de redescendre. Elle me mit les clés de voiture dans une poche, mon téléphone dans l'autre, un thermos dans une main et une bouteille d'eau dans l'autre avant de me pousser vers l'extérieur.
– Je vais tout fermer. Anya m'a laissé des clefs de secours. Va.
Je n'eus pas mon mot à dire puisqu'elle me poussa même jusqu'à la voiture, qu'elle déverrouilla en reprenant les clefs. Je m'installai et posai tout avant qu'elle ne me jette les clefs puis qu'elle ferme la portière. Je mis le contact et vis qu'il y avait déjà une adresse. Il y avait plusieurs heures de route et je ne connaissais absolument pas. Je branchai mon téléphone au chargeur relié à la voiture. Quand je le pus, j'allumai mon téléphone et finis par voir des messages. Il y avait un message vocal d'Anya. Je connectai le tout au véhicule de ma meilleure amie.
« Je suppose que tu es déjà en route et il est peut-être de bon ton que tu saches où tu vas. C'est un chalet perdu au milieu de la nature. C'est là que Clarke va se ressourcer quand elle en a besoin. Son père l'a forcée à s'y rendre tant elle se perdait dans son travail. Fais les choses bien. Rattrape tout ça. Dis-lui ce que tu ressens et vivez cette putain d'histoire ! Je ne veux voir que votre couple dans les tabloïds, ces prochaines semaines, tu m'entends ?! »
Et bien... Il fallait espérer que tout irait bien. Je ne savais même pas comment j'allais annoncer ça à Clarke. J'avais le temps du trajet pour chercher quoi lui dire sans être trop maladroite. Bon sang, j'étais actrice, j'avais joué des scènes de ce genre, ça ne devrait pas être si difficile, quand même ! Ça n'avait aucun sens ! Le voyage devait être long mais il me parut bien trop court quand j'arrivai devant le chalet. Je sortis, n'oubliant pas mon téléphone que je rangeai dans ma poche. Je pris une grande inspiration, ne sachant pas vraiment quoi lui dire. Je frappai à la porte. L'attente me parut interminable et je finis par entendre une clef tourner et par voir la porte s'ouvrir. Sur Clarke. Elle sembla surprise de me voir là. Elle cligna plusieurs fois des yeux.
– Lexa ?
– Bonjour, Clarke.; je lui souris.; Ou peut-être que je devrais t'appeler Princess C. ?; elle ricana à demi en baissant les yeux.
– Tu as donc compris.
– Difficile de manquer certains détails.; je pris une autre inspiration.; Je ne sais pas quoi dire et je ne sais pas où ça va mener mais laisse-moi parler.; elle releva les yeux vers moi, étonnée.; Je suis désolée. J'ai été une imbécile. Une trouillarde et une lâche comme le dit si bien Anya.; elle parut amusée. Son regard avait l'air de pétiller comme lors de notre première discussion.; Et je ne peux pas le nier. J'ai peur. Peur de te faire du mal. Même si je sais que j'ai déjà fait trop de dégâts. J'ai peur que tu m'en fasses. Peur qu'on foire tout. De ma faute, surtout. Je n'ai jamais...
– Je sais. Anya m'a dit.
– Et je suis souvent prise par le travail.
– Moi aussi.
– Et je suis perdue. Tu hantes mes pensées. Tu m'effraies. Tu me rassures. J'ai envie de te prendre dans mes bras, de t'embrasser comme j'ai envie de fuir, de peur de tout faire mal. Et je...; elle posa un doigt sur mes lèvres.
– J'ai compris.; ses yeux passaient sur les miens sans me lâcher. Elle commença à baisser le regard vers mes lèvres mais elle se reprit et je vis de la crainte dans son regard.
– Je peux t'embrasser ?
– Pitié, oui.; je m'approchai d'elle et elle fut celle qui scella nos lèvres ensemble et bon sang que ça m'avait manqué. Je me laissai porter par cet échange plein d'amour, plein de tendresse, plein de regrets et d'attente, plein d'excuses. Quand elle rompit le baiser, je soupirai de déception et avançai de nouveau pour poursuivre. Elle ricana et caressa ma nuque.; Tu devrais entrer. J'ai des affaires de rechange.
– J'ai une valise.; je me rendis compte de ce que ça pouvait vouloir dire.; C'est Anya qui s'est chargée de tout parce qu'elle savait que j'allais trop réfléchir et flipper.
– Je lui dois une caisse de champagne alors.
– Je crois qu'elle veut t'offrir champagne, fleurs et chocolat. Elle a entendu la chanson, elle aussi. Elle sait.; elle me prit la main, avec une douceur qui me fit presque perdre l'équilibre.
– On peut peut-être attendre un peu avant d'aller chercher tes affaires ?
J'acquiesçai et entrai. Elle m'amena à elle en lâchant ma main pour poser les siennes sur mes hanches. Elle m'embrassa de nouveau. De cette façon si particulière. Je posai une main sur son cou, comme la première fois et me laissai de nouveau porter par ce baiser. Nous nous assîmes sur le canapé ensuite. Je repérai la guitare mais ce fut dans son regard que je tombai de nouveau. Et je m'y perdis, sans plus aucune crainte en voyant ce qu'il contenait. Le reste n'était pas important. Juste elle, moi, nous deux. Anya avait raison. Ça allait être une belle histoire.
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* « You'll probably hate it but I'm in my head right now » : et pareil pour le second chapitre !
Slow it down – Benson Boone – Fireworks & Rollerblades