Clarke
J'avais toujours eu un don pour la musique. Du moins, c'était ce qu'on n'avait pas arrêté de me répéter depuis ma plus tendre enfance. J'avais toujours été attirée par tous les instruments que je voyais. Mon grand-père, qui possédait la plus grande agence de production musicale était plus que fier de voir mon intérêt pour tout ça. J'avais, bien entendu, orienté mes études vers ce qui me faisait vraiment vibrer. J'étais une des meilleures élèves à chaque classe. Mon père travaillait avec lui à Griffin Entertainment. L'entreprise signait de nombreux artistes, tous talentueux, il fallait bien l'admettre. J'avais pu en croiser certains et j'étais toujours très impressionnée. Toutefois, ça ne concernait pas que les artistes. Mon grand-père avait aussi des contrats avec des grosses productions dans le monde du cinéma.
Autant dire que ça m'avait toujours fait rêver. Je voulais pouvoir réaliser la bande-son du dernier film en vogue, ou de la série même. Mon grand-père n'avait pas voulu traiter avec l'univers des séries et j'étais celle qui avait réussi à le faire changer d'avis, pour son plus grand bonheur. Griffin Ent. n'avait jamais eu autant de succès. De nombreuses sociétés voulaient travailler avec lui. Il me restait quelques années avant de terminer mes études quand tout s'était effondré. Mon grand-père était mort soudainement. Un accident bête et tragique. J'avais été inconsolable. Mais j'avais surtout appris que son entreprise me revenait.
Toutefois, il savait que je n'avais pas certaines aptitudes. Il ne voulait pas que je sacrifie mon don dans de la paperasse et des chiffres. Il me faudrait apprendre certaines choses mais il me laissait ses meilleurs employés pour faire ce dont je n'étais pas capable. Il pensait que je serais plus utile pour faire des musiques et des chansons et je ne pouvais pas lui donner tort. Il restait un autre problème : je n'avais pas terminé mes études. Mon père avait été désigné comme PDG temporaire en attendant que je puisse prendre la place qui me revenait. Et ça ne serait le cas que lorsque j'aurais suivi une formation accélérée concernant l'entreprise. J'avais donc terminé les trois ans qu'il me restait avant de rejoindre la compagnie de mon grand-père. Ou la mienne, désormais. La formation accélérée durait tout de même un an. Elle n'était accélérée que parce que je n'avais plus une minute à moi. Je pus donc prendre mon poste un an plus tard, avec les félicitations de tous les collaborateurs de mon grand-père. Mon père, lui était, on ne pouvait, plus fier.
La première fois que je m'étais assise dans le siège de ce grand bureau, je m'étais sentie plus petite dans ce monde qui semblait soudainement plus gigantesque que je ne l'aurais cru. Je ne me sentais pas à ma place et j'avais passé des nuits à angoisser, à ne presque pas dormir. J'arrivais à faire ce qu'on me demandait mais je me perdais petit à petit dans tout ce que j'aurais dû laisser à d'autres. Ça s'en était ressenti au niveau de la qualité des musiques offertes et nous avions commencé à perdre des clients. Ce fut à ce moment que mon père était intervenu. Il m'avait forcée à aller me reposer deux semaines loin de tout. Un chalet perdu au milieu de la nature. Il y avait là tout le nécessaire pour la création artistique. J'avais dû faire quelques réglages sur le grand piano, accordé les différentes guitares et j'avais repris le chemin de la musique. Je ne m'étais jamais sentie aussi bien.
Quand j'étais revenue, j'avais commencé les changements : je ne m'occuperai pas de tout ce qui n'était pas de mon domaine, ou très peu. Bien sûr, je vérifiais toujours ce qu'on me demandait de signer et j'avais toute une équipe de confiance qui veillait à chercher la moindre erreur : avocats, comptables et j'en passais. Et bien sûr, mon père qui avait travaillé de nombreuses années dans cette entreprise ne posait sur mon bureau que ce qui était nécessaire ou très urgent. Le reste, il s'en chargeait. Il était plus à l'aise avec tout ça. Je fis installer un piano dans mon bureau et j'avais aussi une guitare. Nous avions plusieurs studios d'enregistrement avec uniquement des instruments divers et variés et d'autres pour les chanteurs et chanteuses. Il m'arrivait d'y aller pour enregistrer des chansons pour des séries, des films ou des films d'animation. J'assistais aussi aux enregistrements de certains artistes. Ceux que nous avions déjà ou ceux que je voulais absolument signer chez nous.
Depuis que je m'étais remise à faire plus souvent de la musique, les contrats étaient revenus. Autant dire que je passais plus de temps au bureau – et les studios, bien sûr – , dans l'entreprise ou chez moi que dehors. Nous avions un succès fou, il fallait bien l'avouer. Je n'avais même pas eu besoin d'aller chercher moi-même les plateformes de streaming en vogue pour avoir des contrats. Celles-ci étaient venues d'elles-mêmes ! J'avais toujours beaucoup de travail. J'avais été un peu fêtarde pendant mes études mais je ne pouvais plus me le permettre. Entre la quantité de travail à abattre et la fatigue, l'envie n'y était pas plus.
Je ne sortais plus beaucoup et mes amis me comparaient souvent à une ermite. Je ne comptais plus le nombre de fois où j'avais entendu que je finirais seule avec une armée de chats et de chiens avant de mourir d'épuisement et que je me ferais bouffer par mes animaux. Un avenir on ne pouvait plus enviable. Je ne pouvais que rire en repensant aux mots de Raven. Elle allait toujours bien trop loin dans ses comparaisons ou idées. Ce qui lui avait valu de sortir major de promo dans une des écoles les plus réputées du pays. Cette fille était un véritable génie. Elle avait de l'or autant dans les mains que dans la tête. Elle aurait pu inventer quelque chose de révolutionnaire ou partir dans l'espace si ce n'était son goût pour tout ce qui avait tendance à exploser.
Elle en avait fait dans le passé... Mieux valait ne pas s'en prendre à elle ou à ses amis sous peine d'une vengeance bien sentie. Je me rappelais ce qu'elle avait fait à un ex d'Octavia. Le bougre devait encore être en thérapie aujourd'hui après que le moteur de sa voiture n'ait été éjecté au démarrage de celle-ci. Ça aurait pu être moins traumatisant si elle n'avait pas mis une bombe de sang de cochon. Elle avait trouvé très drôle de lui faire une « Carrie » comme elle disait. On ne pouvait pas complètement la blâmer. Il avait brisé le coeur de notre amie et si elle ne savait pas si bien se défendre, dieu seul savait ce qu'il se serait passé ! Autant dire qu'on ne l'avait plus jamais revu au lycée. C'était pour le mieux. Bellamy, le frère d'Octavia lui aurait refait le portrait. Il avait eu de la chance qu'il ne lui ait pas mis la main dessus.
En parlant des Blake... Octavia avait longtemps hésité à être actrice ou cascadeuse. Elle était plutôt douée et avait réussi à prendre des cours de cascades ici ou là pendant qu'elle faisait les études qui lui plaisaient vraiment. Elle avait été vite repérée et au vu de ses capacités, dès qu'elle l'avait pu, elle avait signé un contrat. Son frère la suivait partout, il était devenu son agent. Il veillait à ce qu'aucun vieux pervers ne lui propose des auditions douteuses. Raven était, elle aussi, dans le milieu du cinéma, mais de l'autre côté. Elle s'occupait de divers effets. Elle appréciait tout particulièrement la pyrotechnie, bien entendu. Elle gérait aussi certains effets visuels et passait un temps monstre derrière des écrans à régler tous les détails pour arriver à la perfection qu'ELLE voulait. Elle écoutait ce qu'on lui disait mais si elle trouvait ça stupide, elle passait outre. Jusqu'ici, avec ses résultats, personne ne lui en avait tenu rigueur. Ils seraient fous de la virer pour ça. Elle ne travaillait pas pour un studio en particulier. Elle acceptait diverses propositions, à ses conditions puisqu'en plus, c'était une excellente négociatrice.
Mes amis me sortaient de ma tanière parfois mais ils n'insistaient pas quand ils entendaient ou voyaient que j'étais épuisée. Cependant, je devais dire que ça faisait des mois et des mois que j'enchaînais les compositions. Je travaillais plus souvent depuis chez moi mais j'avais aussi des responsabilités au bureau et m'y rendais deux ou trois fois par semaine. Personne ne me saluait avec un respect démesuré dont je ne voulais pas. À vrai dire, personne ne savait vraiment que j'étais celle qui signait les contrats et le reste. J'avais fait en sorte de garder ça secret. Je ne voulais pas que ça se sache partout. Je n'avais aucun souci à me faire de ce côté.
J'étais chez moi cette fois encore, au piano, butant sur un accord que je trouvais désastreux. Affreux même. Il y avait quelque chose avec cette musique qui n'allait pas et je ne savais pas quoi. C'était un comble pour une artiste ! Je décidai de faire une pause et me levai du banc. Je m'approchai de l'immense baie vitrée qui m'offrait une vue superbe. Mais même ça, n'était pas suffisant. Je repassai les notes encore et encore dans ma tête mais rien n'y faisait. J'avais beau chantonner, siffler, quelque chose bloquait. Je soupirai et décidai de quitter la pièce spacieuse et lumineuse. Je descendis les escaliers en étirant ma nuque. J'avais passé un peu trop de temps au piano. Je me dirigeai vers la cuisine et préparai tout pour faire un café. J'écoutai le bruit de la broyeuse à grains et essayai de reconnaître à quelle note ça pouvait correspondre. Dès que ce fut prêt, je versai le tout dans un mug et me dirigeai vers le salon et y allumai la télé tandis que je prenais place dans le canapé. Je lançai une des plateformes de streaming et mis quelque chose au hasard. Je me figeai, le mug dans les mains, en voyant de grands yeux verts expressifs. Je restai immobile et suivis le film. Cette actrice était... je n'avais même pas les mots. Elle avait un talent indéniable et ses yeux m'avaient complètement captivée, hypnotisée. Son jeu m'avait happée dans l'histoire et j'avais l'impression de ressentir tout ce que son personnage vivait.
J'avais été tellement envoûtée par elle que je n'avais même pas bu ce fichu café et il était froid. Je le vidai d'un trait en grimaçant. Et soudainement, comme si quelque chose venait de se débloquer, je compris ce qui n'allait pas ! Je remontai en trombe au piano et jouai de nouveau cette musique avec ce que j'avais en tête. C'était fluide, c'était rempli d'émotion, c'était tout ce qu'il me fallait et tout ce qu'il manquait. J'écrivis tout de suite les changements sur la partition et repris de nouveau. C'était parfait. Comme elle. Je secouai la tête. Je ne savais même pas qui elle était mais une chose était certaine : elle avait éveillé mon intérêt. Je cherchai son nom dès que je retournai dans le canapé. Lexa Woods. La nouvelle étoile montante. La nouvelle coqueluche du public. Difficile de ne pas comprendre pourquoi. Et alors que je regardais sa filmographie et que je venais de lancer un cast d'une interview de mon téléphone à ma télé, je le vis sonner. Octavia. Je souris avant de décrocher.
– OH PUTAIN MAIS TU AS DÉCROCHÉ ?! TU AS UN PROBLÈME ?! TU AS ÉTÉ ENLEVÉE ?! C'EST UN APPEL À L'AIDE ?!; j'écartai le téléphone de mon oreille.
– Bonjour à toi aussi, O'. C'est toujours un plaisir de t'entendre me casser les oreilles.; elle éclata de rire.
– Moins de boulot ?; je soufflai et elle rit de plus belle.
– Non. je viens de finir la première musique d'une série à venir. Elle m'a bien pris la tête, cette fichue musique ! Ils ont intérêt à avoir un succès monstre, je te le dis ou je leur colle un procès.
– Grrrr. On sort les griffes ?
– Une raison à ton appel ?
– Et bien, prendre de tes nouvelles, déjà mais je sais que tu ne sors que rarement de tes partitions. Mais j'ai de bonnes nouvelles aussi.
– Je t'écoute. Ma vie est loin d'être palpitante.
– Si tu sortais, tu aurais déjà plus à raconter.
– O'... Je n'ai...
– « Pas le temps. Et ma dernière relation a été un véritable fiasco, elle m'a laissée avec le coeur brisé et j'ai dû me traîner au bureau pour me changer les idées. ». Je le connais ton refrain.
– C'est vrai.
– Parce que tu n'as pas voulu nous laisser faire pour lui éclater sa voiture et lui crever ses pneus. En plus, des coups de batte dans le pare-brise, rien de tel pour évacuer sa colère.; je ris.; Oh mais elle rit. Waow. Je devrais peut-être penser à faire un one-woman show.
– Je glisserai des billets dans ton string avec Raven.; ce fut elle qui se mit à rire.
– Bordel, t'as bu ou pris quelque chose ? Ça faisait longtemps que je ne t'avais pas entendu dire des conneries pareilles !
– Non, j'ai terminé la musique il y a peu et j'ai vu un film qui m'a complètement retourné la tête.
– Lequel ?
– Un qui m'a été suggéré par Netflix. Avec la nouvelle actrice en vogue.
– Lexa ?!
– Tu la connais ?
– Un peu, oui. J'ai bossé avec elle. Elle est incroyable et d'une gentillesse...
– Je ne peux que te croire. Et la raison de ton appel ?
– J'ai eu un contrat.
– Félicitations !
– Pas pour un film ou une série. Enfin, j'ai d'autres projets à venir mais tu vas bientôt me voir pour faire la promo d'une marque.
– Laquelle ?
– Converse.; je ris.
– Pourquoi je ne suis pas surprise ? C'est à force de te voir avec tes vieilles pompes usées ça !
– HÉ ! Bon et sinon, je fais une fête vendredi soir. À la maison. J'aimerais que tu viennes.; je soupirai.
– J'ai du retard dans mes compos, O'.
– Allez... Ça te fera du bien de t'aérer la tête, voir des personnes.
– J'en vois au bureau.
– Tu en as vu cette semaine ?
– On est mardi !
– Ce qui veut dire que tu n'y as pas mis les pieds.
– Pas encore.
– Donc tu n'as vu personne.
– Faux. Il y a eu le livreur.
– Quelle sociabilité. Bientôt le gala de charité. Alleeeez, s'il te plaît ! Il y aura certains de mes anciens collègues. Il y aura même Lexa, tiens ! Et sa meilleure amie. Elle est mannequin.
– En quoi le fait qu'elle soit mannequin doit m'aider à venir ?
– On s'en fout, c'est juste pour que tu te bouges. Et puis, elle bosse avec pleins de marques, ils voudraient peut-être une musique de Griffin Ent. Tout le monde veut signer avec toi. Même si personne ne sait que c'est toi à la tête. Je ne sais toujours pas comment tu t'y es prise. En plus avec tes initiales, c'est d'un ridicule. Les gens sont vraiment cons.; je ris de nouveau.; Allez, s'il te plaît !
– O', je suis épuisée.
– Si tu ne viens pas, j'envoie Raven. Tu sais qu'elle est prête à tout. Si tu tiens à ta voiture ou à ta maison, je te conseille d'...
– C'EST BON. C'EST BON. NE LUI DEMANDE RIEN PAR PITIÉ.; elle éclata de rire.; La dernière fois qu'elle a voulu me forcer la main à venir, tout mon système de domotique avait perdu la boule. Je ne sais toujours pas comment elle a fait, cette psychopathe.
– Je suppose que tu n'as pas envie de te réveiller en pleine nuit avec toutes tes enceintes qui crachent des chansons ridicules ou paillardes.
– On va éviter.
– Cool. À vendredi alors.
Elle raccrocha sans que j'aie le temps d'ajouter quoi que ce soit. Elle savait s'y prendre, elle aussi ! Je commençais à somnoler devant la télé quand je me décidai à éteindre et à aller me coucher. Je m'endormis aussitôt en repensant à ces grands yeux verts expressifs. Quand je me réveillai, je me préparai et sortis de la maison avec tout ce dont j'avais besoin. Je pris ma voiture et lançai d'autres interviews de cette Lexa. Elle avait une voix qui attirait l'attention et on avait envie de l'écouter. Elle aurait pu réciter des formules incompréhensibles que j'aurais écouté tout de même. Elle semblait être une personne très intéressante et gentille, comme l'avait dit O' mais je ne me fiais pas forcément aux interviews. Il y avait beaucoup de « beau monde » qui paraissait adorable et qui était en fait tout l'opposé.
J'arrivai à l'entreprise et saluai quelques personnes sur mon passage. On me répondait toujours avec politesse et un sourire sincère. Je savais que s'il était connu que j'étais celle qui dirigeait, tout changerait et je ne voulais pas ça. Une fois à mon étage, je croisai de nombreuses personnes, qui elles, étaient au courant de mon identité et de mon rôle au sein de cette entreprise. Je tombai sur mon père. Il me regarda avec un grand sourire et s'approcha. Il me prit dans ses bras.
– Je ne pensais pas te voir aujourd'hui.
– Il le fallait bien.
– Tu m'as l'air épuisée.
– C'est le cas. Cette musique m'a pris la tête.; je secouai les feuilles de partition et il se mit à rire.
– Tu en es venue à bout.
– Oui. Je n'y croyais plus.
– Tu as quelques petites choses à signer avant de pouvoir aller librement à tes instruments.
Je lui embrassai la joue et entrai dans mon bureau. Il y avait tout un tas de dossiers en effet. Quand je voyais l'épaisseur de certains, je soupirai. Mais heureusement, il y avait un résumé de tout ce que ça contenait, de ce qui avait été modifié. Une fois que c'était passé par la validation de toutes les personnes qui veillaient au bon fonctionnement, je n'avais plus à m'inquiéter. Je signai donc une fois que j'eus terminé de lire les informations dont j'avais besoin. Je terminai plus vite que je ne l'aurais cru et me dirigeai vers le piano pour poursuivre la composition de quelques musiques. J'y passai la journée et personne n'était venu me déranger. Je sortis pour aller enregistrer ce que j'avais déjà afin d'envoyer les maquettes aux clients. Je croisai Jasper qui se dirigeait vers le même studio.
– Tu dois enregistrer ?
– Non mais si tu y vas, c'est pour une bonne raison et il est hors de question que je manque ça.; je souris.; Je veillerai à m'occuper de la console et tu n'as qu'à te concentrer sur les instruments et la musique.
– Merci.
Je passai directement dans la salle d'enregistrement. Jasper était un ami du lycée. Il avait été le DJ de nombreuses fêtes. Il avait un réel talent, lui aussi. Et bien qu'il n'ait pas suivi d'études dans le domaine, c'était un musicien hors pair et il avait une oreille bien particulière et savait mélanger des sons qui n'auraient jamais dû se marier si bien. Je l'avais engagé sans même réfléchir. Il avait certaines contraintes mais il avait aussi l'occasion de se faire un nom dans le monde de la musique puisqu'en plus d'enregistrer pour les autres, il faisait aussi ses propres sons. Il avait dû faire ses preuves, suivre certaines personnes plus expérimentées mais il avait accepté. Il savait très bien que ça ne pouvait que lui être profitable. Je m'assis derrière le piano et me mis à jouer.
– Bordel de merde, Griffin. Tu t'es surpassée.
– Merci.
– Tu en as d'autres ?
– Deux.
– Tu les as faites aujourd'hui ?
– Oui mais elles sont plus courtes.
– Dès que tu es prête.; je jouai le reste et il n'interrompit rien.; Et bien, ils vont être contents. Tu viens vendredi à la fête d'Octavia ?
– Elle t'en a parlé ?
– Elle m'a dit qu'elle voulait t'inviter, oui.
– Je viens.
– Yeah. Ça y est, on va revoir la grande fêtarde ?; je me mis à rire.
– Ne rêve pas trop. Je te rappelle que je suis épuisée.
– Tu bosses trop. Cette fête va te faire du bien.
– Je fais ce que j'aime. Je n'ai pas trop à me plaindre.
– Certes. Tu vas rester un peu, je suppose ?; j'acquiesçai.; Je laisse tourner, comme ça, si tu sors un bon son, tu n'auras pas à t'embêter. Je m'occuperai de le couper et de le réarranger au besoin. Tu me diras. Bonne soirée, Clarke.
– Merci Jasper, à vendredi si on se revoit pas d'ici là.
Je le vis me saluer de deux doigts à travers la vitre et me mis à jouer autre chose dès qu'il fut parti. Je me laissai guider, les yeux fermés. Et bien entendu, ce furent ceux qui m'avaient envoûtée que je vis. Quand je terminai, je me rendis compte qu'il était bien tard. Je passai dans l'autre pièce et écoutai ce que j'avais fait. Ça ne pourrait pas être pour la série mais un artiste serait peut-être ravi de chanter là-dessus. Il me faudrait trouver des paroles. Je transférai tout sur une clé usb et la pris. Je passai au bureau. Tout était éteint, plus personne n'était là. Et pour cause, la nuit allait bientôt tomber. Je pris mes affaires et rentrai. Je courus à la douche et allai me coucher.
Les jours suivants, je poursuivis les musiques pour la série, en alternant avec l'écriture de paroles qui colleraient sur les sons que j'avais joué seule dans le studio. Vendredi arriva plus vite que je ne l'aurais cru. Je travaillai dès que je me réveillai, je ne pris même pas la peine de me changer et restai en pyjama. Je prendrai un bain et me préparerai avant de partir. Je me mis un réveil pour pouvoir arrêter ce que je faisais et me laissais du temps avant de devoir retrouver la maison d'Octavia. Elle était à quelques rues de la mienne. Je réservai déjà un taxi, au moins, je n'aurais à me soucier de rien.
Mon téléphone sonna un certain nombre de fois. La plupart du temps, ça n'avait été que des notifications de mails et autres. Les clients étaient satisfaits et semblaient impatients d'avoir la suite. Ils m'envoyèrent même une invitation pour un visionnage privé. Je ne répondais jamais à ces invitations, je n'avais pas le temps. Et soudain, je me rappelai de quelque chose. Ça ne m'avait pas sauté aux yeux, ou aux oreilles, parce que j'étais fatiguée, que j'avais travaillé beaucoup depuis mais... le film que j'avais vu... J'en avais réalisé la musique ! Je me frappai le front. Comment avais-je pu oublier ?! Je n'étais pas allée à la fête qui avait eu lieu. J'aurais donc pu déjà rencontrer cette Lexa. Et bien, quelle coïncidence. J'attrapai mon téléphone. J'étais certaine qu'O' le savait déjà.
« Tu aurais pu me rappeler que
j'avais fait la musique de ce fichu film ! »
« Ah ça y est, ça t'est revenu.
Tu es un cas désespéré. À tout à l'heure, imbécile. »
Je travaillai toute la journée, réussissant plus ou moins à penser à autre chose. Quand mon téléphone me fit savoir qu'il était temps que je me prépare, j'enregistrai tout ce que j'avais déjà fait, rangeai tout et sortis de la pièce. J'entrai dans la salle de bain, fis couler un bain. Pendant ce temps, je retournai à ma chambre pour choisir des vêtements. Octavia ne m'avait rien dit à propos de cette fête et ce n'était pas un gala pour je ne savais quoi. Je n'allais pas sortir une tenue trop chic qui ferait tâche. Je pris un jean, un débardeur et une chemise. Pour faire honneur à mon hôtesse, je sortis une vieille paire de Converse. Après tout, elle avait un contrat avec eux. Nul doute qu'O' comprendrait le clin d'oeil.
Je retournai dans la salle de bain, arrêtai l'eau et entrai dans la baignoire. La température était juste parfaite et je restai quelques instants à me prélasser. Après tout, j'avais prévu le temps nécessaire et j'avais besoin de me détendre un peu. Ce ne fut qu'en sentant que l'eau commençait à rafraîchir que je me lavai, puis me rinçai avant de sortir. Je m'enroulai dans une serviette, séchai mes cheveux et les coiffai. Rien de bien travaillé. Ma tenue ne l'exigeait pas. Je me maquillai juste ce qu'il fallait avant de terminer de me sécher. Je laissai la serviette dans la pièce et me dirigeai vers la chambre. Je pris des sous-vêtements, que j'enfilai avant d'en faire de même avec mon jean, le débardeur et la chemise ! Je laçai les Converse, mis quelques bijoux et descendis. Je vis que j'avais encore une bonne demi-heure avant l'arrivée du taxi alors, je me servis un verre de vin.
Je le terminai quelques minutes avant qu'il n'arrive. Je pris le reste de mes affaires, mes clefs, verrouillai la maison. Téléphone en main, j'activai le système de sécurité. Le chauffeur était sorti et m'avait ouvert la porte. Je lui souris et le remerciai. Nous conversâmes quand je vis la photo de ses enfants et de sa femme. Il était très aimable et me donna même son numéro professionnel afin qu'il revienne me chercher quand la fête serait terminée. J'acceptai et il m'ouvrit la portière, une fois arrivés à destination. Il me salua chaleureusement et je n'eus même pas besoin de sonner qu'on m'ouvrait déjà. O' se jeta à mon cou.
– Je suis heureuse que tu sois là.; la musique pulsait déjà et il semblait y avoir du monde.
– Je vois que tu ne fais pas les choses à moitié.
– Comme si tu ne le savais pas.; elle nous fit entrer et me présenta à ses collègues. L'un d'eux était un grand métisse, cascadeur apparemment. Il avait une façon de regarder mon amie qui ne faisait aucun doute sur ce qu'il ressentait pour elle. Et il en allait de même pour elle.; Fais comme chez toi. Tu connais la maison.
– Ton frère est là ?
– Comme si j'allais la laisser seule dans une fête pareille.; je me tournai en souriant et le pris dans mes bras.
– Toujours aussi protecteur.; j'entendis un râle derrière moi et éclatai de rire. Je me tournai vers O'.; Comme si ça te dérangeait.
– Non, je fais ça pour l'embêter. Il veille à mon bien-être et ma sécurité et il ne dépasse pas les limites. Ça aurait pu être pire.; je savais à quoi elle faisait référence. Ils avaient eu de nombreuses disputes à ce sujet pendant des années. Tout allait pour le mieux, désormais.
– Alors, G...; j'écarquillai les yeux.
– Shhh. Pas ce diminutif ici. Tu sais très bien que j'utilise le nom de ma mère en public.; il soupira.
– Je trouve toujours ça aussi débile mais soit, Princesse.
– Argh.
– Tu l'as voulu. Alors, quoi de neuf dans ta vie ?; je soupirai et il ricana avant de boire une gorgée de sa boisson. Il me fit comprendre de le suivre et me servit lui-même.
– Pour te répondre, rien de bien transcendant.
– Boulot boulot boulot ?
– C'est ça.
– Depuis que tu es...; je lui fis comprendre de ne pas en dire trop.; dans ce métier ; je souris.; tu passes beaucoup de temps là-dedans. On te voit moins.
– Je sais mais... on a beaucoup de propositions.
– Oh je le sais.; il se mit à rire.; O' m'a dit. Je n'en reviens pas que tu aies pu voir ça et ne pas reconnaître le reste.; il restait vague volontairement et je lui en étais reconnaissante.
– Oh ça va, hein !
– MAIS SI CE N'EST PAS G...; une main sur sa bouche l'empêcha de poursuivre. Elle se détacha de la prise d'Octavia.; Mais ça va pas ?!; notre amie lui parla à l'oreille.; Ah oui, c'est vrai. Alors, c'est Hyde, aujourd'hui.; je levai les yeux au ciel et elle tira la langue.; Vous pourriez au moins faire l'effort de reconnaître mon jeu de mots, bande de nuls. Encore une fois, je suis une génie incomprise.
– Et allez, encore le même refrain. Change de disque, Reyes.
– Tu n'as pas quelqu'un d'autre à surveiller toi ?
Je parlai quelques minutes avec elles. O' dut s'occuper de ses invités et Raven avait retrouvé Jasper, Monty et d'autres de nos amis. Il y avait beaucoup de monde, beaucoup de bruit et je n'étais plus habituée à tout ça. Je portai les doigts au front avant d'avoir envie de fuir. Je connaissais très bien la maison d'Octavia et je savais que certaines pièces n'étaient pas forcément accessibles à tout le monde. Je souris en voyant la pancarte « Interdit de monter – La personne qui pète mon piano, je lui pète les genoux ». Du grand Blake. Elle n'en jouait plus trop mais c'était un héritage alors elle le gardait. Je rejoignis la pièce en hauteur, vérifiai quelques détails avant de m'installer et de me mettre à jouer. Je me laissai guider par les notes, les sons de cet instrument.
Je ne rouvris les yeux qu'en entendant de légers applaudissements. Je vis ces yeux verts qui m'avaient tant captivée. Elle était encore plus belle en chair et en os. Elle avança d'un pas prudent, un léger sourire aux lèvres. Elle s'approcha du piano et y passa la main d'une façon délicate. Et il ne pouvait y avoir qu'une seule raison : elle en jouait aussi. Cette manière de faire ne laissait aucun doute. Elle montra le banc et je souris en me décalant. Elle prit place avant de se tourner à demi et de me tendre la main.
– Lexa.
– Clarke.
– Tu es sacrément douée.; je ris.
– Merci.
– Je ne voudrais pas passer pour une fille imbue d'elle-même mais c'est la musique de mon film.; merde, je n'y avais même pas prêté attention.; Et je n'ai jamais entendu personne la jouer aussi bien. À part celle qui l'a composée.; elle pencha la tête sur le côté.; Soit tu es un génie de la musique soit...; je ne savais pas pourquoi mais je sentais que je pouvais lui faire confiance. Peut-être même lui révéler plus qu'il n'en fallait.
– C'est bien moi.
– C'est donc toi. Il y avait tellement de noms, d'initiales que... En tout cas, la personne qui dirige a un don pour déceler les talents.; je souris.; Tu as déjà rencontré le PDG ? Enfin le nouveau ?; je me retins de rire.
– Je n'ai pas eu cette chance.; elle remarqua quelque chose.
– Je ne sais pas pourquoi mais quelque chose me dit que tu en sais plus qu'il n'y paraît.; je soufflai et regardai tout autour.
– Je...; elle leva la main.
– Je comprends, tu ne peux rien dire, ça ne fait rien. On peut jouer ensemble ?
– Il me semblait bien que tu en étais capable. Et bien avec plaisir. Tu connais les notes ou tu as besoin de la partition ?
– Je devrais pouvoir me débrouiller.
Nous jouâmes donc pendant un petit moment à deux. Quand ce n'était pas cette musique, ce fut celle d'une chanson bien connue et elle suivit sans mal. Elle était douée. Nous finîmes par nous arrêter et nous asseoir dans le canapé qui était dans la pièce, loin du bruit de la fête. Je lui fis comprendre que je revenais. Je savais qu'O' avait une réserve de bouteilles dans le coin. C'était une cachette mais sa maison n'avait aucun secret pour moi. Je pris donc une bouteille de vin, deux verres et un tire-bouchon. Je retournai dans la pièce où était Lexa et elle écarquilla les yeux.
– Où tu as...; je ris.
– O' est une de mes meilleures amies. Je sais tout ce qu'il y a à savoir.
– Elle ne va pas... Je ne voudrais pas...
– Ne t'en fais pas, je lui en ferai livrer toute une caisse si ça la dérange tant que ça.
– Généreuse.; je haussai les épaules avant d'ouvrir et de servir les verres. Je lui en tendis un et pris place à ses côtés.; Donc tu la connais depuis longtemps ?
– Ça oui.
– J'ai aimé travailler avec elle. Elle a un don.; je ris en buvant.; Quoi ?
– J'ai vu ton film. Tu oses dire qu'elle a un don. Et toi alors ?!; je la vis sourire et baisser les yeux.
– Merci. Tu es dans la musique depuis longtemps ?
– Depuis que je suis petite. Une vocation, si on peut dire.
– Le monde aurait été bien malheureux sans tes compositions.; elle était sincère. Bon sang, ses yeux étaient encore plus expressifs qu'à l'écran.; Et tu peux m'en dire plus sur tes prochains projets.
– Serait-ce une interview, mademoiselle Woods ?; elle rit.
– Non, je suis juste curieuse. Tu es tellement talentueuse.
– Je ne peux rien dire, tu imagines bien mais tu le sauras si je travaille sur un de tes projets, je suppose. Quelque chose de prévu ?
– Quelques-unes même.
– Et donc actrice, pourquoi ?
– Comme toi, une vocation.
Et nous discutâmes de son passé, d'où elle venait. D'une autre ville, d'un autre État, de son envie d'être sur grand écran* et pas seulement à la télé. Elle ne regrettait pas d'avoir accepté les projets des grands plateformes mais elle rêvait de pouvoir participer à des choses plus grandes. On ne pouvait pas lui en vouloir pour ça. Elle était passionnée, elle avait une façon de raconter tout ça qui me laissa pantoise. Je ne pouvais que l'écouter, boire ses paroles plus que le vin, même. Elle s'agitait parfois, parlait avec les mains, ses yeux pétillaient par moment et je devais dire que c'était la plus belle femme qu'il m'avait été donné de voir. Et surtout la plus belle personne qu'il m'avait été donné de croiser et avec j'avais pu parler. Elle était en effet d'une grande gentillesse, d'une sincérité qu'il était difficile de manquer.
Nous parlâmes un peu plus de nos vies privées, de nos amis, de nos années de collège ou de lycée, de nos études, de notre arrivée dans le monde de la musique ou du « cinéma », des contrats, des auditions. Bien sûr, nous en vînmes à parler de nos déboires amoureux. Je ne savais même pas comment nous en étions arrivées là. Je dus lui révéler que ma dernière relation remontait à un moment déjà, que je n'avais pas été assez disponible et que ça avait ruiné mon histoire. Enfin, ça et la tromperie. Rentrer d'une journée intense de travail pour voir quelque chose que je n'aurais pas dû voir était tout sauf agréable. Elle sembla compatir sincèrement, posant même sa main sur la mienne avec un sourire désolé et triste.
Elle parla donc de la seule histoire qu'elle avait eue et qui ne remontait à pas si longtemps que ça. Elle avait été trompée, elle aussi parce qu'elle travaillait beaucoup mais ce n'était pas le pire. Elle m'avoua qu'elle avait eu de la chance d'avoir eu un bon avocat sinon, elle aurait été dépouillée. Elle n'avait pas été mariée mais son ex avait bien caché son jeu. Elle avoua qu'après ça, elle s'était sentie seule dans cette nouvelle ville*. Heureusement, une de ses amies l'avait rejointe au plus vite. Il s'agissait d'une certaine Anya, elle m'avoua qu'elle était mannequin et devait beaucoup voyager mais qu'elle revenait dès qu'elle le pouvait. Elles vivaient ensemble quand elles étaient dans la même ville mais se croisaient plus souvent qu'autre chose.
Apparemment, elle était là mais je ne l'avais pas croisée. Il fallait dire que j'avais fui dans cette pièce à cause du bruit. Nous continuâmes à discuter, à rire. Et bon sang, cette fille m'avait complètement envoûtée. Ça avait déjà été le cas avec ce film mais là, c'était bien pire. Elle avait un sourire qui attirait mon regard à chaque fois. Au fil de la soirée, j'avais pu observer son visage en détails et si j'avais été douée en dessin, nul doute que j'aurais été capable de réaliser un dessin d'un réalisme qui aurait fait croire à une photo. Nous n'avions cessé de rire en parlant de je ne savais même plus quoi, ça n'avait aucune importance, à vrai dire. Je ne sus pas vraiment ce qui me prit mais je me penchai vers elle. Elle se figea et je retrouvai ses yeux. Je pus voir qu'elle souriait rien qu'en voyant cette lueur dans son regard. Je poursuivis donc le mouvement et elle ne refusa pas le baiser. Elle se laissa aller. Il était lent, doux et bon sang, c'était le meilleur baiser que j'avais échangé avec quelqu'un. C'était comme si nos lèvres étaient faites pour l'autre. Elle posa une main sur mon cou avec une telle douceur que j'en frissonnai. Et alors que j'approfondissais le baiser et qu'elle y répondait, elle s'écarta soudainement. Son regard était bien différent, comme si elle se demandait ce qu'il se passait. Elle ne dit rien et sembla vouloir quitter la pièce, je clignai des yeux avant de me lever et de la rattraper par le poignet.
– Attends.
– Je suis désolée. Je dois... y aller.
– D'accord. Tu...
Elle se retourna, m'offrit un sourire et un regard... tristes ? Désolés ? Je ne savais même pas ce que je voyais. Elle s'en alla à toute vitesse. Je vis quelqu'un la suivre. Une grande blonde aux traits asiatiques. Elle se retourna et leva les yeux vers l'étage. Elle me vit et fronça les sourcils. Elle dut voir mon trouble et roula des yeux. Elle me fit un geste de la main, comme pour s'excuser ? Ou me saluer ? Je n'arrivais même pas à savoir. Je me laissai tomber dans le canapé et attrapai mon verre et la bouteille. Je versai le vin restant dedans et le bus d'un trait avant de prendre ma tête dans mes mains.
– Bordel mais qu'est-ce qui s'est passé ?!
– Clarke ?!; je fermai les yeux. Il ne manquait plus que ça.; Tu peux m'expliquer pourquoi Lexa a quitté la fête aussi vite et qu'Anya m'a dit de monter ici ?; je soufflai.
– Je ne sais pas.
– Tu ne sais pas ? Ou tu ne veux pas en parler ?; je sentis du mouvement à mes côtés avant de sentir qu'O' m'amenait contre elle.; Dis-moi.
– Je suis venue ici parce qu'il y avait trop de monde, trop de bruit. J'ai joué.; je l'entendis ricaner. Elle savait que ça m'aidait.; Lexa est arrivée. Je ne l'ai pas entendue. J'étais perdue dans la musique.
– Jusqu'ici, tout va bien.
– Ensuite, et bien, on a joué ensemble. On a parlé. J'ai piqué une de tes bouteilles. Je te la...
– Je m'en fous. La suite ?
– On a parlé de tout et de rien, de nos passés respectifs, de nos boulots, de son envie d'être sur grand écran, de nos relations. On a beaucoup ri aussi et je ne sais pas... Je... Merde. Je t'ai dit qu'elle m'avait hypnotisée dans son film ?
– Non mais tu viens de le faire. Et je suppose que la voir en chair et en os n'a pas aidé.
– Ce n'était pas... Je ne sais pas ce que... Putain.
– Donc, à force de lui parler, tu as succombé. Je ne suis pas si surprise. Vous avez toutes les deux ce truc.; je m'écartai et la regardai.
– Ce truc ?
– Je ne saurais pas te l'expliquer mais vous avez quelque chose de différent dans votre façon d'être, de vous comporter. C'est difficile à exprimer. Et... ?
– Et je ne sais pas, je me suis laissée porter par un réflexe, un instinct ? J'ai voulu l'embrasser. J'ai vu dans ses yeux qu'elle ne refusait pas et elle a répondu au baiser.; je me tus un instant, portant les doigts à mes lèvres.
– Un sacré baiser, apparemment.
– Le meilleur que j'aie reçu et de loin.; elle siffla.
– Et donc ?
– Je ne sais pas, elle a fini par s'écarter et... fuir. Je n'ai pas...
– Heum.
– Heum ?
– Elle a vécu une histoire pas cool.
– Je sais, elle m'en a parlé. Un bel enfoiré.
– Je ne te le fais pas dire. Elle a peut-être pris peur parce qu'elle a été bouleversée après ça. Elle ne veut peut-être pas repartir là-dedans. Elle a travaillé dur pour en être où elle en est. Elle n'a que très peu de temps. Elle sait que ça ne convient pas à tout le monde.
– Je lui ai raconté.
– Oh. Donc elle sait que tu as une histoire presque similaire. Elle sait qui tu es ?
– Juste celle qui a composé la musique. Mais elle sait que je travaille beaucoup.
– Je vais envoyer un message à Anya, avec ton numéro. C'est sa meilleure amie, elle saura quoi faire.
– Merci. Je vais appeler un taxi et y aller.
– Tu es sûre ? Linc' peut...; je relevai la tête vers elle avec un large sourire.
– Linc', hein ?; elle rougit.
– Et bien... Tu l'as vu ?; je ricanai.
– Vous formerez un couple parfait.; elle me prit dans ses bras.; Mais s'il te brise le coeur, je lui brise les genoux. Et je demanderai de l'aide à Raven et Bell' et tous nos amis.
– Je ne compte pas la blesser.; je sursautai.
– Tu es là depuis longtemps ?
– Juste assez pour savoir que tu as craqué pour Lexa.; je fermai les yeux et soupirai.
– Je la connais. On est amis. Je vais lui envoyer un message. Allez, viens, je te ramène en moto.
Je pris O' dans mes bras une dernière fois et suivis Lincoln. Il me tendit un casque et un blouson de cuir. Il en mit un aussi et j'entrai mon adresse dans son téléphone. Il nous mena chez moi en un temps record. Il me tendit son poing avant de me laisser partir. J'oubliai même de lui rendre le casque et le blouson. Je ne m'en rendis compte qu'une fois chez moi. Je me frappai le front. Je passerai rendre ça à O' plus tard. Je rejoignis mon lit et m'écroulai. En me réveillant, je pris mon téléphone et vis qu'il était déjà plus de midi. Et j'avais quelques messages.
Un de Lincoln : « Je n'ai rien tiré d'elle mais laisse-lui du temps. »
Un d'Anya : « J'ai réussi à lui tirer les vers du nez. Elle n'avait jamais embrassé de femme et surtout, tu l'as un peu trop perturbée. Elle n'a jamais ressenti une telle connexion mais elle a peur. Sa dernière relation a été un véritable désastre et j'ai dû la ramasser à la petite cuillère. Je sais que tu es quelqu'un de bien. J'ai pu discuter avec Octavia un certain nombre de fois et Lincoln m'en a dit beaucoup à ton sujet, même s'il ne te connaissait pas. Je te laisse son numéro. Elle va certainement me passer un savon pour ça mais ça ira. À un de ces quatre. »
« Merci. J'espère que ça ira pour elle. Je ne voulais pas la perturber
ou lui rappeler de mauvais souvenirs. »
« Je m'en doute. Bon courage. »
J'avais divers message de mes amis, qui avaient entendu parler de tout ça et prenaient de mes nouvelles. Raven, Bell', Jasper, même. Ce ne fut qu'en entendant sonner à la porte que je me levai en soupirant. J'ouvris et découvris justement Raven. Elle secouait des sacs de fast food. Je ne pus que rire et la laissai entrer.
– Livraison express. Je me suis dit que tu en aurais besoin.
– Merci.
Nous parlâmes donc de tout ça. Elle ne comprenait pas pourquoi elle avait fui de cette façon. Je lui révélai les messages de Lincoln et Anya. Elle me conseilla d'envoyer un message sans tarder à Lexa. Je lui promis de le faire. Elle partit et je m'installai dans le canapé. Bien entendu, il y avait la promotion de sa nouvelle série. Je fus totalement prise par celle-ci et elle s'était surpassée, il fallait bien l'avouer. Je mis sur pause après le troisième épisode et pris mon téléphone.
« Bonjour, Lexa. Je ne veux pas t'ennuyer et je n'en aurai pas pour longtemps. Anya m'a donné ton numéro. Je suis désolée si mon baiser t'a choquée ou était déplacé. Je ne voulais pas te mettre mal à l'aise. Je ne sais même pas comment j'en suis venue à ça. Je vais certainement passer pour une folle furieuse mais tu m'as complètement envoûtée, bouleversée. Je me suis laissée porter par le moment et ça me semblait la chose à faire. Je m'en excuse. Si tu souhaites en parler, et bien, tu as mon numéro. Si tu préfères faire ça de vive voix, je te promets qu'on fera ça dans un endroit où tu te sentiras en sécurité et où ça ne se reproduira pas. Bonne journée et félicitations pour ta dernière série. Clarke »
Je le relus plusieurs fois avant de l'envoyer. Tout ça appartenait désormais au destin et à son bonne volonté. Je repris le travail dès le lendemain, me noyant dedans. Je n'avais eu aucune nouvelle de Lexa mais je savais qu'elle avait eu plusieurs interviews, que de nouveaux projets étaient révélés, qu'elle devait voyager. Les semaines passèrent, sans aucune nouvelle. Je ne cessai de repenser à toute cette soirée : elle qui jouait avec moi, nos discussions, nos rires, et ce foutu baiser. J'avais cru voir passer quelques fois des photos où elle était en compagnie d'Anya. Dans notre ville. Toutefois, je n'avais toujours pas reçu de réponse. Près de deux mois étaient passés et je n'arrivais pas à me la sortir de la tête. Je me noyais dans le travail pour cesser de ressasser cette soirée.
J'enchaînais les contrats, les compositions pour artistes, films, séries. Je me perdais dans le travail et refusais tout ce qui n'était pas dans le domaine de la musique. Tout sauf une chose. Une invitation à une fête ou un visionnage d'une série dont j'avais fait la musique. Série dans laquelle jouait Lexa. C'était peut-être là le moyen de m'excuser en face ou d'avoir des explications. Elle était bien à cette soirée mais chaque fois que j'étais sur le point de l'atteindre, elle réussissait à disparaître de ma vue. Je sortis à un moment et la vis au loin. Elle avait les bras autour d'elle, comme si elle se tenait elle-même. Elle tremblait même. Quand elle se retourna, je compris pourquoi : elle pleurait. Elle croisa mon regard et j'en eus le coeur brisé de la voir ainsi. Je voulus m'approcher et elle secoua la tête. Elle sembla prononcer un « Je suis désolée » avant de fuir de nouveau. Je compris alors que c'était de ma faute.
Je ne restai pas plus longtemps et partis de cette soirée. Je n'étais pas dans la meilleure des tenues pour rentrer en partie à pieds mais tant pis. J'appelai le taxi de la dernière fois et lui donnai ma position. Il fut là en un temps record et sortit, l'inquiétude barrait ses traits. Je le rassurai du mieux que je le pus et il me ramena chez moi. Il m'accompagna même jusqu'à la porte pour s'assurer que j'arriverais sans mal à l'intérieur. Je lui laissai un pourboire et le remerciai pour sa gentillesse. Il semblait désolé pour moi. Je refermai, verrouillai tout et mis l'alarme. Je retrouvai mon lit mais le sommeil était bien décidé à me fuir, lui aussi.
Je me dirigeai vers le piano et me mis à jouer une nouvelle mélodie. Je la portai sur la partition avant de laisser les mots couler librement. Tout autant que mes larmes. Je ne savais même pas pourquoi je pleurais, bon sang. Quand je relus les paroles de la chanson, je restai stupéfaite. Je changeai quelques détails pour que personne ne sache que je parlais d'elle. Tous sauf elle. Une idée se mit à germer dans ma tête. J'essuyai mes joues et jouai tout en chantant. Elle était parfaite. Comme elle. Et si elle me rejetait malgré tout, et bien, je n'aurais plus qu'à accepter et à aller de l'avant, tenter de l'oublier, même si ça allait être compliqué. Je passai dans mon studio et lançai l'enregistrement de tout ça. Bien entendu, il était hors de question que je chante cette chanson moi-même mais j'avais une idée. Je savais déjà qui allait le faire pour moi. Il n'était pas signé chez moi mais je me tenais au courant de tous les artistes prometteurs. Et lui, c'était la coqueluche des réseaux ! Je m'endormis sur le canapé du studio. Au réveil, je me dirigeai vers mon bureau. Je transférai le tout sur mon ordinateur et l'écoutai. Il n'y avait rien à redire. J'appelai ensuite l'entreprise. Je tombai sur mon père.
– J'ai besoin de parler à un artiste. Ou à son agent. Peu importe. Je t'ai tout envoyé. Le son aussi. Tu le lui expédies par mail et tu lui dis de m'appeler sur mon portable. On a une discussion à avoir.
– Clarke, tout va bien ?
– On s'en fiche. Ça ne peut pas attendre. Au plus vite. Je veux cet appel dans la journée. Peu importe s'il faut retourner toutes les boîtes de prod' pour ça.
– Je m'en charge.
Je tournai en rond dans mon bureau. La matinée fut la plus longue que j'avais eu à subir. Je finis par aller au piano mais à part rejouer sans cesse la chanson, je n'étais capable de rien d'autre. Je n'eus aucune nouvelle. J'eus un appel en fin de journée alors que j'étais en train de cuisiner. Je coupai tout et courus vers mon téléphone, manquant de le faire tomber, jurant tout ce que je pouvais avant de décrocher, à bout de souffle.
– Il paraît que vous voulez mon artiste ?
– En effet.
– Il n'a pas de contrat chez vous.
– Mais il a du talent. J'ai une proposition qu'il n'a jamais eu de sa vie.; il soupira.
– Je vais écouter parce que votre entreprise a une réputation solide mais je ne promets rien.
– Attendez de savoir.
– Je suis prêt.
– Bien. Je veux qu'il chante cette chanson. Avec la même émotion ou avec sa façon de la faire passer.
– Il y a bien des conditions.
– Aucune. S'il veut signer chez moi plus tard, il sera le bienvenu, je ne force personne.
– Mais votre réputation ne fera que s'accroître.
– Non. C'est une demande privée. Je ne vais rien en tirer.
– Les droits peut-être ?
– Je ne prendrai rien. Tout lui reviendra. Je ne veux même pas que mon nom apparaisse. Je mettrai un pseudonyme. Je ne toucherai aucun cent sur cette chanson.
– C'est une blague ? Avec une chanson pareille ? Vous avez tout à perdre.; je ricanai.
– J'ai assez de contrats. Et au contraire, j'ai tout à y gagner.
– Il y a bien quelque chose.; je soupirai.
– Bon... Il se trouve que je suis amoureuse de... quelqu'un. J'ai fait en sorte que cette personne comprenne que je parle d'elle. J'ai changé les détails pour qu'on n'en apprenne rien. Je vais aller plus loin. Vous n'aurez pas à contacter les plateformes de streaming musicales ni les radios pour qu'ils diffusent cette chanson. Mon entreprise va s'en charger. Je veux qu'il soit demain au studio. J'y serai. Pas un mot sur mon identité. C'est la seule condition.
– Je n'ai jamais...
– Je n'ai pas besoin d'argent. J'ai...
– C'est d'accord.; je ne reconnus pas la voix.; J'ai tout entendu et je ne peux pas refuser. Ce sera avec plaisir. On se voit demain.
– Tu ne peux pas...
– Il n'y a pas de contrat, on va toucher tout l'argent et ça va aider ma carrière. J'ai tout à y gagner. Merci, je serai là dès l'ouverture.
Il raccrocha et je soupirai de soulagement. Je n'avais jamais aussi bien dormi depuis plusieurs jours. Je fus debout plus tôt que d'habitude et fonçai à l'entreprise. Je préparai tout au studio avant de retourner à mon bureau. Ils arrivèrent à l'heure et après quelques formalités échangées, je les menai dans la pièce où nous allions enregistrer la chanson. Je comptais bien jouer moi-même derrière pour l'aider. Jasper était avec l'agent derrière la vitre. Je jouai la musique et le chanteur s'en imprégna. Je le vis bouger au rythme des notes, sourire ou grimacer selon ce qu'il ressentait. Quand il fut prêt, il me le fit comprendre et je fis un signe à Jasper qui me confirma qu'il s'occupait de tout. Nous reprîmes et tout fut bouclé en un instant. Il avait parfaitement compris ce que je voulais faire passer. Je lui serrai la main.
– Merci.
– J'ai hâte de voir le succès de cette chanson.
– Je m'en occupe tout de suite.
– J'espère que la personne se reconnaîtra et que...
– Tu peux déjà la poster sur tous tes réseaux. Ne me cite pas. J'ai mis un pseudo dans le fichier texte.
– J'ai vu. Princess C. Pas de problème.
Dès qu'ils partirent, je me dirigeai avec la clé. Je la mis sur mon ordinateur avant d'appeler diverses radios tandis que Jasper discutait avec d'autres et que d'autres employés se chargeaient des plateformes. Quand j'eus tous les feus verts, j'envoyai la chanson partout. Je rentrai chez moi, épuisée mais l'espoir revenait. Les jours suivants, la chanson était sur tous les réseaux, toutes les plateformes et sur un grand nombre de radios. Il n'y avait plus qu'à attendre qu'elle réagisse.
Les jours passèrent. Plus de deux semaines, même. Sans aucune nouvelle. Je me perdis dans le travail. Encore mais je commençais à m'épuiser, à faire n'importe quoi et je fus presque chassée de l'entreprise et de chez moi. Mon père m'avait mise dans sa voiture et m'avait emmenée dans le chalet qui m'avait fait tant de bien. Une fois arrivée, il sortit une valise, m'accompagna jusqu'à la porte, m'embrassa le front.
– Ça va aller, ma Princesse.; je fondis en larmes dans ses bras.; Elle serait stupide de te rejeter après tout ça.; je m'écartai, presque choquée.
– Tu sais ?
– Tu ne disais rien. Tes amis étaient inquiets. On a parlé. Je sais. Repose-toi. Il y a des plats tout prêts au frigo et dans le congélateur, tu n'as plus qu'à réchauffer. Quelques jours ou semaines de repos ne te feront pas de mal.
Il n'avait pas tort. Je le regardai partir et lui fis signe avant d'entrer et de verrouiller derrière moi. Je m'installai, comme je le faisais toujours et me dirigeai vers une guitare. Ça faisait longtemps que je n'avais pas joué sur celle-ci. Je jouai tout autant certaines des musiques de films ou de séries que cette chanson. Je n'avais rien emmené et étais presque coupée de tout. Mieux valait que je m'isole. Je commençais à mieux dormir et me sentais plus reposée. Une semaine était passée quand on frappa à la porte. Je fronçai les sourcils mais me levai pour aller ouvrir.
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* « Then you walked in with those green eyes » : même si ça n'a pas l'air d'être très utile, je remets les infos tout de même ;)
Slow it down – Benson Boone – Fireworks & Rollerblades
(À savoir que sur Wattpad, il y a la possibilité d’intégrer des vidéos, ici, je n’ai pas encore exploré mais dans le pire des cas, une petite recherche sur YouTube et le tour est joué ^^)
* « Et nous discutâmes de son passé, d'où elle venait. D'une autre ville, d'un autre État, de son envie d'être sur grand écran » : c'est évidemment une référence à la chanson !
* « elle s'était sentie seule dans cette nouvelle ville » : encore une autre référence aux paroles ^^